J 0022/95 (Désignation d'Etats contractants dans une demand divisionnaire) of 4.7.1997

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1997:J002295.19970704
Date de la décision : 04 Juillet 1997
Numéro de l'affaire : J 0022/95
Numéro de la demande : 94120537.9
Classe de la CIB : B44C 5/04
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : Procédé pour la décoration d'un panneau
Nom du demandeur : Aumac Limited
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.1.01
Sommaire : La désignation d'un Etat contractant est réputée retirée si la taxe de désignation pour cet Etat n'a pas été acquittée dans les délais. Le défaut de paiement de la taxe de désignation signifie par conséquent que la désignation dudit Etat contractant dans la demande initiale est sans effet dès l'origine et est réputée n'avoir jamais été effectuée. Par conséquent, un Etat contractant qui avait été désigné à l'origine lors du dépôt de la demande initiale ne peut être désigné dans une demande divisionnaire que si par la suite la désignation initiale a été validée par le paiement de la taxe correspondante.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 64
European Patent Convention 1973 Art 65
European Patent Convention 1973 Art 67(4)
European Patent Convention 1973 Art 76(1)
European Patent Convention 1973 Art 76(2)
European Patent Convention 1973 Art 76(3)
European Patent Convention 1973 Art 78(2)
European Patent Convention 1973 Art 79(2)
European Patent Convention 1973 Art 80
European Patent Convention 1973 Art 91(4)
European Patent Convention 1973 Art 112
European Patent Convention 1973 Art 122(5)
European Patent Convention 1973 R 15(2)
European Patent Convention 1973 R 25(3)
European Patent Convention 1973 R 85a(1)
European Patent Convention 1973 R 104c(2)
Mot-clé : Désignation dans une demande divisionnaire d'un Etat contractant non valablement désigné dans la demande initiale - non
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0005/83
J 0015/86
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0004/98
J 0032/95
J 0019/96
J 0029/97
J 0008/00
J 0002/01
J 0025/03
J 0040/03
J 0013/14
T 0079/07
T 1196/08

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n 94 120 537.9 a été déposée pour le compte du requérant le 23 décembre 1994. Cette demande est issue de la division de la demande européenne n 91 310 023.6, et constitue par conséquent une demande divisionnaire. Dans cette demande divisionnaire, le requérant a désigné les treize Etats contractants suivants : l'Autriche, la Belgique, la Suisse/le Liechtenstein, l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède. Lors du dépôt, il a acquitté intégralement la taxe de dépôt, la taxe de recherche, les taxes de désignation pour les treize Etats susmentionnés ainsi que les troisième et quatrième taxes annuelles. Cette demande satisfaisant à toutes les conditions de forme requises, il lui a été attribué le statut de demande divisionnaire.

II. La demande initiale, déposée le 30 octobre 1991, désignait à l'origine les treize Etats contractants cités au point I ci-dessus. Toutefois, les taxes de désignation n'ont été payées que pour l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Par conséquent, avec effet à compter du 1er décembre 1991, les désignations de l'Autriche, de la Belgique, de la Suisse/du Liechtenstein, du Danemark, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Grèce, du Luxembourg, des Pays-Bas et de la Suède ont été réputées retirées pour cause de non-paiement des taxes de désignation, et la procédure relative à la demande initiale a été poursuivie uniquement pour les Etats contractants valablement désignés, à savoir l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Par conséquent, lors du dépôt de la demande divisionnaire le 23 décembre 1994, les seuls Etats contractants qui restaient valablement désignés dans la demande initiale étaient l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie.

III. Par décision remise à la poste le 3 avril 1995, la section de dépôt a décidé que la demande divisionnaire ne serait instruite que pour trois Etats contractants : l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, et que les désignations des autres Etats contractants étaient réputées retirées, vu qu'aux termes de l'article 76 (2) CBE, "une demande divisionnaire de brevet européen ne peut désigner d'autres Etats contractants que ceux qui étaient désignés dans la demande initiale". Selon cette décision, la désignation d'Etats contractants dans la demande initiale (antérieure) doit être encore valable à la date du dépôt de la demande divisionnaire (cf. Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets, Partie A, chapitre IV, point 1.3.4). Cette condition n'était pas remplie en l'espèce, un Etat contractant n'étant désigné que si la taxe de désignation a été valablement acquittée (article 79 (2) CBE).

IV. Le 13 juin 1995, un recours a été formé contre la décision de la section de dépôt, et la taxe de recours a été acquittée ce même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 14 août 1995, dans les délais.

V. Le 6 février 1997, la Chambre a fait savoir au requérant, en application de l'article 11 (2) du règlement de procédure des chambres de recours, qu'elle estimait à titre préliminaire que le recours serait probablement rejeté et la décision de la première instance confirmée.

VI. Une procédure orale a eu lieu le 4 juillet 1997.

VII. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, et lors de la procédure orale, le requérant a essentiellement fait valoir les arguments suivants :

L'article 76 (2) CBE confère sans aucun doute possible au titulaire d'une demande divisionnaire le droit de désigner dans sa demande tout pays qui avait, à une date quelconque, été désigné dans la demande initiale. Par "désignation", il convient d'entendre désignation simpliciter (désignation au sens le plus général du terme). Désigner un Etat et acquitter la taxe de désignation constituent deux actes bien distincts. Le premier produit des effets juridiques indépendamment du second, même si en fin de compte il dépend du second une fois les délais expirés. Ainsi, l'abandon d'une désignation dans une demande initiale avant la division de cette demande n'affecte nullement le droit du demandeur de reprendre cette désignation dans une demande divisionnaire. Le requérant a en outre contesté l'interprétation donnée de l'article 76(2) dans les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB (A-IV, 1.3.4), interprétation qui correspond à celle retenue dans l'exposé des motifs de la décision attaquée. Selon lui, les Directives étaient ultra vires sur ce point (péchaient par excès de pouvoir), car elles ne se fondaient à cet égard ni sur la jurisprudence des chambres de recours, ni sur la CBE.

A l'appui de ses dires, le requérant a invoqué les dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités, affirmant qu'une règle fondamentale d'interprétation en vigueur dans les Etats contractants veut que l'on attribue aux mots leur sens ordinaire, et que si l'on interprète l'article 76(2) selon son sens ordinaire, il doit incontestablement être considéré que la désignation simpliciter d'un Etat dans une demande initiale confère à un demandeur le droit de désigner ce même Etat dans une demande divisionnaire répondant aux conditions requises à l'article 76(1). En outre, l'article 76(2) est formulé comme une exception, et les exceptions doivent être interprétées au sens strict.

Le requérant a fait valoir par ailleurs que dans le renseignement de nature juridique n 7 (JO OEB 1980, 395) communiqué par l'OEB, il est établi une distinction entre la désignation d'un Etat contractant et le traitement des taxes de désignation, considérés comme deux actes bien distincts. Par conséquent, la désignation devant être comprise comme un acte distinct de la désignation validée par le paiement de la taxe, l'acte de désignation à lui seul doit être considéré comme produisant en tant que tel un effet juridique, qui tient à ce qu'un Etat se trouve désormais désigné, et cela indépendamment de la question de savoir si la taxe de désignation a ou non été acquittée. Se demander si des Etats "étaient" ou non désignés conformément à l'article 76(2) CBE revenait donc à poser la question de l'existence d'un fait historique qui était la conséquence juridique du simple acte consistant à désigner lesdits Etats. Il ne découlait pas du non-paiement de la taxe de désignation que les désignations effectuées, qui constituaient un fait historique, étaient réputées dès l'origine n'avoir jamais eu lieu.

Un autre argument qui pouvait être invoqué à l'appui d'une telle conclusion était qu'en vertu de l'article 76 (1), la demande divisionnaire bénéficie de la date de dépôt de la demande initiale, ce qui selon le requérant, signifie forcément que cet effet juridique a valeur absolue, c'est-à-dire que la demande divisionnaire confère à son titulaire tous les droits et avantages que conférait la demande initiale à la même date, et qu'elle lui donne notamment la possibilité de désigner un ou plusieurs Etats choisis parmi les Etats désignés dans la demande initiale à sa date de dépôt.

Le requérant a également contesté l'applicabilité en pareil cas de l'article 91(4) CBE, qui prévoit que si la taxe de désignation afférente à un Etat désigné n'a pas été acquittée dans les délais, cette désignation est réputée retirée. D'après le requérant, l'article 91(4) n'est pas applicable en l'espèce, car selon le paragraphe 2 de l'article 76, qui régit le dépôt des demandes divisionnaires, un Etat peut être désigné dans une demande divisionnaire, même si la désignation de cet Etat a été abandonnée dans la demande initiale. De toute façon, l'article 91(4) n'avait pas pour effet de rendre nulle dès l'origine la désignation d'un Etat contractant dans une demande ; il prévoyait uniquement le retrait de la désignation.

Le requérant a refusé d'admettre que, comme l'avait affirmé la Chambre dans sa notification du 6 février 1997, lorsque la désignation d'un Etat contractant est retirée ou réputée retirée, la demande de brevet européen est réputée, en vertu de l'article 67(4) CBE, n'avoir dans l'Etat contractant en question jamais conféré au demandeur après sa publication la protection provisoire visée à l'article 64 CBE, et il a contesté qu'une telle désignation doive être considérée comme nulle dès l'origine. Il a fait valoir à cet égard que la CBE prévoit de nombreux cas dans lesquels une demande ou un autre acte de procédure peut être retiré(e) ou réputé(e) retiré(e), et que dans ces cas le retrait ne produit pas effet dès l'origine. Dans le cadre de la CBE, l'effet juridique produit par le retrait doit être le même dans tous les cas. L'article 67(4) CBE était une disposition spécifique qui régissait les effets juridiques produits par la demande de brevet européen vis-à-vis des tiers. Si dans l'esprit du législateur l'article 91(4) CBE devait signifier que la désignation devenait nulle dès l'origine, il l'aurait dit de façon explicite, comme il l'a fait à l'article 65, où il est prévu qu'un brevet européen est, dès l'origine, réputé nul dans un Etat contractant.

Les formulations utilisées à l'article 78(2) ("La demande de brevet donne lieu au paiement de la taxe de dépôt ...") et à l'article 79(2) ("La désignation d'un Etat contractant donne lieu au paiement d'une taxe de désignation...") doivent être interprétées comme ayant la même signification. Dès lors que le défaut de paiement d'une taxe telle que la taxe de dépôt n'entraîne pas dès l'origine la perte de la date de dépôt attribuée à la demande en vertu de l'article 80 CBE, le défaut de paiement d'une taxe de désignation ne peut être sanctionné par la perte de la désignation dès l'origine.

Le requérant a également signalé à la Chambre qu'il existait auparavant un brevet UK en vigueur correspondant à la demande divisionnaire et que ce brevet était encore en vigueur après le dépôt de la demande divisionnaire à l'Office européen des brevets, car il n'avait été révoqué que le 13 janvier 1995. Par conséquent, pendant tout ce temps il existait au Royaume-Uni un brevet ou une demande de brevet correspondant à la demande divisionnaire, si bien que les tiers ayant su à tout moment que les droits de protection existants pouvaient les empêcher d'exploiter l'invention au Royaume-Uni, le rétablissement de la désignation de la Grande-Bretagne n'était pas contraire aux intérêts du public. Si la Chambre disposait d'un pouvoir d'appréciation pour autoriser la désignation du Royaume-Uni dans la demande divisionnaire européenne, elle devait l'exercer en faveur du requérant, un tiers ne pouvant arguer de l'absence d'une désignation valable de la Grande-Bretagne dans la demande européenne initiale pour affirmer qu'il était en droit d'utiliser librement l'invention.

Le requérant a également fait valoir qu'il n'y avait pas eu retrait délibéré ou explicite d'une désignation dans la demande initiale.

VIII. Au terme de la procédure orale, le requérant a formulé les requêtes suivantes :

(1) Requête principale

Il est demandé l'annulation de la décision de la section de dépôt et la poursuite de la procédure relative à la demande divisionnaire pour tous les Etats contractants qui avaient été désignés à l'origine, lors du dépôt de la demande initiale.

(2) Première requête subsidiaire Il est demandé l'annulation de la décision de la section de dépôt et la poursuite de la procédure relative à la demande divisionnaire pour les Etats désignés, à savoir : l'Allemagne, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie.

(3) Deuxième requête subsidiaire La Grande Chambre de recours est saisie des questions suivantes :

"(i) Le terme "retirée" a-t-il le même sens à l'article 90(3) CBE, à l'article 91(4) CBE et à la règle 104quater (2) CBE ?

(ii) Le terme "retirée" (ou "réputée retirée"), à l'article 91(4), est-il synonyme de "retirée (ou "réputée retirée") ab initio" ?

(iii) Le mot "étaient" à l'article 76(2) signifie-t-il que pour trancher la question de savoir si des Etats "étaient" désignés dans la demande initiale, il convient de se fonder sur la date de dépôt commune de la demande initiale et de la demande divisionnaire, ou signifie-t-il qu'il convient à cet égard de se fonder sur la date à laquelle les pièces de la demande divisionnaire sont effectivement produites ?

(iv) En tout état de cause, est-il contraire à l'article 76(2) de déposer une demande divisionnaire désignant le Royaume-Uni dans le cas où (i) le Royaume-Uni a été désigné à l'origine dans la demande initiale (ii) et où il n'a pas été acquitté en temps utile de taxe de désignation pour le Royaume-Uni au titre de la demande initiale (iii) et où la demande divisionnaire a été déposée (en ce sens que des pièces ont été produites auprès de l'OEB) après l'expiration du délai de paiement de ladite taxe de désignation et où (iv) il existait déjà avant le dépôt de la demande initiale une demande de brevet UK, demande qui était encore en vigueur après la date de dépôt (au sens précité) de la demande divisionnaire."

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Validité des 13 désignations

2.1 Le requérant fait essentiellement valoir que si l'on interprète correctement l'article 76(2) CBE, il doit être considéré qu'un demandeur a le droit de désigner dans une demande divisionnaire un pays qui avait été désigné à l'origine lors du dépôt de la demande initiale, que cette désignation initiale ait été ou non validée par la suite par le paiement de la taxe correspondante. Par conséquent, il convient d'examiner tout d'abord la signification que revêt l'article 76(2) dans le contexte d'ensemble de la CBE.

L'article 76(2) prévoit :

"Une demande divisionnaire de brevet européen ne peut désigner d'autres Etats contractants que ceux qui étaient désignés dans la demande initiale."

Aux termes de l'article 76(3), le délai pour le paiement des taxes de désignation est fixé par le règlement d'exécution, c'est-à-dire par la règle 15(2) (délais de paiement des taxes de désignation), la règle 25(3) (délais de paiement des taxes de désignation afférentes aux demandes divisionnaires), la règle 85bis (délai supplémentaire pour le paiement des taxes de désignation majorées d'une surtaxe), et la règle 104quater (conséquences du non-paiement des taxes de désignation).

L'article 79(2) quant à lui prévoit : "La désignation d'un Etat contractant donne lieu au paiement d'une taxe de désignation. La taxe de désignation est acquittée dans un délai de douze mois à compter du dépôt de la demande de brevet européen ou, si une priorité a été revendiquée, à compter de la date de priorité ; dans ce second cas, le paiement peut encore être effectué jusqu'à l'expiration du délai prévu à l'article 78, paragraphe 2, si celui-ci expire après le délai de douze mois à compter de la date de priorité".

Dans ce second cas, le délai prévu à l'article 78(2) est un délai d'un mois à compter du dépôt de la demande.

En vertu de l'article 122(5) CBE, la restitutio in integrum est exclue pour ces délais (cf. décision G 3/91, JO OEB 1993, 8).

2.2 L'article 91(4) CBE, qui est également applicable, prévoit que si "la taxe de désignation afférente à un Etat désigné n'a pas été acquittée dans les délais, cette désignation est réputée retirée". Par ailleurs, la règle 104quater (2) stipule que la désignation de tout Etat contractant pour laquelle la taxe de désignation prévue n'a pas été acquittée dans les délais est réputée retirée.

2.3 La Chambre estime qu'il ressort incontestablement de l'ensemble des dispositions précitées de la CBE qu'une désignation n'est valable que si la taxe de désignation correspondante a été acquittée. La première phrase de l'article 79(2) ne laisse aucun doute à ce sujet : "La désignation d'un Etat contractant donne lieu au paiement d'une taxe de désignation", ce qui prouve que la validité de la taxe de désignation est subordonnée au paiement de la taxe.

Le non-paiement de la taxe signifie par conséquent que la désignation initiale d'un Etat contractant dans une demande est sans effet juridique et est réputée n'avoir jamais eu lieu. Cette interprétation qui est donnée des dispositions citées ci-dessus est confirmée par l'article 67 CBE, qui traite des droits conférés par une demande de brevet européen après la publication. D'après l'article 67(4) CBE,

"Les effets de la demande de brevet européen prévus aux paragraphes 1 et 2 sont réputés nuls et non avenus lorsque la demande de brevet européen a été retirée, ou est réputée retirée, ou a été rejetée en vertu d'une décision passée en force de chose jugée. Il en est de même des effets de la demande de brevet européen dans un Etat contractant dont la désignation a été retirée ou est réputée retirée."

Il découle de l'article 67(4) que si une désignation est retirée en raison du non-paiement de la taxe de désignation, la demande est réputée n'avoir jamais conféré de protection dans l'Etat contractant concerné. Si un demandeur désigne des Etats contractants, c'est uniquement afin d'obtenir dans lesdits Etats la protection prévue aux articles 64 et 67 CBE. Lorsqu'une désignation est retirée, il est considéré qu'elle n'a jamais produit les effets prévus par ces deux articles de la CBE, et donc qu'elle n'a jamais existé.

2.4 La Chambre ne saurait être convaincue par l'argument avancé par le requérant, qui avait prétendu que le terme "retirée" ne désigne pas le même effet dans d'autres contextes. Les termes "retirée" et "réputée retirée" utilisés à propos de la désignation d'Etats contractants revêtent un sens bien précis à l'article 67(4), lequel exclut toute autre interprétation. De même, l'article 67(4) prévoit que lorsque la demande de brevet européen a été retirée, ou est réputée retirée, ou a été rejetée en vertu d'une décision passée en force de chose jugée, elle est réputée n'avoir jamais produit dans les Etats contractants désignés dans la demande les effets visés aux articles 64 et 67 CBE. Par conséquent, dans un Etat contractant désigné, le non-paiement de la taxe de dépôt prévue à l'article 78(2) produit les mêmes effets que le non-paiement d'une taxe de désignation due au titre de l'article 79(2). Dans les deux cas, il est considéré que la demande de brevet européen en question n'a jamais conféré quelque droit que ce soit dans l'Etat contractant concerné, et ne s'est en particulier jamais vu attribuer une date de dépôt.

2.5 Le requérant a fait observer que dans le renseignement de nature juridique n 7 de l'OEB cité supra, la désignation d'un Etat et le paiement de la taxe correspondante sont considérés comme deux actes distincts, ce qui permet de conclure qu'à lui seul, l'acte consistant à désigner un Etat produit un effet juridique en tant que tel. Le renseignement en question, qui a trait à la désignation à toutes fins utiles de tous les Etats contractants dans une requête en délivrance d'un brevet européen, ne confirme en rien le bien-fondé de la thèse défendue par le requérant. Il en ressort clairement que, lorsqu'un Etat est désigné à toutes fins utiles, le demandeur ne conserve le droit d'étendre la portée territoriale de la demande que jusqu'à l'expiration du délai de paiement des taxes de désignation tel que visé à l'article 79(2) CBE et à la règle 85bis (1) CBE. Il est également déclaré dans ce renseignement que la désignation des Etats pour lesquels la taxe de désignation n'a pas été acquittée est réputée retirée (cf. points 3 et 5 du renseignement de nature juridique n 7).

2.6 L'interprétation que donne la Chambre de l'article 76(2) est confirmée par les déclarations de Singer, dans Europäisches Patentübereinkommen, article 76, par. 5 (page 239) ; (cf. également "Singer : The European Patent Convention" avec notes de Lunzer, par. 76.05 (page 295) , ainsi que les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB (A-IV,1.3.4)). D'après Singer et Lunzer : "Il ne peut être désigné dans la demande divisionnaire d'Etats contractants autres que ceux désignés dans la demande initiale ... La désignation effectuée dans la demande initiale doit être une désignation valable, c'est-à-dire que les taxes prévues à l'article 79(2) doivent avoir été acquittées. Une demande divisionnaire ne pouvant en bonne logique être fondée que sur une demande antérieure existante, il est clair que la désignation effectuée dans la demande antérieure doit encore être valable à la date à laquelle on se trouve, et ne peut avoir été retirée avant le dépôt de la demande divisionnaire."

Sur ce point, la thèse défendue par la Chambre est également en accord avec le passage précité des Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB, dans lequel il est déclaré : "La demande divisionnaire ne peut pas désigner des Etats contractants qui n'étaient pas désignés dans la demande initiale. La désignation d'Etats contractants dans la demande initiale doit être encore valable à la date du dépôt de la demande divisionnaire."

3. La Chambre juge par ailleurs inexacte l'affirmation du requérant selon laquelle il n'y avait pas eu retrait délibéré des désignations de la demande initiale. Le requérant avait en effet indiqué expressément dans sa lettre du 14 janvier 1992 qu'il désirait désigner uniquement l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Dans cette même lettre, il déclarait également qu'il savait qu'il devrait acquitter des taxes supplémentaires avant une certaine date. Le requérant n'ignorait donc nullement que les désignations seraient réputées retirées si lesdites taxes n'étaient pas acquittées. La Chambre en conclut qu'il s'agit là d'un retrait délibéré et non pas, comme l'a affirmé le requérant, d'un abandon involontaire (cf. décision rendue dans l'affaire J 15/86, qui différait nettement dans les faits de la présente espèce).

4. Pour répondre à l'argument concernant l'intérêt du public, la Chambre rappelle que le requérant avait par sa lettre du 10 mars 1992 retiré toutes les désignations d'Etats contractants qui figuraient dans la demande initiale, à l'exception de celles de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie. Par la suite, tout tiers qui aurait consulté le dossier de la demande ou le Registre officiel de l'OEB aurait appris que ces trois Etats étaient les seuls à avoir été désignés dans la demande initiale, et aurait normalement supposé, vu l'article 76(2), qu'il en allait de même dans la présente demande divisionnaire. Si les tiers ne pouvaient se fier à ce genre d'information lorsqu'ils prennent des décisions en affaires, le système européen des brevets serait entaché d'une grande incertitude juridique, ce qui serait préjudiciable aux intérêts des tiers. La Chambre estime dès lors qu'il serait contraire à la lettre et à l'esprit de la CBE et aux intérêts des tiers d'interpréter l'article 76(2) comme signifiant que, lorsqu'il poursuit la procédure relative à une demande divisionnaire, le demandeur est libre de désigner des Etats contractants qui ne sont pas valablement désignés dans la demande initiale.

5. Comme l'a expliqué la Grande Chambre de recours dans sa décision G 6/83 (JO OEB 1985, 67, points 4 et 5), la Convention de Vienne n'est pas directement applicable pour l'interprétation de la Convention sur le brevet européen, mais il peut être fait référence à ses principes, car ils consacrent une pratique internationale généralement admise. Au niveau de l'interprétation de la CBE, les effets exercés par la Convention de Vienne peuvent notamment se résumer dans les deux règles suivantes : 1) La Convention doit être interprétée de bonne foi ; 2) A moins qu'il ne soit établi que les Etats contractants entendaient conférer un sens particulier à certains termes, il convient d'attribuer aux termes de la Convention leur sens ordinaire dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but de la Convention.

De l'avis de la Chambre, la signification que le requérant entend attribuer à l'article 76(2) est en désaccord avec ces deux règles. Prétendre que le simple fait de déposer une demande divisionnaire puisse faire renaître des droits dans des Etats contractants où tous les droits découlant de la demande initiale sont éteints depuis longtemps est pour la Chambre une thèse pour le moins surprenante, tout à fait contraire aux principes d'une interprétation de bonne foi, à la lumière du contexte de l'article en question. Pour qu'une exception puisse être interprétée au sens strict, il doit exister auparavant deux interprétations, l'une au sens strict et l'autre au sens large, qui , dans le contexte de l'exception dont il est question, soient toutes deux en accord avec le but poursuivi par la CBE. Or en l'espèce, l'interprétation stricte invoquée par le requérant est en désaccord avec le contexte.

6. Le pouvoir d'appréciation de la Chambre

6.1 Pour répondre à la suggestion du requérant qui avait demandé à la Chambre d'exercer son pouvoir d'appréciation en faveur du requérant en l'autorisant à désigner la Grande-Bretagne, la Chambre déclare qu'elle ne voit pas la possibilité d'autoriser dans la présente espèce la désignation de la Grande-Bretagne, de sorte que la question de savoir si ce pouvoir d'appréciation doit être exercé en faveur du requérant ne se pose pas. En outre, compte tenu des arguments développés ci-dessus par la Chambre aux points 2 à 5, même si la Chambre disposait d'un tel pouvoir d'appréciation, il n'y aurait absolument aucune raison de faire une exception dans le cas de la Grande-Bretagne en traitant ce pays différemment des autres Etats pour lesquels les taxes de désignation n'ont pas été acquittées.

7. Nécessité de saisir la Grande Chambre de recours de certaines questions

7.1 L'article 112 prévoit qu'une chambre de recours peut saisir la Grande Chambre de recours de certaines questions, soit d'office, soit à la requête de l'une des parties, si elle estime qu'une décision de la Grande Chambre de recours est nécessaire afin d'assurer une application uniforme du droit, ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose.

7.2 Il n'existe pas dans la présente affaire de précédents contradictoires rendant nécessaire une décision de la Grande Chambre de recours afin d'assurer une application uniforme du droit. La Chambre estime en outre que le droit étant parfaitement clair pour ce qui est des questions qui ont été soulevées (cf. motifs de la décision, points 2 à 6 supra), il n'y a pas lieu de saisir la Grande Chambre de recours.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La Chambre refuse de saisir la Grande Chambre de recours des quatre questions qui avaient été soulevées lors de la procédure orale du 4 juillet 1997.

2. Le recours est rejeté.

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