European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2010:T106807.20100625 | ||||||||
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Date de la décision : | 25 Juin 2010 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1068/07 | ||||||||
Décision de la Grande Chambre des recours | G 0002/10 | ||||||||
Numéro de la demande : | 98920015.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | C12Q 1/68 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | THE SCRIPPS RESEARCH INSTITUTE | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.08 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Requête principale et requête subsidiaire I - élément ajouté (oui) Requêtes subsidiaires II et III disclaimer Saisine de la Grande Chambre de recours - oui |
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Exergue : |
Question soumise à la Grande Chambre de recours : "Un disclaimer enfreint-il l'article 123(2) CBE si son objet a été divulgué en tant que mode de réalisation de l'invention dans la demande telle que déposée ?". |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le demandeur (requérant) a formé un recours contre la décision de la division d'examen en date du 2 février 2007 portant rejet de la demande de brevet européen n° 98 920 015.9, publiée en tant que demande de brevet internationale WO 98/49346 (ci-après dénommée "la demande telle que déposée").
II. La décision était fondée sur une requête principale et une première requête subsidiaire. La division d'examen a considéré que ces deux requêtes ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 123(2) CBE, parce que la demande telle que déposée ne fournissait aucune base aux disclaimers introduits dans la revendication 1. Elle a estimé que ces disclaimers ne répondaient pas aux critères fixés par la Grande Chambre de recours dans sa décision G 1/03 (JO OEB 2004, 413), parce que le document de l'état de la technique D1 (WO 96/17086), qui divulguait l'objet de ces disclaimers et relevait de ce fait du même domaine technique que la demande, n'était pas étranger et éloigné de l'invention revendiquée au point de pouvoir être considéré comme une antériorisation fortuite.
III. Un acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours ont été déposés. Le requérant a demandé qu'un brevet soit délivré sur la base de la requête principale ou de la requête subsidiaire I soumises à la division d'examen.
IV. La Chambre a cité le requérant à une procédure orale et, par notification au titre de l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR) (JO OEB, supplément au Journal officiel 1/2010, 29) jointe à la citation, l'a informé de son avis provisoire et non contraignant sur les questions de fait de la procédure de recours.
V. Le requérant a répondu à la notification de la Chambre et déposé les requêtes subsidiaires II et III.
VI. La requête principale du requérant contenait 46 revendications, la revendication 1 s'énonçant comme suit :
"1. Molécule d'ADN catalytique possédant une activité endonucléase régiospécifique, spécifique pour une séquence nucléotidique définissant un site de clivage dans une séquence d'acide nucléique d'un substrat présélectionnée, ladite molécule catalytique ayant une première et une seconde régions de liaison au substrat flanquant un noyau,
ladite molécule répondant à la formule :
5' (X?R) - GGCTAGCT8ACAACGA - (X) 3'
où
chaque X est une quelconque séquence nucléotidique,
(X-R) représente la première région de liaison au substrat,
(X) représente la seconde région de liaison au substrat,
R est un nucléotide capable de former une paire de bases avec une pyrimidine dans la séquence d'acide nucléique du substrat présélectionnée,
T8 peut être remplacé par C ou A,
la première région de liaison au substrat possédant une séquence capable de se lier par appariement de bases complémentaires à une première portion de la séquence d'acide nucléique du substrat présélectionnée,
la seconde région de liaison au substrat possédant une séquence capable de se lier par appariement de bases complémentaires à une seconde portion de la séquence d'acide nucléique du substrat présélectionnée,
où la première région de liaison au substrat n'a pas la séquence 5' CTTTGGTTA 3' ni 5' CTAGTTA 3',
où la seconde région de liaison au substrat n'a pas la séquence 5' TTTTTCC 3',
et où la molécule d'ADN catalytique ne présente aucune activité endonucléase régiospécifique pour la séquence :
5' - GGAAAAAGUAACUAGAGAUGGAAG - 3' (SEQ ID NO: 135)."
Les revendications 2 à 23 avaient trait à des modes de réalisation de la revendication 1. Les revendications 24 et 25 portaient sur une composition comprenant deux ou plusieurs populations de molécules d'ADN catalytiques selon la revendication 1, chaque population de molécules d'ADN catalytiques étant capable de cliver une séquence nucléotidique différente dans un substrat (revendication 24) ou de reconnaître un substrat différent (revendication 25). Les revendications 26 à 29 portaient sur une méthode de clivage d'une molécule cible d'acide nucléique au moyen d'une molécule d'ADN catalytique selon la revendication 1. Les revendications 30 à 46 se rapportaient à une méthode pour obtenir une molécule d'ADN catalytique clivant une séquence d'acide nucléique du substrat présélectionnée dans une molécule cible d'acide nucléique, comprenant comme étapes la sélection d'une séquence d'acide nucléique du substrat d'une longueur de 10 à 26 nucléotides dans une molécule cible d'acide nucléique, et la synthèse d'une molécule d'acide désoxyribonucléique comprenant une première et une seconde régions de liaison au substrat flanquant un noyau, où la molécule répond à la formule de la revendication 1.
VII. La requête subsidiaire I du requérant était identique à la requête principale, hormis la suppression des revendications 2 et 3 de la requête principale et l'incorporation de l'objet de la revendication 2 ("R" représentant A ou G) dans la revendication 1.
VIII. Les requêtes subsidiaires II et III du requérant étaient identiques à la requête principale, à la différence que le passage "où la première région de liaison au substrat n'a pas la séquence [...] (SEQ ID NO: 135)", à la fin des revendications 1 et 30, avait été remplacé par un disclaimer s'énonçant comme suit à requête subsidiaire II :
"... avec la restriction que ladite molécule catalytique n'est pas une molécule dont les première et seconde régions de liaison peuvent se lier par appariement de bases complémentaires à un acide nucléique du substrat de formule :
5' - GGAAAAAGUAACUAGAGAUGGAAG - 3' (SEQ ID NO: 135)." ;
et comme suit à la requête subsidiaire III :
"... avec la restriction que ladite molécule catalytique n'est pas une molécule ayant une activité de clivage catalytique intermoléculaire régiospécifique du substrat :
5' - GGAAAAAGUAACUAGAGAUGGAAG - 3' (SEQ ID NO: 135)
dans les conditions suivantes : 2 mM MgCl2 ; 150 mM KCl ; pH 7,5 ; 37°C ; taux approximatif : kcat = 0,01 min-1."
IX. La procédure orale s'est déroulée le 25 juin 2010.
X. Les arguments présentés par le requérant peuvent se résumer comme suit :
Article 123(2) CBE
Requête principale et requête subsidiaire I
Les caractéristiques positives de la revendication 1, à savoir le noyau catalytique et les séquences de liaison au substrat flanquant les régions 5' et 3' de ce noyau catalytique, définissent une classe générique de molécules d'ADN catalytiques désignées par "10-23" dans la demande telle que déposée (molécules de classe A). Les séquences de liaison au substrat peuvent être toutes les séquences nucléotidiques (X-R) et (X), sauf celles mentionnées à la revendication 1 sous la forme de caractéristiques négatives. La revendication 1 exclut aussi les molécules d'ADN catalytiques ayant une activité endonucléase régiospécifique pour la séquence SEQ ID NO: 135. Ces caractéristiques négatives correspondent à celles qui définissent le prototype d'enzymes "10-23" décrites à l'exemple 5 de la demande telle que déposée, lesquelles constituent une sous-classe (molécules de sous-classe B) des molécules plus génériques de la classe A. Dans la décision attaquée, la division d'examen a estimé que la revendication 1 portait sur "les molécules de la classe A moins les molécules de la sous-classe B" et comme rien n'indiquait, dans la demande telle que déposée, qu'il faille exclure les "molécules de la sous-classe B", il a été considéré que les caractéristiques négatives de la revendication 1 étaient dénuées de fondement au titre de l'article 123(2) CBE. La division d'examen a toutefois aussi reconnu que l'exemple 6 de la demande divulguait une seconde sous-classe de molécules au sein des molécules plus génériques de la classe A, à savoir les "autres dérivés" (molécules de la sous-classe C). Il a par conséquent été reconnu que la classe A comme les sous-classes B et C étaient toutes divulguées dans la demande telle que déposée.
Selon le requérant, la revendication 1 porte sur les molécules de la sous-classe C de l'exemple 6. Les caractéristiques négatives de la revendication 1, plutôt que de se fonder sur une déclaration explicite dans la demande telle que déposée excluant les molécules de la sous-classe B, reposent sur une divulgation explicite de la sous-classe C, à savoir à la page 87, lignes 1 à 3 et 24 à 28, en liaison avec les figures 8 et 9, où il est indiqué que l'on peut obtenir d'autres dérivés (les molécules de la sous-classe C) en modifiant le substrat et les séquences de liaison au substrat du prototype de molécules "10-23" illustrées aux figures 8 et 9. Le substrat et les séquences de liaison au substrat des molécules de sous-classe C étaient donc décrits dans la demande telle que déposée à l'aide de caractéristiques qu'ils n'avaient pas, c'est-à-dire comme n'ayant ni le substrat du prototype de molécules "10-23", ni leurs séquences de liaison au substrat. Les molécules revendiquées ne sont pas du prototype "10-23", et n'ont pas la même séquence de substrat que le prototype de molécules "10-23". Elles ont une activité endonucléase régiospécifique sur une large gamme de séquences de substrat nouvelles, contrairement au prototype de molécules "10-23", actives uniquement sur la séquence de substrat SEQ ID NO: 135. Le substrat et les séquences de liaison du prototype de molécules "10-23" illustrées aux figures 8 et 9, combinés aux passages de la page 87, lignes 1 à 3 et 24 à 28 de la demande telle que déposée, fournissent un fondement explicite aux caractéristiques négatives de la revendication 1.
Un point important à noter est que toutes les molécules d'ADN catalytiques dérivées du prototype d'enzymes "10-23" divulguées à l'exemple 6 ont des séquences de liaison au substrat différentes de celles du prototype de molécules "10-23", et que les séquences de substrat sur lesquelles elles sont actives diffèrent de celles du prototype d'enzymes "10-23", comme le montre, par exemple, le tableau 4 de l'exemple 6. La séquence de substrat du prototype d'enzymes "10-23" est divulguée à l'exemple 5 et représentée aux figures 8 et 9. C'est la seule séquence de substrat utilisée à l'exemple 5 pour illustrer la réaction de clivage intermoléculaire du prototype de molécules "10-23". Cet exemple ne fait référence à aucune autre séquence de substrat pour le prototype d'enzymes "10-23". Toutes les références de l'exemple 5 à d'autres séquences cibles et à des changements et modifications des séquences nucléotidiques initiales du substrat, concernent exclusivement la réaction d'auto-clivage et la méthode divulguée dans la demande telle que déposée pour générer et isoler (par amplifications successives) certains clones adéquats de molécules d'ADN catalytiques, tels que le prototype de molécules "10-23" citées à titre d'exemple - comme le montre le tableau 3.
En résumé, le passage de la page 87, lignes 24 à 28 de la demande telle que déposée définit un sous-groupe de variantes du prototype de molécules "10-23" (molécules de sous-classe C). À la lumière de l'exemple 6 dans son ensemble, ce passage enseigne clairement et sans ambiguïté de modifier les séquences de liaison au substrat de l'enzyme par rapport à celles du prototype de molécule "10-23", afin de cliver des substrats différents de celui du prototype "10-23". Ce passage enseigne un procédé pour produire des molécules d'ADN catalytiques actives sur des séquences de substrat différentes de la séquence du prototype "10-23", en modifiant de façon complémentaire les séquences de liaison au substrat du prototype d'enzyme "10-23". Ce procédé débouche inéluctablement sur un sous-groupe ou une sous-classe générique de molécules d'ADN catalytiques qui diffèrent du prototype d'enzymes "10-23" par leurs séquences de liaison au substrat et par le substrat qu'elles sont capables de cliver, c'est-à-dire par l'objet de la revendication 1.
D'après la jurisprudence constante, divulguer un procédé conduisant inévitablement à un produit non décrit explicitement en tant que tel, a pour effet de divulguer aussi ce produit. Aux fins de l'article 123(2) CBE, il est acceptable de modifier une revendication par insertion d'une caractéristique qui était implicitement divulguée, à condition que la divulgation implicite découle clairement et sans ambiguïté de la divulgation explicite. Les molécules d'ADN catalytiques revendiquées dans la requête principale et dans la requête subsidiaire I sont divulguées comme une conséquence implicite de la divulgation explicite du passage figurant à la page 87, lignes 24 à 28 de la demande telle que déposée. Il est donc satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE.
Requêtes subsidiaires II et III
Dans ces deux requêtes, le disclaimer définit les molécules catalytiques ayant la structure du prototype de molécules "10-23" divulguées comme mode de réalisation de l'invention à l'exemple 5 et aux figures 8 et 9 de la demande telle que déposée. Un tel disclaimer est admissible si l'on suit l'approche des décisions T 1107/06 du 3 décembre 2008 et T 1139/00 du 10 février 2005, selon laquelle les critères fixés dans la décision G 1/03 (cf. supra) ne s'appliquent pas lorsque l'objet à exclure était divulgué à l'origine en tant que mode de réalisation de l'invention. Toutefois, si la Chambre veut suivre l'approche adoptée notamment dans la décision T 1050/99 du 25 janvier 2005, qui considérait comme non divulgués, conformément à la décision G 1/03 (cf. supra), les disclaimers fondés sur des modes de réalisation divulgués dans la demande initiale en tant que partie intégrante de l'invention, l'attention de la Chambre est attirée sur la décision G 1/07 du 15 février 2010 de la Grande Chambre de recours (à paraître au JO OEB), qui reconnaît l'existence de divergences dans la jurisprudence relative aux disclaimers en ce qui concerne les modes de réalisation divulgués (cf. point 4.2.3 des motifs). À la lumière de ces arguments, il est demandé de saisir la Grande Chambre de recours avant qu'une décision défavorable au requérant ne soit rendue. Le requérant propose que la question soit posée en ces termes :
"1. La modification d'une revendication par l'introduction d'un disclaimer est-elle inadmissible au titre de l'article 123(2) CBE au seul motif que l'objet que ce disclaimer exclut de l'étendue de la revendication est divulgué en termes positifs dans la demande telle que déposée ?"
XI. Le requérant (demandeur) a demandé que la décision attaquée soit annulée et qu'un brevet soit délivré sur la base soit de la requête principale déposée le 30 mai 2005, soit de la requête subsidiaire I déposée le 19 décembre 2006, soit des requêtes subsidiaires II ou III déposées le 25 mai 2010, ou que la Grande Chambre de recours soit saisie de la question soumise lors de la procédure orale.
Motifs de la décision
Article 123(2) CBE
Requête principale et requête subsidiaire I
. À la revendication 1 de ces deux requêtes, la molécule d'ADN catalytique est caractérisée par plusieurs caractéristiques positives, puis limitée par trois caractéristiques négatives ("où [...] n'a pas [...]" ; cf. points VI et VII ci-dessus). Pour ces dernières, la division d'examen n'a trouvé aucun fondement explicite ou implicite dans la demande telle que déposée. Elle a estimé par ailleurs que, considérées comme disclaimers, ces caractéristiques ne pouvaient être admises, parce qu'elles n'étaient pas conformes aux critères fixés dans la décision G 1/03 (cf. supra). La demande a donc été rejetée au titre de l'article 123(2) CBE (cf. point II ci-dessus).
2. Le requérant allègue que cette décision est erronée. Selon lui, l'objet de la revendication 1 est divulgué en tant que tel dans la demande telle que déposée, y compris les caractéristiques négatives qui, même si elles ne sont pas divulguées de façon explicite, découlent implicitement et sans ambiguïté de la divulgation d'origine, notamment de la page 87, lignes 1 à 3 et 24 à 28, exemple 6 et figures 8 et 9 (cf. point X ci-dessus).
3. L'exemple 6 de la demande telle que déposée, avec pour titre "Préparation d'une enzyme active sur un substrat universel", commence par une référence à la divulgation "qui précède", montrant qu'il est possible de préparer une enzyme capable de cliver par catalyse des acides nucléiques cibles ayant des séquences présélectionnées, et se termine par l'énoncé "en outre, on constate que le substrat peut être modifié et qu'une enzyme capable de cliver ce substrat peut être préparée " (cf. page 86, lignes 5 à 13).
4. Le premier paragraphe de la page 87 indique que "la description ci-après porte sur la préparation d'enzymes améliorées basées sur les motifs "10-23" et "8-17" décrits plus haut. Ces enzymes améliorées sont des enzymes génériques capables de cliver n'importe quelle séquence cible présélectionnée, et cette spécificité cible dépend uniquement de la séquence des régions de liaison au substrat de l'enzyme, comme il est décrit ici plus en détail". L'expression "n'importe quelle séquence cible présélectionnée" montre la large portée de l'exemple, et il ne fait aucun doute qu'elle englobe (c'est-à-dire qu'elle n'exclut pas) la séquence cible ou la molécule du substrat sélectionnée à l'exemple 5 pour générer et isoler (par auto-clivage intramoléculaire) le prototype de motif "10-23", et pour mesurer (par réaction de clivage intermoléculaire) son activité enzymatique, comme le montrent les figures 8 et 9 de la demande telle que déposée.
5. À la page 87, après les références à l'exemple 5, au mécanisme de clivage du prototype de motif "10-23", et aux produits de clivage en résultant, il est indiqué, aux lignes 24 à 28, que "pour les enzymes des motifs 8-17 et 10-23, la séquence du substrat peut être modifiée sans perte d'activité catalytique, à condition que les bras de liaison au substrat de l'enzyme soient modifiés de façon complémentaire" (l'enzyme de motif "8-17" étant une autre molécule spécifique d'ADN catalytique isolée à l'exemple 5).
6. Le requérant cite en quelque sorte ce passage de la description comme un fondement positif pour les caractéristiques négatives qui servent à limiter la définition de la molécule d'ADN catalytique revendiquée. Dans l'optique du requérant, modifier le substrat de l'enzyme de motif "10-23" revient à exclure de la portée de la protection les bras spécifiques de liaison au substrat ainsi que la séquence de substrat spécifique de la molécule prototypique illustrés aux figures 8 et 9. Cette exclusion correspond aux trois caractéristiques négatives de la revendication 1. Ce point de vue est soi-disant encore corroboré par le fait que toutes les enzymes dérivées du prototype "10-23" divulguées à l'exemple 6 (cf. tableau 4), qui ont un substrat différent de celui du prototype "10-23", ont aussi des bras qui diffèrent de ceux dudit prototype. Dans ces conditions, le requérant estime que le produit de la revendication 1 est la conséquence implicite de la divulgation explicite, et qu'il n'y a donc pas d'enfreinte à l'article 123(2) CBE.
7. La Chambre ne peut se rallier au raisonnement du requérant. Aucun substrat spécifique n'est divulgué explicitement dans le passage auquel renvoie le requérant, pas plus qu'il n'y est établi de lien avec le substrat illustré concrètement aux figures 8 et 9. On ne trouve pas non plus de limitation ou de restriction quant à la nature et au type de modifications susceptibles d'être introduites dans le substrat ou, de façon complémentaire, dans les bras de liaison au substrat du prototype d'enzyme de motif "10-23". Il faut donc considérer que le passage en question se rapporte à un groupe générique de molécules d'ADN catalytiques dérivées du prototype d'enzyme de motif "10-23". En outre, la Chambre estime que ce passage doit également être compris dans le contexte et à la lumière des informations et de l'enseignement de l'exemple 5, auquel l'exemple 6 fait référence.
8. Dans l'exemple 5, la réaction initiale d'auto-clivage utilisée pour générer et isoler le prototype d'enzyme de motif "10-23" devient par la suite une réaction de clivage intermoléculaire (par division de l'enzyme et des domaines du substrat en molécules séparées), et bien que pour cette réaction, le substrat spécifique cité à titre d'exemple pour l'enzyme de motif "10-23" soit uniquement celui des figures 8 et 9 (cf. de la page 84, ligne 2, à la page 86, ligne 2), cet exemple envisage aussi explicitement l'utilisation d'autres substrats. Dans la réaction d'auto-clivage, la séquence cible (12 nucléotides hautement conservés au sein de la région U5 LTR de l'ARN du VIH-1) est en fait encastrée dans une séquence de substrat plus longue qui, comme l'indique explicitement l'exemple 5, peut éventuellement être modifiée. En réalité, la séquence de substrat citée en exemple est dérivée de la séquence donnée à l'origine (SEQ ID NO: 50) par adjonction d'un résidu dA supplémentaire (cf. page 75, de la ligne 24 à la page 76, ligne 10).Des modifications similaires, "portant par exemple sur la longueur, la séquence nucléotidique, le type d'acide nucléique, etc." sont également abordées d'une manière générale à l'exemple 5, quoique uniquement dans le contexte des réactions d'auto-clivage pour générer des molécules d'ADN enzymatiques dotées d'autres spécificités (cf. page 83, lignes 2 à 24).
9. En l'absence d'indication explicite à l'exemple 5, on pourrait argumenter que l'homme du métier serait susceptible d'envisager, de comprendre ou de considérer certaines de ces séquences du substrat comme des substrats pouvant également convenir pour le prototype d'enzyme de motif "10-23" dans une réaction de clivage intermoléculaire, la figure 8 plaidant en faveur d'une telle interprétation, puisqu'elle suggère qu'il existe une certaine souplesse dans l'interaction entre le substrat et les bras de liaison au substrat via l'appariement classique de Watson-Crick. Il ne fait en tout cas aucun doute que tous les changements et modifications de la séquence du substrat selon l'exemple 5 peuvent aussi être envisagés ou compris dans le passage précité, sur lequel le requérant entend fonder l'objet revendiqué.
10. Par conséquent, la Chambre estime que la divulgation du passage en question englobe les modifications et changements dans le substrat du prototype d'enzyme de motif "10-23", susceptibles de ne nécessiter aucun changement complémentaire dans les deux bras de liaison au substrat (lorsque, par exemple, on raccourcit l'extrémité 3' ou que l'on allonge l'extrémité 5' et/ou 3' du substrat, lorsque l'on change le type d'un acide nucléique, etc.), ou du moins dans l'un des deux. Des modifications ou changements plus importants du substrat pourraient certainement nécessiter des changements complémentaires importants dans les deux bras de liaison au substrat, ou du moins dans l'un des deux. Tous ces changements, et par conséquent tous les (sous)-groupes de molécules d'ADN catalytiques en résultant, sont implicites dans la divulgation générique sur laquelle se fonde le requérant.
11. Par conséquent, l'utilisation de caractéristiques négatives pour exclure de l'étendue de la protection de la revendication 1 les (premier et second) bras spécifiques de liaison au substrat ainsi que la séquence de substrat spécifique du prototype de motif "10-23" (figures 8 et 9), équivaut à opérer une sélection parmi la gamme plus large de changements proposés à l'exemple 6, notamment à la page 87, lignes 24 à 28. Cette sélection n'a pas de fondement direct et non ambigu dans la demande telle que déposée. La revendication 1 des deux requêtes examinées enfreint donc l'article 123(2) CBE, et il ne saurait être fait droit ni à la requête principale, ni à la requête subsidiaire I.
Requêtes subsidiaires II et III
12. Dans ces ceux requêtes, les caractéristiques négatives qui caractérisaient la revendication 1 des requêtes précédentes ont été remplacées par un disclaimer (cf. point VIII ci-dessus).
13. Le requérant fait valoir que, dans les deux cas, le disclaimer est conforme aux exigences de l'article 123(2) CBE si l'on suit par exemple l'approche adoptée dans la décision T 1107/06 (supra), selon laquelle un disclaimer n'est pas contraire à l'article 123(2) CBE si son objet est divulgué en tant que mode de réalisation de l'invention dans la demande telle que déposée.
14. En effet, dans les deux requêtes considérées, l'objet du disclaimer est divulgué en tant que mode de réalisation de l'invention, car i) une molécule catalytique "dont les première et seconde régions de liaison peuvent se lier par appariement de bases complémentaires à un acide nucléique du substrat de formule
5' - GGAAAAAGUAACUAGAGAUGGAAG - 3' (SEQ ID NO: 135)" (cf. requête subsidiaire II) est décrite notamment à la page 85, lignes 2 à 26, et à la figure 9 de la demande telle que déposée ;
et ii) une molécule catalytique ayant une activité de clivage catalytique intermoléculaire régiospécifique du substrat
5' - GGAAAAAGUAACUAGAGAUGGAAG - 3' (SEQ ID NO: 135) dans les conditions suivantes : 2 mM MgCl2 ; 150 mM KCl ; pH = 7,5 ; 37°C ; taux approximatif :
kcat = 0,01 min-1." (cf. requête subsidiaire III), est décrite notamment à la page 87, lignes 13 à 18, et à la figure 9 de la demande telle que déposée.
15. Comme indiqué au point 4.2.3 de la décision G 1/07 (supra), suivant en cela les décisions G 1/03 (supra) et G 2/03 (JO OEB 2004, 448) qui portaient sur la problématique des disclaimers dits "non divulgués", des avis divergents ont été émis dans la jurisprudence des chambres de recours quant à la question de savoir si les conclusions desdites décisions se rapportent aussi à l'exclusion par disclaimer de modes de réalisation qui étaient divulgués dans la demande telle que déposée en tant que partie intégrante de l'invention. D'une part, en appliquant la notion de "disclaimer non divulgué", une série de décisions ont rejeté les disclaimers basés sur de tels modes de réalisation (cf. notamment T 1050/99 (supra) et T 795/05 du 13 décembre 2007), approche retenue dans les Directives relatives à l'examen d'avril 2010 (C-III-16, point 4.20). D'autre part, les décisions T 1107/06 (supra) et T 1139/00 (supra) sont parties du principe selon lequel les critères fixés dans les décisions G 1/03 et G 2/03 (supra) ne s'appliquent pas et que, par conséquent, un disclaimer peut être admis sur la base de modes de réalisation ainsi "divulgués".
16. Dans la présente espèce, tout dépend de savoir laquelle des deux approches est suivie. Dans le premier cas, les requêtes subsidiaires II et III devraient être rejetées au titre de l'article 123(2) CBE, et il ne pourrait donc être fait droit au recours. Dans le second cas, ces requêtes n'enfreindraient pas l'article 123(2) CBE, et la décision attaquée pourrait être annulée.
17. Étant donné ce qui précède et à la lumière de l'article 112(1)a) CBE ainsi que de l'article 22 RPCR, et compte tenu de la demande expresse du requérant, la Chambre juge approprié de saisir la Grande Chambre de recours.
18. Une question a été proposée à ce sujet par le requérant (cf. point X, dernier paragraphe, ci-dessus), mais pour simplifier la formulation, la Chambre préfère soumettre d'office la question de droit posée dans le dispositif.
19. La question en suspens ayant déjà été traitée de façon approfondie du point de vue juridique dans la jurisprudence des chambres de recours, la Chambre ne juge pas nécessaire de procéder à une analyse plus détaillée à l'intention de la Grande Chambre de recours.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
La question suivante est soumise d'office à la Grande Chambre de recours :
"Un disclaimer enfreint-il l'article 123(2) CBE si son objet a été divulgué en tant que mode de réalisation de l'invention dans la demande telle que déposée ?".