European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2005:T066500.20050413 | ||||||||
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Date de la décision : | 13 Avril 2005 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0665/00 | ||||||||
Numéro de la demande : | 87401470.7 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 7/035 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | B | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Compositions sous forme de poudre non compactée contenant des microsphères creuses à base de matériau synthétique thermoplastique | ||||||||
Nom du demandeur : | L'OREAL | ||||||||
Nom de l'opposant : | PARFUMS CHRISTIAN DIOR | ||||||||
Chambre : | 3.3.07 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Priorité partielle - validité - (oui) Nouveauté (oui) - utilisation antérieure (non) - preuve insuffisante - objet de l'usage antérieur décrit dans le document de priorité Activité inventive - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La mention de la délivrance du brevet européen nº 254 612 fondé sur la demande de brevet européen nº 87401470.7 déposée le 25 juin 1987 et revendiquant la priorité de la demande FR 8609289 en date du 26 juin 1986, a été publiée le 12 juin 1991.
Le libellé des deux revendications indépendantes 1 et 10 du brevet s'énonce comme suit :
"1. Utilisation, dans la préparation d'une poudre non compactée pour le maquillage ou les soins du corps et du visage, de microsphères creuses en matériau synthétique thermoplastique, caractérisée par le fait que lesdites microsphères creuses ont une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3)."
"10. Poudre non compactée pour le maquillage ou les soins du corps et du visage, contenant des microsphères creuses de matériau synthétique thermoplastique, caractérisée par le fait que les dites microsphères creuses ont une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3)."
II. Une opposition a été formée en vue d'obtenir la révocation du brevet sur le fondement de l'article 100a) CBE, pour manque de nouveauté et d'activité inventive au vu, entre autres, des documents suivants :
D6 : Traduction en anglais de la demande de brevet JP-A-60 184 004
D7 : deux pages d'une brochure commerciale mentionnant les spécifications de produits de dénomination "Expancel DE"
D8 : DE-A-2 521 003
D9 : US-A-3 615 972
D10 : EP-A-0 056 219
III. Par décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 27 septembre 1994 et signifiée par voie postale le 25 octobre 1994, la division d'opposition a rejeté l'opposition.
Les motifs de cette décision peuvent se résumer comme suit :
a) D6, qui était le seul document cité contre la nouveauté ne divulguait pas de microsphères creuses avec une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3). L'objet des revendications indépendantes 1 et 10 du brevet litigieux était donc nouveau (article 54 CBE).
b) Le problème à résoudre par l'invention était d'obtenir des poudres non compactées fines et légères, peu sensibles à l'humidité ambiante, ayant un toucher onctueux, pouvant comporter des proportions relativement élevées d'huile sans avoir tendance à s'agglomérer, faciles à étaler et donnant à l'utilisateur une sensation de confort. Les documents cités par l'opposante ne suggéraient pas à l'homme du métier de sélectionner des microsphères creuses avec une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3) pour augmenter l'adsorption d'huile et résoudre le problème technique à la base du brevet. L'objet des revendications impliquait donc une activité inventive (article 56 CBE).
IV. L'opposante a formé un recours contre cette décision. Au cours de la procédure de recours elle a invoqué une utilisation antérieure préjudiciable à la nouveauté se situant entre la date de priorité et la date de dépôt de la demande de brevet, en se fondant sur les documents suivants :
D14 : Cosmétique, nº 18 du 1 au 15 juin 1987, page de couverture et page 14
D15 : Cosmétique, nº 25 du 28 septembre au 12 octobre 1987, page de couverture et pages 4, 6 et 7.
La Chambre saisie de cette affaire a annulé la décision de la division d'opposition et a décidé de renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure (décision T 969/94 du 22 janvier 1998). Les motifs de cette décision peuvent se résumer comme suit :
a) Si elles étaient confirmées les informations divulguées par les documents D14 et D15 mettraient en évidence la commercialisation entre la date de priorité et la date de dépôt de la demande de brevet d'un produit se rapprochant considérablement de l'objet de l'invention. Par conséquent, les nouveaux moyens de preuve D14 et D15 produits tardivement étaient admis dans la procédure.
b) Il était incontestable que la valeur de masse spécifique, i.e. inférieur à 0,1 g/cm**(3), indiquée dans les revendications 1 et 10 du brevet litigieux n'était pas divulguée dans le document de priorité. Or, au vu de la date de commercialisation alléguée par la requérante, la question de la validité du droit de priorité se posait.
c) Comme aucun de ces points n'avait été examiné par la division d'opposition, l'affaire a été renvoyée à l'instance du premier degré pour poursuivre la procédure.
V. Lors de la procédure devant la division d'opposition l'opposante a déposé les documents suivants :
D16 : Cosmetic Research USA News, pages 103 et 105, Mars 1988.
D17 : copie de l'emballage et de la notice d'un produit "Poudre Majeur, Poudre libre micro-aérée, 09 café, Lancôme, Paris".
VI. Par la décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 6 avril 2000 et signifiée par voie postale le 27 avril 2000, la division d'opposition a rejeté l'opposition.
Les motifs de cette décision peuvent se résumer comme suit :
a) Le document de priorité indiquait que les microsphères creuses avaient une masse spécifique inférieure à 0,5 g/cm**(3). Cette valeur incluait donc la valeur de 0,1 g/cm**(3) spécifiée dans les revendications du brevet litigieux. D'autre part, les exemples mentionnés dans le document de priorité concernaient l'utilisation de microsphères de dénomination "Expancel DE" de la société Kemanord Plast qui selon la titulaire du brevet avaient une masse spécifique de 0,04 g/cm**(3). Par conséquent, le document de priorité décrivait les produits revendiqués dans le brevet. La limitation de masse spécifique n'avait été introduite dans les revendications que pour limiter leur portée. Cette limitation ne changeait ni la nature, ni le caractère de l'invention qui résidait dans l'utilisation de microsphères creuses de matériau thermoplastique de densité très faible. L'invention objet du brevet litigieux était donc la même que celle décrite dans le document de priorité. La date de priorité pouvait par conséquent être reconnue.
Les documents D14 et D15 ne faisaient donc pas partie de l'état de la technique.
b) La situation par rapport aux documents D1 à D13 restait la même que celle considérée dans la première décision de la division d'opposition.
VII. Le 21 juin 2000, l'opposante (ci-après "la requérante") a introduit un recours contre cette décision en acquittant le même jour la taxe prescrite. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 25 août 2000.
Par lettre datée du 11 mars 2005 la requérante a déposé un rapport d'expertise établi par le professeur Rosset.
VIII. Par lettre datée du 11 mars 2005, la titulaire du brevet (ci-après "l'intimée") a déposé six jeux de revendications modifiées à titre de requêtes subsidiaires.
IX. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 13 avril 2005.
X. La requérante a présenté essentiellement les arguments suivants :
Droit de priorité et usage antérieur
a) Le document de priorité ne mentionnait pas la valeur de la masse spécifique des microsphères creuses, i.e. inférieure à 0,1 g/cm**(3), telle que spécifiée dans les revendications du brevet litigieux. En effet, cette valeur avait été introduite dans la revendication 1 lors du dépôt de la demande de brevet européen afin de limiter la portée de cette dernière au vu de l'état de la technique. Le document de priorité précisait que les microsphères creuses avaient généralement une masse spécifique inférieure à 0,5 g/cm**(3) et ne mettait pas en exergue l'importance d'une très faible masse spécifique, caractéristique pourtant essentielle des compositions selon le brevet litigieux. La question du support de la valeur 0,1 g/cm**(3) par le document de priorité s'analysait dans les mêmes termes que celle du support d'une modification en vertu de l'article 123(2) CBE. Or, dans l'espèce il ne faisait aucun doute que l'introduction de la valeur 0,1 g/cm**(3) n'était pas supportée par le document de priorité et serait par analogie contraire aux exigences de l'article 123(2) CBE. La valeur inférieure à 0,1 g/cm**(3) pouvait également être considérée comme un "disclaimer" introduit dans le but de distinguer les compositions du brevet litigieux de celles divulguées par le document D6. Or, un tel "disclaimer" n'était pas admissible puisque le document D6 ne représentait pas une antériorisation fortuite comme l'exigeait une jurisprudence bien établie dans ce domaine. Par conséquent, l'objet des revendications du brevet litigieux constituait une invention différente de celle divulguée par le document de priorité et la date de priorité ne pouvait donc pas être reconnue.
b) Le document D14 mentionnait la commercialisation du produit "Poudre Majeur" par la société "Lancôme" filiale de l'intimée, début mai 1987 en Allemagne, donc avant la date de dépôt de la demande de brevet européen. La composition de ce produit pouvait être déduite du document D15, qui par ailleurs précisait que le produit "Poudre Majeur" avait déjà été lancé en France en 1986. Les caractéristiques du produit commercialisé étaient conformes aux caractéristiques requises par les revendications du brevet en litige. La masse volumique des microsphères creuses n'était pas précisée, mais ces microsphères, appelées microbulles dans D15, ne pouvaient être que des microsphères de dénomination "Expancel DE", commercialisées par la société "Kemanor", ces dernières étant les seules disponibles sur le marché européen avant la date de dépôt du brevet. Ces microsphères étaient les mêmes que celles utilisées dans les compositions selon les exemples du brevet litigieux. Or, les microsphères "Expancel DE" avaient une masse volumique inférieure à 0,05 g/cm**(3), et donc conforme à la masse volumique requise par les revendications du brevet litigieux.
Par conséquent, la commercialisation du produit "Poudre Majeur" détruisait la nouveauté des compositions objet des revendications du brevet en litige (article 54 CBE).
Si la Chambre n'était pas convaincue par les éléments de preuves versés par la requérante, il appartenait à l'intimée de prouver que le produit "Poudre Majeur" ne contenait pas de microsphères creuses de masse volumique conforme au brevet litigieux, en vertu du principe du renversement de la charge de la preuve qui s'appliquait au cas d'espèce.
Absence de nouveauté par rapport au document D6
c) Si la validité de la priorité était reconnue alors que le document de priorité ne mentionnait pas la valeur 0,1 g/cm**(3), la masse volumique mentionnée dans la revendication 1 du brevet en litige, i.e. inférieure à 0,1 g/cm**(3), ne pouvait pas être une caractéristique essentielle et critique des compositions selon le brevet litigieux et ne devait donc pas être prise en compte dans l'examen de la nouveauté. Par conséquent, la divulgation par le document D6 de poudres compactées à base de microsphères creuses de masse volumique égale à 0,56 g/cm**(3) détruisait la nouveauté de l'objet des revendications du brevet litigieux (article 54 CBE).
Activité inventive
d) Le document D6 concernait le problème de l'obtention d'une poudre cosmétique dont la transparence était améliorée, l'absorption d'huile élevée et l'absorption d'eau faible, tout en préservant un toucher doux et riche en élasticité. Ce problème était essentiellement le même que celui que se proposait de résoudre l'invention objet du brevet litigieux. D6 divulguait à cet effet l'utilisation d'une poudre de résine contenant des vides sphériques et de masse volumique inférieure à 1 g/cm**(3), de préférence inférieure à 0,8 g/cm**(3) et exemplifiait une composition dans laquelle les microsphères avaient une densité de 0,56 g/cm**(3). L'homme du métier pouvait déduire de l'enseignement de D6 qu'une diminution de la masse volumique entraînait une augmentation de la prise d'huile, ce qui était souhaitable pour la formulation de poudre puisque ces dernières pouvaient ainsi absorber une quantité plus importante d'ingrédients gras sans avoir tendance à agglomérer. Afin d'amplifier cet effet, il était évident pour l'homme du métier de diminuer encore la masse volumique des microsphères creuses et donc d'utiliser les microsphères "Expancel" qui étaient les seules microsphères creuses de masse volumique inférieure à 0,5 g/cm**(3) disponibles sur le marché. L'homme du métier était également incité à introduire des microsphères creuses de très faible densité dans les poudres compactées par l'enseignement du document D8 qui mentionnait les effets positifs, en particulier une bonne uniformité et l'absence de ségrégation, liés à la présence de ce type de microsphères dans des compositions cosmétiques.
Par conséquent, l'objet des revendications du brevet litigieux n'impliquait pas d'activité inventive au vu du document D6 seul ou en combinaison avec le document D8 (article 56 CBE).
XI. Les arguments de l'intimée peuvent se résumer ainsi :
Droit de priorité et usage antérieur
a) Le document de priorité mettait l'accent sur l'importance d'utiliser des microsphères de très faible masse volumique pour la préparation des poudres non compactées. Pour illustrer la préparation de telles microsphères, le document de priorité faisait référence aux documents D9 et D10 qui décrivaient les microsphères "Expancel" de masse volumique 0,030 à 0,035 g/cm**(3). Ces microsphères étaient utilisées dans les compositions cosmétiques exemplifiées dans le document de priorité. La valeur de masse volumique, i.e. inférieure à 0,1 g/cm**(3), introduite dans la revendication 1 du brevet litigieux permettait de délimiter l'objet revendiqué et l'étendue de la protection recherchée sans changer la nature de l'invention exposée dans le document de priorité. Par conséquent, le brevet litigieux devait jouir de la date de priorité revendiquée. L'usage antérieur sur lequel se fondait l'intimée ne pouvait donc être préjudiciable à la nouveauté puisqu'il était postérieur à la date de priorité du brevet litigieux.
b) En outre, le document D14 sur lequel se fondait la requérante ne précisait pas les caractéristiques techniques du produit "Poudre Majeur". Le document mentionnait "la sortie début mai" du produit, ce qui ne pouvait être une preuve tangible d'une commercialisation ou d'une mise à la disposition du public du produit. Le document D15 était postérieur à la date de dépôt de la demande de brevet et ne pouvait donc prouver la composition du produit "Poudre Majeur" à une date antérieure. En outre, il n'existait aucun lien entre les documents D14 et D15. Par ailleurs, l'objet des revendications du brevet litigieux était défini par un ensemble de caractéristiques techniques qui n'étaient pas toutes mentionnées dans le document D15. Le document D17 montrait que la dénomination "Poudre Majeur" englobait deux formulations différentes, notamment une poudre compacte et une poudre libre. Le document D14 n'indiquait pas quelle formulation était "sortie début mai" alors que le brevet litigieux ne concernait que les poudres non compactées.
Au vu du laps de temps écoulé depuis le prétendu usage antérieur, soit environ 17 années, l'intimée n'était pas en mesure de fournir d'autres données concernant le produit "Poudre Majeur" et sa prétendue commercialisation.
Il n'existait ainsi aucune preuve certaine de l'usage public antérieur invoqué par la requérante.
Absence de nouveauté par rapport au document D6
c) La valeur de masse volumique, i.e. inférieure à 0,1 g/cm**(3), mentionnée dans les revendications du brevet litigieux devait être prise en compte dans l'analyse de la nouveauté et distinguait les poudres compactes du brevet litigieux des poudres divulguées par le document D6. L'objet des revendications était donc nouveau (article 54 CBE).
Activité inventive
d) Le problème technique que se proposait de résoudre l'invention objet du brevet litigieux était de réaliser des poudres non compactées fines et légères, peu sensibles à l'humidité ambiante, ayant un toucher onctueux, pouvant comporter des proportions relativement élevées d'huiles sans avoir tendance à s'agglomérer, faciles à étaler et donnant à l'utilisateur une sensation de confort. Comme le démontrait l'exemple comparatif mentionné dans le brevet litigieux, ce problème était résolu en incorporant, dans les poudres non compactées pour le maquillage ou les soins du visage ou du corps, un matériau synthétique thermoplastique présenté sous la forme de microsphères creuses de très faible masse volumique, i.e. inférieure à 0,1 g/cm**(3).
Le document D6 visait à proposer des compositions cosmétiques offrant un équilibre adéquat entre l'adsorption d'huile et l'adsorption d'eau en incorporant dans les compositions des particules de polymère sphériques de densité égale à 0,58. Les particules de polymères de très faible masse volumique Expancel utilisées dans les compositions selon le brevet litigieux avaient, par rapport aux particules préconisées par D6, un comportement complètement différent comme l'attestait le rapport d'expertise du professeur Rosset fourni par la requérante. Au vu de l'extrême légèreté de ces particules l'homme du métier pouvait s'attendre à rencontrer des difficultés à les incorporer dans des compositions cosmétiques. En outre, alors que les particules Expancel étaient connues avant l'invention selon D6, elles n'avaient néanmoins pas été utilisées dans les compositions décrites dans ce document. L'homme du métier ne trouvait donc aucune incitation dans le document D6 à utiliser des particules de type Expancel pour résoudre le problème technique à la base du brevet litigieux.
Le document D8 concernait des crèmes et non des poudres non compactées qui étaient l'objet du brevet litigieux. En outre, les particules de faible masse volumique étaient incorporées dans les crèmes décrites dans le document D8 pour donner du volume à ces dernières et non pour servir les objectifs que visait le brevet litigieux.
Par conséquent, les compositions revendiquées ne pouvaient découler de façon évidente de l'enseignement du document D6 seul ou en combinaison avec le document D8. Une activité inventive devait donc être reconnue (article 56 CBE).
XII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée requiert à titre principal que le recours soit rejeté et que le brevet soit donc maintenu tel que délivré, à titre subsidiaire que le brevet soit maintenu sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 6 soumises avec la lettre du 11 mars 2005.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
Requête principale
Nouveauté
2. Usage antérieur et droit de priorité
La requérante invoque un usage antérieur public préjudiciable à la nouveauté des objets revendiqués en se fondant sur les documents D14 et D15 qui prouveraient la mise à la disposition du public entre la date de priorité et celle du dépôt du brevet litigieux du produit de maquillage "Poudre Majeur" par la société Lancôme. L'objet des revendications du brevet litigieux ne pouvant selon la requérante bénéficier de la date de priorité, l'usage antérieur était préjudiciable à la nouveauté puisque le produit "Poudre Majeur" avait les mêmes caractéristiques techniques que la poudre non compactée objet des revendications du brevet litigieux.
Les documents D14 et D15 sur lesquels s'appuie la requérante pour établir l'usage antérieur sont deux numéros d'une revue à l'usage "des professionnels de la beauté". Ces documents ont avant tout une vocation publicitaire et sont destinés à promouvoir des produits cosmétiques auprès des professionnels de la distribution. Ayant pour objectif de séduire des clients potentiels, ils n'ont pas pour finalité de révéler les caractéristiques techniques précises, mais plutôt de vanter les qualités du produit, en évoquant des informations générales sur le pourquoi des qualités.
2.1 Le document D14 indique que le produit "Poudre Majeur" est "sorti" début mai 1987 en Allemagne (page 14, "La Tactique Lancôme"). Cette date est postérieure à la date de priorité (26 juin 1986) et très proche de la date de dépôt du brevet litigieux (25 juin 1987). La question de la date réelle de la mise à la disposition du public est déterminante et doit être préalablement tranchée. L'expression "sorti" peut recouvrir différentes significations et réalités. Il ne peut être en effet perdu de vue que la "sortie" d'un produit peut signifier seulement une campagne de lancement publicitaire auprès des professionnels ou une offre de vente. Or, cette opération n'aboutit pas nécessairement à une accessibilité au public du produit.
Ensuite, il faut également remarquer que la commercialisation du produit n'implique pas obligatoirement une divulgation des caractéristiques du produit puisqu'il faut encore que l'homme du métier soit en mesure d'analyser le produit commercialisé afin d'en déterminer la composition.
Le document D15 mentionne le "lancement" en 1986 du produit "Poudre Majeur" (page 6, colonne 2, deuxième paragraphe). Comme pour la "sortie" du produit évoquée dans le document D14, la réalité que recouvre le terme "lancement" n'est pas établie et, en particulier, il n'est pas certain que cette opération ait permis une mise à la disposition du public du produit de maquillage et de ses caractéristiques techniques. En effet, le terme "lancement" ne peut impliquer que le "lancement" d'une campagne publicitaire auprès des professionnels, et non la divulgation de toutes les caractéristiques techniques du produit. En outre, le document D15 a été publié après la date de dépôt du brevet litigieux et mentionne l'existence "d'un secret de fabrication" que "jusqu'à présent" personne n'avait divulgué. Le document précise également que "aujourd'hui que le brevet est déposé, un coin du voile se soulève et on peut en dire un peu plus sur les fameuses microbulles" (page 7, fin de la deuxième colonne, premier paragraphe de la troisième colonne). Ce passage implique au contraire que la société Lancôme a été attentive à ne pas donner d'informations techniques précises sur la composition de Poudre Majeur avant la publication du document D15 et, par conséquent, avant le dépôt du brevet litigieux.
Par ailleurs, l'un des principaux problèmes soulevé dans le cadre de l'évaluation de la pertinence de l'usage antérieur se rapporte à la masse volumique spécifique des microbulles entrant dans la composition de "Poudre Majeur". En effet, aucun des documents D14, D15, D16 et D17 présentés par la requérante comme moyens de preuves de l'usage antérieur, ne mentionne une valeur de masse volumique. Il ne peut donc être conclu avec certitude que les microbulles incorporées dans le produit "Poudre Majeur" mentionné dans les documents D14 et D15 avaient nécessairement la masse spécifique requise par les revendications du brevet litigieux.
Par conséquent, les moyens de preuves apportés par la requérante, par l'imprécision des faits qu'ils évoquent ("lancement", "sortie") et par l'absence d'une donnée précise quant à la masse volumique des microbulles, laissent subsister un doute, tant sur l'accessibilité au public aux dates invoquées par la requérante (1986 et mai 1987) du produit "Poudre Majeur", que sur les caractéristiques techniques de ce produit.
2.2 Or, les principes généraux du droit de la preuve à appliquer en l'espèce sont les suivants :
Les preuves produites doivent s'apprécier selon le principe de la "libre appréciation des moyens de preuves". Ensuite les principes gouvernant l'administration de la preuve sont identiques pour tous les faits et éléments invoqués à l'appui de tous les motifs d'opposition y compris l'utilisation antérieure accessible au public (voir en ce sens T 270/90 JO OEB 1993, 725, point 2.1). Mais l'exercice de la libre appréciation des moyens de preuve permet des degrés dans l'appréciation des moyens de preuve. Ainsi, lorsqu'il s'agit de trancher une question de fait en fonction de ce qui est le plus probable, plus cette question est grave et lourde de conséquences pour le sort du brevet, plus les éléments de preuve doivent être convaincants (T 750/94, JO OEB 1998, 32, point 4). Notamment si de cette question de fait dépend la décision de la chambre de révoquer le brevet, les éléments de preuve fournis à cet égard doivent être examinés avec beaucoup de rigueur et d'esprit critique. La chambre doit, ainsi que cela a déjà été souligné dans la décision précitée T 750/94, avant de conclure aux fins de l'article 54(2) CBE qu'une utilisation est comprise dans l'état de la technique, s'assurer que les preuves produites permettent de constater après un examen minutieux et rigoureux que l'utilisation a probablement eu lieu.
En l'espèce, l'application de ces principes permet à la chambre de conclure que les éléments de preuve discutés au point 2.1, ne rendent pas suffisamment probable la mise à la disposition du public d'une poudre comprenant les caractéristiques de la revendication 1 du brevet.
2.3 La requérante a prétendu qu'il appartenait à l'intimée de prouver que le produit "Poudre Majeur" n'avait pas été accessible au public avant le dépôt du brevet litigieux. Toutefois selon le principe régissant la charge de la preuve il appartient à chacune des parties de rapporter la preuve de l'existence des faits invoqués au soutien de ses prétentions. Pour qu'il y ait un déplacement de la charge de la preuve de la requérante à l'intimée, encore faudrait il, en l'absence de décision de la première instance reconnaissant prouvés les faits allégués par la requérante à qui incombe la charge de la preuve, que cette même requérante fournisse dans le cadre du recours des éléments de fait établissant des probabilités suffisantes de ce qu'elle avance, conduisant la Chambre à conclure qu'il y avait de fortes probabilités pour que les faits allégués fussent réels. Tel n'est pas le cas puisqu'il existe trop de zones d'ombre pour tenir pour probable l'accessibilité au public.
En tout état de cause, la Chambre dans le souci de trancher de façon exhaustive les objections soulevées par la requérante au sujet de l'usage antérieur, est arrivée à la conclusion que même si le présumé usage antérieur public avait été retenu, il ne saurait être préjudiciable à la nouveauté des objets revendiqués dans le brevet litigieux (point 3).
3. L'usage antérieur met en jeu un produit de dénomination commerciale "Poudre Majeur" pour lequel le document D14 ne donne aucune information technique. Selon le document D15 la société Lancôme a élaboré un produit de maquillage "Poudre Majeur" présentant un toucher, une tenue, une onctuosité et une légèreté étonnants, qui s'expliquent uniquement par sa formule. L'un des constituants est une "Base Blanche", enrichie d'un habillage, essentiellement le parfum et les pigments qui vont colorer la poudre pour obtenir les cinq nuances, i.e. translucide, perle rosée, sable irisé, pêche dorée et ambre cuivré. La "Base Blanche" est constituée de silicates fins et purs qui se présentent sous la forme de fines lamelles. Ces silicates constituent 46% de la poudre. Le satiné et le confort du produit "Poudre Majeur" sont dus à la présence de 3% d'huile minérale (page 4, première et deuxième colonnes). La légèreté du produit "Poudre Majeur" est obtenue par la présence de microbulles, qui sont des particules sphéroïdales et blanches, creuses et souples, d'une extrême légèreté, d'origine synthétique et se déplaçant dans l'espace comme si elles étaient en apesanteur (page 7, deuxième et troisième colonnes; commentaires sous les figures).
Dans le cadre de l'usage antérieur la requérante a également soumis les documents D16 et D17. L'extrait de catalogue de produits cosmétiques D16 mentionne que les microbulles du produit "Poudre Majeur" ressemblent à des ballons remplis de gaz et placés dans des polymères et que la composition contient, entre autres, un copolymère de polyvinylidène (D16, page 105, premier paragraphe). Le document D17 ne mentionne pas la présence de microbulles dans le produit "Poudre Majeur".
3.1 Les documents D15 et D16 qui sont les seuls à mentionner la présence de microbulles dans le produit "Poudre Majeur" ont été publiés respectivement en septembre 1987 et mars 1988, donc après la date de dépôt du brevet litigieux (25 juin 1987). Ils ne peuvent donc, en tant que tels, représenter un état de la technique opposable à la brevetabilité des compositions selon le brevet litigieux. En outre, ces documents ne mentionnent pas la valeur de la masse volumique spécifique des microbulles entrant dans la composition de "Poudre Majeur". La requérante a fait valoir cependant, que ces documents montraient que le produit "Poudre Majeur", qui selon D14 et D15 aurait été disponible au public entre la date de priorité et de dépôt du brevet litigieux, était une poudre non compactée répondant à l'ensemble des caractéristiques techniques des poudres revendiquées dans le brevet en litige et conforme non seulement à l'enseignement général du brevet en litige, mais également à ses exemples, puisque les microsphères creuses dites microbulles utilisées dans le produit "Poudre Majeur" ne pouvaient être que des microsphères Expancel de la société Kemanor Plast citées dans le brevet litigieux (lettre de la requérante en date du 17 décembre 2001, page 11, premier paragraphe). Cette argumentation s'appuie sur un rapport d'expertise du professeur Rosset dans lequel ce dernier atteste, qu'à l'évidence, les mêmes microsphères creuses avaient été utilisées dans les compositions exemplifiées dans le brevet litigieux et dans le produit "Poudre Majeur" et qu'il ne pouvait s'agir que de microsphères Expancel DE de masse volumique apparente 0,036 g/cm**(3) dont le diamètre des particules était compris entre 40 et 60 µm. Selon le même rapport d'expertise, le produit "Poudre Majeur" commercialisé par la société "Lancôme" associait les exemples 1 et 2 du brevet litigieux (rapport d'expertise, page 7, paragraphes a) et b)).
Par conséquent, si le prétendu usage antérieur était avéré, il impliquerait un produit "Poudre Majeur" comprenant les mêmes microsphères que les compositions exemplifiées dans le brevet litigieux.
3.2 Or, les exemples 1 à 3 du brevet litigieux correspondent aux exemples 1 à 3 du document de priorité dans la mesure où ils mettent en jeu les mêmes ingrédients, dans les mêmes proportions. En effet, ces exemples concernent des poudres non compactées contenant respectivement 1%, 4% et 2% des microsphères creuses de type Expancel DE (exemples 1 à 3), Expancel DE étant la marque commerciale d'une composition à base de copolymère chlorure de vinyle-acrylonitrile présentée sous la forme de microsphères creuses ayant des dimensions 40-60 µm, commercialisée par la société Kemanord Plast (page 5, lignes 5 à 8). Toutefois, la masse spécifique des microsphères creuses de type Expancel n'est pas indiquée dans les exemples du document de priorité alors qu'elle est précisée dans les mêmes exemples du brevet litigieux. Cependant, l'intimée a confirmé que les microsphères utilisées dans les exemples du document de priorité ont une masse spécifique de l'ordre de 0,04 g/cm**(3)(lettre de l'intimée en date du 10 mai 2001, page 2, paragraphe 2; brevet litigieux page 5, lignes 5 à 8), ce qui n'a pas été contesté par la requérante. Cette dernière a en effet soutenu dans le cadre de l'usage antérieur que les seules microsphères disponibles sur le marché à la date de l'usage antérieur et par conséquent également à la date de priorité, étaient celles utilisées dans les exemples du brevet litigieux, i.e. les microsphères Expancel DE de masse volumique apparente 0,036 g/cm**(3) dont le diamètre des particules était compris entre 40 et 60 µm.
Ainsi, si le prétendu usage antérieur était avéré, il impliquerait un produit "Poudre Majeur" comprenant les mêmes microsphères que les poudres non compactées exemplifiées dans le document de priorité, notamment les microsphères Expancel DE de la société Kemanor Plast.
Par conséquent, l'objet du prétendu usage antérieur est divulgué dans le document de priorité.
3.3 Les revendications 1 et 10 du brevet litigieux précisent que les microsphères creuses ont une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3). Cette valeur n'est pas expressément mentionnée dans le document de priorité qui donne à ce sujet un enseignement plus général, notamment que les microsphères creuses ont une très faible densité, leur masse spécifique étant généralement inférieure à 0,5 g/cm**(3) (page 2, lignes 18 à 25). Toutefois, les exemples du document de priorité mettent en jeu des microsphères Expancel DE dont la masse spécifique est de l'ordre de 0,04 g/cm**(3) (point 3.2 ci-dessus) et qui tombent donc sous la gamme de masse spécifique mentionnée dans les revendications l et 10 du brevet litigieux.
Par conséquent, le document de priorité décrit des poudres non compactées tombant sous la définition des poudres non compactées objet des revendications du brevet en litige. Toutefois, comme le document de priorité ne mentionne pas expressément la valeur de masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3) introduite dans les revendications 1 et 10 du brevet litigieux, la question de la validité de la priorité pour l'ensemble des objets revendiqués est litigieuse.
3.4 Ainsi, l'usage antérieur invoqué par la requérante, l'invention décrite dans le document de priorité et l'objet des revendications du brevet litigieux se trouvent en l'espèce dans une configuration bien spécifique qui peut se résumer de la façon suivante :
a) le présumé usage antérieur se situe entre la date de priorité et la date de dépôt du brevet litigieux,
b) l'objet dudit usage antérieur est décrit dans le document de priorité,
c) l'objet de l'usage antérieur tombe sous les revendications du brevet litigieux mais,
d) le document de priorité ne décrit pas nécessairement l'ensemble des objets revendiqués.
Dans ces circonstances particulières se pose la question de savoir si ce présumé usage antérieur peut être préjudiciable à la nouveauté des revendications alors même qu'il est décrit dans le document de priorité.
3.5 Selon l'article 88(3) CBE le droit de priorité ne couvre que les éléments de la demande de brevet qui sont contenus dans la demande dont la priorité est revendiquée. Différents éléments d'une demande de brevet peuvent donc bénéficier de différentes dates de priorité, ou le cas échéant certains éléments d'une date de priorité et d'autres, d'aucune. Cette approche s'applique à une revendication unique dans la mesure où cette dernière comprend des variantes (alternatives) et peut donc être divisée en plusieurs objets (Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, 4ème Edition 2001, IV.D.2; T 828/93 non publiée au JO OEB, point 3.1). Dans l'avis G 2/98, la Grande Chambre de Recours de l'OEB a précisé que l'approche tendant à reconnaître des dates de priorité différentes s'appliquait également à une revendication dans laquelle est utilisé un terme ou une formule générique, à condition que l'utilisation de ce terme ou de cette formule conduise à revendiquer un nombre limité d'objets alternatifs clairement définis (G 2/98, JO OEB 2001, 413, point 6.7).
3.5.1 Or, la revendication indépendante 10 du brevet en litige concerne une poudre non compactée contenant des microsphères creuses caractérisées par le fait qu'elles ont une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3). La masse spécifique est donc caractérisée par le terme générique "inférieure à 0,1 g/cm**(3)". En effet, ce terme permet de définir un ensemble de microsphères creuses caractérisées chacune par une masse spécifique donnée tombant sous le terme générique. Chaque élément de cet ensemble représente une alternative permettant de réaliser l'invention objet du brevet litigieux. Dans ces circonstances, il est donc possible d'attribuer à chacune des alternatives revendiquées la date de priorité qui lui revient en tenant compte du contenu de la demande de priorité.
Il a été établi que le document de priorité décrivait des poudres non compactées contenant des microsphères creuses "Expancel DE" dont la masse spécifique tombe sous le terme générique "inférieure à 0,1 g/cm**(3)" de la revendication 10 du brevet litigieux (point 3.2). Par conséquent, parmi les différentes alternatives que regroupe la revendication 10 du brevet en litige, les poudres non compactées contenant les microsphères "Expancel DE" bénéficient de la date de priorité revendiquée.
L'usage antérieur invoqué se situant après la date de priorité et mettant en jeu le produit "Poudre Majeur", qui selon la requérante contient les mêmes microsphères "Expancel DE", ne peut donc détruire la nouveauté des poudres non compactées contenant les microsphères "Expancel DE" selon la revendication 10 du brevet litigieux, puisque ces dernières jouissent de la date de priorité.
Comme le présumé usage antérieur ne met en jeu que des poudres contenant des microsphères "Expancel DE", la nouveauté des autres poudres non compactées objet de la revendication 10 du brevet litigieux ne peut être remise en question par l'usage antérieur même si elles ne bénéficiaient pas de la date de priorité.
3.5.2 La revendication 1 du brevet litigieux concerne l'utilisation des microsphères creuses définies par le même terme générique que dans la revendication 10. La revendication 1 concerne donc également un ensemble d'alternatives. Par conséquent, les conclusions énoncées ci-dessus (point 2.8) s'appliquent, mutatis mutandis, à l'objet de la revendication 1.
3.6 Ainsi, à supposer le présumé usage antérieur invoqué par la requérante avéré, il ne peut cependant être préjudiciable à la nouveauté des objets revendiqués.
4. Document D6
4.1 Le document D6 décrit des produits cosmétiques contenant un polymère sphérique dont le diamètre moyen des particules est de 1 à 50 µm et la gravité spécifique apparente n'est pas supérieure à 1,0, de préférence pas supérieure à 0,8, et comprenant un ou plusieurs vides sphériques (revendication 1; page 4, dernier paragraphe). Le polymère sphérique qui peut constituer 1 à 90% du poids total de la composition cosmétique, est préparé à partir de matériaux amorphes et perméables à la lumière choisis parmi divers types de monomères de vinyle ou de styrène, de monomères acryliques ou méthacryliques (page 5, paragraphes 2 et 3). Les compositions cosmétiques peuvent être sous forme de poudre, de poudre compactée ou de divers types de crème (exemples 1 à 5). La poudre pour le visage selon l'exemple 1 contient 83% en poids d'un polymère à base de méthyle méthacrylate (MMA) et d'éthylène glycol diméthacrylate (EDMA) contenant un vide sphérique et dont le diamètre moyen de particules est de 19 µm et la gravité spécifique apparente de 0,58 (exemple 1, page 18). Les autres compositions cosmétiques exemplifiés ne sont pas des poudres non compactées et contiennent un polymère dont la gravité spécifique est supérieure à 0,58 (exemples 2 à 5). Le document D6 ne divulgue donc pas de poudre non compactée comprenant des microsphères creuses de masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3).
4.2 Le fait que les revendications du brevet puissent ou non jouir de la date de priorité et que la valeur de masse spécifique 0,1 g/cm**(3) soit une caractéristique essentielle ou non pour l'attribution du droit de priorité n'a pas d'incidence sur l'évaluation de la nouveauté par rapport à D6. En effet, la valeur de masse spécifique précisée dans les revendications du brevet litigieux est une caractéristique technique qui limite l'objet de la revendication. Elle ne peut donc être ignorée dans l'analyse de la nouveauté des objets revendiqués. Par conséquent, les poudres non compactées objet des revendications du brevet litigieux requièrent la présence de microsphères creuses de masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm**(3). Il est vrai que ce domaine de masse spécifique est inclus dans le domaine prévu par D6, i.e. inférieur à 1 g/cm**(3) et de préférence inférieur à 0,8 g/cm**(3). Toutefois, le domaine de masse spécifique précisé dans les revendications du brevet litigieux ne représente qu'environ 10% du domaine prévu par D6 et définit en fait des valeurs de masse spécifique bien inférieures à la valeur la plus faible exemplifiée dans D6, notamment 0,58 g/cm**(3) (exemple 1).
En outre, il n'est pas contesté que des valeurs plus faibles de masse spécifique entraînent des effets techniques, par exemple sur la prise d'huile de la composition. Ce fait est confirmé, entre autre par le rapport d'expertise du Pr. Rosset, selon lequel "il y a une différence de comportement considérable des microsphères creuses selon leur masse volumique apparente" (rapport d'expertise, annexe II, page 3, dernier paragraphe). Ainsi, la sélection de la gamme de valeur de masse spécifique particulière précisée dans les revendications du brevet litigieux ne peut être considérée comme arbitraire. Dans ces circonstances, la sélection des microsphères creuses de masse volumique inférieure à 0,1 g/cm**(3) remplit les critères de nouveauté requis pour les inventions de sélection (Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, supra, I.C.4.2.1).
4.3 L'objet des revendications est donc également nouveau par rapport aux compositions cosmétiques selon le document D6.
5. La requérante ne s'est fondé que sur le prétendu usage antérieur et sur le document D6 à l'encontre de la nouveauté des objets revendiqués. La Chambre est d'avis qu'aucun des autres documents cités par les parties ne peut s'opposer à la nouveauté.
L'objet des revendications du brevet en litige est donc nouveau (article 54 CBE).
Activité inventive
6. Le brevet litigieux concerne des compositions cosmétiques sous forme de poudre non compactée contenant des microsphères creuses à base de matériau synthétique thermoplastique.
6.1 Dès lors que l'usage antérieur n'est pas établi (voir les points 2.1 et 2.2 ci-dessus) la Chambre considère, ainsi que l'avaient admis les parties, que le document D6 constitue l'état de la technique le plus proche des poudres non compactées objet du brevet litigieux. En effet, D6 divulgue également des compositions cosmétiques sous forme de poudre, comprenant un polymère sphérique caractérisé par la présence de vide et une limite supérieure de masse spécifique (point 4.1 ci-dessus). Ces compositions cosmétiques sont caractérisées par une bonne extensibilité sur la peau, une douceur au toucher, une apparence transparente sur de la peau maquillée et permettent une bonne tenue du maquillage, ainsi qu'un contrôle de la teneur en graisses et en eau de la peau (page 1, dernier paragraphe; page 3, dernier paragraphe à page 4, ligne 2).
6.2 Toutefois, selon le brevet litigieux les poudres cosmétiques décrites dans le document D6 incorporent des microsphères creuses qui ont un pouvoir limité d'absorption des huiles (page 2, lignes 27 à 29). Ainsi, le problème technique que se propose de résoudre l'invention objet du brevet litigieux est de réaliser des poudres non compactées fines et légères, peu sensibles à l'humidité ambiante, ayant un toucher onctueux, pouvant comporter des proportions relativement élevées d'huiles sans avoir tendance à s'agglomérer, faciles à étaler et donnant à l'utilisateur une sensation de confort (page 2, lignes 30 à 33).
L'exemple comparatif 4 du brevet litigieux a pour but d'évaluer les performances d'une poudre selon le brevet litigieux et contenant donc des microsphères "Expancel DE" de masse spécifique apparente 0,04 g/cm**(3) et de les comparer à celles observées avec une poudre ne contenant pas de microsphères. Cet exemple ne permet donc pas une comparaison des poudres non compactées selon le brevet litigieux avec celles selon D6. L'intimée a cependant procédé à des essais comparatifs entre une poudre selon le brevet litigieux contenant des microsphères creuses "Expancel DE" (composition A) et une poudre (composition B) dans laquelle ces microsphères ont été remplacées par des microsphères creuses "Micropearl MHB" de densité 0,79 constituées de polyméthylméthacrylate conformément à l'enseignement de D6 (lettre de l'intimée datée du 30 mars 1990 soumise lors de la procédure d'examen de la demande de brevet). Les résultats de ces tests montrent que la composition A conforme au brevet litigieux reste sous forme d'une poudre qui peut être tamisée malgré la présence d'une proportion importante d'huile, alors que la composition B est sous la forme d'une pâte qui ne peut pas être utilisée comme poudre cosmétique. Par d'autres essais comparatifs, l'intimée a montré que les utilisatrices préfèrent une poudre conforme au brevet litigieux comportant les microsphères "Expancel DE" à une poudre comprenant les microsphères "Micropearl MHB", au niveau de la douceur, de la facilité d'application, de l'homogénéité du maquillage, de la sensation de confort et du pouvoir couvrant (essai comparatif joint à la lettre datée du 15 mai 1997).
Au vu de ces résultats la Chambre considère que le problème technique tel que défini ci-dessus (point 6.1) a bien été résolu par les poudres non compactées selon le brevet en litige.
6.3 Dès lors, la dernière question à trancher est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux découlait de façon évidente de l'état de la technique disponible.
6.3.1 L'invention décrite dans le document D6 a pour objet d'optimiser la capacité et la vitesse d'absorption de l'eau et des matières grasses des compositions cosmétiques. En effet, selon D6 une poudre idéale en terme de tenue du maquillage doit présenter une capacité d'absorption importante de l'eau et des matières grasses, mais également une vitesse d'absorption des matières grasses élevée alors que la vitesse d'absorption de l'eau doit être lente pour éviter des phénomènes de dessèchement de la peau et de modification du maquillage (page 2, deuxième paragraphe à page 3, premier paragraphe). Afin de résoudre ces problèmes, D6 propose d'incorporer dans les compositions cosmétiques un polymère sphérique contenant des vides également sphériques (page 4, premier paragraphe). En ce qui concerne la gravité spécifique de la poudre, D6 précise que cette dernière doit de préférence être inférieure à 1,0, plus particulièrement inférieure à 0,8, les exemples ayant été réalisés avec des poudres de gravité 0,58 ou plus. D6 mentionne l'effet de la gravité sur la transparence, la douceur et l'absorption de l'eau et des graisses, mais ne mentionne aucun avantage à utiliser des poudres avec des gravités spécifiques très faibles (page 4, dernier paragraphe à page 5, premier paragraphe). Au contraire, D6 mentionne expressément que les poudres trop poreuses, et donc de très faible gravité et masse spécifique, étaient caractérisées par des vitesses d'adsorption de l'eau et des graisses trop importantes (page 3, lignes 8 à 18). D6 met donc avant tout l'accent sur la forme des vides présents dans les particules de résines et, bien que précisant des valeurs préférentielles de gravité spécifique, ne donne aucune incitation à utiliser des poudres de très faible densité pour améliorer certaines propriétés cosmétiques.
En outre, selon le rapport d'expertise du Pr. Rosset "il y a une différence de comportement considérable des microsphères creuses selon leur masse volumique apparente" (Rapport d'expertise, supra, Annexe II, page 3, dernier paragraphe). Par conséquent, si l'homme du métier s'attendait à une telle différence de comportement en fonction de la masse volumique, il ne pouvait être évident pour ce dernier d'utiliser quand même des masses volumiques beaucoup plus faibles que celles exemplifiés dans D6 pour améliorer des propriétés qui selon D6 était déjà satisfaisantes.
Ainsi, l'enseignement du document D6 seul ne peut conduire l'homme du métier de façon évidente aux poudres non compactées objet de la revendication 1 et l'utilisation objet de la revendication 10 du brevet litigieux.
6.3.2 Le document D8 divulgue des crèmes et pâtes à usage pharmaceutique ou cosmétique constituées au moins en partie de microperles creuses en matériel thermoplastique (revendication). Les crèmes ont une densité de 0,05 à 0,91 de préférence de 0,16 à 0,48 (colonne 3, lignes 11 à 13). Les microperles utilisées dans les compositions selon D8 sont préparées selon un procédé décrit dans le document D9 (D8, colonne 2, lignes 66 et 67), or ce document est également cité dans le brevet litigieux pour illustrer la préparation des microsphères creuses entrant dans les poudres non compactées revendiquées (brevet litigieux page 2, lignes 36 et 37). Cependant, le document D8 ne concerne pas les poudres non compactées, mais préconise l'addition de microperles dans le but d'obtenir des crèmes sous forme de mousse de faible densité avec viscosité constante dans une grande gamme de température. L'homme du métier ne pouvait donc déduire de ce document un enseignement pour l'élaboration de compositions revêtant non pas l'aspect d'une mousse mais d'une poudre de maquillage.
Par conséquent, l'homme du métier n'aurait pas combiné l'enseignement du document D6 avec celui du document D8.
6.3.3 Le document D10 décrit le procédé de préparation des microsphères creuses de masse spécifique 0,030 à 0,035 g/cm**(3) (ou kg/m**(3)) du type "Expancel" utilisées dans les exemples du brevet litigieux (page 4, exemple). Le document mentionne l'utilisation de ces microsphères dans l'industrie graphique et textile ou comme isolants (page 1, lignes 30 à 32). Une utilisation dans le domaine des poudres cosmétiques n'est pas mentionnée. Le document D9, qui comme le document D10, est mentionné dans le brevet litigieux pour illustrer la préparation des microsphères creuses (brevet, page 2, lignes 36 et 37) ne prévoit pas non plus d'utilisation dans le domaine de la cosmétique pour ce type de microsphères.
L'objet des revendications du brevet litigieux ne peut donc découler de manière évidente de l'enseignement de D9 ou D10 seuls ou combinés à l'enseignement de D6.
6.4 Par conséquent, les poudres non compactées objet de la revendication 10 et l'utilisation des microsphères creuses objet de la revendication 1 du brevet litigieux impliquent une activité inventive (article 56 CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.