T 1089/00 () of 20.5.2003

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2003:T108900.20030520
Date de la décision : 20 Mai 2003
Numéro de l'affaire : T 1089/00
Numéro de la demande : 95905171.5
Classe de la CIB : F25J 3/06
F25J 1/02
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Procédé et appareil de liquéfaction d'un gaz naturel
Nom du demandeur : INSTITUT FRANCAIS DU PETROLE
Nom de l'opposant : LINDE AKTIENGESELLSCHAFT
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive (reconnue)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours, formé le 26 octobre 2000 par la requérante, titulaire du brevet EP-B-0 687 353, vise à faire annuler la décision rendue le 7 août et mise à la poste le 30. août 2000 d'une division d'opposition de l'O.E.B, qui a révoqué le brevet européen au motif que l'objet de la revendication 1 de ce brevet n'impliquait pas d'activité inventive au regard de la divulgation du document D1 suivant :

"Verfahren zur Erdgas (CH4) - Verflüssigung", de R. Becker, Linde-Berichte aus Technik und Wissenschaft, Nr. 18, pages 4 à 6.

II. La revendication 1 de ce brevet, tel que délivré, s'énonce comme suit :

"1. Procédé de liquéfaction d'un gaz naturel, comportant en combinaison les étapes suivantes :

a) on refroidit le gaz naturel à une pression au moins supérieure ou égale à la pression critique du méthane et à une température telle que ledit gaz naturel se présente en phase dense à l'issue de cette étape de refroidissement, et on mélange ledit gaz alternativement avec une fraction gazeuse recyclée,

a) on sépare le gaz naturel refroidi en phase dense en deux fractions, une première fraction majoritaire (11) et une deuxième fraction restante (14),

b) on détend et on liquéfie la première fraction majoritaire provenant de l'étape a) à travers un dispositif (T3) adapté à diminuer la pression du gaz naturel selon une détente avec fourniture d'énergie mécanique, de façon à obtenir à l'issue de cette étape b) une fraction liquide et une fraction gazeuse,

c) on sépare (B1) la fraction liquide et la fraction gazeuse (13) obtenues au cours de l'étape b),

d) la fraction gazeuse (13) résultant de l'étape c) est échangée thermiquement (E3) avec la deuxième fraction restante (14) non détendue du gaz naturel, ladite fraction non détendue et refroidie à l'issue de cette opération est détendue à travers un dispositif de détente (T4) en formant un mélange liquide - vapeur qui est séparé (B1) en une fraction liquide et une fraction gazeuse,

e) on réunit les fractions liquides provenant des étapes c) et d) pour former le gaz naturel liquéfié, et

f) les fractions gazeuses provenant des étapes c) et d) à l'étape a) sont au moins en partie recomprimées et recyclées, formant ainsi ladite fraction de gaz recyclée à l'étape a) et les fractions non recyclées sont évacuées.

III. La taxe de recours a été payée le 26 octobre 2000. Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 22. décembre 2000. La requérante y a joint un jeu de revendications modifiées, présenté à titre de requête auxiliaire.

Suite à une notification de la chambre destinée à préparer une procédure orale, la requérante a complété ses arguments, en présentant notamment le résultat de simulations numériques des procédés selon D1 ; elle a aussi fourni trois nouveaux jeux de revendications à titre de requêtes auxiliaires 1 à 3, qui remplacent la requête auxiliaire précédente.

Une procédure orale s'est tenue le 20 mai 2003.

IV. Les arguments de la requérante en faveur de son brevet sont résumés comme suit :

- Rien ne permet d'affirmer que, dans le procédé selon le schéma A de la figure 1 de D1, du gaz en phase dense est obtenu à la sortie du premier échangeur de chaleur. Il n'en est pas fait mention dans ce document et les simulations numériques fournies prouvent que ce résultat ne peut y être obtenu : En sortie de turbine, c'est une phase gazeuse refroidie qui apparaît, car les simulations numériques montrent qu'avec une température initiale de 30°C du gaz le refroidissement dans le premier échangeur de chaleur est insuffisant pour atteindre le domaine de la phase dense. Le raccordement de la sortie de la turbine à la conduite de sortie de gaz du ballon récupérateur de liquide, tel que montré par la figure 1 de D1, corrobore aussi ce fait. Une compression à de hautes pressions, par exemple à la pression de 200 bars indiquée pour les schémas B et C de la figure 1 de D1, n'est pas non plus envisageable pour le schéma A, car la turbine de ce schéma ne pourrait supporter le différentiel de pressions qui en résulterait.

- L'enseignement de D1 relatif au schéma A se limite donc à l'obtention de liquide après le deuxième échangeur de chaleur, lorsque la soupape de détente est ouverte. En l'absence d'un refroidissement additionnel, ce procédé du schéma A serait inapte à produire une phase dense du gaz à la sortie du premier échangeur de chaleur. L'homme du métier n'a donc aucune raison de prévoir une turbine cryogénique et l'aurait- il fait, il ne serait cependant pas arrivé à l'objet de la revendication 1, n'ayant ni l'information d'avoir une phase dense à l'entrée de la turbine, ni celle d'obtenir en sortie de la turbine une phase gazeuse et une phase liquide, tel que revendiqué dans l'étape b) de la revendication 1 attaquée.

V. L'opposante, ci-après l'intimée, a contesté ces arguments comme suit :

- Le résultat des simulations numériques présentées par la requérante n'est pas contesté, mais dans l'argumentation de celle-ci deux points décisifs n'ont pas été considérés :

- Tout d'abord, le document D1, dans sa page 6, colonne de droite, deuxième paragraphe, conseille d'améliorer le procédé selon le schéma A par l'introduction d'une turbine de détente supplémentaire qui fournit un refroidissement additionnel en cas de besoin.

- D'autre part, à la date de priorité du brevet en cause, les turbines cryogéniques étaient bien connues, et l'homme du métier aurait tout naturellement pensé à employer ce genre de turbines pour le procédé du schéma A de D1, et cela aux pressions usuelles, c'est-à-dire entre 7 et 20 MPa.

- L'introduction d'un refroidissement additionnel et d'une turbine cryogénique dans l'installation selon le schéma A de D1, aboutit inévitablement à l'objet de la revendication 1 du brevet contesté. Le document D1 de plus pousse l'homme du métier dans cette direction lorsque, dans sa page 4, colonne de gauche, il énumère le but à atteindre, notamment la réduction souhaitée de l'énergie utilisée et des surfaces de s échangeurs de chaleur. Une simulation à 150 bars aurait montré, qu'avec le refroidissement supplémentaire fourni par la deuxième turbine de détente, une phase dense aurait été obtenue à l'entrée de la première turbine de détente.

VI. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet européen :

1) tel que délivré (requête principale) ou,

2) sur le fondement d'une des trois requêtes auxiliaires déposées avec sa lettre du 17 avril 2003.

L'intimée demande le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

2. L'intimée a fondé son objection d'absence d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 telle que délivrée sur la divulgation du document D1 en considérant le schéma A de la figure 1 de cette antériorité.

3. D1 date de 1964, soit d'environ 30 ans avant les dates de priorité du brevet en cause. Le but recherché dans cet art antérieur est d'avoir un procédé de liquéfaction de gaz naturel, qui satisfasse à une série d'exigences techniques, telles que des surfaces réduites et donc peu encombrantes des échangeurs de chaleur, un nombre peu élevé et un coût réduit des appareils, de même qu'une diminution des réparations et de l'énergie nécessaire. Les schémas A à C de la figure 1 montrant trois procédés à titre de solutions.

Dans le procédé selon le schéma A, le gaz naturel a une température de départ de 30°C et un compresseur élève la pression du gaz à une valeur choisie, non précisée. Une comparaison des procédés A à C enfin du document amène l'auteur à conseiller le schéma A pour de petites installations de liquéfaction avec des pressions de compression réduites, et notamment inférieures à la pression de 200 atmosphères des procédés B et C.

Le diagramme de la figure 2 de ce document pour sa part, dirige l'homme du métier vers une plage de pressions d'environ 5. à 100 atmosphères pour le procédé selon le schéma A. Après compression, le gaz naturel est refroidi dans un premier échangeur de chaleur (5), puis fractionné en deux parties. La première fraction est détendue dans une turbine et aboutit ensuite dans la conduite de sortie de gaz recyclé du récipient collecteur de liquide, tandis que la deuxième fraction passe dans un deuxième échangeur de chaleur pour poursuivre son refroidissement et, après détente dans une valve, aboutit directement dans le récipient collecteur de liquide. Le gaz recyclé de ce récipient sert comme agent de refroidissement des deux échangeurs de chaleur, avant d'être réintroduit, c'est à dire renvoyé à l'aspiration du compresseur, dans le procédé à son point de départ.

4. Au vu de ce schéma, et notamment du raccordement de la première fraction de gaz à la conduite de sortie gazeuse du récipient collecteur de liquide, l'homme du métier ne peut que déduire que c'est du gaz, et non du liquide, qui est obtenu à la sortie de la turbine de détente et que le but de cette turbine et de la fraction de gaz passant est d'assurer la réfrigération du système, et non de participer à la formation de liquide. La liquéfaction du gaz naturel s'effectue principalement au moyen de la deuxième partie fractionnée du gaz, à savoir celle traversant des deux échangeurs de chaleur, puis détendue dans une valve.

- L'intimée n'a d'ailleurs pas contesté les simulations numériques du procédé selon le schéma A présentés par la requérante. Ces simulations confirment que le gaz naturel obtenu à la suite de sa détente dans la turbine est toujours sous forme gazeuse, proche du point de rosée dans les conditions optimales de fonctionnement du procédé. La courbe pression et température obtenue pour les conditions thermodynamiques à l'entrée de la turbine est substantiellement au-dessus du domaine de la phase dense ; le gaz naturel à la sortie du premier échangeur n'est donc pas en phase dense.

5. Par suite, au moins deux caractéristiques importantes distinguent le procédé de la revendication 1 du procédé connu du schéma A de D1, à savoir :

a) les conditions thermodynamiques de refroidissement du gaz dans le premier échangeur de chaleur, qui sont :

- une pression supérieure ou égale à la pression critique du méthane, constituant principal du gaz naturel, et

- une température de sortie telle que le gaz se présente en phase dense à l'issue de cette étape de refroidissement, et

b) la détente du gaz en phase dense dans la turbine de façon à obtenir une fraction liquide et une fraction gazeuse.

Au moins les étapes a), b), c) et e) de la revendications 1 sont donc concernées.

6. Ces deux caractéristiques distinctives permettent des pressions peu élevées, se situant entre 7 et 20 MPa, si bien que dans le cas de certains puits de production sous pression, une compression du gaz est inutile, et conduisent à des surfaces d'échangeurs plus réduites, car le coefficient de conductivité thermique entre le gaz naturel et le gaz recyclé est meilleur lorsque le gaz est en phase dense.

Le problème résolu par la présente invention est donc d'optimiser le procédé connu de D1 en réduisant l'encombrement et l'énergie utilisée, et par suite le coût du procédé.

7. L'intimée a fait valoir que D1, dans son passage en page 6, colonne de droite, deuxième paragraphe, suggère d'effectuer un refroidissement supplémentaire du gaz au moyen d'une turbine additionnelle.

C'est exact, mais ce passage précise d'introduire cette turbine supplémentaire dans la zone de températures plus élevée. Les trois procédés selon les schémas A à C de D1 dérivent, en fait, du cycle de Claude qui combine l'effet Joule-Thomas (détente libre) avec une détente dans une machine (cf. D1, page 6, colonne de gauche, 3ème paragraphe). Cette détente par turbine assure un refroidissement de la deuxième fraction du gaz naturel dans le deuxième échangeur de chaleur à une température basse telle que la détente libre par effet J- T soit la plus efficace, tenant compte des pressions élevées. Ce qui est en question dans ces procédés, c'est uniquement une détente d'un gaz dans les meilleurs conditions, et il n'y a aucune incitation à effectuer un refroidissement jusqu'à obtenir une phase dense. Le refroidissement supplémentaire suggéré par le passage de D1 mis en avant par l'intimée vise seulement à compenser l'emploi de pressions moins élevées dans le cas de petites installations, qui sont basées sur le procédé du schéma A, et dans lesquelles l'emploi d'un turbocompresseur serait d'un coût prohibitif. A la sortie, les trois procédés restent basés sur le même principe, à savoir la production de liquide par détente libre.

Il s'ensuit que les conditions thermodynamiques selon la première caractéristique distinctive mentionnée ci-dessus de la présente invention ne sont pas suggérées, et même ne sont pas voulues. La condition préliminaire mise an avant par l'intimée, à savoir un refroidissement suffisant pour aboutir à l'emploi de turbine cryogéniques, n'est donc pas suggérée par le document D1.

8. Il importe donc peu, dans un tel cas, de savoir si un refroidissement additionnel aurait pu amener à aboutir à une phase dense à la sortie d'un échangeur de chaleur avant la détente d'une fraction de ce gaz dans une turbine. Une telle éventualité n'est pas envisagée par D1 et, par suite, s'appuyer sur cette possibilité résulte d'une analyse de D1 combinée à des réflexions de l'homme du métier, tous deux effectués à posteriori pour les besoins de la cause.

Il y a lieu d'ajouter que D1, aussi, n'indique pas quelle fraction du gaz sur les deux prévues après la sortie du premier échangeur est la plus importante dans le schéma A. L'homme du métier ne reçoit donc aucune incitation pour faire détendre la fraction majoritaire dans la turbine de détente.

9. La décision incriminée s'est fondée sur la présence d'une phase dense du gaz naturel à l'issue de l'étape a) de refroidissement (sortie du premier échangeur de chaleur) dans le procédé selon le schéma A de D1. Comme vu ci-dessus, une telle déduction n'est pas justifiée et rend nul l'ensemble des raisons de cette décision.

10. L'intimée n'ayant opposé aucun autre art antérieur ou argument, il y a lieu de conclure que l'objet de la revendication 1 telle que délivré implique une activité inventive (articles 52 et 56 CBE). Les revendications 2 à 22 concernent des modes de réalisation du procédé selon la revendication 1 et peuvent donc être maintenues. Les revendications 22 à 24, qui concernent un dispositif de liquéfaction fonctionnant selon le procédé de la revendication 1, n'ont pas été attaquées par l'intimée au cours de la procédure orale.

11. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'examiner les requêtes auxiliaires de la requérante.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est maintenu tel que délivré.

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