T 1448/09 () of 18.2.2014

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2014:T144809.20140218
Date de la décision : 18 Fevrier 2014
Numéro de l'affaire : T 1448/09
Numéro de la demande : 03291727.0
Classe de la CIB : H01Q 15/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Antenne multisources notamment pour système à réflecteur
Nom du demandeur : Alcatel Lucent
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.4.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 108
European Patent Convention 1973 Art 113
European Patent Convention R 103(1)(a)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 11
European Patent Convention 1973 Art 113(1)
Mot-clé : Recevabilité du recours - recours suffisamment motivé (oui)
Vice substantiel de procédure - violation du droit d'être entendu (oui)
Renvoi à la première instance - (oui)
Remboursement de la taxe de recours - (oui)
Exergue :

I.

En vertu du principe de bonne foi qui doit régir les relations entre les parties à une procédure et les instances de l’OEB, le contenu d’une décision qui fait grief doit être dépourvu de toute ambiguïté susceptible d’affecter sa compréhension. Cette condition implique que, non seulement la conclusion rendue soit clairement exprimée, mais également que le raisonnement y ayant mené puisse être compris sans effort d’interprétation particulier. En effet, c'est uniquement dans les cas où ces conditions sont remplies que la requérante pourra prendre position sur les motifs invoqués. La requérante ne peut donc se voir reprocher de ne pas avoir abordé un motif de la décision dans son mémoire de recours dont on peut légitimement estimer qu’il puisse avoir fait l’objet d’un malentendu au vu des circonstances (cf. point 2.3 des motifs).

II.

Si des arguments peuvent être présentés à tout moment, y compris en l'absence d'une partie au cours d'une procédure orale, il ne saurait en être de même de faits nouveaux sur lesquels une décision reposerait. Or, même si la référence aux connaissances générales relève de l'argumentation, l'existence de celles-ci relève des faits de la cause. Ce n'est que dans les situations où des affirmations quant à l'existence des connaissances générales ne seront pas mises en doute que les faits s'y rapportant n'auront pas à être établis. Cela présuppose, cependant, que la partie à laquelle on oppose ces connaissances générales ait eu la possibilité de les contester ou, au contraire, d'en accepter le bien-fondé. Ceci requiert qu'elle ait été préalablement confrontée à leur invocation par la partie ou l'organe qui s'y réfère (cf. point 3.2 des motifs).

Décisions citées :
G 0004/92
G 0002/97
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1649/10
T 1914/12

Exposé des faits et conclusions

I. La division d'examen a rejeté la demande de brevet européen n° 03 291 727.0 aux motifs que celle-ci ne remplissait pas les conditions énoncées aux articles 84 et 56 CBE 1973. La décision a été signifiée à la demanderesse par courrier du 21 avril 2009.

II. Par courrier daté du 19 juin 2009, la requérante (la demanderesse) a formé un recours contre cette décision et, conjointement, déposé le mémoire exposant les motifs y afférents. La taxe requise a été acquittée le même jour.

La requérante a requis qu'un brevet lui soit délivré sur la base d'un jeu de revendications déposé à titre de requête principale ou, à défaut, sur la base d'un jeu de revendications déposé à titre de requête subsidiaire. Les deux jeux de revendications auxquels il était fait référence étaient joints au mémoire de recours. Ils constituent des versions modifiées de la requête faisant l'objet de la décision attaquée.

III. La requérante a également présenté, dans le mémoire de recours, un certain nombre d'arguments qui, selon elle, démontrent qu'il n'aurait pas été évident pour l'homme du métier de parvenir à l'objet revendiqué si celui-ci avait considéré le document D1 (cf. ci-dessous) comme point de départ de ses réflexions.

Le mémoire de recours ne contient, cependant, aucune argumentation expliquant en quoi le raisonnement retenu par la division d'examen, qui semble reposer sur les connaissances générales de l'homme du métier telles que, par exemple, illustrées par le document D3 (cf. ci-dessous) n'est pas correct.

IV. Dans une notification datée du 10 octobre 2013, établie conformément à l'article 15(1) du Règlement de Procédure des Chambres de Recours (RPCR), jointe à la citation à comparaître à une procédure orale, la Chambre a informé la requérante de son avis provisoire quant aux mérites du recours déposé.

Elle a notamment souligné, à titre liminaire, qu'un premier aspect dont il convenait de débattre concernait la recevabilité du recours. La chambre observait, notamment, que la requérante ne semblait pas avoir pris position sur l'objection de manque d'activité inventive élaborée sur la base des connaissances générales, telles que, par exemple, illustrées par le document D3.

La chambre constatait, en outre, que le dossier d'examen ne contenait aucune copie de ce document et que celui-ci ne semblait avoir été évoqué pour la première fois qu'au cours de la procédure orale devant la division d'examen, à laquelle la requérante n'avait pas participé. Aussi, celle-ci était-elle invitée à préciser ce qu'il en était précisément et si elle avait effectivement été préalablement informée de l'existence du document D3.

V. Dans un courrier du 13 janvier 2014, la requérante a confirmé qu'elle n'avait à aucun moment de la procédure d'examen eu connaissance du document D3 dont elle n'avait d'ailleurs jamais reçu copie.

Le 17 janvier 2014, une copie du document D3 était alors transmise par les soins de la Chambre à la requérante.

VI. La procédure orale devant la Chambre s'est tenue le 18 février 2014. Ainsi que la Chambre en avait été informée dans le courrier du 13 janvier 2014, la requérante n'était pas représentée à la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Texte applicable

Le texte révisé de la CBE est entré en vigueur le 13 décembre 2007. Il ressort des dispositions transitoires qu'un certain nombre d'articles et de règles sont applicables aux demandes de brevet européen déjà déposées à la date de leur entrée en vigueur. Dans cette décision, l'indication « 1973 », suivant l'évocation d'un article ou d'une règle, fera référence à la version antérieure de la CBE. L'absence d'indication signifiera, au contraire, qu'il est fait référence au texte tel que révisé.

2. Recevabilité du recours

2.1 Il ressort des dispositions combinées de l'article 108 CBE et de la règle 99(2) CBE qu'un recours n'est recevable que dans la mesure où celui-ci fait état des raisons pour lesquelles la décision attaquée devrait être annulée. En pratique, cela exige de la requérante que celle-ci prenne position sur chacun des motifs retenus par la division d'examen pour justifier sa décision, sauf dans les cas où les modifications apportées aux requêtes sont telles qu'il est immédiatement apparent que certains de ces motifs sont alors dénués de toute substance.

2.2 En l'espèce, la requérante se limite à présenter un certain nombre d'arguments dans le mémoire du recours selon lesquels il n'aurait pas été évident pour l'homme du métier de parvenir à l'objet revendiqué si celui-ci avait considéré D1 comme point de départ de ses réflexions. Cependant, ni les modifications apportées en tant que telles à la revendication 1 des deux requêtes présentées, ni l'argumentation soumise par la requérante ne suffisent à établir en quoi ces modifications permettraient de surmonter l'objection soulevée en vertu de l'article 56 CBE 1973 pour rejeter la demande. De même, rien dans cette argumentation n'indique en quoi le raisonnement retenu par la division d'examen, qui repose sur les connaissances générales telles que, par exemple, illustrées dans D3, n'est pas correct.

2.3 Cependant, la Chambre constate que la décision rendue par la division d'examen n'est pas exempte de certaines ambiguïtés et peut légitimement avoir conduit à une certaine confusion dans l'esprit du requérant.

En particulier, la décision attaquée comprend, en introduction de la section consacrée à l’« Exposé des faits et requêtes », la mention qui suit : « Les documents suivants sont pertinents pour la présente décision:

D1: WO 01/37373 [...]

D2: FR 2 767 970 [...] »

Cette affirmation s’avère, cependant, inconsistante avec le détail de l’argumentation développée par la division d’examen dont résulte le constat de défaut d’activité inventive de l’objet de la revendication 1 (cf. décision attaquée, section 2.1). En effet, bien que l’état de la technique le plus proche ne soit pas défini expressis verbis, l’analyse retenue semble reposer sur un point de départ constitué des connaissances générales de l’homme du métier telles que, par exemple, confirmées par un troisième document (« Antenna Handbook », Y.T. Lo, S.W. Lee, Vol. III, Chapitre 21, 1993, Éditions Nostrand Reinhold), identifié dans cette décision par la référence D3. À ce titre, la division d’examen s’est notamment efforcée, conformément à l’approche problème-solution, d’identifier les différences qui existent entre l’objet revendiqué et ces connaissances générales. Selon elle, il eut alors été évident pour l'homme du métier d'adapter un dispositif selon ces connaissances générales à la lumière de l'enseignement du document D1 et de parvenir ainsi au dispositif revendiqué.

Le paragraphe qui vient conclure cette section ajoute à la confusion, puisqu’il semble aller à l’encontre du raisonnement qui le précède. En effet, il y est stipulé que « la revendication 1 n’est pas inventive (Article 56 CBE) en vue du document D1 pris en combinaison avec les connaissances générales de l’homme du métier dans le domaine des antennes multisources à couvertures multi-spots », suggérant que l’analyse effectuée repose, au contraire, sur l’enseignement de D1 comme illustrant l’état de la technique le plus proche.

Dans la mesure où l'analyse de la division d'examen ne définit pas explicitement l'état de la technique le plus proche et que la requérante n'avait à aucun moment été informée de l'approche finalement retenue (cf. point 3 ci-dessous), elle pouvait, en toute bonne foi, être quelque peu déconcertée par l'argumentation développée dans la décision de rejet, voire même interpréter celle-ci à la lumière des échanges qui l'avaient précédée, où seuls les documents D1 et D2 avaient été évoqués.

La Chambre estime, qu'en vertu du principe de bonne foi qui doit régir les relations entre les parties à une procédure et les instances de l'OEB (cf. G 2/97, JO 1999, 123, cf. point 1 des motifs), le contenu d'une décision qui fait grief doit être dépourvu de toute ambiguïté susceptible d'affecter sa compréhension. Cette condition implique que, non seulement la conclusion rendue soit clairement exprimée, mais également que le raisonnement y ayant mené puisse être compris sans effort d'interprétation particulier. En effet, c'est uniquement dans les cas où ces conditions sont remplies que la requérante pourra prendre position sur les motifs invoqués.

En l'espèce, il en résulte que la requérante ne peut se voir reprocher de ne pas avoir abordé un motif de la décision dans son mémoire de recours dont on peut légitimement estimer qu'il puisse avoir fait l'objet d'un malentendu au vu des circonstances. La Chambre observe, en outre, que la requérante s'est bel et bien efforcée de se prononcer sur le motif du rejet tel qu'elle l'avait interprété.

2.4 Pour ces raisons, et compte tenu du fait que les autres conditions de recevabilité des articles 106 à 108 CBE et de la règle 99 CBE sont remplies, la Chambre conclut à la recevabilité du recours.

3. Vice substantiel de procédure (article 113(1) CBE 1973)

3.1 La Chambre constate que la décision de la division d'examen repose, en ce qui concerne le motif d'absence d'activité inventive, sur les connaissances générales de l'homme du métier telles qu'illustrées, par exemple, dans le document D3. Cette approche ne fut développée pour la première fois qu'au cours de la procédure orale devant la division d'examen à laquelle la demanderesse n'a pas participé. Comme elle l'a confirmé dans son courrier du 13 janvier 2013, la demanderesse n'avait jamais été confrontée, auparavant, à l'existence de ce document.

3.2 Il ressort de la décision de la Grande Chambre dans l'affaire G 4/92 (JO 1994, 149, cf. points 8 à 10 des motifs) que si des arguments peuvent être présentés à tout moment, y compris en l'absence d'une partie au cours d'une procédure orale, il ne saurait en être de même de faits nouveaux sur lesquels une décision reposerait. Or, même si la référence aux connaissances générales relève de l'argumentation, l'existence de celles-ci relève des faits de la cause. Cette existence des connaissances générales doit normalement être établie par celui qui y fait référence et donc être étayée par un ensemble de faits dont l'existence pourra être attestée par tout moyen (ouvrages standards, manuels de référence, témoignages etc.). Cela est notamment le cas toutes les fois que l'existence de ces connaissances générales est contestée par une partie à la procédure ou une instance de l'OEB (division d'examen ou d'opposition, chambre de recours). Ce n'est donc, a contrario, que dans les situations où de telles affirmations quant à l'existence des connaissances générales ne seront pas mises en doute que les faits s'y rapportant n'auront pas à être établis. Cela présuppose, cependant, que la partie à laquelle on oppose ces connaissances générales ait eu la possibilité de les contester ou, au contraire, d'en accepter le bien-fondé. Ceci requiert qu'elle ait été préalablement confrontée à leur invocation par la partie ou l'organe qui s'y réfère.

De plus, lorsque de tels moyens de preuve sont produits à l'appui des connaissances générales, que ce soit de façon spontanée ou bien parce que leur existence aura été mise en doute, la partie adverse doit avoir la possibilité, en vertu de son droit fondamental d'être entendu (article 113(1) CBE 1973), de se prononcer sur leur pertinence. Celle-ci pourra, en effet, contester la qualité des moyens de preuve et, notamment, leur capacité à attester de l'existence des connaissances générales ou l'interprétation qui en est faite. Ce droit d'être entendu est fondamental et doit être respecté en toutes circonstances, quand bien même la partie ou l'instance qui invoque ces connaissances générales serait convaincue de leur caractère indiscutable.

3.3 En l'espèce, la demanderesse n'a pris connaissance de l'invocation par la division d'examen des connaissances générales et de l'existence du document D3, produit à leur appui, qu'au moment de la signification de la décision rendue à son encontre. Cette façon de procéder constitue donc une violation du droit de la requérante d'être entendue sur la question de la pertinence du document D3 et, par extension, sur la question de l'existence des connaissances générales invoquées. Il est, à cet égard, indifférent que ces connaissances générales aient été utilisées pour justifier de l'existence de l'état de la technique le plus proche ou non, dès lors qu'elles interviennent en tant qu'élément essentiel dans l'argumentation retenue par la division d'examen à l'appui de sa décision.

3.4 Par conséquent, les conditions de l'article 113(1) CBE n'ont pas été respectées, ce qui constitue un vice substantiel de procédure.

4. Renvoi à la première instance

4.1 L’article 11 RPCR stipule que « Lorsque la procédure de première instance est entachée de vices majeurs, la chambre renvoie l’affaire à cette instance à moins que des raisons particulières ne s’y opposent. »

4.2 Compte tenu de l'existence d'un vice substantiel de procédure, il y a lieu, en application de l'article 11 RPCR, d'annuler la décision de rejet de la demande et de renvoyer l'affaire à la division d'examen afin de permettre à la requérante de faire valoir son droit d'être entendue.

5. Remboursement de la taxe de recours

5.1 En vertu des dispositions de la règle 103(1)a) CBE la taxe de recours est remboursée « [...] lorsque la chambre de recours fait droit au recours, si le recours est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure ».

5.2 En l'occurrence, le droit du déposant à être entendu n'ayant pas été respecté, et la chambre ayant décidé d'annuler la décision de rejet, il est équitable de lui rembourser la taxe de recours.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'examen pour suite à donner.

3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.

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