T 1395/07 () of 7.7.2009

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2009:T139507.20090707
Date de la décision : 07 Juillet 2009
Numéro de l'affaire : T 1395/07
Numéro de la demande : 95400694.6
Classe de la CIB : A61K 7/48
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Compositions cosmétiques ou dermatologiques contenant un alpha-hydroxyacide de l'acide salicylique et un rétinoïde
Nom du demandeur : Beiersdorf AG
Nom de l'opposant : Henkel AG & Co. KGaA
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Activité inventive (oui): - amélioration démontrée - caractéristique claire en soi dans la revendication - pas d'interprétation différente à partir de la description - solution non évidente
Exergue :

-

Décisions citées :
T 1129/97
T 1018/02
T 0190/07
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 2350/15
T 0866/16
T 1844/16
T 0030/17
T 2520/18
T 0056/21

Exposé des faits et conclusions

I. Une opposition a été formée en vue d'obtenir l'entière révocation du brevet européen nº 0 676 194 basé sur la demande européenne nº 95400694.6.

L'opposante a invoqué un défaut de nouveauté et d´activité inventive (Article 100 (a) CBE) en se basant, entre autres, sur les documents suivants:

(1) US-A-4 216 224,

(2) EP-A-0 273 202 et

(3) EP-A-0 508 324.

II. Par la décision intermédiaire signifiée par voie postale le 11 juin 2007, la division d'opposition a décidé que le brevet amendé sur la base d´un jeu de 9 revendications alors soumis comme requête subsidiaire 1 avec la lettre datée du 26 février 2007 satisfaisait aux conditions de la CBE. La revendication 1 selon cette requête s'énonçait comme suit:

"1. Composition cosmétique ou dermatologique renfermant un ou plusieurs alpha-hydroxy-acides, de l'acide salicylique ou un ester ou un mélange d'esters de cet acide et au moins un rétinoïde, caractérisée en ce qu'elle renferme:

3 à 20% en poids d' alpha-hydroxy-acides,

0,1 à 5% en poids d'acide salicylique ou 0,2 à 10% en poids d'un ester ou d'un mélange d'esters de cet acide et,

0,02 à 2% en poids d'un rétinoïde."

Selon la division d'opposition, la modification de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 alors pendante n'emportait pas d'objection au titre de l'article 123 CBE. Pour la résolution de la seule question litigieuse entre les parties, à savoir celle de l'activité inventive, les documents (2) et (3) constituaient l'état de la technique le plus proche de l'invention. Le problème technique à résoudre par l'invention était de mettre au point des compositions cosmétiques ou dermatologiques utiles pour le traitement des signes de vieillissement, de l'acné, des kératoses actiniques, des taches de vieillesse, de la peau sèche et très sèche. La solution revendiquée qui était caractérisée par l'association de trois composants particuliers dans des proportions définies, ne découlait pas de façon évidente de l'état de la technique puisque ce dernier n'incitait pas l'homme du métier à combiner précisément ces trois composants. Les compositions objet des revendications selon la requête subsidiaire 1 alors pendante impliquaient donc une activité inventive.

III. L'opposante (requérante) a introduit un recours contre cette décision en faisant valoir que l'activité inventive pouvait être évaluée en partant des documents (2) et (3) comme représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention puisque ces derniers envisageaient déjà qu'un alpha-hydroxy-acide puisse être combiné à un rétinoïde ou à l'acide salicylique en améliorant leurs effets cosmétiques ou dermatologiques. L'exemple 8 du document (3) et l'exemple 23 du document (2) divulguaient expressément une combinaison de l'acide rétinoïque et du pyruvate d'éthyle qui, bien qu'étant un alpha-céto-acide et non un alpha-hydroxy-acide, tombait néanmoins sous la revendication 1 litigieuse puisque ce céto-acide était mentionné dans la description du brevet litigieux dans la liste des alpha-hydroxy-acides. Ainsi la seule différence entre les compositions revendiquées et celles de l'état de la technique était l'addition d'un troisième composé, à savoir l'acide salicylique. Les calculs soumis par la propriétaire (intimée) avec sa lettre du 24 mars 2000 dans le but de démontrer un effet desquamant synergique sur la base des essais comparatifs décrits dans le brevet litigieux n'étaient pas scientifiquement crédibles puisque l'effet desquamant calculé pour chacun des trois composés individuels variait dans le temps de façon non linéaire. En outre, l'effet de la combinaison des trois composés ne devait pas être calculé en additionnant l'effet des trois composés individuels mais en additionnant l'effet calculé pour les combinaisons binaires alpha-hydroxy-acide/acide salicylique et alpha-hydroxy-acide/rétinoïde. Le calcul effectué ainsi sur la base des combinaisons binaires montrait que l'effet observé n'allait pas au-delà de l'effet calculé. Ainsi, aucun avantage allant au-delà du simple effet additif des trois composants ne pouvait être attribué aux compositions revendiquées. Comme chacun des trois constituants de ces compositions étaient déjà connus dans l'état de la technique pour leur effet desquamant, leur association dans le but d'obtenir un effet desquamant additif s'imposait à l'évidence à l'homme du métier. En outre, le document (1) divulguait déjà l'association rétinoïde-acide salicylique sous forme d'ester dans le traitement du psoriasis. Il était donc évident pour l'homme du métier d'améliorer l'action de cette combinaison en y ajoutant un alpha-hydroxy-acide dont l'effet positif sur l'action des rétinoïdes et de l'acide salicylique était connu des documents (2) et (3). Les compositions revendiquées n'impliquaient donc pas d'activité inventive.

IV. Selon la propriétaire (intimée), les calculs soumis avec la lettre datée du 24 mars 2000 sur la base des essais comparatifs décrits dans le brevet litigieux démontraient de façon convaincante que l'association des trois composés dans les compositions revendiquées entraînait par rapport à l'état de la technique le plus proche de l'invention illustré par les documents (2) et (3) un effet desquamant amélioré et allant au-delà d'une simple addition de l'effet de chacun des trois composés individuels. Aucun des documents cités par la requérante ne suggérait que la combinaison ternaire revendiquée permettait l'obtention d'un tel effet. Les compositions revendiquées impliquaient donc une activité inventive.

V. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

VI. L'intimée requiert que le recours soit rejeté.

VII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale tenue le 7 juillet 2009.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. La conformité des modifications avec les exigences de l'article 123 CBE ainsi que la nouveauté de l'objet des revendications ont été reconnues par la division d'opposition et n'ont pas été contestées par la requérante. La Chambre pour sa part ne voit pas de raison de remettre en question ces conclusions. Ainsi, la seule question en suspens reste celle de l'activité inventive.

Activité inventive

3. Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours de l'OEB, l'activité inventive s'apprécie de façon objective en utilisant l'approche problème-solution. Cette approche consiste à identifier d'abord l'état de la technique le plus proche, puis partant de cet état de la technique à identifier le problème technique que l'invention se propose de résoudre, à examiner ensuite si ce problème a bien été résolu par la solution revendiquée, sinon, à reformuler un problème technique moins ambitieux et, enfin, à examiner si la solution revendiquée s'imposait à l'évidence à l'homme du métier au vu de l'état de la technique pertinent.

4. Le brevet litigieux concerne des compositions cosmétiques ou dermatologiques comprenant à la fois un alpha-hydroxy-acide, un rétinoïde et de l'acide salicylique ou un de ses esters, ces compositions trouvant une application dans le traitement des signes de vieillissement, de l'acné, des kératoses actiniques, des taches de vieillesse et de la peau sèche. En accord avec les parties et la division d'opposition la Chambre considère que les documents (2) et (3) qui tous deux concernent des compositions cosmétiques destinées entre autres au traitement de l'acné et divulguent des modes de réalisation identiques, à savoir des compositions contenant un alpha-hydroxy-acide et optionnellement un rétinoïde ou de l'acide salicylique ou un de ses esters, représentent l'état de la technique le plus proche de l'invention (document (2): revendication 1, lignes 15 et revendication 3, lignes 32 à 34; page 2, lignes 42 à 44, 46, 47 et 54; document (3): colonne 11, lignes 11, 12, 16, 22, 29).

La requérante a fait valoir que l'exemple 8 du document (3) et l'exemple 23 du document (2) divulguaient expressément une combinaison de l'acide rétinoïque et du pyruvate d'éthyle qui, bien qu'étant un alpha-céto-acide et non un alpha-hydroxy-acide, tombait néanmoins sous la revendication 1 litigieuse puisque ce céto-acide était mentionné dans la description du brevet litigieux dans la liste des alpha-hydroxy-acides.

La revendication 1 en litige requiert cependant la présence d'un alpha-hydroxy-acide et non d'un céto-acide. A cet égard la revendication 1 est claire, le terme "alpha-hydroxy-acide" ne laissant subsister aucun doute quand à la structure chimique des composés qu'il définit, i.e des composés qui doivent obligatoirement présenter en position alpha de la fonction acide un groupe hydroxy. Dans ces circonstances, en vertu du principe selon lequel on ne saurait au prétexte d'interprétation dénaturer ce qui est clair -in claris non fit interpretatio-, la description du brevet litigieux ne peut pas être utilisée pour donner à ce terme clair en soi, une signification que l'homme du métier n'envisagerait de toute évidence pas, à savoir que le terme "alpha-hydroxy-acide" englobe également des composés qui ne possèdent pas en position alpha de la fonction acide de fonction hydroxy mais une fonction cétone (voir décisions T 1018/02 point 3.8 des raisons, T 190/07, point 3.4 des raisons, non publiées au JO OEB et T 1129/97, point 2.1.2 des raisons, JO OEB 2001, 273). Cet argument doit donc être rejeté, avec la conséquence que contrairement à ce que prétend la requérante, les documents (2) et (3) ne divulguent pas expressément la combinaison d'un rétinoïde et d'un alpha-hydroxy-acide.

4.1 Selon l'intimée le problème technique à résoudre par l'invention est de proposer des compositions qui engendrent une amélioration de l'effet desquamant.

4.2 La solution proposée par le brevet litigieux au problème technique défini ci-dessus est la composition selon la revendication 1, caractérisée par le fait qu'elle comprend l'association de trois composés, à savoir un alpha-hydroxy-acide, un rétinoïde et de l'acide salicylique ou un de ses esters.

4.3 Pour démontrer l'amélioration de l'effet de desquamation l'intimée a fait référence aux résultats d'essais comparatifs exposés dans le tableau à la page 8 du brevet litigieux, ainsi qu'à l'exploitation de ces résultats décrite dans la lettre datée du 24 mars 2000.

4.3.1 Dans le tableau à la page 8 du brevet litigieux la préparation ternaire I comprend les trois composés requis par la revendication 1, alors que dans les préparations binaires III, IV et V ont été omis respectivement l'hydroxy-acide, l'acide salicylique ou le rétinoïde. La préparation II concerne un placébo et ne contient donc aucun des trois composés requis par l'invention. Les résultats de ces tests montrent qu'une desquamation plus importante de la peau est observée au cours du temps lorsqu'on applique la préparation ternaire I selon l'invention (au temps T8 soit après 9 jours d'application, 81% de diminution de la couleur de la peau avec la préparation I ce qui traduit une desquamation plus importante qu'avec les préparations II à V). Ceci n'a pas été contesté par la requérante.

En outre, à partir des résultats consignés dans le tableau du brevet litigieux, l'intimée a calculé la contribution de chacun des trois composants L (hydroxy-acide), S (acide salicylique) et A (rétinoide) dans la composition ternaire (i) en standardisant les résultats observés sur ceux du placébo (préparation II) et en les comparant avec ceux des préparations binaires III, IV et V (tableau dans la lettre datée du 24 mars 2000). Par ce calcul l'intimée à montré que l'effet de desquamation de la peau observé pour la composition ternaire selon l'invention est supérieur à la simple addition des effets des trois composés pris individuellement (voir dans le tableau joint à la lettre du 24 mars 2000, par exemple au temps T5: addition des effets des composants individuels 8% calculé alors que l'effet observé est de 12%; de même au temps T6: 16,5% calculé et 29% observé et au temps T8: 26% calculé et 29% observé). Ces calculs basés sur les résultats non contestés des essais décrits dans le brevet litigieux montrent donc bien que l'effet combinatoire des trois composés requis par la revendication 1 en litige va au-delà de la simple addition des effets des trois composés individuels. Les essais comparatifs démontrent donc que la caractéristique distinguant les compositions revendiquées de celles de l'état de la technique le plus proche de l'invention, à savoir la combinaison des trois composés requis par la revendication 1 en litige entraîne une amélioration de l'effet desquamant.

4.3.2 Selon la requérante l'exploitation faite par l'intimée des résultats des essais comparatifs n'était pas scientifiquement crédible puisque l'effet desquamant calculé pour chacun des trois composés individuels variait dans le temps de façon non linéaire. Cependant, les calculs de la contribution de chacun des composés individuels ne se basent que sur les résultats des essais comparatifs du brevet litigieux, or ces résultats ne sont pas contestés par la requérante. En outre, il n'est en soit pas surprenant que l'effet desquamant d'un composé particulier puisse varier en fonction du temps d'application et que cet effet puisse ainsi augmenter de façon non-linéaire après plusieurs jours d'application. Cette argumentation de la requérante n'est donc pas fondée et doit par conséquent être rejetée.

La requérante a également prétendu que l'effet "calculé" de la combinaison des trois composés ne devait pas être calculé en additionnant l'effet des trois composés individuels mais en additionnant l'effet des combinaisons binaires alpha-hydroxy-acide/acide salicylique et alpha-hydroxy-acide/rétinoïde. Le calcul effectué ainsi sur la base des combinaisons binaires montrait que l'effet combinatoire observé n'allait pas au-delà de la somme des contributions de chacun des composés individuels. Cependant, comme l'a fait valoir l'intimée, la somme des effets des combinaisons binaires fait intervenir deux fois la contribution de l'alpha-hydroxy-acide présent dans chacune des combinaison binaires et fausse ainsi la comparaison avec l'effet observé avec la composition ternaire selon l'invention qui contient l'alpha-hydroxy-acide dans la même quantité que dans chacune des compositions binaires et non deux fois cette quantité. Cet argument doit donc également être rejeté.

4.3.3 Ainsi, au vu des résultats des essais comparatifs présentés par l'intimée, la Chambre tient pour acquis que le problème technique tel que défini ci-dessus (point 4.1) a bien été résolu par les compositions faisant l'objet de la revendication 1.

4.4 Par conséquent, la seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux au problème posé découlait de façon évidente de l´état de la technique disponible, en d'autres termes, s'il était évident pour l'homme du métier d'utiliser la combinaison d'un alpha-hydroxy-acide, d'un rétinoïde et de l'acide salicylique ou de l'un de ses esters, pour améliorer l'effet de desquamation de la peau.

4.4.1 Selon les documents (2) et (3) les alpha-hydroxy-acides améliorent les effets thérapeutiques et cosmétiques de divers composés actifs dont entre autres les rétinoïdes ou l'acide salicylique ( voir le point 4 supra; document (2), page 2, lignes 42 à 45; document (3), colonne 9, lignes 45 à 50). En suivant cet enseignement l'homme du métier aboutit donc à des compositions binaires comprenant un alpha-hydroxy-acide et le composé dont il souhaite améliorer les effets, à savoir entre autres, soit un rétinoïde, soit de l'acide salicylique. L'homme du métier ne peut cependant déduire de cet enseignement que la composition ternaire revendiquée comprenant un alpha-hydroxy-acide et à la fois un rétinoïde et de l'acide salicylique permet une amélioration de l'effet de desquamation de la peau par rapport aux compositions binaires.

L'argumentation de la requérante selon lequel l'homme du métier sachant des documents (2) et (3) qu'un alpha-hydroxy-acide améliorait les propriétés des rétinoïdes et celles de l'acide salicylique aurait combiné les trois ingrédients pour arriver ainsi aux compositions revendiquées ne peut donc reposer que sur une analyse ex post facto de l'art antérieur, à savoir une analyse faite en ayant connaissance de l'invention. Cette argumentation doit donc être rejetée.

L'enseignement des documents (2) et (3) ne conduit donc pas à la solution revendiquée par le brevet litigieux au problème de l'amélioration de l'effet de desquamation.

4.4.2 Le document (1), également cité par la requérante, décrit l'utilisation, entre autres, d'esters d'acide rétinoïque et d'alpha-hydroxy acides ou d'acide salicylique dans le traitement du psoriasis (colonne 1, lignes 27 à 30, exemples 5, 7, 8, 10, 11). Alors qu'il se pose déjà la question de savoir si le document (1) relatif au traitement du psoriasis concerne quand même le même domaine technique que le brevet litigieux, il n'est cependant pas contesté que ce document ne fait aucune allusion à un effet combinatoire dans le traitement de la desquamation de la peau d'un rétinoïde et de l'acide salicylique. De ce fait ce document ne peut suggérer à l'homme du métier même en combinaison avec l'enseignement des documents (2) et (3) la solution revendiquée au problème technique à la base du brevet contesté qui repose non seulement sur un effet combinatoire d'un rétinoïde et de l'acide salicylique mais sur un effet combinatoire allant au-delà de la simple addition des effets respectifs des trois ingrédients sur la desquamation de la peau.

4.5 Ainsi, les compositions selon la revendication 1, et pour les mêmes raisons celles selon les revendications dépendantes 2 à 6 impliquent une activité inventive (Article 56 CBE).

4.6 Les revendications 7 à 9 concernent un procédé de préparation des compositions revendiquées, leur application à titre de produit cosmétique et une méthode de traitement cosmétique les utilisant. L'objet de ces revendications implique donc une activité inventive pour les mêmes raisons que celui de la revendication 1.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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