European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2003:T085300.20030120 | ||||||||
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Date de la décision : | 20 Janvier 2003 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0853/00 | ||||||||
Numéro de la demande : | 95936606.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | C22F 1/05 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de fabrication de produits en alliage AlSiMgCu à résistance améliorée à la corrosion intercristalline | ||||||||
Nom du demandeur : | PECHINEY RHENALU | ||||||||
Nom de l'opposant : | Hoogovens Aluminium Walzprodukte GmbH | ||||||||
Chambre : | 3.2.02 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive (non) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours a été introduit le 24 août 2000 par l'opposante (la requérante) contre la décision intermédiaire de la Division d'Opposition en date du 20. juillet 2000, selon laquelle le brevet européen n° 0 787 217 et l'invention à laquelle il se rapporte satisfont aux exigences de la Convention compte tenu des modifications apportées au cours de la procédure d'opposition. Un mémoire de recours a été reçu le 30. novembre 2000.
L'opposition contestait l'ensemble du brevet eu égard à l'article 100a) CBE (manque d'activité inventive).
II. Outre les documents suivants, déjà invoqués dans la décision contestée :
D1: T.D. Burleigh : "Microscopic Investigation of the Intergranular Corrosion of Alloy 6013-T6", in: Aluminium Alloys, Their Physical and Mechanical Properties (ICAA3) volume II, The Norwegian Institute of Technology, Dept. of Metallurgy and SINTEF Metallurgy, Trondheim, Norvège, Juin 1992, pages 435 à 440
D2: M.C. Reboul et al. : "Stress Corrosion Cracking of High Strength Aluminium Alloys" in: Aluminium Alloys, Their Physical and Mechanical Properties (ICAA3) volume II, The Norwegian Institute of Technology, Dept. of Metallurgy and SINTEF Metallurgy, Trondheim, Norvège, Juin 1992, pages 453 à 460
D6: EP-A-0 173 632
D7: Aluminium, Properties and Physical Metallurgy, 5. impression, 1993, édité par John E. Hatch, ASM, Metals Park, Ohio (USA), pages 184 à 188, 252 à 254, 260 à 263
D8: Norme Européenne, EN 515:1003E, (Version anglaise) Août 1993, CEN Comité Européen de Normalisation, pages 1 à 16
D10: H. Godard et al.: "The Corrosion of Light Metals", 1967, J. Wiley&Sons Inc., New York, USA, pages 70 à 72,
la requérante a cité dans le mémoire exposant les motifs du recours les documents supplémentaires suivants :
D12: Courbe établie à partir du tableau 2 du brevet en litige
D13: Norme militaire américaine MIL-HDBK-5E, 1. Juin 1987, pages 3-245; 3-246, 3-247, 3-271, 3-277 à 279, 3-307, 3-309, 3-311, 3-312
D14: Liste de compositions enregistrées d'alliages en aluminium notamment 7010, 7050, 7075
III. Les revendications indépendantes 1 et 7 (procédé et produit) en litige s'énoncent comme suit :
"1. Procédé de fabrication de produits en alliage d'aluminium du type AlSiMgCu à haute résistance présentant une bonne résistance à la corrosion intercristalline, comportant les étapes suivantes :
- coulée d'une plaque ou d'une billette de composition (en poids) :
Si: 0,7 - 1,3 %
Mg: 0,6 - 1,1 %
Cu: 0,5 - 1,1 %
Mn: 0,3 - 0,8 %
Zr: <0,20%
Fe: <0,30%
Zn: <1 %
Ag: <1 %
Cr: <0,25%
autres: <0,05% chacun et <0,15% au total
reste aluminium avec Mg/Si < 1
- homogénéisation entre 470 et 570°C
- corroyage à chaud et éventuellement à froid
- mise en solution entre 540 et 570°C
- trempe
- revenu comportant au moins un palier à une température comprise entre 150 et 250°C, et de préférence entre 165 et 220°C, la durée totale mesurée en temps équivalent à 175°C étant comprise entre 30 et 300 h."
"7. Produit laminé ou filé fabriqué par un procédé selon l'une des revendications 1 à 6, désensibilisé à la corrosion intercristalline au sens de la norme MIL-H-6088 et présentant à cet état désensibilisé une conductivité électrique supérieure d'au moins 0,5 MS/m à celle mesurée à l'état T6".
IV. La requérante a argumenté essentiellement comme suit :
La requérante considère que l'objet du brevet contesté découle de façon évidente de l'enseignement du document D6, compte tenu des connaissances générales de l'homme du métier dans le domaine du traitement thermique de l'alliage d'aluminium considéré.
Plus particulièrement, le procédé revendiqué se rapporte à la fabrication et au traitement thermique d'un alliage d'aluminium AlSiMgCu ayant le numéro d'enregistrement AA6056, lequel fait également l'objet du document D6. Ce dernier divulgue le rapport Mg/Si < 1 et les étapes du traitement thermique selon la revendication 1 du brevet litigieux, à l'exception de la durée du revenu à l'état T6. Le document D6 constitue donc l'état de la technique le plus proche. En outre, il est connu que les alliages AA6000 en général, et AA6013 et AA6056 en particulier, ont une tendance accrue à la corrosion intercristalline et aux piqûres de corrosion ("pitting corrosion") après le revenu T6. Pour contrer cette tendance fâcheuse à la corrosion, les manuels (D7, D10) et les revues (p.ex. D1) recommandent à l'homme du métier, soit un vieillissement naturel ("natural aging") à l'état T4 soit un survieillissement fort ("severe overaging"). Le document D8 décrit aussi les effets de ce survieillissement obtenu par le revenu T7, pendant lequel on conduit l'opération au delà du pic de vieillissement, ainsi que les possibilités de variation du revenu T7, qui permettent d'influer favorablement sur divers types de corrosions et sur la ténacité. Compte tenu de ces enseignements techniques existants, l'homme du métier devait s'attendre à ce que la corrosion intercristalline d'un alliage AA6056 à l'état T6 puisse être améliorée par un revenu prolongé, c'est à dire par un survieillissement. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 ne présente pas d'activité inventive.
V. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet. À titre subsidiaire, elle requiert l'aménagement d'une procédure orale si la Chambre envisageait une autre issue que la révocation du brevet.
VI. L'intimée (titulaire du brevet) n'a pas répondu au mémoire de recours de la requérante, malgré l'invitation à le faire signifiée par la Chambre le 8 décembre 2000, invitation assortie d'un délai de quatre mois.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. État de la technique le plus proche
En règle générale, l'état de la technique le plus proche est constitué par un document dont l'objet a été développé dans le même but ou avec la même finalité, et exigeant un minimum de modifications structurelles et fonctionnelles. Cette démarche permet de fonder l'appréciation de l'activité inventive sur une situation de départ qui se rapproche de manière aussi réaliste que possible de celle dans laquelle se trouvait l'inventeur (cf. Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 4e édition 2001, I-D, notamment les points 3.1 et 3.2).
Comme le montre la description de la page 3, lignes 4 à 20, la titulaire du brevet est partie de l'alliage en aluminium mentionné dans le document D6 et enregistré sous le numéro AA6056, alliage caractérisé par de bonnes propriétés mécaniques. La composition préférée de l'alliage AA6056 est la suivante (en pourcentages pondéraux) : Si : 1 à 1,15 ; Mg : 0,8 à 1 ; Cu : 0,8 à 1. ; Mn : 0,5 à 0,7 ; Zr : 0,08 à 0,12 et Zn : 0,20 à 0,70 (cf. D6, page 2, lignes 29 à 34). Tant la composition préférée que les exemples 1 à 4 énoncés au tableau 1 de D6 satisfont à la condition Mg/Si < 1 imposée par la revendication 1 du brevet contesté, condition ayant pour effet de réduire la sensibilité à la corrosion intercristalline. En outre, les températures de traitement thermique et les opérations énoncées dans les exemples 1 et 2 de D6 correspondent à celles de la revendication 1, à l'exception toutefois de la durée du revenu T6 à 175°C. Celle-ci doit se situer entre 30 et 300 heures selon la revendication 1. La durée prolongée du revenu teq à 175°C constitue dès lors la seule différence technique de l'objet de la revendication 1 par rapport à l'enseignement du document D6. Par conséquent, le document D6 constitue l'état de la technique le plus proche.
3. Problème et solution
Comme la titulaire du brevet, spécialiste du domaine technique considéré, l'indique dans la description du brevet litigieux, on a observé que l'alliage AA6056 - au même titre que l'alliage AA6013 - présentait, à l'état de survieillissement T6 (c'est-à-dire pour les produits en aluminium fabriqués selon l'enseignement de D6, avec un "peak aging"), une sensibilité accrue à la corrosion intercristalline (cf. D2, page 455, paragraphe 6XXX Al-Mg-Si Alloys). Partant de l'enseignement du document D6, le problème à la base du brevet litigieux consiste donc à proposer un traitement thermique de l'alliage AA6056 aboutissant à une désensibilisation de l'alliage à la corrosion intercristalline, sans que cela ait toutefois des inconvénients majeurs au niveau des propriétés mécaniques.
La solution de ce problème consiste à prolonger la durée du revenu T6 d'environ 8 heures, jusqu'à une durée teq comprise entre 30 et 300 heures à 175°. Les durées t des températures s'écartant de la température de référence (175°) doivent ici être converties en durées équivalentes (teq) via la formule figurant aux lignes 48 à 55 de la page 4.
4. Activité inventive
Cette solution était cependant évidente pour l'homme du métier, comme démontré ci-dessous.
Il est généralement connu que les alliages d'aluminium 6XXX sont sensibles à la corrosion intercristalline. Les moyens de combattre une telle corrosion sont également connus. Ainsi, à la page 70 du document D10, on apprend que la corrosion intercristalline repose sur un mécanisme électrochimique qui est déclenché et favorisé par des cellules localisées, c'est-à-dire par des différences de concentration entre les grains. Cette corrosion intergranulaire peut être réduite par un traitement thermique qui entraîne dans les grains une distribution (précipitation) plus uniforme des composants de l'alliage. En outre, il est dit au paragraphe 1 de la page 72 de D10 que des teneurs plus élevées en silicium et un revenu T6 augmentent la tendance à la corrosion intercristalline des alliages Al-Mg-Si, et que cette dernière peut être diminuée soit par un revenu T4 soit par un surviellissement ("overaging") (cf. D10, page 72, paragraphe 2).
L'homme du métier tire le même enseignement du document D1. Ainsi, au dernier paragraphe de la page 439 de D1, il est indiqué qu'un survieillissement fort ("severe overaging") réduit la tendance à la corrosion intergranulaire des alliages AA6013-T6, mais en accroissant simultanément leur vulnérabilité aux piqûres de corrosion ("pitting corrosion"). D1 indique en outre qu'après un revenu T4, cet alliage est moins sujet à la corrosion intercristalline qu'après un revenu T6 (cf. D1, page 440, paragraphe 1).
Comme il n'est cependant pas possible, en règle générale, d'obtenir les propriétés mécaniques élevées souhaitées (Rm, R0.2, A) à l'aide d'un revenu T4 (vieillissement naturel), mais seulement à l'aide d'un vieillissement artificiel jusqu'au maximum (revenu T6, "peak aging"), il ne pouvait échapper à l'homme du métier que seul un survieillissement pouvait permettre de réduire la sensibilité à la corrosion intergranulaire de l'alliage AA6056-T6. Le concept de "survieillissement artificiel" ("artificial overaging") est en effet connu dans ce domaine de la technique et est désigné par revenu T7 (cf. D8, Norme européenne EN515, 1993, page 9, figure 1 ; pages 14, 15). Dans le revenu T7, les alliages d'aluminium subissent un traitement thermique prolongé au-delà du maximum ("peak") des propriétés mécaniques afin d'améliorer, entre autres, le comportement vis-à-vis de la corrosion, notamment la résistance à la corrosion fissurante sous tension ("SCC stress corrosion cracking") et à la corrosion exfoliante. Le document D8 stipule que le revenu T7 a pour but d'arriver à un compromis optimal entre la diminution de la résistance mécanique et l'augmentation de la résistance à la corrosion (cf. D8, page 9, point 7.3.3).
C'est précisément ce compromis entre deux paramètres antagonistes que revendique le procédé selon la revendication 1 du brevet contesté. L'homme du métier spécialiste des alliages d'aluminium n'avait donc qu'à utiliser ses connaissances générales en métallurgie pour résoudre le problème précité, à savoir augmenter la résistance de AA6056-T6 à la corrosion intercristalline, sans devoir compromettre gravement les propriétés mécaniques souhaitées et ajuster la durée du revenu T6 au temps nécessaire à l'obtention de ce compromis. Une telle démarche, à la portée de l'homme du métier ne repose cependant pas sur une activité inventive (cf. La Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 4ème édition 2001, I.D. - 6.16: optimisation de paramètres, notamment le troisième paragraphe).
Pour les mêmes raisons, la revendication 7 portant sur un produit obtenu par le procédé de la revendication 1 n'implique pas non plus d'activité inventive. Ici aussi, l'homme du métier est à même de trouver, entre les propriétés mécaniques désirables et le comportement à la corrosion de l'alliage AA6056, un compromis approprié aux conditions d'utilisation des pièces fabriquées par ce procédé. A ce sujet, la conductivité électrique mentionnée dans la revendication 7 peut servir d'indicateur du degré de "vieillissement artificiel". Ce paramètre ne peut donc pas contribuer à conférer une activité inventive à l'objet de la revendication 7. Les exigences de l'article 56 CBE ne sont donc pas satisfaites.
L'argumentation avancée par la requérante à la page 12 de son mémoire exposant les motifs du recours est partagée par la Chambre. Elle n'a pas été contestée par l'intimée.
5. La procédure orale n'ayant été requise par la requérante qu'à titre subsidiaire et le droit d'être entendu offert à l'intimée ayant été préservé, bien qu'elle n'ait pas fait usage de son droit, la Chambre est habilitée à rendre une décision directement, en l'état du dossier.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le brevet est révoqué.