R 0010/10 () of 17.12.2010

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2010:R001010.20101217
Date de la décision : 17 Décembre 2010
Numéro de l'affaire : R 0010/10
Requête en révision de : T 1501/08
Numéro de la demande : 01420061.2
Classe de la CIB : D04H 3/03
Langue de la procédure : FR
Distribution : B
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Titre de la demande : Produit intermédiaire composite, procédé de production d'un tel produit et utilisation à titre de matériau de moulage
Nom du demandeur : Hexcel Composites
Nom de l'opposant : ISOVOLTA AG
Sawodny Michael
Premix Inc.
Chambre : EBA
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 112
European Patent Convention Art 113
European Patent Convention R 106
Mot-clé : Requête en révision non manifestement irrecevable - manifestement non fondée
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0004/92
G 0004/95
R 0001/08
R 0003/09
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
R 0002/13
R 0018/14
T 1914/12

Exposé des faits et conclusions

I. La présente requête en révision reçue le 21 juillet 2010 concerne la décision T 1501/08 de la chambre de recours 3206 prononcée à l'issue de la procédure orale du 23 mars 2010 et notifiée le 12 mai 2010.

II. Par cette décision la chambre de recours a rejeté le recours interjeté par l'opposant II contre la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen nº 1 134 314 sous une forme modifiée.

III. Le requérant dans la procédure de révision est l'opposant II, requérant dans la procédure de recours.

IV. Le brevet européen nº 1 134 314 a pour objet un "produit intermédiaire composite, procédé de production d'un tel produit et utilisation à titre de matériau de moulage".

V. Les faits et la procédure antérieure utiles à la présente procédure en révision peuvent être ainsi résumés:

a) Le brevet a fait l'objet de trois oppositions fondées sur le défaut de nouveauté et d'activité inventive et l'insuffisance de description.

b) La division d'opposition a maintenu le brevet dans une forme modifiée, la revendication indépendante 14 précisant désormais dans l'étape du procédé de fabrication consistant à soumettre la couche à l'action de moyens à même de provoquer l'adhésion d'au moins certains des segments en leurs points de croisement-superposition sans entièrement polymériser la matrice de résine thermodurcissable, "de manière à obtenir, à température ambiante, un tack résiduel" et les revendications 20 et 21 étant supprimées. Elle est parvenue à la conclusion que l'objet de la revendication 1 du brevet opposé était nouveau. Il était aussi le fruit d'une activité inventive par rapport à D1 considéré comme l'état de la technique antérieur le plus proche au motif que l'homme du métier n'aurait été aucunement mis sur la voie d'un produit intermédiaire présentant un tack résiduel, mais au contraire aurait été tenté de choisir un produit intermédiaire sec, sans tack résiduel afin de rendre le produit plus aisément manipulable.

c) La décision de la chambre de recours objet de la requête en révision a rejeté le recours de l'opposant II à l'encontre de cette décision.

d) La revendication 1 du brevet telle que soumise à l'appréciation de la chambre de recours est la suivante:

"Produit intermédiaire composite à base de segments de fibres noyées dans une matrice de résine thermodurcissable, se présentant sous la forme d'au moins une couche (2) de segments plats multifibres (1) qui sont déposés les uns sur les autres en étant orientés aléatoirement et répartis de façon quasi isotrope dans le plan de la couche, de manière à former un tapis de masse et d'épaisseur constantes, caractérisé en ce que les segments sont liés, pour certains d'entre eux au moins, par adhésion au droit de leurs zones de croisement-superposition (3), grâce à la résine thermodurcissable qui est partiellement polymérisée et qui présente, à température ambiante, un tack résiduel, de manière à former un tapis de faible cohésion propre présentant, à température ambiante, une souplesse relative et une aptitude à l'enroulement."

Le requérant indique fonder sa requête en révision sur la violation du principe de bonne foi et du droit d'être entendu garanti par l'article 113 CBE.

Il fait valoir à l'appui, que la chambre de recours a fondé sa décision sur un "argument/aspect (motif)" sur lequel il n'a pas eu l'opportunité de prendre parti. Selon lui les "motifs" ("grounds or evidence" ) visés par l'article 113 CBE doivent être largement entendus, comme incluant non seulement les motifs mais aussi les arguments.

VI. Selon lui en effet, la titulaire du brevet a soulevé pour la première fois lors de la procédure orale devant la chambre de recours l'existence d'un effet technique très spécial du produit composite intermédiaire selon lequel les segments présents pouvaient glisser les uns sur les autres en raison du caractère de faible cohésion produit. Il s'est agi d'une argumentation tout à fait nouvelle fondée sur l'effet de glissement des segments qui n'avait jamais été évoqué ni devant la division d'opposition ni lors de la procédure de recours jusqu'à la procédure orale, et passé sous silence dans la communication accompagnant la convocation à la procédure orale. L'objet de la procédure s'est trouvé changé: alors qu'avant la procédure orale le titulaire du brevet n'avait parlé que des caractéristiques de la surface du produit lors de la procédure orale il s'est mis à discuter de la structure intérieure du produit apportant un nouvel argument.

VII. La chambre n'a pas indiqué lors de la procédure orale que cet argument était crucial et elle a fondé sa décision de maintenir le brevet sur cet effet spécial. Elle a de façon répétée ( page 6 lignes 4 et suivantes; page 8 lignes 18 et suivantes et page 10 lignes 26 et suivantes et lignes 32 et suivantes) repris cette argumentation en en faisant une caractéristique distinctive supplémentaire par rapport à l'art antérieur de D1. Le requérant a été surpris de voir que cette argumentation est devenue la motivation légale et factuelle essentielle adoptée par la chambre de recours non seulement pour l'activité inventive mais aussi pour la suffisance de description alors qu'il n'a pas été mis en mesure de répondre à cet argument. D'ailleurs, répondre à cette argumentation qui n'est pas compréhensible (on ne voit pas comment des segments collants pourraient glisser les uns sur les autres leur aspect collant les en empêchant au contraire) nécessitait du temps et la recherche de documents.

VIII. La Grande Chambre a adressé avec l'invitation à la procédure orale le 21 septembre 2010 une communication faisant part au demandeur de son opinion provisoire.

IX. La procédure orale a eu lieu le 17 décembre 2010. le requérant a insisté sur le fait que l'effet technique spécial des segments qui a été abordé pour la première fois lors de la procédure orale ne constitue pas seulement un argument mais aussi un fait dont le titulaire du brevet n'avait jamais auparavant discuté. En outre il ne pouvait pas se douter que ce serait l'élément déterminant de la décision de la chambre de recours. Il a, en réponse à une question de la Grande Chambre, indiqué qu'il avait bien soulevé la question du tack et des segments glissant les uns sur les autres dans ses écritures du 22 février 2010, mais c'était pour soutenir que les propriétés de souplesse relative et de capacité à l'enroulement résultaient de la polymérisation incomplète et non du tack. Or c'est le contraire qu'a soutenu le titulaire du brevet lors de la procédure orale. Au soutien de ses prétentions le requérant a fait référence à la décision T 268/00 et à un article de doctrine.

X. Les requêtes finales sont les suivantes:

- annuler la décision T 1501/08-3206

- rouvrir la procédure devant la chambre de recours dans une composition différente de celle qui a rendu la décision.

- rembourser la taxe de la requête en révision

Motifs de la décision

1. Recevabilité

1.1 Les conditions formelles de délai et de paiement de la taxe de recours sont vérifiées.

1.2 Par sa nature le grief articulé à l'encontre de la décision de la chambre de recours ne pouvait être connu que lors de la lecture de la décision. L'exception telle que prévue par la règle 106 CBE est justifiée.

2. Le bien fondé

2.1 Le requérant pour soutenir que son droit à être entendu a été ignoré prétend que la chambre a adopté dans sa décision une ligne d'argumentation tout à fait nouvelle et imprévisible pour lui: elle a retenu un argument (le requérant à l'audience a soutenu qu'en réalité il s'agissait d'un fait), que le titulaire du brevet a présenté pour la première fois lors de la procédure orale, à savoir l'existence d'un effet technique spécial de la couche intermédiaire du produit: le tack résiduel grâce à sa propriété de faible cohésion permet aux segments de glisser les uns sur les autres. Ce faisant elle a changé le sujet de la procédure.

2.2 Il convient ici de rappeler que tout au long de la procédure d'opposition et de recours les débats ont porté sur la présence d'un tack résiduel à température ambiante de la résine thermodurcissable partiellement polymérisée, comme caractéristique distinctive du brevet par rapport à l'état de la technique antérieur le plus proche D1, et de ses effets.

Le tack selon la définition donnée par le brevet indique une adhésivité résiduelle caractéristique de la résine thermodurcissable constitutive de la matrice du produit intermédiaire composite, lorsque celle-ci n'est pas encore polymérisée (voir point[49] du brevet.

2.2.1 Selon les opposants, D1 présentait un tack résiduel; le requérant notamment dans ses écritures du 22 février 2010, en réponse à la communication de la chambre de recours, a fait une distinction entre la capacité à l'enroulement (wrappability) et la capacité à rester enroulé (capability of keeping the roll form by adhesion of adjacent turns). Il a soutenu que le tack était une propriété de surface et que le seul effet lié au tack était la capacité à rester enroulé tandis que la souplesse relative et la capacité à l'enroulement résultaient d'une propriété de la masse de la couche (la résine non complètement polymérisée) qui permettait aux segments de glisser les uns sur les autres.

2.2.2 La chambre de recours, contrairement à ce que soutenait le requérant (voir point 2.3 de la décision), a jugé que c'était ce tack résiduel qui formait un tapis de faible cohésion donnant à la couche une adhésivité de surface et une souplesse favorable à l'enroulement; le tack n'avait pas seulement une qualité de surface mais jouait aussi bien un rôle à l'intérieur de la matrice. C'était lui qui permettait aux segments plats de glisser les uns par rapport aux autres et ce faisant conférait au produit intermédiaire une souplesse relative tout en maintenant une certaine adhésion entre les segments.

2.3 La Grande Chambre relève qu'il est possible que la titulaire du brevet ait eu recours aux termes d'"effet spécial" de glissement des segments permis par le tack résiduel pour la première fois lors de la procédure orale, mais cela a été une riposte aux prétentions du requérant lui-même qui a posé la problématique en ces termes. En tout état de cause le phénomène de glissement des segments ainsi désigné n'était pas un moyen nouveau. Il avait été utilisé par le requérant lui-même pour expliquer la capacité de la couche intermédiaire à être enroulée. Le titulaire du brevet puis la chambre de recours l'ont repris mais l'ont utilisé différemment pour expliquer la souplesse de la couche.

2.4 Il apparait en conséquence que d'une part dans la classification entre arguments et moyens ou faits (voir les décisions G 4/92 JO 1994, 149 [point 10] et G 4/95 JO 1996, 412 [point 4]), l'effet spécial est en réalité un argument et non un fait car il a été utilisé pour expliquer le processus selon lequel la couche avait une souplesse relative; mais selon le titulaire du brevet il était à attribuer au tack alors que selon le requérant il était dû à la polymérisation partielle.

D'autre part la qualification de "fait" serait elle retenue, force est de constater que c'est le requérant lui-même qui a introduit cette notion de glissement des segments dans le débat un mois avant la procédure orale et que le titulaire, ainsi que le requérant pouvait s'y attendre, a contesté la prétention du requérant et attribué la souplesse, au tack et au glissement des segments qu'il permettait. Entre les deux positions des parties la Chambre a tranché en faveur de celle du titulaire du brevet.

2.5 Le droit d'être entendu implique que les parties aient la possibilité de prendre position sur les faits et preuves (motifs) décisifs. Ce droit, cela a été maintes fois souligné, n'équivaut pas à un droit de regard que les parties auraient sur le raisonnement intellectuel que la chambre va adopter à partir des faits et éléments de preuve discutés et des arguments échangés par les parties pour parvenir à la décision (R 1/08 du 15 juillet 2008, point 3.1; R 3/09 du 3 avril 2009, point 5.2; R 13/09 du 22 octobre 2009, point 2.6.3). Aucune obligation n'est faite dans la CBE de communiquer par avance aux parties les arguments retenus ou utilisés par la chambre.

2.6 Selon le requérant s'il avait su que la chambre retiendrait que c'est une propriété du tack et non de la polymérisation partielle de la résine qui avait pour effet de permettre aux segments de glisser il aurait pu contredire ce raisonnement avec au besoin des essais. Mais la Grande Chambre remarque que c'est le requérant lui-même qui a introduit dans le débat l'idée des segments qui glissent les uns sur les autres pour expliquer la souplesse. Il pouvait et devait s'attendre à ce que sa position qui consistait à attribuer cet effet non au tack mais à l'état de la résine, c'est-à-dire à une propriété de la masse à laquelle le tack demeurait étranger, soit remise en cause. Il apparait en conséquence que la chambre, après avoir entendu chacune des parties sur l'effet du glissement des segments, a été convaincue par la réfutation de la thèse du requérant par la titulaire du brevet.

3. Il n'y a manifestement là aucune violation du droit d'être entendu et la requête doit être rejetée comme manifestement non fondée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

La Grande Chambre de Recours dans sa formation selon la règle 109 (2) a CBE statue à l'unanimité comme suit:

La requête en révision est rejetée comme manifestement non fondée.

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