T 0766/00 () of 22.10.2002

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2002:T076600.20021022
Date de la décision : 22 Octobre 2002
Numéro de l'affaire : T 0766/00
Numéro de la demande : 92400600.0
Classe de la CIB : F25J 3/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de production d'oxygène gazeux sous pression
Nom du demandeur : L'AIR LIQUIDE, S.A.
Nom de l'opposant : LINDE AKTIENGESELLSCHAFT
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52(1)
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours vise à faire annuler la décision datée du 25. mai 2000 d'une division d'opposition qui a révoqué le brevet européen EP-B-0 504 029 au motif que son objet selon la revendication 1 telle que délivrée ou selon des requêtes auxiliaires n'impliquait pas d'activité inventive (articles 52(1) et 56 CBE). Dans les motifs de cette décision relatifs à ce motif, les documents suivants sont cités :

E1 : US-A-2 708 831

E3 : US-A-4 303 428

E4 : US-A-2 915 882

E5 : EP-A-0 420 725

E6/E12 : G.de Percin, "La production d'oxygène sous pression", qui correspond à un exposé lors d'une conférence à Grenoble en 1955. Dans la présente décision, il sera fait référence à la traduction anglaise E12 de ce document, qui a été publiée dans le "Supplement to the Bulletin of the International Institute of Refrigeration, 1955", pages 290 à 297.

II. La requérante, titulaire du brevet, a formé recours et payé la taxe afférante le 25 juillet 2000. Avec son mémoire de recours reçu le 22 septembre 2000, elle a déposé trois jeux de revendications à titre de requêtes auxiliaires.

L'intimée, opposante, par lettre reçue le 15. février 2001, a indiqué qu'elle ne maintenait pas ses objections originales basées sur l'article 100 (b) et (c) à condition que l'interprétation de la revendication 1. donnée au point 2 de la décision incriminée soit conservée. Elle a en outre pris position sur les requêtes auxiliaires, demandant en particulier qu'une recherche supplémentaire d'antériorités soit effectuée concernant les objets de certaines de ces requêtes, qui comportent des caractéristiques uniquement tirées de la description du brevet.

La requérante, par courrier daté du 10 septembre 2001, a donné son accord pour cette dernière requête de l'intimée et a déposé le document suivant destiné à soutenir un des ses arguments :

E15 : Tieftemperaturtechnik 1985, Hausen und Linde, pages 326 à 328.

III. Suite à l'opinion provisoire de la chambre annexée à la convocation à une procédure orale, la requérante a déposé respectivement le 28 août 2002 un nouveau jeu de revendications modifiées pour la deuxième requête auxiliaire ainsi que de nouvelles pages de description et dessins pour les trois requêtes auxiliaires, et le 10. octobre 2002 un nouveau jeu de revendications pour la première requête auxiliaire.

Par courrier reçu le 20 septembre 2002, l'intimée a soumis le nouveau document suivant :

E16 : E.Schönpflug et al, Linde AG, "Recent advances in air separation technology", Cryogenics 1990 Vol September Supplement, pages 17 à 24.

IV. La procédure orale s'est tenue le 22 octobre 2002. Dès le début de cette procédure, la requérante a présenté une nouvelle requête principale limitée aux revendications 1 à 9 du brevet tel que délivré.

V. La revendication 1 telle que délivrée s'énonce comme suit :

"Procédé de production d'oxygène gazeux sous une haute pression d'oxygène par distillation d'air dans une installation à double colonne (7), pompage d'oxygène liquide soutiré en cuve de la colonne basse pression (9), et vaporisation de l'oxygène liquide comprimé par échange de chaleur, dans une ligne d'échange thermique (6) de l'installation, avec de l'air porté à une haute pression d'air, dans lequel on comprime à la haute pression d'air la totalité de l'air à distiller; à une température intermédiaire de refroidissement, on détend dans une turbine (4), à la pression de la colonne moyenne pression (8), une fraction de cet air, caractérisé en ce que la fraction d'air est excédentaire par rapport aux besoins frigorifiques de la ligne d'échange thermique, la turbine (4) est freinée par un surpresseur d'air (5) et on réduit l'écart de température au bout chaud de la ligne d'échange en évacuant de l'installation au moins un produit liquide."

VI. Les arguments de la requérante peuvent être résumés comme suit :

Le choix du document E12 comme art antérieur le plus proche n'est pas approprié, car l'auteur de ce document, bien qu'il ait remarqué ce problème de pertes dûes à l'écart de température au bout chaud de l'échangeur thermique (voir la page 3 de E12), dissuade l'homme du métier d'utiliser le procédé dit "à pompe" de production d'oxygène gazeux sous pression avec compression de la totalité de l'air à une haute pression unique. L'auteur indique en effet qu'un tel procédé a une efficacité thermodynamique peu favorable (pages 7 et 8) et, à la fin de ce document, il dirige l'homme du métier vers un procédé plus complexe qui implique deux turbines en série avec un échangeur intercalé entre les deux.

Par ailleurs, l'homme du métier distingue deux types d'appareils de séparation d'air, selon qu'ils soient prévus pour produire des produits uniquement gazeux ou pour produire des produits gazeux et liquides, voir à ce sujet E15. Pour cet homme du métier, il ne viendrait pas à l'idée d'utiliser pour la production de liquides un appareil uniquement prévu pour produire des gaz, car il sait que de nombreuses modifications doivent intervenir, en particulier parce que plus de froid est exigé pour la production de produits liquides.

Comme l'indique le revendication 1 telle que délivrée du brevet attaqué, le fraction d'air, qui est détendue dans la turbine, est excédentaire par rapport aux besoins frigorifiques de la ligne d'échange thermique. Il y a donc production de froid excédentaire qui ne correspond pas au nombre de frigories strictement requises par la ligne d'échange et qui se traduit par une production de liquide en tant que produit fini qui ne passe pas par la ligne d'échange, tandis que la quantité de produits gazeux produits à la sortie de l'échangeur est moindre. La variation de températures entre produits entrants et produits sortants au bout chaud de la ligne d'échange s'en trouve réduite, le diagramme d'échange est amélioré et le bilan frigorifique de l'installation est proche de l'équilibre.

L'inventeur du procédé tel que revendiqué par la revendication 1 contestée est l'auteur du document E12, qui date de 1955, et bien qu'il ait pris conscience du problème à cette époque, il n'a trouvé en fait la solution simple présentement revendiquée que 36 ans après. Aucun des documents cités ne suggère de retirer des produits liquides pour améliorer le diagramme d'échange thermique dans un procédé selon le préambule de la revendication 1. Le soutirage de liquide est certes connu de E1, E3 et E4, mais encore faudrait-il démontrer que l'homme du métier choisirerait d'extraire cette caractéristique précise afin de résoudre les problèmes rencontrés dans le procédé selon E12.

VII. De façon très résumée (la partie principale de son exposée relative à l'interprétation de la revendication 1 est reprise dans les motifs qui suivent), l'intimée a répliqué selon la ligne d'arguments suivants :

La seule interprétation, qui soit raisonnable, de la dernière caractéristique de la revendication 1 amène à conclure que, quelque soit le type de procédé du type "à pompe" de production d'oxygène gazeux sous un haute pression, le retrait d'un produit liquide de l'installation de distillation amène inévitablement à une réduction de l'écart de température au bout chaud de l'échangeur de chaleur et qu'aucun problème technique n'est en fait résolu par cette caractéristique. La production de liquides ne fait que correspondre à des besoins de clients. Or, le document E16 recommande de satisfaire ce besoin dans le cadre de tels procédés. La solution revendiquée est donc triviale.

VIII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur le fondement de sa requête principale déposée pendant la procédure orale ou sur le fondement de l'une de ses trois requêtes auxiliaires respectivement déposées les 10 octobre 2002 pour la première, 28 août 2002 pour la seconde et 22. septembre 2000 pour la troisième.

L'intimée demande le rejet du recours. Elle requiert par ailleurs que les requêtes auxiliaires soient renvoyées à la première instance si elles étaient admises à la procédure.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête Principale

2. La recevabilité des revendications 1 à 9 de cette requête ne fait aucun doute, s'agissant des mêmes revendications que celles délivrées, la modification consistant uniquement en la suppression des revendications 10 à 17.

3. Nouveauté de l'objet de la revendication 1

Par rapport au contenu de chacun des documents cités, l'objet de la revendication 1 est nouveau. Ce point n'a plus été mis en cause au cours de la présente procédure, si bien qu'il n'y a pas lieu de s'y étendre.

4. Activité inventive

4.1. Art antérieur le plus proche

La requérante a contesté le choix de E12 pour ce but, mais elle n'a pu en cité aucun autre qui serait plus approprié parmi tous ceux cités dans les diverses procédures. De plus, ne serait-ce que dans son mémoire de recours, elle a discuté de l'activité inventive impliquée en partant de cet art antérieur. Or ce document est pertinent, car il est le seul qui souligne une des moyens d'éviter de trop grandes pertes frigorifiques, c'est-à-dire d'avoir au bout chaud de l'échangeur de chaleur un écart de température aussi réduit que possible.

4.2. La figure 1 de E12 avec le texte correspondant en page 6 montre une installation de distillation qui correspond aux caractéristiques principales du procédé de la revendication 1, à savoir un procédé dit "à pompe" avec une seule haute pression de l'air au départ, donc un seul compresseur, et une seule ligne d'échange. Il n'a pas été contesté que le procédé selon la revendication 1 diffère du procédé correspondant de E12 par deux caractéristiques, à savoir le freinage de la turbine de détente par un surpresseur et la dernière caractéristique de la revendication 1. Le freinage d'une turbine dans ce domaine technique améliore le rendement énergétique, mais ceci est bien connu, voir par exemple E3, E4 et surtout E5, qui utilise -tout comme la présente invention - des surpresseurs pour freiner les turbines. La requérante n'a pas montré que cette caractéristique avait quelque effet synergétique avec les autres caractéristiques de la revendication 1.

La clé de la solution de la revendication 1 du brevet en cause réside donc dans sa dernière caractéristique, c'est-à-dire l'évacuation d'au moins un produit liquide de l'installation de distillation, ce qui permet de réduire l'écart de température au bout chaud de la ligne d'échange.

4.3. Le retrait d'un produit liquide d'une installation de distillation a pour corollaire de réduire la quantité de produits gazeux à la sortie chaude de l'échangeur de chaleur. Or le débit d'air entrant restant le même, l'apport de calories dans la ligne d'échange reste identique. La quantité réduite de gaz sortants est donc davantage chauffée, ce qui se traduit inéluctablement par un écart de température réduit au bout chaud de la ligne d'échange de chaleur. Il y a donc automaticité entre le retrait de produits liquides et la réduction de l'écart de température, ceci indépendamment du procédé employé. Certes, le diagramme d'échange est amélioré, mais ceci s'applique à tout procédé similaire dans lequel un produit liquide est retiré, voir E1, E3 et E4, qui concernent aussi des procédés dits "à pompe" de production d'oxygène gazeux à haute pression. Le retrait de produit liquide comme solution pour réduire l'écart de températue au bout chaud de l'échangeur de chaleur n'est donc pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est juste l'application à un procédé particulier parmi les procédés dits "à pompe".

On ne peut non plus parler d'une "amélioration de l'efficacité thermodymamique" du procédé. Un produit liquide demande plus d'énergie qu'un produit gazeux. Si donc, selon la revendication 1 du brevet attaqué, la solution consiste uniquement à retirer du produit liquide, toutes les autres paramètres du procédé demeurant les mêmes, on aboutit progressivement à un appauvrissement en liquide, donc en énergie, du procédé, et l'installation tombe en panne au bout d'un certain temps.

Normalement, l'homme du métier, qui veut augmenter la production d'une installation en soutirant des produits liquides, doit commencer par augmenter le débit de la turbine, donc introduire de l'énergie.

Au cours de la procédure orale, la requérante a admis la justesse de ces considérations techniques. Elle s'est contenté d'affirmer que des installations fonctionnaient sans problème selon le procédé revendiqué, mais sans indiquer comment l'inconvénient majeur ci-dessus était surmonté lorsque la solution, telle que revendiquée, à savoir seulement retirer un produit liquide, était utilisée.

4.4. Partant de E12, la chambre s'est, par suite, trouvée être confrontée à la question de définir le problème à la base de la présente invention. Aucun problème technique n'est véritablement résolu, si bien que le seul problème qui est apparu comme étant plausible est celui d'augmenter l'efficacité économique du procédé connu de E12.

4.5. La seconde partie du document E16, qui date de septembre 1990, donc environ 6 mois avant la première date de priorité revendiquée par le brevet attaqué, donne un résumé bref des développements dans les installations de séparation cryogénique de l'air comportant un procédé dit "à pompe" de production d'oxygène gazeux à haute pression. Un exemple d'une telle installation avec vaporisation de l'oxygène liquide par un courant d'azote recyclé est décrit. Une conclusion de ce document s'énonce comme suit :

"An industrial gas company for liquid products having the opportunity to deliver a big amount of gaseous pressurized oxygen to a customer across the fence can take advantage from the installation of the internal pumping system for compressed oxygen."

Le tableau 3.1., située juste au dessus de ce passage, compare le rendement économique d'installations de production d'oxygène dits "à pompe", qui produisent soit uniquement des produits gazeux, soit des produits gazeux et liquides. Le rendement économique du deuxième cas de figure est montré comme étant le plus favorable (même si plus d'énergie est demandée au départ).

Cet article indique donc que, du point de vue économique, il est avantageux d'utiliser une installation de production d'oxygène dite "à pompe" pour produire à la fois des produits gazeux et des produits liquides.

4.7. De plus, le passage ci-dessus et le tableau montrent que l'argument de la requérante, selon lequel il était impensable pour l'homme du métier de produire du liquide par une installation faite pour produire uniquement du gaz, n'était plus d'actualité en 1990. Ceci semble être confirmé par l'observation suivante : Le manuel "Tieftemperaturtechnik" (E15), sur lequel la requérante s'est appuyée pour soutenir son argument, classe les procédés de production d'oxygène dits "à pompe" dans les appareils pour produire des gaz (section 4.5.1.) ; or les documents E1, E3 et E4, qui datent d'années antérieures (1955 à 1981) montrent que des procédés dits "à pompe" ont aussi été conçus pour produire des produits gazeux et liquides, prouvant que l'homme du métier ne se laisse pas enfermé à l'intérieur de classements déterminés d'installations ou de procédés, surtout que dans le cas présent, avec les procédés dit "à pompe", il y a déjà usage d'oxygène liquide produit par l'installation.

4.8. Quant à l'argument touchant les nombreuses années mises par l'inventeur à passer de la perception du problème à la solution revendiquée, cet argument ne constitue qu'un indice et non une preuve d'activité inventive. En outre, la valeur de cet indice est douteuse, car à l'origine ce sont les acieries qui ont été demanderesses de grosses quantités d'oxygène, mais essentiellement sous forme gazeuse. Les besoins en oxygène liquide étaient plus limités, ce qui réduisait le besoin de résoudre le problème.

4.8. Pour toutes ces raison, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale de la requérante n'implique pas d'activité inventive (articles 52(1) et 56 CBE).

Requêtes auxiliaires

Ces requêtes sont formellement recevables. Les revendications 1 des deux premières requêtes, sous leur forme actuelle, n'ont pas fait l'objet d'un examen de la première instance et diffèrent sensiblement de la revendication 1 selon la requête principale. Comme, en outre, elles comportent des caractéristiques qui n'apparaissaient pas dans les revendications délivrées et que les deux parties sont d'accord pour, éventuellement, effectuer une recherche additionnelle, la chambre estime qu'il convient de renvoyer l'affaire à la première instance en application de l'article 111(1) CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décison attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la première instance pour poursuite de la procédure.

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