T 0008/16 () of 16.12.2021

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2021:T000816.20211216
Date de la décision : 16 Décembre 2021
Numéro de l'affaire : T 0008/16
Numéro de la demande : 07823372.3
Classe de la CIB : H02J 3/14
H02J 13/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Procédé et système de gestion et de modulation en temps réel de consommation électrique
Nom du demandeur : Voltalis SA
Nom de l'opposant : Schneider Electric Industries SAS
Chambre : 3.5.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention R 111(2)
Mot-clé : Décision attaquée - suffisamment motivée (non)
Libellé d'une requête subsidiaire non-admise non pas à la disponibilité des parties ou de la Chambre - Impossibilité de révision jurisdictionnelle du pouvoir d'appréciation
Renvoi à la première instance
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0405/12
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La titulaire du brevet (requérante) a formé le présent recours à l'encontre de la décision de la division d'opposition de l'Office européen des brevets, postée le 29 octobre 2015, par laquelle le brevet européen n° 2047577 a été révoqué conformément aux dispositions de l'article 101(3)b) CBE.

II. Lors de la procédure orale devant la division d'opposition, celle-ci a autorisé la titulaire-requérante de déposer une nouvelle requête subsidiaire. La division d'opposition a finalement décidé, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de ne pas admettre cette requête.

Selon le dernier alinéa de la page 21 de la décision attaquée, les raisons étaient les suivantes :

« Requête introduite pendant la procédure orale du 23.09.2015

Le titulaire a introduit cette requête et a argumenté qu'elle était basée sur la requête subsidiaire 1. Outre le fait que cette requête est très tardive et relativement complexe, cette requête n'a pas de perspective de succès étant donné qu'il n'y a pas de base dans la description initiale pour l'établissement en temps réel. La division d'opposition ne l'a donc pas admise dans la procédure d'opposition conformément à l'Article 114 (1) CBE. »

Le libellé de cette requête ne se trouve pas dans le dossier électronique et il n'est ni cité dans la décision contestée ou le procès-verbal de la procédure orale, ni joint en annexe.

III. Dans une notification selon l'article 15(1) RPCR 2000, la Chambre a informé les parties de ce fait et a invité les parties à soumettre des commentaires. De plus, elle a demandé à la requérante de déposer de nouveau un exemplaire de la « requête disparue ».

IV. En réponse, la requérante a déclaré ne pas retrouver ni un exemplaire signé ni un exemplaire non-signé de la requête disparue. De plus, elle a demandé à la Chambre de bien vouloir interroger la division d'opposition afin qu'elle retrouve ce jeu subsidiaire dans son dossier.

V. Une procédure orale devant la Chambre sous forme de visioconférence, à laquelle la requérante a consenti, a eu lieu le 5 novembre 2021. Comme annoncé par lettre en date du 13 octobre 2021, ni l'intimée ni son représentant ont été présents à cette procédure orale.

Les requêtes finales des parties étaient les suivantes :

La requérante (titulaire) a demandé

à titre principal l'annulation de la décision contestée et le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition, ainsi que le remboursement de la taxe de recours, ou

à titre subsidiaire, que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit maintenu sous forme modifiée selon la requête principale déposée avec les motifs de recours, ou selon le jeu subsidiaire 1 déposé avec la lettre du 14 mai 2020, ou selon la requête subsidiaire déposée avec les motifs de recours.

L'intimée (opposante) a demandé en écrit

que le recours soit rejeté comme irrecevable, ou qu'il soit rejeté.

VI. Les libellés des revendications selon les requêtes principales et subsidiaires 1 à 5 ne sont pas pertinents pour la présente décision et ne sont par conséquent pas reproduits ici.

VII. Les arguments de la requérante qui sont pertinents pour la présente décision peuvent se résumer comme suit :

La requérante n'a pas produit d'arguments concernant la recevabilité de son recours.

L'affaire devrait être renvoyée devant la division d'opposition à cause d'un vice de procédure.

La division d'opposition a commis un vice de procédure parce que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée au sens de la règle 111(2) CBE. Le libellé de la requête déposée lors de la procédure orale ne se trouve ni dans le dossier électronique, ni joint en annexe à la décision attaquée ou au procès-verbal. Il est donc impossible de savoir sur quelle requête la division d'opposition a statué. Ceci représente un vice de procédure selon la décision T 0405/12.

VIII. Les arguments de l'intimée qui sont pertinents pour la présente décision peuvent se résumer comme suit :

Le recours est irrecevable parce que l'acte de recours ne contient pas une requête définissant l'objet du recours, comme exigé par la règle 99(1)c) CBE. En particulier, l'acte de recours n'indique pas clairement si la décision attaquée est contestée en tout ou en partie seulement, et l'étendue des questions soulevées dans la procédure de recours n'est pas définie.

La division d'opposition a pleinement motivé le rejet discrétionnaire de la « requête disparue », la jugeant très tardive, relativement complexe, et surtout sans perspective de succès.

Motifs de la décision

1. Recevabilité de recours

1.1 Le présent recours satisfait aux exigences des articles 106 et 108 CBE et de la règle 99 CBE. Il est donc recevable.

1.2 L'intimée a fait valoir que l'acte de recours ne définit pas l'objet du recours, si bien qu'il ne satisfait pas aux exigences de la règle 99(1)c) CBE. D'après l'intimée, il ne ressort pas de l'acte de recours si le recours est dirigé contre la décision contestée dans son intégralité ou seulement contre quelques parties. La requérante n'a pas produit de contre-arguments.

1.3 La Chambre n'est pas convaincue par l'argument de l'intimée. D'après la Jurisprudence des Chambres de recours, neuvième édition, juillet 2019, V.A.2.5.2 c), lorsque le titulaire d'un brevet déclare former un recours contre une décision qui se limite à la révocation du brevet, cela signifie en tout état de cause qu'il demande nécessairement l'annulation de cette décision dans son intégralité. Ces circonstances s'appliquent au cas d'espèce. L'acte de recours comporte ainsi ce que le texte de la règle 99(1)c) CBE prescrit.

2. Vice de procédure - « requête disparue »

2.1 Selon la règle 111(2) CBE, les décisions de l'Office européen des brevets contre lesquelles un recours est ouvert doivent être motivées. Ce principe garantit, entre autres, la possibilité d'un réexamen par la seconde instance, voir la Jurisprudence des Chambres de recours, neuvième édition, juillet 2019, III.K.3.4.1.

2.2 Dans l'affaire T 0405/12 la Chambre a reconnu que, pour que les exigences de la règle 111(2) CBE soient remplies, il doit ressortir d'une décision contestée sur quelle requête l'organe a statué.

2.3 La présente espèce est similaire en ce sens que le libellé de la requête que la division d'opposition n'a pas admise lors de la procédure orale (« requête disparue ») ne se trouve pas dans le dossier électronique et n'est ni cité dans la décision contestée, ni annexé à la décision ou au procès-verbal de la procédure orale.

2.4 Pour que la décision soit suffisamment motivée, elle devrait permettre à la Chambre et aux parties la révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée. Une telle révision du pouvoir d'appréciation rend nécessaire d'évaluer si les critères corrects ont été appliqués de manière raisonnable. Ceci n'est pas possible dans le cas d'espèce.

La division d'opposition n'a, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, pas admis la requête sur la base de la date de dépôt de la requête disparue pendant la procédure, de sa complexité et de l'absence de perspective de succès de celle-ci.

La Chambre et les parties peuvent vérifier avec une certitude suffisante que la requête disparue, n'ayant été déposée que lors de la procédure orale, était tardive. La requérante méconnaît le fait que l'autorisation par la division d'opposition du dépôt d'une nouvelle requête subsidiaire ne signifie pas nécessairement que celle-ci est recevable. Si la division d'opposition avait refusé d'autoriser la présentation d'une nouvelle requête ou si elle avait garanti sa recevabilité avant d'en connaître le libellé, on aurait pu le lui reprocher. La division d'opposition a manifestement agi de manière correcte à cet égard.

Il en va autrement pour les deux autres critères. La Chambre note qu'il s'agit des critères communément acceptés comme étant corrects. Or, sans connaissance du libellé de la revendication selon la requête disparue, il n'est pas possible de vérifier si les critères de la complexité et de la perspective de succès ont été appliqués de manière raisonnable.

Rien dans la décision contestée ne permet d'évaluer la complexité de la requête. En ce qui concerne l'assertion d'un manque de perspective de succès, la division d'opposition explique de manière superficielle qu'il n'y a pas de base dans la description initiale pour la caractéristique concernant un établissement en temps réel d'une coupure. Or, afin de vérifier si la reformulation de la caractéristique en question est susceptible de surmonter les objections selon l'article 123(2) CBE soulevées par la division d'opposition dans le contexte de la requête principale du 20 août 2015, il est nécessaire d'en connaître le libellé précis.

2.5 Il ressort de ce qui précède que la décision contestée n'est pas suffisamment motivée au sens de la règle 111(2) CBE.

3. Renvoi de l'affaire

3.1 La Chambre fait droit à la requête principale de la requérante concernant le renvoi de l'affaire.

3.2 La Chambre considère que, sans connaissance du libellé de la requête disparue, elle n'est pas en mesure d'effectuer une révision juridictionnelle de la décision de la division d'opposition de ne pas admettre la requête susmentionnée. Ceci ainsi que la présence d'un vice de procédure représentent des raisons particulières qui justifient le renvoi au sens de l'article 11 RPCR 2020.

3.3 Selon l'article 12(3)a) RPCR 2020, tous les documents auxquels il est fait référence - tels que la requête disparue - doivent être joints en annexe au mémoire de recours dans la mesure où il ne s'agit pas de documents déjà déposés lors de la procédure d'opposition. On ne saurait donc reprocher à la requérante de ne pas avoir déposé de son propre chef la requête disparue, car celle-ci avait déjà été déposée lors de la procédure d'opposition.

3.4 La Chambre s'est efforcée d'éviter le renvoi en demandant à la requérante de redéposer la requête disparue conformément à l'article 12(3)b) RPCR 2020.

Or, après avoir été invitée par la Chambre à le faire, la requérante a déclaré qu'elle non plus ne retrouvait aucun exemplaire signé ou non signé dans ses dossiers.

L'intimée n'a ni soumis de commentaire à ce sujet, ni indiqué à la Chambre si elle possédait toujours un exemplaire de la requête disparue. Elle n'a pas non plus participé à la procédure orale devant la Chambre et a ainsi choisi de ne pas participer aux débats.

3.5 La Chambre a également pris en considération le point 3.2.2 du mémoire de recours expliquant les modifications de la requête subsidiaire déposée au stade du recours comme suit :

« Cette requête subsidiaire est très semblable à la requête que le Titulaire requérant voulait introduire lors de la procédure orale de première instance. [À savoir la requête disparue] Elle ne diffère de cette requête que sur:

- L'ajout de l'expression « à un moment donné ».

- L'ajout de l'expression « sélective et temporaire ».

- Une mise en forme de l'étape d'établissement de la coupure qui rend la compréhension de cette étape plus

claire. »

Toutefois, il n'est pas possible de reconstruire le libellé de l'étape concernant l'établissement de la coupure selon la requête disparue sur la base de ces explications.

3.6 La requérante a demandé à plusieurs reprises à la Chambre d'interroger la division d'opposition au sujet de la requête disparue sans pour autant expliquer pourquoi, selon elle, ce serait la Chambre qui serait obligée de rechercher si la requête pourrait être retrouvée.

La Convention ne prévoit aucun moyen formel pour une chambre de recours d'interroger un organe de premier degré. Le seul moyen à la disposition de la Chambre aurait été une demande informelle auprès de la division d'opposition. Or, ce moyen aurait été ouvert également à la requérante elle-même. De plus, la requérante aurait pu déposer une requête en correction du procès-verbal attirant l'attention de la division d'opposition sur le fait que la requête disparue n'avait été jointe ni au procès-verbal, ni à la décision directement après la procédure orale au stade de l'opposition.

La Chambre ne peut que spéculer sur les motifs sous-tendant l'opinion de la requérante. Il se peut que l'intégration des chambres de recours dans la structure organisationnelle de l'Office européen des brevets ait mené à cet avis. Or, la requérante méconnaît le fait que les chambres de recours sont indépendantes des organes de l'Office. Par conséquent, il n'appartient pas à la Chambre de partir à la recherche d'une requête du fait qu'un département de l'Office a commis une erreur, compte tenu en outre du fait que la requérante déclare avoir égaré sa propre requête. Une autre possibilité serait que la requérante considère la perspective de succès d'une demande informelle initiée par la Chambre comme étant plus élevée. Or, étant donné qu'une demande initiée par la Chambre aurait le même caractère tout à fait informel, cette hypothèse n'est pas convaincante.

3.7 La Chambre note que la requérante a fait valoir que la division d'opposition a commis d'autre vices de procédure. Puisque la Chambre fait droit à la requête principale de la requérante et renvoie l'affaire pour cause de motivation insuffisante de la décision, il n'a pas été nécessaire de statuer sur les allégations d'autres vices de procédure.

4. Remarques concernant la suite de la procédure

4.1 La Chambre souhaite remarquer que les relations entre l'Office européen des brevets et les parties à la procédure sont gouvernées par le principe de bonne foi. Il n'incombe donc pas uniquement à l'Office européen des brevets, mais aussi aux parties à la procédure d'agir en bonne foi.

4.2 La requérante a correctement remarqué que la division d'opposition avait commis une erreur en ne veillant pas à ce que la requête disparue soit à la disposition de la Chambre et des parties. Or, il est clair que la requérante ne peut pas se libérer de sa propre obligation de garder dans ses dossiers un exemplaire de toute requête qu'elle compte poursuivre et informer la division d'opposition d'une irrégularité dans le procès-verbal. La requérante partage la responsabilité pour tout retard causé par le renvoi.

4.3 Il ressort des explications dans le mémoire de recours qu'au moment de la rédaction de celui-ci, la requérante était encore en possession du libellé de la requête disparue, voir les explications citées ci-dessus. Par contre, en réaction à la demande de la Chambre de la redéposer, la requérante a déclaré ne plus le retrouver. Ceci est très regrettable. Dans les circonstances de la présente affaire, si la perte de la requête disparue s'avère être irréparable après le renvoi de l'affaire, ceci ne saurait ajouter de retard additionnel à la procédure. Si cette requête n'est plus retrouvée, la requérante sera obligée de s'accommoder de cette situation, dont elle porte aussi partiellement la responsabilité.

De plus, la Chambre souhaite remarquer qu'une partie du retard de la procédure résulte de la manière dont la requérante a formulé ses requêtes. Il n'était pas clair pour la Chambre que la requérante maintenait aussi la requête disparue au stade du recours, jusqu'à ce que celle-ci explique au cours de la procédure orale qu'elle souhaitait que sa requête principale concernant le renvoi de l'affaire couvre aussi la poursuite de la requête disparue. Ceci ne ressortait pas clairement du mémoire de recours. Du point de vue de la Chambre, il n'aurait pas été justifiable d'ordonner le renvoi si, en effet, la requérante n'avait pas eu l'intention de poursuivre la requête disparue au stade du recours.

5. Remboursement de la taxe de recours

La taxe de recours est remboursée intégralement puisque la Chambre fait droit au recours, et le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaqué est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de poursuivre la procédure.

3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.

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