T 0264/00 () of 28.5.2001

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2001:T026400.20010528
Date de la décision : 28 Mai 2001
Numéro de l'affaire : T 0264/00
Numéro de la demande : 93400196.7
Classe de la CIB : A46B 9/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Pinceau pour l'application de vernis à ongles, ou de produit similaire
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : Georg Karl Geka-brush GmbH
Chambre : 3.2.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 108
European Patent Convention 1973 Art 114
European Patent Convention 1973 Art 123
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive (oui)
Pièces exclues de l'inspection publique (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0002/83
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Formation du recours (article 108 de la CBE)

La requérante (opposante) a formé un recours, reçu à l'OEB le 29 février 2000 contre la décision intermédiaire de la Division d'opposition, notifiée le 26. janvier 2000, de maintenir le brevet européen n 0 556 081 sous une forme modifiée.

La taxe de recours a été acquittée le 28 février 2000 et le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 25 mai 2000.

II. Opposition

L'opposition avait été formée contre le brevet dans son ensemble et fondée sur les motifs d'absence de nouveauté et d'activité inventive de son objet (article 100 a) de la CBE).

La Division d'opposition a estimé que les motifs invoqués ne s'opposaient pas au maintien du brevet sous une forme modifiée au vu de l'état de la technique décrit dans les documents suivants :

D1 : US-A-4 998 315,

D2 : EP-B-0 239 270 et

D3 : US-A-3 153 800.

III. Argumentations des parties

La requérante (opposante) : Dans son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a notamment fait valoir que l'homme du métier à prendre en considération n'était pas le cosméticien mais le brossier spécialiste en pinceaux et que, selon une pratique constante, le cosméticien se faisait conseiller par le brossier en ce qui concerne les possibilités techniques des pinceaux.

Pour étayer ses dires, la requérante s'est basée en particulier sur le contenu des deux documents suivants annexés à son mémoire :

D4 : compte-rendu d'entretien du 25 juillet 1984 entre l'inventeur (J-L. Guéret) et une représentante de la requérante (annexe 4 - deux pages).

D5 : lettre du 27 juillet 1984 de l'inventeur adressée à cette même représentante (annexe 5 - sept pages).

La requérante a en outre soutenu que, contrairement à ce que prétendait la Division d'opposition dans la décision contestée, D2 et D3 concerneraient le transport et l'application de liquides. En particulier, D2 décrirait une brosse pour l'application de mascara, produit qui selon la requérante, pourrait avoir des viscosités très différentes englobant celle du vernis à ongles.

Dans son mémoire, la requérante n'a pas contesté la nouveauté de l'objet du brevet opposé mais seulement l'existence d'une activité inventive au vu des enseignements de D1, D2 et D3.

Selon la requérante D1 décrirait l'état de la technique le plus proche de l'invention revendiquée et poserait, comme l'invention mais aussi comme D2, le problème du dépôt régulier et rapide du vernis, ce problème concernant non seulement les pinceaux pour vernis à ongles mais également tous les pinceaux et brosses à peinture. La requérante a également fait valoir que l'homme du métier apprendrait du document D2 à utiliser des poils de diamètres différents pour déposer rapidement et uniformément un colorant liquide sur des parties du corps humain. Elle a en outre fait remarquer que rien, et notamment pas l'effet additionnel de peignage attribué dans D2 aux poils rigides, n'empêchait l'homme du métier de combiner les enseignements de D1 et D2.

En ce qui concerne D3, la requérante a argumenté que ce document concernerait notamment les pinceaux ou brosses à peinture dont la fonction première serait de permettre une application rapide et régulière de la peinture. Selon elle, l'homme du métier reconnaîtrait immédiatement sur les figures 2 et 3 de D3 que l'utilisation de poils de diamètres différents entraînerait nécessairement la formation d'espaces capillaires intercalaires qui pourraient servir de réservoirs à peinture et amélioreraient ainsi son application. La requérante en a conclu que l'objet de la revendication 1 résulterait à l'évidence d'une combinaison de D1 et D3.

L'intimée (titulaire du brevet) : L'intimée a contesté les différentes allégations de la requérante. Elle a toutefois reconnu que D1 décrivait effectivement l'état de la technique le plus proche et que le problème qu'il posait concernait aussi, comme l'invention, l'amélioration de la rapidité et de la précision d'application des vernis sur les ongles. Selon l'intimée, l'homme du métier ne serait pas le brossier mais le cosméticien et D2 concernerait l'application d'un produit (mascara) de haute viscosité et non de faible viscosité tel qu'un vernis. Quant à D3, il concernerait principalement les brosses à cheveux et occasionnellement les brosses à peinture et non pas les pinceaux à vernis. L'intimée était en outre d'avis qu'une combinaison de D1 et D2 ne pourrait être que purement artificielle car, non seulement D1 dissuaderait l'homme du métier d'utiliser des gros poils, mais en outre le problème posé par D2 serait distinct de celui posé par D1 et, en particulier, ne concernerait pas la rapidité d'application du produit. Il en serait de même pour D1 et D3.

IV. Procédure orale

Une procédure orale a eu lieu le 28 mai 2001.

L'intimée a notamment expliqué que dans la touffe de poils d'un pinceau selon l'invention, les gros poils offrait au vernis une surface de contact plus grande que les petits poils, ce qui avait pour effet d'augmenter la tension superficielle entre les poils et le vernis et, par voie de conséquence, la capillarité à l'intérieur de la touffe du pinceau. Selon l'intimée, dans la technique antérieure, le pinceau servait à pousser le vernis sur l'ongle alors qu'avec le pinceau selon l'invention, la touffe de poils tirerait la goutte de vernis sur l'ongle de l'intérieur de la touffe, par capillarité.

La requérante a fait valoir qu'aussi bien la revendication 1 que l'argumentation de l'intimée manquaient de clarté. En particulier, la revendication 1 ne ferait que comparer des grosseurs de poils sans indiquer de plages de valeurs pour les sections de ces poils, ce qui n'introduirait aucune limitation par rapport à l'état de la technique. La requérante a aussi fait remarquer que la grandeur des interstices entre les poils dépendait plus de la densité des poils dans la touffe et de la conicité de celle-ci que de la grosseur des poils.

La requérante a considéré que l'état de la technique le plus proche de l'invention était décrit dans D1 et que D2 posait sensiblement le même problème que D1 et proposait sensiblement la même solution que l'invention. D'après la requérante, pinceaux et brosses appartiendraient au même domaine technique et concerneraient le même homme du métier, ce qui serait confirmé par l'introduction de la description du brevet opposé qui fait référence aussi bien à D1 qu'à D2. Par conséquent, pour la requérante, l'homme du métier aurait nécessairement eu connaissance des enseignements respectifs de ces documents et leur combinaison n'aurait rien d'inventif.

L'intimée a fait valoir le contraire bien que considérant également D1 comme le document décrivant l'état de la technique le plus proche. Selon l'intimée, la solution proposée dans D1 consisterait à donner une forme particulière à la touffe des poils du pinceau pour réduire la quantité de produit prélevée et ne serait absolument pas basée sur la capillarité entre les poils. Quant à D2, l'intimée a considéré que ce document appartenait ni au domaine technique de l'invention ni à un domaine voisin dans la mesure où les orientations des poils des instruments d'application, les produits à appliquer, les supports destinés à recevoir le produit et les méthodes d'application des produits étaient différents. Selon l'intimée, toute combinaison des enseignements de D1 et D2 ne pouvait être qu'artificielle et résulter d'une analyse a posteriori en connaissance de l'invention.

L'intimée a en outre argumenté que D4 et D5 étaient des documents internes de la requérante fournis tardivement et non pertinents et qu'en conséquence la Chambre ne devait pas les prendre en considération pour l'appréciation de l'activité inventive.

V. Requêtes en fin de procédure orale :

- Requérante :

La requérante a demandé l'annulation de la décision entreprise et la révocation du brevet européen n 0 556 081.

- Intimée :

L'intimée a demandé l'annulation de la décision entreprise et le maintien du brevet sur la base de l'une des revendications 1 déposées pendant l'audience au titre des requêtes principale et auxiliaires 1 à 4.

L'intimée a en outre demandé à la Chambre de ne pas introduire D4 et D5 dans la procédure et de les exclure de l'inspection publique.

VI. Revendication 1 de la requête principale :

Elle s'énonce comme suit : "Pinceau pour l'application de vernis à ongles ou de produit similaire sur les ongles, comprenant des poils disposés sensiblement parallèlement les uns aux autres, en touffe, fixés sur un support (3) d'axe longitudinal sensiblement parallèle aux poils, caractérisé par le fait que les poils sont constitués par un mélange de poils (2a) de petite section, ou petits poils, et de poils (2b) ayant une section transversale plus importante, ou gros poils, la proportion de gros poils étant comprise entre 2% et 95% en volume par rapport au volume total de la touffe (T) du pinceau, de sorte que, dans ce pinceau, du fait de la présence des gros poils, les interstices (i) entre les poils sont plus grands et servent de réserve capillaire alors que les petits poils ont une fonction de lissé."

Motifs de la décision

1. Recevabilité du recours :

Le recours est recevable.

2. Admissibilité de D4 et D5 (article 114 de la CBE)

Dans la décision entreprise, la Division d'opposition a estimé qu'en l'espèce l'homme du métier était le cosméticien et non pas le brossier comme le prétendait la requérante. En réponse à ce choix qu'elle estimait erroné, et pour démontrer que le brossier était le véritable homme du métier à prendre en considération, la requérante a déposé D4 et D5 qui prouvent que, dans un cas similaire de développement d'un pinceau en collaboration avec l'intimée, l'inventeur cosméticien avait rendu visite à la requérante.

Le dépôt de D4 et D5 étant intervenu immédiatement en réponse à un argument de la première instance exposé dans la décision contestée, la Chambre considère que ces documents ont été produits en temps utile au sens de l'article 114(2) de la CBE et qu'ils ne peuvent donc pas être ignorés.

D4 et D5 sont donc admissibles et seront pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1.

3. Requête principale

3.1. Modifications de la revendication 1 (article 123 de la CBE)

La nouvelle revendication 1 reprend pour l'essentiel le texte de la revendication 1 telle que délivrée avec toutefois les modifications suivantes :

- à la ligne 43 de la colonne 6 du fascicule de brevet, entre les mots "similaire" et "comprenant", l'expression "sur les ongles" a été ajoutée.

Cette modification précise que le pinceau est conçu de manière à permettre l'application d'un vernis ou d'un produit similaire sur des supports particuliers constitués par des ongles humains et non pas sur n'importe quels supports.

Cette modification trouve une base dans la demande telle que déposée à l'origine (voir en particulier aux pages 1, 3, 5 et 7, respectivement aux lignes 14, 11, 22 et 32) et précise l'utilisation du pinceau, limitant ainsi la protection.

- à la ligne 45, entre les mots "support" et "caractérisé", le membre de phrase suivant a été ajouté : "(3) d'axe longitudinal sensiblement parallèle aux poils".

Cette caractéristique confirme, si besoin est, que la touffe de poils est orientée sensiblement parallèlement à l'axe du support si bien que la portée de la revendication 1 ne s'étend pas aux instruments dont les poils sont orientés sensiblement perpendiculairement à l'axe longitudinal du support.

Cette modification trouve aussi une base dans la demande telle que déposée à l'origine (cf. page 4, lignes 7 et 8 et figure 1) et clarifie aussi l'objet de la revendication 1 sans élargir la protection conférée par le brevet.

Les deux modifications précitées satisfont donc aux conditions de l'article 123 de la CBE et sont admissibles.

3.2. Interprétation de la revendication 1 : Il convient de donner aux parties non modifiées du texte d'une revendication le sens qui se dégage des termes mêmes dans lesquels lesdites parties sont rédigées, le cas échéant en s'appuyant sur la description et les dessins.

En l'occurrence, l'expression "petits poils" (cf. colonne 6, lignes 47 et 55 du fascicule) doit être interprétée selon les termes mêmes de la revendication 1 comme signifiant "poils fins" par opposition aux "gros poils" et non pas "poils courts" comme le mot "petits" pourrait le laisser penser.

De même, l'emploi du mot "section" au singulier aussi bien pour les "petits poils" (cf. colonne 6, ligne 47) que pour les "gros poils" (cf. colonne 6, ligne 48) doit être interprété comme indiquant que, dans chaque catégorie de poils (petits ou gros), les poils ont tous sensiblement la même section et non pas différentes sections plus ou moins "petites" ou plus ou moins "grosses", ce qui est d'ailleurs confirmé par les exemples 1 à 6 du fascicule qui, pour chaque catégorie de poils, petits ou gros, donnent une seule valeur.

Enfin, l'expression comparative : "plus grands" (cf. colonne 6, lignes 53-54) doit être interprétée comme signifiant : "plus grands que des interstices formés entre des petits poils".

3.3. Nouveauté (article 54 de la CBE) :

La nouveauté de l'objet de la revendication 1 n'a pas été contestée par la requérante et, a priori, la Chambre n'a aucune raison particulière de douter de son existence. Cet objet est donc considéré comme nouveau au sens de l'article 54 de la CBE.

3.4. Etat de la technique le plus proche En accord avec les parties, la Chambre considère que D1 décrit l'état de la technique le plus proche de l'invention et constitue le meilleur point de départ pour l'appréciation de l'activité inventive du fait que D1 appartient bien au même domaine technique, à savoir celui des pinceaux servant à appliquer un vernis sur des ongles, et que ce document pose, comme l'invention, le problème de l'amélioration de la précision et de la rapidité du maquillage (cf. par exemple D1 : colonne 1, lignes 47 à 51, 54 à 57 et 64 à 66).

L'objet de la revendication 1 diffère de cet état de la technique:

- en ce que les poils du pinceau sont constitués par un mélange de petits poils et de gros poils,

- en ce que la proportion de gros poils est comprise entre 2% et 95% en volume par rapport au volume total de la touffe (T) du pinceau,

- en ce que les interstices entre les poils sont plus grands et servent de réserve capillaire, et

- en ce que les petits poils ont une fonction de lissé.

3.5. Problème et solution

En tenant compte des différences mentionnées précédemment dans la section 3.4, le problème que l'homme du métier a à résoudre apparaît consister à améliorer la capacité de rétention et de lissage du pinceau selon D1.

3.6. Activité inventive (article 56 de la CBE)

3.6.1. Il convient de rappeler que, pour apprécier l'activité inventive au sens de l'article 56 CBE, il faut déterminer si, partant de l'état de la technique le plus proche de l'invention dans le but de l'améliorer, l'homme du métier aurait trouvé dans le même domaine technique ou dans des domaines voisins non seulement les moyens essentiels nécessaires à la réalisation de l'invention mais également des indications qui lui auraient permis d'escompter le perfectionnement recherché (cf. T 2/83, JO OEB 1984, 265).

En outre, l'enseignement de l'état de la technique le plus proche doit être pris intégralement sans qu'il soit permis, après comparaison avec l'invention, d'en ignorer arbitrairement certains éléments essentiels qui divergeraient de l'enseignement global, ce qui constituerait une approche "ex-post facto".

3.6.2. En particulier, bien que D1 appartienne au même domaine technique et pose sensiblement le même problème que l'invention, il convient de remarquer que les solutions proposées dans D1 en vue d'augmenter l'uniformité et la précision de l'application du vernis ne sont basées ni sur la section des poils ni sur la composition en poils de la touffe du pinceau mais uniquement sur la forme à donner à cette touffe (cf. D1 : colonne 1, lignes 40, 45, 47-48 et 55. ; colonne 2, lignes 42 et 50 ; colonne 3, lignes 24 à 39, 56 à 58 et 64 à 67 ; colonne 4, lignes 3 à 15 et les revendications) et sur la longueur des poils en fonction de leur position par rapport aux bords de la touffe (cf. D1 : colonne 3, lignes 18 à 24).

En outre, l'enseignement de D1 de constituer le pinceau avec des poils flexibles pour éviter les rayures sur le vernis au moment de son application (cf. D1 : de la colonne 1, ligne 67 à colonne 2, ligne 2) dissuaderait l'homme de métier de mélanger des poils plus gros, donc plus rigides, aux poils fins de la touffe.

Par conséquent, non seulement l'enseignement de D1 ne suggère pas à l'homme du métier de chercher la solution dans la grosseur des poils ou dans un éventuel mélange de poils d'épaisseurs différentes mais il détournerait plutôt son attention vers la forme à donner à la touffe au détriment de sa composition interne.

De plus, il ne peut être ignoré que D1 considère comme particulièrement indésirable l'accumulation de vernis sur les poils du pinceau (cf D1: colonne 1, lignes 25-26) et l'insistance avec laquelle l'enseignement de D1 appelle à plusieurs reprises à éviter de telles accumulations aussi bien sur les poils qu'à l'extrémité du pinceau (cf. D1 : colonne 1, lignes 61 à 63 ; colonne 2, lignes 50 à 55 ; colonne 3, lignes 40 à 42 ; colonne 4, lignes 15 à 17 et 44-45), inciterait l'homme du métier non pas à augmenter les réserves de vernis entre les poils de la touffe mais plutôt à les réduire, contrairement à ce qui est recherché selon l'invention en vue d'accélérer le maquillage.

3.6.3. D2 concerne une brosse dont les poils sont disposés en spirale, donc s'écartant radialement les uns des autres , sur un support d'axe longitudinal sensiblement perpendiculaire auxdits poils et non pas un pinceau dont les poils sont accolés sensiblement parallèlement les uns aux autres pour former une touffe et disposés selon l'axe longitudinal du support comme dans D1 ou selon l'invention.

Non seulement la structure mais également les conditions d'utilisation de l'instrument de D2 diffèrent de celui selon D1. En effet, la brosse selon D2 sert à appliquer du mascara à "haute viscosité" (cf. D2 : colonne 1, ligne 50 et colonne 6, ligne 2) sur une multitude de minuscules supports juxtaposés, filiformes et flexibles tels que des cils qui cèdent sous l'effort de l'applicateur et non pas comme le pinceau selon D1 ou celui revendiqué dans la revendication 1 qui servent à appliquer un vernis comparativement plus "liquide" que le mascara sur une surface unique, étendue et rigide, offerte par un ongle.

Enfin le problème posé dans D2 n'est pas de déposer le produit rapidement et avec précision comme c'est le cas dans D1 ou dans l'invention mais seulement à le déposer uniformément.

Quant à la transposition directe de la solution retenue dans D2 (solution qui consiste à répartir parmi les poils flexibles de la touffe des poils plus rigides destinés à peigner les cils, c'est-à-dire à les écarter les uns des autres pour éviter que le produit ne les colle les uns aux autres) à l'application d'un vernis sur la surface d'un ongle, elle équivaudrait à la formation de stries indésirables sur la surface de l'ongle, ce que l'enseignement de D1 cherche justement à éviter (cf. D1 : de la colonne 1, ligne 67 à la colonne 2, ligne 2). De plus cette rigidité pourrait aussi être obtenue en prenant des poils de sections constantes mais de matière différente.

Les trop nombreuses différences mentionnées ci-dessus entre les enseignements de D1 et de D2 ne peuvent pas ne pas engendrer des différences dans les problèmes à résoudre si bien que l'homme du métier partant de D1 n'aurait, a priori et sans incitation particulière, aucune raison de consulter D2 et encore moins de combiner leurs enseignements d'autant plus que les configurations différentes des touffes respectives du pinceau effilé et aplati de D1 (poils disposés parallèlement les uns aux autres dans le prolongement du manche) et de la brosse torsadée selon D2 (poils disposés en hélice perpendiculairement au manche dans D2), et les différentes viscosités des produits transportés (vernis liquide dans D1 et mascara pâteux dans D2), ne permettaient pas à l'homme du métier d'espérer qu'une transposition directe sur le pinceau de D1 de l'enseignement valable pour la brosse torsadée de D2 lui garantirait un résultat conforme à celui obtenu grâce à l'invention.

Si, en dépit de toute vraisemblance, l'homme du métier cherchant à perfectionner le pinceau de D1 avait néanmoins consulté D2, il aurait pu y apprendre à mélanger dans une touffe des poils de grosseurs différentes mais il n'y aurait pas appris à jouer, comme dans l'invention, sur la proportion de gros poils (cf. le fascicule du brevet opposé : colonne 4, ligne 22 à 24. - proportion variant entre 2 et 95% du volume) pour moduler "l'effet réservoir" du pinceau.

En outre, il aurait attribué aux poils des fonctions opposées à celles attribuées selon l'invention car, dans celle-ci, la fonction de prélever, transporter et déposer le produit est réservée aux "gros" poils qui accumulent le produit entre leurs interstices et non pas aux poils fins qui ont pour rôle de "lisser" le produit déposé sur le support, alors que selon D2, ce sont les poils fins qui prélèvent, transportent et déposent (cf. D2 : colonne 1, lignes 40 à 43) tandis que les "gros" poils servent à l'étaler uniformément par peignage des cils (cf. par exemple D2 : colonne 2, lignes 17 à 20).

Par conséquent, une hypothétique transposition directe, sans adaptation, de l'enseignement de D2 sur le pinceau selon D1 n'aurait pas permis à l'homme du métier de parvenir à l'invention.

3.6.4. D3 concerne non pas des pinceaux mais des brosses en particulier "à peinture" ou "à cheveux" (cf. colonne 1, lignes 24 et 70-71 et revendications 1 et 2) tandis que les exemples se réfèrent plutôt à des brosses à cheveux (exemples I à III) et à habits (exemple IV) ou utilisées dans l'industrie textile (exemple V), autrement dit des brosses qui ne servent pas à prélever, transporter et déposer un produit plastique.

Par conséquent, il semble peu vraisemblable que l'homme du métier qui souhaite améliorer la précision et la rapidité de l'application d'un vernis à l'aide d'un pinceau soit tenté de consulter D3 dont l'objet est d'obtenir une large plage de duretés pour des brosses à poils synthétiques.

L'enseignement général de D3 n'est pas, comme selon l'invention, de mélanger des poils à section constante mais de grosseurs différentes (poils fins et gros poils) dans le but d'améliorer la rétention d'un vernis et son lissage mais de mélanger des poils à section variable axialement en décalant longitudinalement les sections les plus grosses des poils adjacents les unes par rapport aux autres (cf. notamment colonne 1, lignes 29 à 34, 47 à 50 ; revendication 1, lignes 30 à 33 et figure 1) en vue d'obtenir des rigidités différentes de la touffe.

Par conséquent, même si l'homme du métier avait voulu s'inspirer de D3, il y aurait appris une méthode de fabrication de brosses à poils synthétiques permettant d'obtenir pour celles-ci une large plage de duretés mais rien dans ce document ne lui aurait suggéré de mélanger des poils fins à des gros poils dans le seul but d'améliorer les propriétés de la touffe concernant l'application d'un vernis.

3.6.5. La Chambre peut accepter que le cosméticien puisse consulter un brossier pour résoudre certains problèmes concernant des brosses. Dans le présent cas, il reste néanmoins indiscutable que même le brossier ne trouvera pas dans D2 et D3 des enseignements, ou simplement des indications, qui pourraient guider l'homme du métier de manière évidente vers la solution revendiquée. Le seul fait d'affirmer qu'un brossier, considéré comme l'homme du métier, puisse trouver de manière évidente la solution revendiquée, sans que cette allégation ne soit supportée par un quelconque moyen de preuve, ne suffit pas à convaincre la Chambre. La Chambre est donc partie de l'idée que, dans ce cas spécifique, l'homme du métier a des connaissances de cosméticien mais aussi de brossier.

3.6.6. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre considère que l'objet de la revendication 1 ne peut, raisonnablement, être considéré comme découlant "manifestement et logiquement" de l'état de la technique, autrement dit "de manière évidente" au sens de l'article 56 de la CBE, et qu'il implique, par conséquent, une activité inventive.

3.7. Conclusion :

L'objet de la revendication 1 est donc brevetable en application de l'article 52 CBE, au même titre que l'objet des revendications dépendantes qui lui sont rattachées. Le brevet européen n 0 556 081 peut donc être maintenu dans la version modifiée servant de base à la requête principale présentée au cours de la procédure orale.

4. Requêtes auxiliaires

La requête principale ayant été accordée, la prise en considération des requêtes auxiliaires n'a plus de raison d'être.

5. Mise à la disposition du public de D4 et de D5

Les documents D4 et D5 sont des documents internes appartenant respectivement à la requérante et à l'intimée et concernent les résultats d'un entretien confidentiel entre deux de leurs employés. Ces documents contiennent des informations confidentielles relatives à la conception, à la fabrication et à la commercialisation de certains produits de l'intimé et la diffusion de ces informations pourrait effectivement porter atteinte à ses intérêts économiques qu'il y a lieu de préserver.

A ce titre, et en accord avec les deux parties, les annexes 4 et 5 (documents D4 et D5) au mémoire de la requérante exposant les motifs du recours déposé le 25. mai 2000 ne seront donc pas mises à la disposition du public conformément à la règle 93 (d) de la CBE et au point 2) a) de la décision du Président de l'Office européen en date du 3 septembre 1999 concernant les pièces exclues de l'inspection publique (JO OEB 1999, 633).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision entreprise est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet dans la version suivante :

- Revendications : revendication 1 de la requête principale déposée pendant l'audience et revendications 2 à 15 telles que délivrées.

- Description : colonnes 1 à 4 déposées pendant l'audience et colonnes 5 et 6 telles que délivrées.

- Dessins : figures 1 à 14 telles que délivrées.

3. Les annexes 4 et 5 au mémoire du 25 mai 2000 de la requérante sont admises dans la procédure mais exclues de l'inspection publique.

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