T 0284/01 () of 15.11.2006

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2006:T028401.20061115
Date de la décision : 15 Novembre 2006
Numéro de l'affaire : T 0284/01
Numéro de la demande : 95400980.9
Classe de la CIB : A61K 7/13
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine, la 2-méthylrésorcine et le 3-aminophénol, et procédé de teinture utilisant une telle composition
Nom du demandeur : L'ORÉAL
Nom de l'opposant : Henkel KGaA
Bristol-Myers Squibb Company
KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
Wella AG
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 111(1)
Mot-clé : Nouveauté (oui) : usages antérieurs - lacunes dans l'administration de la preuve - combinaison non divulguée
Activité inventive (non) : effets non crédibles - erreur dans les essais comparatifs - réformulation du problème technique - alternative - choix arbitraire
Renvoi à la première instance (non) : pouvoir discrétionaire de la chambre
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0279/89
T 0097/94
T 0198/94
T 0750/94
T 0055/01
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La mention de la délivrance du brevet européen nº 686 389 basé sur la demande de brevet européen nº 95400980.0, déposée le 28 avril 1995 et revendiquant la priorité de la demande FR 9406900 en date du 6 juin 1994, a été publiée le 4 septembre 1996. La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit :

"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, du type comprenant, dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un précurseur de colorant d'oxydation et au moins un coupleur, caractérisée par le fait qu'elle contient, à titre de précurseur de colorant d'oxydation, de la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et à titre de coupleur, une association de 2-méthyl résorcine et de 3-amino phénol, ou les sels d'addition de ces différents composés avec un acide".

II. Quatre oppositions ont été formées en vue d'obtenir la révocation du brevet en sa totalité.

Les opposantes 1 à 4 (respectivement intimées 1 à 4) ont invoqué un manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE) en se basant, entre autres, sur le document suivant :

(1) EP-A-0 400 330.

L'intimée 4 a également invoqué des usages antérieurs publics des compositions revendiquées avant la date de priorité du brevet litigieux en se fondant, entre autres, sur les documents suivants :

(B1a) Formulation 7231600030 pour le produit Koleston 2000 Nuance 8/0,

(B1b) Formulation 7231900090 pour le produit Koleston 2000 Nuance 5/1,

(B1c) Formulation 7266346020 pour le produit Color Perfect Very Light Blonde,

(B5), (B10) et (B13) Copies de factures de produits Koleston 2000,

(B6a) Facsimilé daté du 6 décembre 1996 de la société Wella Manufacturing of Virginia à M. Balzer,

(B8a) Extrait d'un registre de production de Koleston 2000 Nuance 8/0,

(B8b) Extrait d'un registre de production de Koleston 2000 Nuance 5/1 et

(B11a) Facsimilé daté du 3 septembre 1998 de la société Wella Manufacturing of Virginia à M. Rau.

III. Par la décision signifiée par voie postale le 19 janvier 2001, la division d'opposition a révoqué le brevet.

Selon la division d'opposition l'examen des éléments de preuve invoqués dans le cadre de l'usage antérieur prétendu mettant en oeuvre les produits Koleston 2000, nuances 8/0 et 5/1 n'avait pas permis d'établir avec certitude la composition chimique de ces produits, ni si ces derniers avaient jamais effectivement été livrés et mis à la disposition du public. L'usage antérieur mettant en oeuvre la commercialisation du produit "Color Perfect 10N Very Light Blonde" n'était pas suffisamment circonstancié. Les usages antérieurs allégués ne faisaient donc pas partie de l'état de la technique. Cependant, les compositions selon la revendication 1 du brevet litigieux et de la requête subsidiaire 1 alors pendante n'étaient pas nouvelles au vu du document (1). Les compositions selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 étaient nouvelles. Ces compositions se distinguaient des compositions selon l'état de la technique le plus proche représenté par le document (1) par la présence de solvant organique. Comme aucun effet surprenant n'était lié à cette caractéristique, l'addition de solvant à une composition de coloration devait être considérée comme une pratique habituelle pour l'homme du métier et ne pouvait donc justifier la présence d'une activité inventive. Les compositions selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 exigeaient la présence additionnelle de tensio-actifs. Cette caractéristique était cependant connue du document (1) et ne pouvait donc contribuer à la présence d'une activité inventive. Par conséquent, les compositions selon la revendications 1 des requêtes subsidiaires 2 et 3 alors pendantes n'impliquaient pas d'activité inventive.

IV. La propriétaire du brevet litigieux (requérante) a introduit un recours contre cette décision et acquitté la taxe correspondante. Avec le mémoire exposant les motifs du recours daté du 29 mai 2001 la requérante a déposé un jeu de 7 revendications à titre de requête auxiliaire.

La revendication 1 selon cette unique requête auxiliaire diffère de la revendication 1 du brevet tel que délivré uniquement par le fait qu'elle précise que la composition contient également "des solvants organiques dans des proportions comprises entre 1 et 40% en poids par rapport au poids total de la composition".

V. Avec une lettre datée du 2 avril 2002 l'intimée 2 a requis que son opposition soit transférée à la société "The Procter and Gamble Company". Lors de la procédure orale tenue devant la Chambre l'intimée 2 a expressément renoncé à cette requête.

VI. Selon la requérante l'ensemble des éléments figurant au dossier ne permettait pas d'acquérir la preuve au delà de tout doute raisonnable que les produits "Koleston 2000 nuances 8/0 et 5/1" et "Color Perfect 10 N Very Light Blond" ayant une composition conforme aux revendications litigieuses étaient accessibles au public avant la date de priorité du brevet. Les usages antérieurs allégués ne faisaient donc pas partie de l'état de la technique. Le document (1) ne divulguait pas la combinaison de la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine avec une association de 2-méthyl résorcine et de 3-amino phénol. Les critères de nouveauté établis par la jurisprudence dans le cas de la sélection d'un sous-domaine de valeurs numériques ne s'appliquaient pas au cas d'espèce. Les compositions revendiquées étaient donc nouvelles. Le document (1) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention pour l'appréciation de l'activité inventive. Dés lors que ce document ne suggérait nullement la combinaison de coupleurs revendiquée, une activité inventive devait être reconnue même sans avoir égard au problème technique posé dans le brevet litigieux. Cependant, les essais comparatifs figurant à la fois dans le brevet litigieux et dans la note technique soumise par la requérante avec le mémoire de recours en date du 29 mai 2001 démontraient que les compositions revendiquées engendraient des nuances plus résistantes à la transpiration que les compositions selon le document (1). Au vu de ces résultats surprenants, l'objet des revendications du brevet tel que délivré impliquait une activité inventive. Les essais décrits dans la note technique démontraient également que la résistance à la transpiration se trouvait améliorée en présence de solvant organique ce qui prouvait le caractère inventif des compositions selon la requête subsidiaire qui exigeaient la présence de tels solvants. Si les essais comparatifs soumis tardivement par l'intimée 4, à savoir avec la lettre datée du 17 octobre 2006, devaient être admis dans la procédure, l'affaire devait être renvoyée à la division d'opposition pour l'examen de l'activité inventive afin de permettre ainsi une appréciation de ces essais par deux instances et donner la possibilité à la requérante de prendre position sur leur pertinence et le cas échéant de produire des contre-essais.

VII. Selon les intimées 1 à 4 le document (1) décrivait déjà l'association de coupleurs définie par la revendication 1 du brevet litigieux. En outre, la sélection des deux coupleurs particuliers ne remplissait pas les critères établis par la jurisprudence relative aux inventions de sélection. Les compositions revendiquées n'étaient donc pas nouvelles au vu du document (1). Selon l'intimée 4 les usages antérieurs mettant en oeuvre la vente des produits Koleston 2000, nuances 8/0 et 5/1 et Perfect Color 10 N Very Light Blond étaient suffisamment prouvés par les documents soumis lors de la procédure d'opposition et les documents suivants soumis lors de la procédure de recours :

(B5a), (B7g) à (B7i) copies de factures de produits Koleston 2000, et

(B5c) document daté du 23.07.1996 mentionnant la production et la livraison au dépôt de Weiterstadt, entre autres, de charges 58009 et 67001 de produits K 2000/ 8/0 et K 2000/ 5/1.

Ces usages antérieurs s'opposaient donc également à la nouveauté des compositions revendiquées. Les résultats des essais comparatifs soumis par la requérante dans le brevet litigieux et dans la note technique ne permettaient pas d'attribuer aux compositions revendiquées un quelconque avantage par rapport aux compositions selon l'état de la technique le plus proche représenté par le document (1) en terme de résistance de la coloration à la transpiration, que ce soit en présence ou en l'absence de solvants organiques. En effet, les comparaisons exposées dans le brevet avaient été réalisées sans que les quantités molaires de coupleurs soient identiques dans les divers essais. D'autre part, dans la note technique les calculs de variation de la couleur DE étaient erronés. En outre, les résultats d'essais comparatifs soumis par l'intimée 4 avec la lettre datée du 17 octobre 2006 confirmaient le fait que les compositions revendiquées n'offraient pas d'avantage en terme de résistance de la coloration. Dans ces circonstances, les compositions revendiquées ne pouvaient être que le résultat d'un choix arbitraire opéré au sein des compositions envisagées par l'enseignement du document (1) et n'impliquaient donc pas d'activité inventive.

VIII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et soit que l'affaire fasse l'objet d'un renvoi à la Division d'Opposition pour poursuite de la procédure, soit que le brevet soit maintenu tel que délivré ou sur la base de sa requête auxiliaire déposée le 29 mai 2001.

Les intimées demandent le rejet du recours.

IX. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

2. Nouveauté

2.1 Usages antérieurs publics

2.1.1 L'intimée 4 a invoqué des usages antérieurs publics prétendument préjudiciables à la nouveauté des compositions revendiquées en se fondant sur la fabrication et la commercialisation de compositions colorantes de dénomination Koleston 2000 nuances 8/0 et 5/1 et Perfect Color 10N Very Light Blonde par l'intimée 4 même.

2.1.2 Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours gouvernant l'administration de la preuve, lorsqu'il s'agit de trancher une question de fait, plus cette question est grave et lourde de conséquences pour le sort du brevet, plus les éléments de preuve s'y rapportant doivent être convaincants (T 750/94, JO OEB 1998, 32). Notamment, si de cette question de fait dépend la décision de la chambre de révoquer le brevet, les éléments de preuve fournis à cet égard doivent être examinés avec beaucoup de rigueur et d'esprit critique. Par conséquent, la chambre doit avant de conclure qu'une utilisation est déjà comprise dans l'état de la technique, s'assurer que les preuves produites permettent de constater avec une conviction pratiquement absolue, en d'autres termes avec une certitude allant au delà de tout doute raisonnable, que telle l'utilisation antérieure a bien eu lieu avant la date de priorité du brevet litigieux (T 97/94, JO OEB 1998, 467, point 5.1).

L'intimée 4 a implicitement fait valoir que les usages antérieurs impliquaient des compositions produites en masse (Massenprodukte) qui de ce seul fait devaient nécessairement avoir été livrées aux clients. Le niveau de preuve requis devrait donc être moins élevé et, ainsi, même en l'absence de preuves directes de la mise à la disposition du public, les usages antérieurs devraient être reconnus.

Cependant, le cas d'espèce se rapporte d'une part à la production à des fins de test de charges spécifiques de produits Koleston 2000 nuances 8/0 et 5/1 qui n'ont été préparées qu'une seule fois (voir le point 2.1.3 ci-dessous) et d'autre part à une production unique le 18 février 1991 d'une charge spécifique de produit Color Perfect 10 N Very Light Blonde " (voir les documents (B6a) et (B11a)). Il ne s'agit donc pas de productions "en masse" de produits pour lesquelles il serait improbable qu'une mise à la disposition du public n'eût pas eu lieu (voir T 55/01, non publiée au JO OEB). Par conséquent, un niveau de preuve moins exigeant se fondant sur la seule balance de probabilité des faits allégués ne peut s'appliquer dans le cas d'espèce.

2.1.3 Selon l'intimée 4, l'un des usages antérieurs consiste en la commercialisation de compositions de coloration par oxydation de dénomination commerciale "Koleston 2000" nuances 8/0 et 5/1 préparées respectivement selon les formulations (Rezept-Nr.) 7231600030 et 723190090 mentionnées dans les documents (B1a) et (B1b). Selon ces documents, ces compositions contiennent les trois composants requis par la revendication 1 du brevet litigieux, à savoir le sulfate de 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine (Betoxol II), la 2-méthyl résorcine (Reomyl) et le 3-amino phénol (Haargrau). Cependant, l'extrait du cahier de production (B8a) ne fait état d'une production du produit Koleston 2000 nuance 8/0 suivant la formulation 7231600030 que le 20 septembre 1990. Cette composition particulière est définie par le numéro de charge (Ansatz-Nr) 58009. Or dés avant et puis encore après cette date la production du produit de même dénomination commerciale a été réalisée selon d'autres formulations qui selon l'intimée 4 ne contiennent pas de Betoxol II. De même, l'extrait du cahier de production (B8b) ne fait état d'une production du produit Koleston 2000 nuance 5/1 suivant la formulation 723190090 que le 22 mai 1991 (numéro de charge 67001). En effet, selon le document (B8b) le produit Koleston 2000 nuance 5/1 a été fabriqué avant et après cette date en suivant d'autres formulations. Par conséquent, la composition des produits Koleston 2000, nuances 8/0 et 5/1 est variable et des charges répondant à toutes les caractéristiques de la revendication 1 litigieuse n'ont été produites qu'une seule fois. Les diverses factures (B5), (B5a), (B7g), (B7h), (B7i), (B10) et (B13) soumises par l'intimée 4 pour tenter d'établir une mise à la disposition du public par la vente et la livraison des compositions de coloration font toutes référence aux produits Koleston 2000 8/0 et 5/1 sans toutefois préciser les numéros de charge. Ces factures ne permettent donc pas d'établir que les deux charges 58009 ou 67001 ont été vendues et livrées à des clients faisant partie du public. L'intimée 4 a également invoqué à cet égard le document (B5c) dont se peut déduire que les deux charges pertinentes avaient été conditionnées en tubes puis livrées au dépôt de Weiterstadt appartenant à la société de l'intimée 4 (lignes 1 à 4 du document (B5c)). Ce document ne fait cependant pas état du sort ultérieur des produits livrés au dépôt de Weiterstadt et ne permet donc pas de constater irréfragablement leur mise à la disposition du public après leur stockage dans ce dépôt.

Selon l'intimée 4 il était évident qu'un produit livré et stocké au dépôt de Weiterstadt fût ensuite vendu puis livré à des clients. Ainsi, même en l'absence de preuves directes, les charges 58009 et 67001 de produit Koleston 2000 devraient nécessairement avoir été vendues et livrées. Le fait allégué n'est cependant pas de cette seule présomption prouvé avec certitude, c'est à dire au-delà de tout doute raisonnable. En effet, les deux charges en question n'ont été produites qu'isolément en tant que tests comme l'indiquent les mentions "Test Betoxol II" et "Testproduktion" dans les documents (B8a) et (B8b). L'intimée 4 n'a pas soumis de document faisant état de la vente ou d'un quelconque autre sort de ces produits test alors même que leur production et leur stockage relevaient de sa propre activité. Dans ces circonstances, la Chambre ne peut aboutir à la conviction pratiquement absolue que les deux charges produites à des fins de tests aient jamais été mises à la disposition du public.

2.1.4 L'intimée 4 a également invoqué la production et la commercialisation aux Etats-Unis d'un produit de dénomination commerciale "Color Perfect 10 N Very Light Blonde" préparé selon la formulation (Rezept-Nr.) 7366346020 mentionnée dans le document (B1c) et contenant également trois composants requis par la revendication 1 du brevet litigieux. Cependant, l'intimée 4 n'a pas soumis de documents attestant la mise à la disposition du public de ce produit. Alors que les documents (B6a) et (B11a) mentionnent une production et un conditionnement de ce type de produit, ces derniers ne donnent aucune précision sur le sort ultérieur des produits conditionnés. Bien au contraire, le document (B6a) indique expressément qu'aucun bon de livraison ou facture concernant les produits "Color Perfect 10 N Very Light Blonde" n'a pu être décelé. Ainsi, comme dans le cas des produit Koleston 2000, la Chambre ne peut aboutir à la conviction pratiquement absolue que les produits "Color Perfect 10 N Very Light Blonde" préparés selon une formulation conforme à la revendication 1 du brevet litigieux aient jamais été mis à la disposition du public.

2.1.5 La Chambre constate donc que l'administration des preuves invoquées par l'intimée 4 comporte des lacunes dans son enchaînement et ne permet donc pas d'établir avec l'exigence requise (voir le point 2.1.2 ci-dessus) que les usages antérieurs publics appartiennent à l'état de la technique. Ces usages antérieurs allégués ne peuvent donc porter préjudice à la nouveauté des compositions selon la revendication 1 du brevet litigieux.

2.2 Document (1)

2.2.1 Les intimées ont invoqué un défaut de nouveauté en se fondant sur le document (1). Ce document divulgue des compositions pour la coloration par oxydation des cheveux comprenant à titre de précurseur le même précurseur que celui envisagé dans le brevet litigieux, à savoir la 2-(2,5-diaminophényl)éthanol ou un de ses sels (autre terminologie pour la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine utilisée dans le brevet litigieux), et au moins un coupleur choisi parmi la résorcine, la 2-méthyl résorcine, la 4-chlororésorcine, le 3,4-méthylènedioxyphénol, le 3-amino phénol, et la N-(2-hydroxyéthyl)-3,4-méthylènedioxyaniline ou leurs sels (page 2, lignes 38 à 40; revendication 1). Selon la revendication 2 du document (1) le coupleur est choisi au sein d'une liste plus restreinte de 4 coupleurs, à savoir, la résorcine, la 2-méthyl résorcine, la 4-chloro résorcine et le 3-amino phénol. Alors que les exemples 1, 3 et 4 concernent des compositions ne comprenant qu'un seul coupleur, l'exemple 2 décrit une combinaison de trois coupleurs à savoir la résorcine, le 3-amino phénol et la N-(2-hydroxyéthyl)-3,4-méthylènedioxyaniline. Toutefois, la présence au sein d'une même composition de la 2-méthyl résorcine et du 3-amino phénol telle que requise par la revendication 1 du brevet litigieux n'est nulle part divulguée spécifiquement dans le document (1).

2.2.2 Afin d'aboutir à la composition revendiquée dans le brevet litigieux il convient d'associer le précurseur envisagé par le document (1) à une combinaison d'au moins deux coupleurs particuliers. Il faut donc ainsi sélectionner au sein de la liste de coupleurs envisagés par le document (1) d'abord un premier coupleur particulier, à savoir la 2-méthyl résorcine, puis dans un deuxième temps sélectionner au sein de cette même liste un deuxième coupleur particulier, à savoir le 3-amino phénol, puis l'associer ensuite au premier coupleur. Ainsi, la composition revendiquée est le fruit d'une combinaison spécifique non décrite au sein du document (1). Ce document ne divulgue donc pas de façon directe et non équivoque les compositions revendiquées.

2.2.3 Selon l'intimée 4 le document (1) mentionnait à la page 4, lignes 27 et 28, que les compositions comprenaient les coupleurs préconisés seuls ou en mélange ("einzeln oder im Gemisch miteinander") et divulguait donc l'utilisation des 6 coupleurs au sein d'une même composition. Par conséquent, le document (1) décrivait déjà l'association 2-méthyl résorcine et 3-amino phénol selon le brevet litigieux. Cependant, le passage du document (1) auquel se réfère l'intimée 4 ne mentionne nullement que le mélange englobe la totalité des coupleurs énumérés dans le document (1). Ce passage ne divulgue donc pas de façon directe et non équivoque l'association obligatoire des deux coupleurs définis dans la revendication 1 du brevet litigieux.

Dans son objection de manque de nouveauté par rapport au document (1) l'intimée 2 s'est fondée sur les trois critères de nouveauté décrits dans les décisions T 198/94 et T 279/89 (non publiées au JO OEB). Cependant, ces décisions concernent le problème de la nouveauté d'un sous-domaine de valeurs numériques sélectionné au sein d'un domaine de valeurs numériques plus large alors que le cas d'espèce ne concerne pas ce type de sélection mais le problème différent de la nouveauté d'une composition chimique définie par une combinaison spécifique de composants. Par conséquent, les décisions citées par l'intimée 2 ne sont pas pertinentes pour l'examen de la nouveauté des compositions selon le brevet litigieux.

Selon l'intimée 4, l'homme du métier savait d'autres documents de l'état de la technique que la combinaison de coupleurs 2-méthyl résorcine et 3-amino phénol était d'utilisation courante dans le domaine des teintures par oxydation. Ainsi l'homme du métier aurait déduit implicitement de la lecture du document (1) que ce dernier divulguait également cette combinaison de coupleurs. Ce point de vue avancé au titre du manque de nouveauté relève toutefois d'une argumentation relevant de l'appréciation de l'activité inventive puisque combinant la divulgation du document (1) avec celle d'autres documents. Ce raisonnement n'est donc pas pertinent pour l'examen de la nouveauté et doit comme tel être rejeté.

2.2.4 Les compositions revendiquées sont donc nouvelles (article 54 CBE).

3. Activité inventive

Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours de l'OEB, l'activité inventive s'apprécie de façon objective en utilisant l'approche problème-solution. Cette approche consiste à identifier d'abord l'état de la technique le plus proche, puis partant de cet état de la technique à identifier le problème technique que l'invention se propose de résoudre, à examiner ensuite si ce problème a bien été résolu par la solution revendiquée, sinon, à reformuler un problème technique moins ambitieux et, enfin, à examiner si la solution revendiquée s'imposait à l'évidence à l'homme du métier au vu de l'état de la technique pertinent.

3.1 Le brevet litigieux concerne des compositions de teinture d'oxydation des fibres kératiniques. En accord avec les parties, la Chambre considère que le document (1) cité dans la spécification du brevet litigieux représente un point de départ adéquat pour l'appréciation de l'activité inventive. Ce document divulgue spécifiquement, entre autres, une composition de teinture d'oxydation associant comme précurseur la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et la combinaison de coupleurs résorcine et 3-amino phénol (exemple 2).

3.2 Selon le brevet litigieux les compositions de teinture d'oxydation associant comme précurseur la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et l'association de coupleurs résorcine et 3-amino phénol envisagée par le document (1) engendrent des nuances peu résistantes à la transpiration (page 2, lignes 24 et 25). Ainsi, selon la requérante et en accord avec le brevet litigieux le problème technique à résoudre par l'invention est de proposer des compositions pour la teinture des matières kératiniques qui engendrent une amélioration de la résistance des nuances à la transpiration (brevet litigieux, page 2, lignes 26 à 28).

3.3 La solution proposée par le brevet litigieux à ce problème est la composition de teinture par oxydation selon la revendication 1, caractérisée par la présence à titre de coupleurs d'une combinaison comprenant au moins la 2-méthyl résorcine et le 3-amino phénol.

3.4 Pour démontrer que les améliorations alléguées vis-à-vis du document (1) ont été effectivement accomplies par la combinaison de ces deux coupleurs particuliers, la requérante a fait référence à l'exemple 1 du brevet litigieux et aux essais comparatifs A bis et B bis décrits dans la note technique soumise avec le mémoire de recours.

L'exemple 1 du brevet litigieux décrit des tests de résistance aux shampooings, à la lumière et à la transpiration mettant en jeu une composition selon l'invention comprenant à titre de précurseur un sel de la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et à titre de coupleur une combinaison de 0,6 g de 2-méthyl résorcine et de 0,6 g de 3-amino phénol (tableau de la page 5). La résistance de la coloration à une épreuve de transpiration observée avec cette composition selon l'invention a été comparée à celle obtenue avec une composition dans laquelle la 2-méthyl résorcine a été remplacée par une quantité pondérale identique de résorcine, soit également 0,6 g (page 4, lignes 55 à 58).

Cependant, le poids moléculaire de la résorcine (110) est différent de celui de la 2-méthyl résorcine (124). Cette comparaison met donc en jeu d'une part 5,45 mmoles de résorcine et d'autre part 4,84 mmoles de 2-méthyl résorcine. Il n'est donc pas possible d'attribuer l'effet observé lors de cette comparaison seulement à la modification du coupleur, puisque la quantité molaire de coupleur a également été modifiée. Selon la requérante un essai comparatif pouvait impliquer soit des quantités pondérales identiques soit des quantités molaires identiques, ces deux alternatives permettant des comparaisons valables. Dans le cas d'espèce, la Chambre ne peut suivre cette ligne d'argumentation. En effet, la coloration par oxydation implique une réaction chimique entre des molécules de coupleur et des molécules de précurseur. Il convient par conséquent de respecter la quantité molaire de coupleur d'un essai à l'autre si l'on souhaite démonter un effet lié à la seule nature de ce dernier. Cette comparaison ne permet donc pas de démontrer que par rapport à l'art antérieur le plus proche, la combinaison des deux coupleurs revendiquée soit la cause d'une amélioration.

Les essais A bis et B bis de la note technique concernent une comparaison similaire mettant en jeu le même précurseur et les mêmes coupleurs que ceux de l'exemple 1 du brevet litigieux, cependant dans un autre milieu et en respectant les mêmes quantités molaires de coupleurs dans les deux essais. Dans ces essais la variation de la couleur DE est calculée suivant la note technique, page 4, lignes 1 et 2, à partir des valeurs L, a et b mesurées avant et après un test de transpiration. Cependant, la valeur DE de 6,99 calculée pour la composition A bis selon l'invention ne correspond pas aux valeurs L, a, b mesurées pour cette composition. En effet, le calcul de DE à partir des valeurs L, a, b indiquées dans le tableau donne une valeur de DE de 4,12 et non de 6,99. Cet essai entaché d'une erreur dont l'origine n'est pas identifiable ne peut donc servir de base adéquate pour la reconnaissance d'un quelconque effet.

En outre, aucun de ces essais ne concerne la composition selon l'exemple 2 du document (1) alors que cet exemple divulgue spécifiquement une combinaison de coupleurs comprenant la résorcine et le 3-amino phénol, dont la combinaison de coupleurs requise par la revendication 1 du brevet litigieux se distingue uniquement par le remplacement de la résorcine par la 2-méthyl résorcine. Cet exemple représente au sein du document (1) la composition la plus proche de l'invention dans la mesure où la revendication 1 n'est pas limitée à une combinaison de deux coupleurs mais englobe la présence d'un ou plusieurs autres coupleurs.

Par conséquent, les essais présentés par l'intimée pour soutenir une amélioration de la résistance à la transpiration ne sont pas pertinents pour démontrer que par rapport à l'art antérieur le plus proche, la combinaison des deux coupleurs revendiquée soit la cause de cette amélioration. Ces essais ne permettent donc pas de conclure que le problème technique à résoudre tel que défini par la requérante (point 3.2 ci-dessus) a effectivement été résolu.

3.5 Dans ces circonstances il convient donc de redéfinir le problème technique à résoudre par l'invention de façon moins ambitieuse, à savoir, de proposer une alternative aux compositions de teinture d'oxydation des fibres kératiniques de l'état de la technique.

3.6 La seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique ainsi défini découlait de façon évidente de l'état de la technique disponible, en d'autres termes s'il était évident pour l'homme du métier que les compositions de teinture par oxydation comprenant à titre de précurseur la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et à titre de coupleur une combinaison de 3-amino phénol et de 2-méthyl résorcine fussent des alternatives aux compositions de l'état de la technique.

3.6.1 Le document (1) préconise l'utilisation dans les compositions de teinture des matières kératiniques comprenant la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine comme précurseur, d'au moins un coupleur choisi parmi une liste de quatre coupleurs mentionnant expressément le 3-amino phénol et la 2-méthyl résorcine (page 2, ligne 37 à 40 en liaison avec la revendication 2). Ainsi, une des alternatives envisagées par l'enseignement du document (1) est l'utilisation à titre de coupleur d'une combinaison de 3-amino phénol et de 2-méthyl résorcine. Les compositions revendiquées ne représentent donc qu'un choix arbitraire opéré au sein des compositions envisagées par le document (1).

Par conséquent, l'enseignement du document (1) conduit à lui seul l'homme du métier qui ne voulait que produire des alternatives aux compositions connues du document (1) de façon évidente aux compositions revendiquées.

3.6.2 L'argument de la requérante selon lequel l'utilisation de la combinaison de 3-amino phénol et de 2-méthyl résorcine comme coupleur ne pouvait découler de l'enseignement du document (1), indépendamment du problème technique résolu par l'invention, n'est pas pertinent pour les raisons données ci-dessous.

D'une part, la revendication 1 du brevet litigieux englobe également des compositions comprenant plus de deux coupleurs. D'autre part, le document (1) enseigne la présence d'un seul ou de plusieurs coupleurs (voir le point 2.2.3 ci-dessus) et n'est pas restreint aux seuls exemples qui divulguent des compositions renfermant un seul coupleur ou une association de trois coupleurs. Par conséquent, l'argument de la requérante selon lequel le document (1) n'enseignait que l'utilisation d'un coupleur unique ou d'une association de trois coupleurs alors que le brevet litigieux préconise une association de deux coupleurs n'est pas supporté par les faits et doit donc être rejeté.

3.7 Les compositions selon la revendication 1 de la requête principale n'impliquent donc pas d'activité inventive (article 56 CBE) et cette requête doit être rejetée.

Requête auxiliaire

4. Modifications

4.1 La revendication 1 de la requête auxiliaire se distingue de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) uniquement par le fait qu'elle précise que la composition contient également "des solvants organiques dans des proportions comprises entre 1 et 40% en poids par rapport au poids total de la composition". Cette modification trouve un support à la page 5, lignes 32 et 33 de la demande de brevet telle que déposée et limite la protection conférée par le brevet tel que délivré, satisfaisant ainsi aux exigences de l'article 123(2) et (3) CBE.

5. Activité inventive

5.1 La caractéristique ajoutée à la revendication 1 de la requête auxiliaire est déjà connue en tant que telle de l'état de la technique le plus proche de l'invention représenté par le document (1). En effet, la composition de l'exemple 3 du document (1) comprend 7% en poids d'isopropanol dont il n'a pas été contesté qu'il est un solvant organique. Ainsi le document (1) décrit déjà la présence au sein de compositions de teinture par oxydation de solvants organiques dans les proportions requises par la revendication 1 de la requête auxiliaire. Dès lors cette caractéristique technique est déjà connue de l'état de la technique le plus proche de l'invention et ne peut, de tout évidence, du seul fait de son adjonction pas contribuer à la présence d'une activité inventive.

Dans ces circonstances les essais réalisés par la requérante dans le but de démontrer un avantage vis à vis des compositions selon le document (1) en terme de résistance de la coloration, avantage lié à la présence de solvant organique, ne sont pas pertinents pour l'évaluation de l'activité inventive.

5.2 Par conséquent, les compositions selon la revendication 1 de la requête auxiliaire n'impliquent pas d'activité inventive pour les mêmes raisons que les compositions selon la revendication 1 de la requête principale (point 3 ci-dessus) et cette requête doit également être rejetée.

6. Requête en renvoi de l'affaire à la division d'opposition.

La requérante a demandé que la question de l'activité inventive ne soit pas examinée par la Chambre mais que l'affaire soit renvoyée à la première instance.

Conformément à l'article 111(1) CBE il est du pouvoir d'appréciation de la Chambre soit de statuer sur le fond soit de renvoyer l'affaire à la première instance pour la poursuite de la procédure. Ainsi le renvoi à la première instance n'est pas de droit.

Dans le cas d'espèce la première instance s'est déjà prononcée sur la question de l'activité inventive dans le cadre d'une requête subsidiaire alors pendante. La Chambre ne peut donc suivre l'argument avancé par la requérante selon lequel le renvoi était justifié puisque l'activité inventive n'avait pas fait l'objet d'un examen par la première instance.

En outre, comme la présente décision ne se fonde pas sur les résultats des essais comparatifs soumis tardivement par l'intimée 4, un renvoi qui permettrait selon la requérante à la fois une appréciation de ces essais tardifs par deux instances et donnerait la possibilité à la requérante de prendre position sur la pertinence des essais ou de produire des contre-essais, n'est pas nécessaire.

Dans ces circonstances, la Chambre a entendu examiner en vertu du pouvoir qui lui est conféré par l'article 111(1) CBE l'ensemble des questions litigieuses pour aboutir à une décision finale.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté

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