T 1807/15 (Procédure orale sous forme de visioconférence) of 12.3.2021

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2021:T180715.20210312
Date de la décision : 12 Mars 2021
Numéro de l'affaire : T 1807/15
Décision de la Grande Chambre des recours G 0001/21, G 0001/21, G 0001/21
Numéro de la demande : 04758381.0
Classe de la CIB : H03F 1/02
Langue de la procédure : EN
Distribution : D
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Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Andrew AG
Nom de l'opposant : Rohde & Schwarz GmbH & Co KG
Chambre : 3.5.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 112(1)(a)
European Patent Convention Art 113(1)
European Patent Convention Art 116
European Patent Convention Art 33(1)(b)
European Patent Convention Art 18(2)
European Patent Convention Art 23(4)
European Patent Convention Art 19(2)
European Patent Convention Art 164(2)
European Patent Convention R 12c(2)
European Patent Convention R 115(2)
European Patent Convention R 117
European Patent Convention R 118
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 015(3)
European Patent Convention 1973 Art 16
European Patent Convention 1973 Art 17
European Patent Convention 1973 R 71
Arts 31, 32 de la VCLT)
Art 6(1) de la Convention européenne des droits de l'homme
§ 128a ZPO (code de procédure civile allemand)
Art 8 du règlement (CE) no 861/2007
Mot-clé : saisine de la Grande Chambre de recours – question de droit d'importance fondamentale – procédure orale – format – visioconférence – droit d'être entendu dans le cadre d'une procédure orale – droit à une procédure orale en présentiel
Exergue :

La question suivante est soumise à la Grande Chambre de recours pour décision :

La tenue d'une procédure orale sous forme de visioconférence est-elle compatible avec le droit à une procédure orale, tel qu'il est ancré à l'article 116(1) CBE, si les parties à la procédure n'ont pas toutes consenti à la tenue de cette procédure orale sous forme de visioconférence ?

Décisions citées :
G 0001/97
G 0002/07
G 0003/08
G 0001/12
G 0002/12
G 0002/19
G 0003/19
T 1012/03
T 0689/05
T 0677/08
T 1500/10
T 2068/14
T 1378/16
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 2320/16
T 0405/17
T 1197/18
T 0566/22

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours de l'opposant (requérant) est dirigé contre la décision de la division d'opposition relative au maintien du brevet européen no 1 609 239 sous une forme modifiée sur la base de la requête principale présentée dans le cadre de la procédure orale du 19 mai 2015.

II. Par notification en date du 24 janvier 2020, les parties ont été citées à une procédure orale (en présentiel) prévue pour le 3 juin 2020.

III. Par courrier en date du 5 mai 2020, l'intimé (titulaire du brevet) a demandé le report de la procédure orale en raison de la pandémie de COVID-19.

IV. Par notification en date du 18 mai 2020, la Chambre a informé les parties que la procédure orale avait été reportée au 8 février 2021.

V. Par courrier en date du 8 janvier 2021, l'intimé a demandé que la procédure orale soit reportée en raison de la pandémie de COVID-19 et, en particulier, compte tenu des restrictions de déplacement en vigueur entre le Royaume-Uni et l'Allemagne. Il a souligné par ailleurs que la procédure orale concernée ne se prêtait pas à la visioconférence, en raison en particulier de la nécessité d'avoir recours à l'interprétation simultanée.

VI. En réponse à la requête de l'intimé visant à obtenir le report de la procédure orale en raison des restrictions de déplacement, les parties ont été informées par notification en date du 20 janvier 2021 que la procédure orale prévue pour le 8 février serait tenue sous forme de visioconférence.

VII. Dans une notification en date du 13 janvier 2021, le greffier de la Chambre a fourni aux parties des informations techniques concernant le système de visioconférence et a demandé aux parties de communiquer des coordonnées destinées à être utilisées pendant la visioconférence. Le requérant a répondu à cette notification par courrier en date du 20 janvier 2021. À la fin de ce courrier, le requérant a également déclaré qu'il considérait, à l'instar de l'intimé, que l'affaire ne se prêtait pas à une procédure orale tenue sous forme de visioconférence. Étant donné que ce courrier a été présenté comme une réponse à la notification du greffier relative aux questions techniques, il n'a pas été porté à l'attention de la Chambre. De plus, comme indiqué dans la notification en date du 13 janvier 2021, la partie de la réponse contenant les coordonnées, qui contenait également la déclaration susmentionnée, n'a pas été versée dans la partie publique du dossier.

VIII. Une procédure orale sous forme de visioconférence s'est tenue le 8 février 2021, autrement dit sans le consentement des parties.

IX. Pendant la procédure orale, le requérant a demandé, à titre subsidiaire, que la question suivante soit soumise à la Grande Chambre de recours : "Hiermit stellen wir den Hilfs-antrag, der Großen Beschwerdekam¬mer die Frage zur Entscheidung vorzulegen, ob eine mündliche Verhandlung nach Art. 116 EPC durch eine Videokonferenz ersetzt werden kann, wenn die Parteien dem nicht zustimmen." (Par la présente requête subsidiaire, nous demandons que soit soumise pour décision à la Grande Chambre de recours la question de savoir si une procédure orale au sens de l'article 116 CBE peut être remplacée par une visioconférence sans le consentement des parties.)

X. À l'appui de sa requête en saisine, le requérant a fait valoir que la tenue d'une procédure orale sous forme de visioconférence n'est pas conforme aux articles 116 et 113(1) CBE.

Le requérant a posé la question de droit générale consistant à savoir si la tenue d'une procédure orale sous forme de visioconférence est conforme à l'article 116(1) CBE. Faisant référence à l'article 15bis du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR), il a souligné qu'une disposition de rang inférieur du RPCR ne peut pas changer la teneur d'une disposition de rang supérieur de la CBE, en l'occurrence l'article 116 CBE. Tout changement en ce sens aurait exigé une modification de l'article 116 CBE, autrement dit une révision de la CBE par une conférence diplomatique. Le requérant a conclu que l'article 15bis RPCR était entaché d'excès de pouvoir. Le principe sous-jacent à l'article 116(1) CBE est que les parties concernées ont le droit d'être présentes physiquement dans une salle d'audience afin que les membres de la chambre puissent se faire une idée personnelle immédiate des parties plaidantes. À titre d'exemple, dans le code de procédure civile allemand (Zivilprozessordnung, ZPO), ce principe est appelé "principe d'immédiateté" ("Grundsatz der Unmittelbarkeit"). Conformément à l'article 125 CBE, il convient de tenir compte de tels principes de droit procédural généralement admis dans les États contractants. De plus, dans le cadre d'une procédure orale traditionnelle, les gestes et les expressions faciales des membres de la chambre permettent à la partie plaidante d'évaluer si son exposé a été compris. Ces impressions et ce retour d'informations immédiats sont perdus – ou du moins limités – dans le cadre d'une visioconférence, ce qui affecte donc également le droit d'être entendu. En ce qui concerne le principe de publicité de la procédure orale, le requérant a contesté le fait que le public avait dûment accès à la visioconférence, comme l'exige l'article 116 CBE.

De plus, le requérant a fait observer que le droit d'être entendu pouvait être affecté par une connexion Internet instable ou interrompue. Par ailleurs, la visioconférence n'offre que des possibilités limitées pour dessiner des croquis (généralement réalisés sur des tableaux blancs) afin d'illustrer des questions techniques complexes.

XI. Avant de se pencher sur les questions de fond de l'affaire, la Chambre a considéré qu'il était raisonnable, pour éviter tout vice de procédure, de chercher à clarifier la situation juridique en soumettant une question de droit à la Grande Chambre de recours.

XII. Par courrier en date du 8 mars 2021, le requérant a retiré la requête subsidiaire visant à soumettre une question à la Grande Chambre de recours, mais a explicitement maintenu ses autres requêtes.

XIII. Par souci d'exhaustivité, la Chambre note que, le 5 mars 2021, elle a reçu un courrier du Président de l'Institut des mandataires agréés, portant l'en-tête suivant : "Third party observations relating to EP04758381.0 (T1807/15-3.5.02)" (Observations de tiers portant sur le brevet EP04758381.0 (T1807/15-3.5.02)). Ce courrier ne peut toutefois être considéré comme constituant des observations de tiers au sens de l'article 115 CBE étant donné que les observations ne portent pas sur la brevetabilité. Comme la CBE ne contient aucune autre disposition concernant les observations de tiers, ce courrier n'a pas été pris en compte pour la présente décision.

Motifs de la décision

1. Conformément à l'article 112(1)a) CBE, afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose, la chambre de recours, soit d'office, soit à la requête de l'une des parties, saisit en cours d'instance la Grande Chambre de recours lorsqu'elle estime qu'une décision est nécessaire à ces fins.

2. Selon la jurisprudence de la Grande Chambre de recours, une question de droit revêt une importance fondamentale lorsque la réponse qui lui est apportée peut avoir des conséquences qui vont au-delà du cas concret en question et qu'elle peut devenir pertinente dans un nombre potentiellement élevé d'affaires similaires (G 1/12, point 11 des motifs).

2.1 D'après la Chambre, la question de droit soumise ci-après revêt, de toute évidence, une importance fondamentale pour un nombre indéfini d'affaires. Les procédures orales devant les chambres de recours ont commencé à être organisées sous forme de visioconférence en réponse à la pandémie de COVID-19. En 2020, les visioconférences étaient organisées uniquement avec le consentement de toutes les parties à la procédure. Cependant, le 15 décembre 2020, les informations suivantes ont été fournies sur le site Internet de l'OEB, dans un communiqué intitulé "Procédures orales devant les chambres de recours – poursuite des mesures adoptées en raison de la pandémie de coronavirus (COVID-19) et révision de la pratique relative aux procédures orales tenues par visioconférence" (cf.epo.org/law-practice/case-law-appeals/communications/2020/20201215_fr.html) : "À compter du 1er janvier 2021, les chambres de recours pourront organiser des procédures orales sous forme de visioconférence même sans l'accord des parties, comme indiqué clairement dans le nouvel article 15bis RPCR arrêté par le Conseil des chambres de recours. Étant donné que cette nouvelle disposition ne fait que clarifier une possibilité existante, les chambres de recours pourront adapter leur pratique avant l'entrée en vigueur de cet article, en renonçant à recueillir l'accord des parties concernées." L'entrée en vigueur de l'article 15bis RPCR est encore subordonnée à l'approbation du Conseil d'administration (cf. article 23(4), deuxième phrase CBE).

2.2 Par conséquent, la tenue de procédures orales sous forme de visioconférence sans le consentement des parties à la procédure pourrait constituer à l'avenir une pratique standard devant les chambres de recours, et s'applique donc à un nombre indéfini de procédures de recours dans lesquelles la citation à la procédure orale a déjà été émise ou devra être émise. De plus, d'après le communiqué susmentionné, l'organisation d'une visioconférence sans le consentement des parties concernées est considérée comme une option qui était déjà disponible dans le cadre juridique existant, autrement dit avant l'entrée en vigueur du nouvel article 15bis RPCR. À ce titre, indépendamment de la future entrée en vigueur du nouvel article 15bis RPCR, la question soumise se pose pour toutes les affaires dans lesquelles les chambres doivent statuer sur la tenue, et donc le format, de la procédure orale. La tenue d'une procédure orale dans un format juridiquement irrégulier constituerait un vice substantiel de procédure qui pourrait affecter la validité de la décision finale.

2.3 De plus, il est également nécessaire pour la présente affaire que cette question de droit soit tranchée étant donné que les parties devront être citées à une procédure orale une nouvelle fois après que la Grande Chambre de recours aura statué sur la saisine. La Chambre devra donc également décider du format de cette procédure orale. Anticipant l'éventuelle objection selon laquelle la décision d'organiser une visioconférence relève du pouvoir d'appréciation, si bien que la Chambre n'est pas obligée de choisir ce format dans la procédure en question, la Chambre fait observer que, compte tenu des précédentes objections soulevées, elle ne voit aucune raison de ne pas utiliser la visioconférence, pour autant que la Grande Chambre de recours considère que ce format est conforme à l'article 116 CBE.

2.4 Étant donné que les conclusions ci-dessus concernant la nécessité d'une saisine de la Grande Chambre de recours ne dépendent pas de la requête subsidiaire présentée par le requérant en vue d'une telle saisine, le retrait de cette requête après la procédure orale (cf. paragraphe XII. ci-dessus) est sans conséquence pour la présente décision, en particulier étant donné que le requérant n'a pas retiré son objection concernant la tenue de la procédure orale par visioconférence. La Chambre fait observer que l'intimé n'a, lui non plus, pas retiré son objection concernant la tenue de la procédure orale sous forme de visioconférence.

3. Observations concernant la formulation de la question

3.1 Pendant la procédure orale devant la Chambre, le requérant a attaqué la nature même du système d'organisation des procédures orales sous forme de visioconférence, faisant valoir que ce système n'est pas compatible avec le concept de procédure orale tel que prévu à l'article 116 CBE. De plus, le requérant s'est dit préoccupé par la pratique consistant à organiser une procédure orale sous forme de visioconférence sans le consentement des parties à la procédure.

3.2 À l'appui de son premier argument, le requérant a souligné que l'élément crucial d'une procédure orale au sens de l'article 116 CBE est la présence physique des parties à la procédure devant la chambre entière dans une salle d'audience (ce terme est utilisé ci-après indépendamment du caractère administratif ou juridictionnel de la procédure). Cette conception permet à la fois aux parties et à la chambre de se faire une idée personnelle immédiate des uns et des autres. En particulier, la partie plaidante peut apprécier directement les gestes et les expressions faciales des membres de la chambre, et mesurer si ses arguments ont été compris. En fonction de ce retour d'informations, la partie peut réagir en développant davantage son exposé oral. Le requérant a conclu que les visioconférences sont déficientes à cet égard et ne sont donc pas conformes à l'article 116 CBE.

3.3 La Chambre est d'accord avec les moyens invoqués par le requérant pour ce qui concerne la caractérisation du concept traditionnel de procédure orale. Elle considère cependant qu'il n'est pas nécessaire de chercher à clarifier si le recours à la visioconférence en général est conforme à l'article 116 CBE. Cela étant dit, il existe diverses pratiques en vigueur qu'il convient de prendre en considération. Conformément à la pratique générale appliquée par les chambres de mai 2020 à fin 2020, le consentement des parties à la procédure était recueilli, comme condition préalable à la tenue de la procédure orale sous forme de visioconférence. Pour la Chambre, il ne fait aucun doute que cette pratique est conforme à l'article 116 CBE, et ce pour les raisons exposées ci-après.

Conformément à l'article 116(1) CBE, il est recouru à la procédure orale soit d'office lorsque l'Office européen des brevets le juge utile, soit sur requête d'une partie à la procédure. Lorsqu'une procédure orale est prévue sur requête d'une partie, la partie à l'origine de la requête peut choisir ultérieurement de ne pas comparaître pour quelque raison que ce soit, par exemple en retirant sa requête tendant à recourir à la procédure orale et en se fondant sur ses écritures. Même si l'instance compétente de l'OEB juge utile de tenir une procédure orale, une partie peut tout de même choisir (pour quelque raison que ce soit) de ne pas comparaître à la procédure orale. De plus, la non-comparution à la procédure orale ne signifie pas nécessairement que la partie concernée n'obtiendra pas gain de cause. La CBE ne prévoit pas une telle sanction juridique. Au contraire, conformément à la jurisprudence établie, l'instance compétente doit prendre en considération les écritures de la partie qui ne comparaît pas, au moment de prendre sa décision finale (comme le prévoit explicitement l'article 15(3) RPCR pour les procédures de recours). Cela peut avoir des conséquences défavorables au niveau procédural, en ce qui concerne par exemple la répartition des coûts ou le remboursement de la taxe de recours (cf. T 1500/10), mais n'a aucun effet sur le principe général de l'article 116(1) CBE. Par conséquent, l'article 116(1) CBE prévoit un droit à une procédure orale que les parties à la procédure peuvent choisir d'exercer ou auquel elles peuvent renoncer.

3.4 Étant donné qu'une partie peut même renoncer à son droit à une procédure orale, il peut être conclu a fortiori que le fait de tenir une procédure orale sous forme de visioconférence est conforme à l'article 116 CBE si toutes les parties à la procédure ont consenti à ce format (argumentum a maiore ad minus). Dans ce contexte, il convient de noter que la possibilité de renoncer au droit à une audience publique prévu à l'article 6(1) de la Convention européenne des droits de l'homme est également acceptée dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (p. ex. Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, no 11855/85, paragraphe 66).

3.5 Par conséquent, la Chambre considère qu'il est approprié de restreindre la question de saisine à la situation dans laquelle les parties concernées n'ont pas donné leur consentement à une procédure orale sous forme de visioconférence. Les observations de la Chambre dans la suite de la présente décision sont basées sur cette précision, même lorsque cela n'est pas explicitement indiqué.

3.6 La question de savoir si l'organisation d'une visioconférence sans le consentement des parties est conforme à l'article 116 CBE est généralement applicable également aux procédures de première instance. À ce stade, il est fait référence en particulier aux décisions du Président de l'OEB du 10 novembre 2020 et du 17 décembre 2020 (cf. Décision du Président de l'OEB, en date du 10 novembre 2020, concernant la modification et la prolongation du projet pilote relatif à la tenue de procédures orales sous forme de visioconférence devant les divisions d'opposition, JO OEB 2020, A121 ; Décision du Président de l'OEB, en date du 17 décembre 2020, relative à la tenue de procédures orales sous forme de visioconférence devant les divisions d'examen, JO OEB 2020, A134). Conformément à ces décisions, une procédure orale peut être tenue par visioconférence devant les divisions d'examen et d'opposition même sans le consentement des parties (cf. article 2 de chaque décision). La question à soumettre n'a donc pas été limitée uniquement aux procédures orales devant les chambres de recours.

3.7 Dans ce contexte, la Chambre souhaite faire observer que c'est à dessein qu'elle n'a pas inclus la question de la compatibilité avec l'article 113(1) CBE dans la question à soumettre, car elle considère que la question de la compatibilité avec l'article 116(1) CBE prime. Selon elle, le droit prévu à l'article 113(1) CBE couvre le droit d'être entendu dans le cadre de procédures orales qui satisfont aux exigences prévues à l'article 116 CBE. La question qui se pose est donc de savoir si l'article 116 CBE prévoit des exigences quant au format de ces procédures et, dans l'affirmative, quelles sont ces exigences. Si le fait d'organiser une visioconférence sans le consentement des parties est jugé incompatible avec ces exigences, le droit d'être entendu serait vraisemblablement également enfreint, en raison des irrégularités entachant le format de la procédure. D'après la Chambre, la question de la violation du droit d'être entendu est donc liée à celle de savoir si une visioconférence satisfait aux exigences de l'article 116 CBE concernant les procédures orales. La Chambre estime qu'il est essentiel de répondre à cette question, car elle affecte les droits procéduraux fondamentaux des parties.

4. Remarques préliminaires

4.1 Concernant l'argument du requérant selon lequel le fait de tenir la procédure orale par visioconférence enfreindrait le droit d'être entendu et le droit à un procès équitable en raison du caractère instable de cette technologie, la Chambre formule les observations qui suivent.

4.1.1 Il est indéniable que l'instabilité des réseaux, en particulier, peut restreindre, voire empêcher l'accès aux plateformes de visioconférence, ce qui peut avoir pour conséquence que la transmission vidéo et audio soit insatisfaisante, voire qu'elle échoue totalement. Il semble également évident que, si cela se produit, le droit d'être entendu de la partie qui rencontre des problèmes de transmission sera éventuellement enfreint. Selon la Chambre, cela ne signifie toutefois pas que le droit d'être entendu exclut de manière générale le recours à la technologie de visioconférence. D'après ce qu'elle a pu constater, la pratique standard des chambres est de demander à toutes les parties au début de la procédure orale de signaler immédiatement tout problème de transmission afin que le président de la chambre puisse, en tant qu'il est responsable de la conduite de la procédure, prendre des mesures appropriées pour y remédier. Parmi ces mesures figurent l'interruption de la procédure orale, afin de donner à la partie concernée la possibilité de se reconnecter, ou le report de la procédure orale s'il ne peut pas être établi de connexion satisfaisante. Le fait de mener la procédure de cette manière peut donc réduire considérablement le risque de violation du droit d'être entendu. Si, en raison de problèmes techniques, le droit d'être entendu est néanmoins enfreint dans certains cas isolés, les parties à la procédure de recours peuvent soulever une objection au titre de la règle 106 CBE et présenter une requête en révision au titre de l'article 112bis(2)c) CBE. Les parties à une procédure de première instance ont la possibilité de former un recours pour vice de procédure.

4.1.2 Dans le cadre d'une procédure de première instance, le risque de violation du droit d'être entendu est atténué par une approche similaire. L'article 7 de la Décision du Président de l'OEB du 10 novembre 2020 (supra) énonce ce qui suit : "Si, au cours d'une procédure orale tenue sous forme de visioconférence, il n'est pas possible de résoudre des problèmes techniques qui empêchent la conduite de cette procédure dans des conditions conformes aux droits des parties tels qu'ils découlent des articles 113 et 116 CBE, la division d'opposition émet une nouvelle citation à une procédure orale." Une procédure similaire est prévue pour les procédures orales tenues par visioconférence devant les divisions d'examen (cf. article 4 de la Décision du Président de l'OEB du 17 décembre 2020, supra).

4.1.3 Il va de soi que le risque de violation du droit d'être entendu à cause de problèmes techniques ne peut être totalement exclu. Ce risque peut toutefois être considérablement réduit s'il est fait preuve de vigilance tout au long de la procédure. D'après la Chambre, le fait d'organiser une visioconférence à l'aide d'une technologie qui fonctionne généralement bien est compatible à la fois avec le droit d'être entendu et avec le droit à un procès équitable. C'est pourquoi la Chambre considère qu'il n'est pas approprié d'axer la question à soumettre sur le problème plus large visant à déterminer de manière générale si l'utilisation de la technologie de visioconférence pour les procédures orales est conforme à l'article 113(1) CBE.

4.2 Le requérant a également fait valoir que le principe de publicité de la procédure, tel que prévu à l'article 116(4) CBE, est incompatible avec la tenue de procédures orales sous forme de visioconférence. La Chambre n'est toutefois pas d'accord. Bien que les législateurs aient sans nul doute envisagé que des membres du public assistent aux procédures dans une salle d'audience, la finalité de ce principe est d'assurer la surveillance, par le public, de l'administration de la justice. Étant donné que l'OEB fournit les outils appropriés pour permettre au public de suivre la procédure (cf. article 5 de la Décision du président de l'OEB du 10 novembre 2020), la Chambre ne craint pas d'éventuelles violations du principe de publicité de la procédure. Il convient également de noter que l'objection du requérant selon laquelle un exposé oral pendant une visioconférence n'équivaut pas à un exposé oral lors d'une procédure en présentiel ne s'applique pas aux membres du public.

5. Interprétation du terme "procédure orale" figurant à l'article 116 CBE

5.1 Jurisprudence des chambres de recours

5.1.1 Selon la pratique établie de l'OEB, les procédures orales sont principalement tenues en présentiel, tandis que les visioconférences sont organisées uniquement sur requête d'une partie, de sorte que le sens du terme "procédure orale" n'a presque pas été débattu dans la jurisprudence. Dans la décision T 677/08, la chambre avait retenu que le droit à une procédure orale englobe également le droit de comparaître en personne devant la division d'examen afin de discuter de l'affaire (cf. point 4.3 des motifs). Le contexte de cette conclusion était toutefois que la division d'examen avait rejeté une demande de visioconférence, de sorte que le propos était de souligner qu'il n'existe aucun droit à la visioconférence et que la décision en la matière relève du pouvoir d'appréciation de la division.

Par ailleurs, la question du lieu approprié pour la tenue des procédures orales (Munich, La Haye, Haar) a été soulevée à de nombreuses reprises. À cet égard, les chambres ont retenu que le droit d'être entendu englobe également le droit de présenter des observations au lieu approprié, autrement dit le droit à la tenue de la procédure orale au lieu approprié (cf. T 1012/03, point 25 des motifs ; T 689/05, point 5.1 des motifs ; et, pour une approche différenciée, G 2/19, point C.IV.1 des motifs). Cependant, à la lecture de ces décisions, il convient de garder à l'esprit que la version révisée de la CBE n'énonce plus que la section de dépôt et la division de la recherche sont situées à La Haye, comme le prévoyaient explicitement les articles 16 et 17 de la CBE 1973. La question traitée dans ces décisions était donc de savoir si les différents lieux (concrets) prévus pour la procédure orale étaient conformes aux dispositions d'ordre géographique de la CBE. Selon la Chambre, cela ne peut toutefois pas être compris comme signifiant que les chambres jugeaient nécessaire, au regard de l'article 116 CBE, qu'il y ait une véritable salle d'audience dans laquelle les personnes sont physiquement présentes.

Dans la décision T 2068/14, la division d'examen n'a pas fait droit à la demande de visioconférence présentée par le demandeur. D'après la chambre saisie de cette affaire, on entend traditionnellement par procédure orale la présence physique d'une partie ou de son mandataire devant la chambre. La possibilité de tenir une procédure sous forme de visioconférence n'est pas expressément prévue par la CBE, son règlement d'exécution ou le RPCR, mais n'est pas non plus exclue. De plus, une visioconférence et une procédure orale au format traditionnel sont équivalentes. Concernant l'équivalence entre une visioconférence et une procédure orale traditionnelle, la chambre a énoncé ce qui suit (point 1.2.3 des motifs) : "Selon la chambre, bien qu'une visioconférence ne permette pas une communication aussi directe que la réunion en face à face dans le cadre d'une procédure orale traditionnelle, elle préserve néanmoins l'essentiel de la procédure orale puisque la chambre et les parties/mandataires peuvent s'entretenir simultanément. Ainsi, les moyens de chaque partie peuvent être présentés à la chambre en temps réel et la chambre peut poser des questions aux parties/mandataires."

Dans l'affaire T 1378/16, la chambre a tenu la procédure orale sous forme de visioconférence avec le consentement du requérant. Dans ses observations générales concernant le recours à la visioconférence, elle est parvenue à la conclusion qu'une telle procédure orale était conforme à l'article 116 CBE. Au point 1.3 des motifs, la chambre a conclu que "les procédures orales tenues par visioconférence ne sont pas exclues par la CBE et satisfont aux exigences relatives à la tenue d'une procédure orale au sens de l'article 116 CBE. La CBE exige uniquement que le caractère public de la procédure soit assuré (article 116(4) CBE). La forme dans laquelle les parties présentent oralement leurs arguments – avec ou sans présence physique – n'est pas prédéterminée par l'article 116 CBE."

5.1.2 La question de savoir si l'article 116 CBE prévoit des exigences quant au format de la procédure orale et, dans l'affirmative, quelles sont ces exigences, semble ne pas avoir été dûment clarifiée dans la jurisprudence. Selon la Chambre, le simple fait que la CBE n'a pas explicitement défini le format de la procédure orale ne signifie pas nécessairement que le terme "procédure orale" figurant à l'article 116 CBE doive être interprété si largement qu'il englobe les visioconférences (cf. point 5.4 ci-dessous).

5.2 La Grande Chambre de recours a retenu, à de nombreuses reprises, que les principes prévus aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités ("Convention de Vienne") doivent être pris en considération pour interpréter la CBE (cf. G 3/19, point XIV.1 des motifs, avec d'autres références).

5.3 Conformément à l'article 31(1) de la Convention de Vienne, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. À cet égard, l'article 32 de la Convention de Vienne prévoit la possibilité de faire appel à des moyens complémentaires d'interprétation, notamment aux travaux préparatoires du traité, lorsque l'interprétation conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable. La finalité de toute interprétation doit être de déterminer le sens véritable du terme (cf. G 3/19, point XIV.2 des motifs).

5.4 Interprétation littérale et systématique

5.4.1 Une analyse sémantique du terme "procédure orale", isolée de tout contexte, conduirait, selon la Chambre, à une interprétation très large qui engloberait également les discussions totalement informelles. Conformément aux dispositions susmentionnées de la Convention de Vienne, le terme doit toutefois être interprété dans le contexte de l'article 116 CBE et des dispositions connexes de la CBE. L'article 116 CBE lui-même définit les instances de l'OEB devant lesquelles les procédures orales ont lieu. Les tâches de ces instances sont définies de manière générale aux articles 16 à 22 CBE, puis précisées dans d'autres articles de la CBE. Il ressort de ces articles pris ensemble que l'article 116 CBE concerne les procédures administratives et juridictionnelles dans un État de droit (cf. G 3/08, point 7.2.1 des motifs). La CBE ne contient aucune disposition explicite concernant le format des procédures orales. Cela ne signifie toutefois pas, selon la Chambre, que le terme "procédure orale" figurant à l'article 116 CBE doive être interprété si largement qu'il englobe les visioconférences. Pour déterminer le sens véritable de ce terme, il convient de garder à l'esprit que lorsque la CBE a été établie, il n'existait aucune option technique adaptée permettant de remplacer correctement les procédures orales traditionnelles. Par conséquent, en l'absence de solution technique de rechange, la procédure orale a inévitablement acquis le sens de procédure en présentiel, c'est-à-dire de procédure (généralement) ouverte au public et à laquelle les parties assistent en personne dans une salle d'audience, pour présenter des arguments à l'oral devant l'instance compétente. Ainsi, le législateur de la CBE 1973 n'avait absolument aucune raison de définir plus avant le format des procédures orales, étant donné que celui-ci est précisé par le terme même de "procédure orale". D'après la Chambre, l'idée selon laquelle l'article 116 CBE ne prévoit pas de format pour les procédures orales s'appuie uniquement sur des considérations rétrospectives. La question du "format" de la procédure orale ne se pose véritablement qu'une fois disponibles les technologies susceptibles de remplacer le format traditionnel. Cette interprétation est également étayée par la formulation de la règle 71(2) CBE 1973, qui porte sur la "comparution" d'une partie citée devant l'OEB ("Si une partie régulièrement citée devant l'Office européen des brevets à une procédure orale n'a pas comparu, la procédure peut être poursuivie en son absence" (terme souligné par la Chambre)). Étant donné la technologie disponible à cette époque, la "comparution" ne peut en effet être comprise que comme la présence physique dans une pièce réelle.

5.5 Selon la Chambre, rien n'indique non plus que le sens de ce terme ait changé lorsque la CBE a été révisée en 2000. La formulation de l'article 116 CBE 1973 est restée la même, à l'exception de quelques modifications mineures d'ordre rédactionnel. Dans le texte de la règle 115(2) CBE (dont la teneur correspond à la règle 71(2) CBE 1973), il est encore question de "comparution" d'une partie citée devant l'OEB ("Si une partie régulièrement citée à une procédure orale devant l'Office européen des brevets n'a pas comparu, la procédure peut être poursuivie en son absence" (terme souligné par la Chambre)). Si les législateurs avaient souhaité envisager d'autres options techniques, une clarification à cet effet aurait probablement été ajoutée à l'article 116 CBE ou dans le règlement d'exécution. L'OEB a mis en œuvre pour la première fois le concept de procédure orale sous forme de visioconférence dès 1998, c'est-à-dire avant la Conférence diplomatique pour la révision de la CBE (cf. "Note d'information concernant les entretiens et les procédures orales à organiser sous forme de visioconférence", JO OEB 1997, 572). Par la suite, les entretiens et les procédures orales devant la division d'examen pouvaient être tenus sous forme de visioconférence sur requête du demandeur. Il ne pouvait toutefois être fait droit à une telle requête que si le demandeur soumettait une déclaration dans laquelle il renonçait à son droit à une procédure orale traditionnelle. L'OEB suggérait la formulation suivante aux demandeurs : "Le demandeur renonce par avance et de manière irrévocable à son droit à la tenue d'une procédure orale sous forme traditionnelle dans les locaux de l'OEB pour le même objet après la visioconférence demandée."

Selon la Chambre, cette note d'information de l'OEB reflète le raisonnement suivi à cette époque et à l'époque de la Conférence diplomatique tenue en 2000, à savoir que les visioconférences ne satisfaisaient pas aux exigences juridiques relatives aux procédures orales prévues à l'article 116 CBE et que les demandeurs devaient donc renoncer à leur droit à la tenue d'une procédure orale dans les locaux de l'OEB. Le fait que la formulation de l'article 116 CBE soit pour l'essentiel restée la même, alors que la question de l'utilisation de la technologie de visioconférence à l'OEB se posait de manière immédiate, peut être considéré comme un signe que le législateur de la CBE 2000 continuait d'approuver le concept de procédure orale traditionnelle.

5.6 Par souci d'exhaustivité, il convient de noter que l'OEB a maintenu jusqu'en 2006 l'obligation susmentionnée de soumettre une déclaration, ne l'abrogeant que par la note d'information intitulée "Mise à jour de la note d'information concernant les entretiens et les procédures orales à organiser sous forme de visioconférence" (JO 2006, 585), laquelle énonçait également que les "procédures orales sous forme de visioconférence sont équivalentes à celles qui sont tenues de façon traditionnelle dans les locaux de l'OEB". L'OEB a toutefois maintenu le principe selon lequel les visioconférences doivent faire l'objet d'une demande et ne peuvent donc être organisées qu'avec le consentement du demandeur.

5.7 Il ressort de cette interprétation littérale que l'article 116 CBE prévoit le droit des parties à être entendues dans le cadre d'une procédure orale en présentiel. Si cette interprétation devait être retenue, la conséquence pourrait être que la tenue d'une procédure orale sous forme de visioconférence sans le consentement des parties soit réputée non conforme à l'article 116 CBE.

5.8 Travaux préparatoires

5.8.1 Les travaux préparatoires à la CBE et les circonstances dans lesquelles la CBE a été conclue ne servent que de moyens de preuve complémentaires pour confirmer le résultat de l'interprétation ou ne sont pris en compte que lorsqu'aucun sens raisonnable ne découle de l'application de la règle d'interprétation générale (article 32 de la Convention de Vienne ; G 2/12, point V.4 des motifs).

5.8.2 La Chambre n'a relevé, dans les travaux préparatoires, aucun passage traitant explicitement de la forme dans laquelle la procédure orale doit avoir lieu, à l'exception du caractère public de la procédure orale, qui était considéré comme un sujet central. L'absence d'une telle discussion semble étayer le résultat de l'interprétation littérale et systématique selon laquelle le terme "procédure orale" était le terme juridique courant pour désigner les procédures orales (traditionnelles) en présentiel. Compte tenu de cette acception courante, il n'y avait évidemment pas besoin de fournir d'explications supplémentaires à ce sujet. Il existe toutefois des documents préparatoires qui pourraient présenter un intérêt dans ce contexte.

5.8.3 À l'origine, il existait une distinction entre les termes "audition" et "procédure orale". Les auditions étaient censées avoir lieu devant les divisions d'examen, c'est-à-dire au stade administratif, et le terme "procédure orale" était utilisé pour les procédures de recours, c'est-à-dire au stade juridictionnel (cf. observations de K. Haertel en date du 2 août 1961, "Bemerkungen zu dem ersten Arbeitsentwurf eines Abkommens über ein europäisches Patentrecht, Artikel 61 bis 90", concernant l'article 75 a ; et document de travail EFTA 4/67, points 83, 102 et 111). Par la suite, la terminologie a temporairement changé. Il était prévu un article distinct consacré aux "audiences" devant les chambres de recours, qui était fondé sur le règlement de procédure de la Cour de justice des Communautés européennes (cf. BR/59 f/70 ; BR/60 f/70) qui utilise la même expression. Cependant, ce terme a été remplacé ultérieurement par "l'expression plus générale "procédure orale"" dans l'ensemble du premier avant-projet de convention (cf. BR/84 f/71, point 34). Cette dernière expression était censée être "plus générale" étant donné qu'elle a ensuite été utilisée pour les procédures administratives et juridictionnelles.

5.8.4 Conformément aux articles 18(2) et 19(2) CBE, la procédure orale se déroule devant la division d'examen elle-même. Selon le point 42 du rapport du groupe de travail I de la conférence intergouvernementale (BR/89 f/71, annexe II), le fait d'introduire cette formulation indique clairement "qu'en cas de procédure orale (article 139), le demandeur doit toujours être entendu par la division d'examen elle-même et non par l'examinateur de cette division chargé de l'instruction de la demande" (italique ajouté par la Chambre). La même formulation a été utilisée concernant la division d'opposition dans ce qui était alors l'article 55a. Cette expression vise donc simplement à préciser qu'une procédure orale doit avoir lieu devant la division compétente, c'est-à-dire dans sa composition complète, et non uniquement devant un membre de la division chargé de la demande, tel que visé dans la phrase précédente des articles 18(2) et 19(2) CBE. Ces dispositions n'exigent donc pas explicitement que les procédures orales soient tenues sous forme de procédure en présentiel, bien qu'elles semblent être fondées sur cette conception.

5.8.5 Lors de la troisième réunion du groupe de travail "Brevets" tenue à Munich du 13 au 23 juin 1962, la question de savoir s'il convenait de rendre obligatoires les procédures orales devant la chambre de recours a été débattue. Cependant, cette idée a été écartée en raison des coûts/efforts de déplacement qui pèseraient sur les parties (cf. document IV/6514/61-F, page 71). La discussion était donc fondée sur l'idée de procédure en présentiel, sans que soit prise en compte la possibilité d'avoir recours à la visioconférence.

5.8.6 Cette conception ressort également de la suggestion d'une délégation selon laquelle le procès-verbal des procédures orales devrait contenir des précisions concernant le lieu et la date de la procédure (cf. M/PR/I, point 2343).

5.8.7 Il ressort de ce qui précède que les travaux préparatoires étayent le résultat de l'interprétation littérale.

5.9 Interprétation téléologique

5.9.1 Conformément à l'article 31(1) de la Convention de Vienne, il est toutefois également possible d'appliquer une interprétation téléologique, qui nécessiterait de déterminer la raison pour laquelle l'OEB tient des procédures orales. Ce faisant, il est important de garder à l'esprit que le droit à une procédure orale fait partie du droit d'être entendu inscrit à l'article 113(1) CBE. La finalité de ces dispositions est de garantir que les parties ont suffisamment l'occasion de présenter leurs arguments. Étant donné que les procédures au titre de la CBE sont principalement conçues comme des procédures écrites, l'article 116 CBE garantit que les parties qui ont produit des écritures ont également l'occasion de présenter leurs arguments oralement dans le cadre d'une procédure orale. Dans ce contexte, tout format de procédure orale qui peut remplir cet objectif correctement serait acceptable. Dans le cadre d'une appréciation téléologique, les visioconférences pourraient donc être considérées comme remplissant ledit objectif, à condition que l'occasion donnée aux parties de présenter leurs arguments oralement soit équivalente à celle donnée dans le cadre d'une procédure orale au format traditionnel. C'est toutefois précisément cette question qui conduit à l'objection du requérant selon laquelle le fait de présenter des arguments oralement dans une visioconférence n'offre justement pas les mêmes possibilités que dans une procédure traditionnelle. En particulier, le requérant a fait valoir que, dans le cadre d'une visioconférence, la partie plaidante ne peut pas apprécier – ou du moins pas dans la même mesure – la manière dont les membres de la chambre réagissent à ses commentaires. Dans le cadre d'une procédure orale traditionnelle, les parties plaidantes peuvent s'appuyer sur les gestes et les expressions faciales des membres de la chambre pour évaluer si leurs arguments ont été compris ou s'ils nécessitent de plus amples explications. De plus, il n'est pas possible d'expliquer un sujet technique complexe en dessinant des croquis sur un tableau blanc, comme il est courant de le faire dans une procédure orale traditionnelle. Le requérant conteste donc l'idée qu'une visioconférence serait équivalente à une procédure traditionnelle. Selon le requérant, il s'agit là d'objections fondamentales, qui, à ce titre, s'appliquent même en l'absence de problème de qualité audio ou vidéo.

5.9.2 Selon la Chambre, il est communément admis d'utiliser également l'interprétation téléologique dans le domaine du droit international afin d'aligner l'interprétation des termes sur les évolutions sociétales et les normes généralement admises dans les États contractants. À cet égard, il est fait référence, par exemple, à la Cour européenne des droits de l'homme selon laquelle la Convention européenne des droits de l'homme est "un instrument vivant à interpréter [...] à la lumière des conditions de vie actuelles" (cf. Tyrer c. Royaume-Uni, arrêt du 25 avril 1978, no 5856/72, paragraphe 31).

5.9.3 Dans la présente affaire, il n'est toutefois pas certain que cette méthode soit applicable, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, l'interprétation littérale semble donner un résultat dépourvu d'ambiguïté, si bien qu'aucune interprétation supplémentaire n'est nécessaire. Dans ce contexte, dans la décision G 1/97 (cf. point 3b), premier paragraphe des motifs), la Grande Chambre de recours a indiqué que les systèmes de codification, tels que celui de la CBE limitent les évolutions jurisprudentielles du droit amorcées par les juges : "Dans un système de codification, tel que celui de la CBE, le juge ne peut se substituer, au fur et à mesure des besoins, au législateur qui demeure la première source du droit. Certes, il peut être amené à combler des lacunes, en particulier quand il s'avère que le législateur a omis de régler certaines situations." Il convient donc de tracer une frontière entre juridictions dans leur rôle d'interprétation des textes et "juridictions faisant œuvre de législateur". Il convient également de garder à l'esprit que cette interprétation concerne les droits procéduraux fondamentaux des parties, à savoir le droit d'être entendu et le droit à un procès équitable. Il serait nécessaire de prendre des mesures législatives pour restreindre ces droits clés qui sont ancrés dans les articles de la CBE.

Deuxièmement, une autre question cruciale est de savoir si les évolutions sociétales dans les États contractants peuvent effectivement justifier d'adapter l'interprétation du terme "procédure orale". L'utilisation et l'acceptation sociale de la technologie de visioconférence ont, de toute évidence, considérablement augmenté pendant la pandémie de COVID-19. Le requérant a souligné qu'au niveau des autorités et des appareils juridictionnels des États membres, ces changements ne vont pas jusqu'à entraîner la tenue de visioconférences contre la volonté ou sans le consentement des parties à la procédure, même dans les circonstances exceptionnelles de la pandémie de COVID-19. À cet égard, il a fait référence, à titre d'exemple, au principe d'immédiateté de la procédure ("Grundsatz der Unmittelbarkeit") applicable dans la procédure civile allemande. Il convient de noter ici que l'utilisation de la technologie de visioconférence est régie par l'article 128a du code de procédure civile allemand ("Zivilprozessordnung"), qui énonce que les juridictions peuvent ordonner la tenue de procédures sous forme de visioconférence. Cependant, la juridiction elle-même doit siéger dans une salle d'audience et les parties (ou leurs mandataires) ont le droit de comparaître dans la salle d'audience (cf. Mantz/Spoenle, Corona-Pandemie: Die Verhandlung per Videokonferenz nach § 128a ZPO als Alternative zur Präsenzverhandlung, MDR 2020, 637 et s. ; avec d'autres références). Par conséquent, si une partie s'oppose à la tenue de la procédure orale par visioconférence, la juridiction ne peut pas la forcer à utiliser ce format.

S'agissant de la législation de l'Union européenne, il convient de noter ce qui suit. L'article 8 du règlement (CE) no 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges prévoit la possibilité de tenir des procédures orales sous forme de visioconférence. Ce règlement vise toutefois à simplifier la procédure pour les petits litiges dans les affaires transfrontalières (ces procédures sont essentiellement conçues comme des procédures écrites). Compte tenu de ces circonstances très particulières, cette disposition ne peut pas être considérée comme la preuve d'une large acceptation de la technologie de visioconférence pour les procédures orales (encore moins sans le consentement des parties). Au contraire, ce format est généralement considéré comme un moyen extraordinaire qui doit être expressément prévu par le législateur et doit faire l'objet de justifications supplémentaires.

5.10 Accord ultérieur ou pratique ultérieurement suivie

5.10.1 Conformément à l'article 31(3)a) et b) de la Convention de Vienne, il convient de tenir compte de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de son application, et de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité.

La Chambre n'a connaissance d'aucun accord ultérieur entre tous les États contractants qui pourrait affecter l'interprétation de l'article 116 CBE. Bien que le Conseil d'administration ait apporté des modifications aux règles 117 et 118 CBE, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021, ces modifications concernent simplement la possibilité d'exécuter une mesure d'instruction par visioconférence et ne prévoient pas la possibilité d'organiser des procédures orales sous forme de visioconférence sans le consentement des parties. Pour la Chambre, ces modifications visent simplement à mettre à profit aux fins de l'instruction les progrès enregistrés en matière de visioconférence.

Dans la communication de l'OEB du 15 décembre 2020, il a été souligné que le Conseil des chambres de recours avait arrêté un nouvel article 15bis RPCR, qui précise que les chambres de recours peuvent décider d'organiser des procédures orales sous forme de visioconférence. L'entrée en vigueur de l'article 15bis RPCR est encore subordonnée à l'approbation du Conseil d'administration (cf. article 23(4), deuxième phrase CBE). La Chambre considère donc qu'il n'est pas approprié de formuler des observations détaillées sur cette disposition. Cependant, étant donné la nature juridique du RPCR, qui est une législation secondaire fondée sur la règle 12quater(2) CBE, l'on peut douter du fait que l'approbation de cette disposition puisse réellement être interprétée comme un accord de tous les États contractants à l'égard de l'interprétation de la CBE. La question de savoir si cette mesure législative peut être considérée comme un accord entre tous les États contractants dépendrait également des votes des États.

De plus, selon la Chambre, la nouvelle pratique de l'OEB concernant la conduite des procédures orales ne peut pas être considérée comme reflétant la pratique de tous les États contractants en ce qui concerne l'interprétation de la CBE.

5.11 Interprétation dynamique

5.11.1 Dans l'avis G 3/19, la Grande Chambre de recours a présenté la méthode d'interprétation dynamique de la manière suivante : "Cette méthode d'interprétation pourrait entrer en jeu là où sont apparus des éléments, depuis la signature de la Convention, qui seraient susceptibles de justifier l'hypothèse selon laquelle l'interprétation littérale du libellé de la disposition est en contradiction avec les objectifs poursuivis par le législateur. Elle pourrait donc donner un résultat qui diverge du libellé des dispositions." (G 3/19, point XXII des motifs)

5.11.2 D'après la Chambre, cette approche signifie que les évolutions sociétales, technologiques et législatives peuvent donner lieu à une interprétation dynamique des termes. Dans la présente affaire, le terme à interpréter est "procédure orale". Selon l'analyse linguistique, ce terme désigne la procédure traditionnelle "en présentiel". Une interprétation dynamique serait donc appropriée si le sens littéral du terme était en contradiction avec les objectifs poursuivis par le législateur, l'un de ces objectifs étant incontestablement l'organisation de procédures efficaces et de haute qualité dans le cadre de la CBE. Il est indéniable que la pandémie de COVID-19 a compliqué la tenue des procédures orales, entraînant le report d'un grand nombre d'entre elles. Il reste toutefois à débattre si cela peut justifier d'interpréter le terme de manière dynamique et de restreindre les droits procéduraux. Enfin, à aucun moment l'administration de la justice ne s'est complètement arrêtée. Au contraire, un nombre important de procédures orales ont pu être tenues, une fois que les dispositions techniques et pratiques avaient été prises pour les organiser sous forme de visioconférence (avec le consentement des parties).

5.11.3 Dans l'avis G 3/19, la Grande Chambre de recours avait retenu que des mesures législatives peuvent appeler une interprétation dynamique des dispositions de la CBE. Dans cet avis, l'interprétation antérieure de l'article 53b) CBE a été abandonnée, compte tenu de l'intention législative des États contractants représentés au sein du Conseil d'administration au moment d'introduire la règle 28(2) CBE (cf. G 3/19, point XXVI.7 des motifs).

5.11.4 Avec l'entrée en vigueur du nouvel article 15bis RPCR, la question serait donc de savoir si cette nouvelle disposition pourrait justifier de réinterpréter le terme "procédure orale" figurant à l'article 116 CBE. L'intention législative derrière ce nouvel article du RPCR pourrait justifier une interprétation dynamique étant donné qu'elle est en contradiction avec la finalité initiale de l'article 116 CBE, à savoir instituer un droit de présenter oralement des arguments dans le cadre d'une procédure orale en présentiel. La question qui se pose en la matière est toutefois de savoir si une législation secondaire fondée sur la règle 12quater(2) CBE peut entraîner des restrictions des droits procéduraux inscrits dans la CBE. À cet égard, il convient de noter qu'à l'origine, le RPCR était censé réglementer les détails de la procédure suivie devant les chambres de recours, "pour autant qu'ils n'affectent pas les droits ou les obligations des parties ou de tiers [et qu'ils fassent] l'objet de dispositions faciles à réviser" (cf. BR/90 f/71, page 104 ; BR/91 f/71, point 31 ; BR/125 f/71, point 178). Il se peut que ce principe ait été modifié par la pratique législative au fil des décennies, mais la question demeure de savoir si les droits procéduraux fondamentaux peuvent être restreints par une législation secondaire. À ce sujet, le requérant a fait référence à l'article 164(2) CBE, qu'il conviendrait de considérer comme une limitation du pouvoir législatif du Conseil d'administration (cf. G 2/07, point 2.2 des motifs).

5.11.5 De plus, l'avis G 3/19 semble reposer sur un point de départ différent, étant donné que le Conseil d'administration était habilité, en vertu de l'article 33(1)b) CBE, à aligner la CBE sur la législation de l'Union européenne (cf. G 3/19, point XXV.3.2 des motifs). En l'espèce, une telle législation fait défaut. Il n'est donc pas certain que la législation secondaire puisse constituer une raison valable de procéder à une interprétation dynamique limitant des droits procéduraux ancrés dans la CBE.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Conformément à l'article 112(1)a) CBE, la question suivante est soumise à la Grande Chambre de recours pour décision :

La tenue d'une procédure orale sous forme de visioconférence est-elle compatible avec le droit à une procédure orale, tel qu'il est ancré à l'article 116(1) CBE, si les parties à la procédure n'ont pas toutes consenti à la tenue de cette procédure orale sous forme de visioconférence ?

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