J 0018/90 (Danemark - désignation expresse) of 22.3.1991

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1991:J001890.19910322
Date de la décision : 22 Mars 1991
Numéro de l'affaire : J 0018/90
Numéro de la demande : 89124087.1
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Canon
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.1.01
Sommaire : 1. La désignation expresse d'un nouvel Etat contractant dans une demande de brevet européen peu de temps avant l'entrée en vigueur de la Convention sur le brevet européen à l'égard de cet Etat ne peut certes pas justifier le report de la date de dépôt à la date de cette entrée en vigueur (cf. décision J 14/90, JO OEB 1992, 505). Toutefois, une telle désignation - expresse - peut, après vérification auprès du demandeur, être interprétée en ce sens que le demandeur ne souhaite pas une date de dépôt antérieure à la date d'entrée en vigueur de la Convention sur le brevet européen à l'égard de l'Etat en question.
2. Dans la procédure écrite devant l'Office européen des brevets ainsi que dans ses décisions, l'Office peut également utiliser une autre langue officielle que la langue de la procédure, à condition d'avoir pour ce faire l'accord de toutes les parties.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 80
European Patent Convention 1973 R 1
European Patent Convention 1973 R 2
European Patent Convention 1973 R 3
Mot-clé : Date de dépôt - interprétation selon laquelle le dépôt est effectué à une date ultérieure
Langue officielle utilisée dans la procédure écrite et dans la décision - différente de la langue de la procédure
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0004/08
J 0004/91
J 0008/94
J 0020/96
J 0008/07
T 0788/91
T 0489/93
T 1102/00
T 1443/04
T 1528/06

Exposé des faits et conclusions

I. Le 28 décembre 1989, le demandeur a déposé la demande de brevet européen n° 89 124 087.1, qui revendiquait une priorité (la plus ancienne) du 7 janvier 1989. A la rubrique 26 du formulaire de requête en délivrance (tel qu'il est publié dans le JO OEB 1986, 306), il avait procédé à l'ensemble des 12 désignations possibles à l'époque. En outre, il avait rajouté à la machine à écrire la mention "Dänemark/Denmark-DK-X" et avait également payé la taxe de désignation pour cet Etat. La section de dépôt de l'Office européen des brevets a déclaré cette mention sans effet et remboursé la taxe de désignation.

II. Le 2 mars 1990, le demandeur a déposé à toutes fins utiles une demande séparée pour le Danemark (n° 90 104 109.5), qu'il a qualifiée de "demande divisionnaire" et pour laquelle il a revendiqué le 1er janvier 1990 comme date de dépôt.

III. Par décision en date du 23 avril 1990, la section de dépôt de l'OEB a rejeté la requête principale du demandeur tendant à obtenir l'attribution du 1er janvier 1990 comme date de dépôt de la demande de brevet européen n° 89 124 127.1, ainsi que sa requête subsidiaire dans laquelle il sollicitait le dépôt de deux demandes, l'une pour tous les Etats à l'exception du Danemark et dont la date de dépôt serait le 28 décembre 1989, et l'autre pour le Danemark, dont la date de dépôt serait le 1er janvier 1990. Ces requêtes ont été rejetées principalement pour les motifs suivants : d'une manière générale, l'OEB ne peut attribuer comme "date de dépôt" que la date à laquelle sont produits les documents de la demande répondant aux conditions énoncées à l'article 80 CBE. Une date de dépôt ultérieure ne peut être accordée qu'en vertu d'une règle de droit. Or il n'existe pas de règle de cette nature pour un cas tel que celui que constitue la demande en cause. Il ne peut en être décidé autrement que si l'intention du demandeur de se voir attribuer une date de dépôt ultérieure est clairement établie. Une demande fondée sur une priorité peut contenir une extension de l'invention, pour la brevetabilité de laquelle la date de dépôt et non la date de priorité est déterminante.

IV. Dans son recours déclaré recevable, le requérant fait valoir que l'article 80 CBE se borne à énumérer les exigences minimales à satisfaire pour accorder une date de dépôt le plus tôt possible et qu'il n'exclut pas de reporter cette dernière. Même la section de dépôt de l'OEB attendrait le temps qu'il faudrait avant d'attribuer une date de dépôt, dans des cas tels que celui de la demande en cause, à condition qu'il en ait été expressément formulé la requête lors du dépôt de la demande. Lorsque cette déclaration expresse fait défaut, elle peut être produite ultérieurement et, si nécessaire, par le biais d'une correction d'erreur en vertu de la règle 88, première phrase CBE.

V. Dans le présent recours, ainsi que dans les recours J 14/90 - Flachglas (JO OEB 1992, 505) et J 30/90 - Shea (JO OEB 1992, 516) où il est également question de la désignation du Danemark en rapport avec l'entrée en vigueur de la Convention sur le brevet européen à l'égard de ce pays, la Chambre a invité le Président de l'OEB à présenter ses observations conformément à l'article 12bis du règlement de procédure des chambres de recours (JO OEB 1989, 361). Dans la présente espèce, celui-ci a pris position par écrit et précisé ce qui suit :

La date de dépôt est définie à l'article 80 CBE comme étant celle à laquelle les conditions énoncées dans ce même article sont remplies. C'est cette date même qui doit être attribuée par la section de dépôt comme date de dépôt. Pour l'attribution de la date de dépôt, la section de dépôt ne peut pas tenir compte du fait que la requête en délivrance du brevet comporte par ailleurs une incohérence. La sécurité juridique exige que la date de dépôt soit incontestable, parce que des délais importants commencent à courir dès ce jour. Lorsque le demandeur exprime très clairement le souhait de se voir attribuer une date de dépôt ultérieure, et dans ce cas seulement, il est possible de la lui accorder le cas échéant. Or le souhait du demandeur n'était pas, en l'espèce, d'une clarté absolue, la date de dépôt pouvant être déterminante pour la brevetabilité d'une extension de l'invention allant au- delà du contenu des documents de priorité. En l'absence d'une indication sans la moindre équivoque de la part du demandeur, il n'appartient pas à la section de dépôt de dissiper le doute en requérant des informations. Le report de la date de dépôt, à la suite d'une requête en ce sens présentée ultérieurement par le demandeur, ne peut être accordé qu'en vertu de règles de droit tout à fait claires. Celles-ci n'existent (art. 91(6) en relation avec la règle 43(2)) que pour le cas de dessins qui sont remis postérieurement.

VI. Par lettre en date du 26 février 1991, à laquelle il a joint un chèque pour acquitter à nouveau la taxe de désignation du Danemark, le requérant a demandé :

1. l'annulation de la décision attaquée ;

2. l'attribution à la demande de brevet européen n° 89 124 087.1 du 1er janvier 1990 comme date de dépôt (requête principale) ;

3. l'attribution à la demande divisionnaire n° 90 104 109.5, déposée séparément à toutes fins utiles pour le Danemark le 2 mars 1990, du 1er janvier 1990 comme date de dépôt (requête subsidiaire). En outre, il a donné son accord sur l'emploi de la langue allemande dans la procédure écrite et dans la décision.

Motifs de la décision

1. Bien que la langue de la procédure soit l'anglais, la décision peut être rendue en allemand. Le demandeur et unique partie à la procédure a expressément donné son accord sur l'emploi de la langue allemande dans la procédure écrite. Le procès-verbal de la procédure orale visé à la règle 76 CBE aurait donc pu également être rédigé en allemand.

1.1 Selon l'ancien droit, l'OEB ne pouvait utiliser dans la procédure écrite une langue officielle différente de la langue de la procédure qu'en la substituant à cette dernière en vertu de la règle 3 CBE. Il fallait pour cela que le demandeur ou le titulaire du brevet en fasse la requête. Il a parfois été fait usage de cette possibilité lors de la procédure de recours, notamment dans l'une des sept décisions rendues par la Grande Chambre de recours à propos de la "deuxième indication médicale" (JO OEB 1985, 59). La difficulté des affaires à trancher peut parfois rendre nécessaire d'opter pour une autre langue officielle que la langue de la procédure, tout simplement parce qu'elle est plus familière à l'ensemble des participants, ce qui permet à ceux-ci de mieux nuancer leurs propos. Ce n'est donc pas sans raison que l'article 4(5) du règlement de procédure des chambres de recours (JO OEB 1983, 7) prévoit également que les décisions peuvent être, pour l'usage interne, rédigées dans une autre langue officielle que la langue de la procédure. Mais cela signifie aussi qu'elles peuvent être conçues dans cette autre langue. Cependant, la traduction dans la langue de la procédure ne demeure toujours qu'une traduction, malgré toute la qualité de cette dernière. Et l'on ne passera pas sous silence que, parfois, ce que l'on appelle le "texte officiel" n'est pas le texte dans lequel la décision a été mise au point, mais une traduction. Inversement, il n'est pas impossible que le texte publié au Journal officiel sous la mention "traduction" soit en fait le texte dans la langue qui a servi à mettre au point la décision. Un moyen d'éviter cela a été jusqu'à maintenant de changer la langue de la procédure dans l'intérêt de tous les participants, de manière à améliorer la compréhension mutuelle, parvenir à une plus grande rigueur conceptuelle, respecter au mieux la véracité et travailler avec plus d'efficacité.

1.2 La suppression de la règle 3 CBE (cf. JO OEB 1991, 4) n'élimine pas cette pratique pour autant. En effet, la raison de cette suppression est uniquement d'éviter qu'une fois la langue de la procédure changée, des formulaires ne soient utilisés dans la langue qui n'est pas la bonne et que des notifications ou des communications ne soient émises et des décisions ne soient rendues dans une langue les rendant invalides. L'objectif n'est donc pas d'interdire à l'Office d'employer, dans les procédures écrites, et notamment dans les décisions, une autre langue officielle que la langue de la procédure ; mais pour cela, toutes les parties doivent être d'accord. A cette condition, l'Office peut ainsi également utiliser au cours d'une procédure écrite une langue officielle différente de la langue de la procédure. Ce qui est possible pour une procédure orale, en vertu de la règle 2(2) CBE, sans l'accord des parties, ne saurait nullement être exclu pour une procédure écrite avec l'accord des parties.

1.3 Bien entendu, l'emploi d'une autre langue officielle n'affecte en rien le texte de la demande de brevet européen et du brevet européen dans la langue de la procédure. Conformément à l'ancienne règle 3(2) CBE, les modifications de ces textes ne peuvent être déposées que dans la langue de la procédure. De même, elles ne peuvent être examinées que par rapport au texte original, c'est-à-dire tel que rédigé dans la langue de la procédure, et les versions modifiées ne peuvent être arrêtées par l'Office que dans le texte original.

2. La présente affaire ne peut être résolue, selon la Chambre, par un report de la date de dépôt, mais par une interprétation de ce qu'exprimait, en guise de déclaration, la requête en délivrance du brevet, reçue le 28 décembre 1989, interprétation pour laquelle il convient de replacer cette requête dans le contexte de l'époque, connu alors de l'OEB comme du demandeur, à savoir que la Convention sur le brevet européen devait entrer en vigueur à l'égard du Danemark le 1er janvier 1990 (cf. JO OEB 1989, 479), alors que le délai de priorité pour la demande en cause n'expirait que le 7 janvier 1990. L'hypothèse selon laquelle une date de priorité du 28 décembre 1989, et non du 1er janvier 1990, pourrait entrer en ligne de compte pour une extension éventuelle de l'exposé de l'invention est tellement théorique et improbable qu'elle ne saurait influencer l'interprétation de la requête en délivrance. Certes, les déclarations nécessitant une interprétation ne sont pas, par nature, d'une clarté absolue, sinon elles n'appelleraient pas d'interprétation. Il n'est cependant pas possible d'exclure les cas où la volonté d'un demandeur est à interpréter d'emblée de la manière qui s'impose, même s'il faut obtenir de la part de celui-ci quelque éclaircissement pour dissiper complètement toute incertitude.

3. S'il est exact qu'il n'appartient pas en règle générale à la section de dépôt de vérifier si le contenu des documents de la demande est cohérent, ni d'en clarifier les contradictions en requérant des informations, il en va cependant autrement lorsque le demandeur désigne dans une demande de brevet européen, reçue un 28 décembre, un Etat qui peut être désigné dès le 1er janvier suivant. Même dans les procédures en matière de brevets, il peut s'imposer de prendre en considération l'économie de la procédure et l'intérêt du demandeur pour les mettre en balance, avec pour résultat la nécessité de déroger le cas échéant à la règle, en faveur du demandeur (cf. T 166/86 "Jeu distinct de revendications/HENKEL", JO OEB 1987, 372, point 7 des motifs).

4. L'attribution du 1er janvier 1990 comme date de dépôt de la demande de brevet européen n° 89 124 087.1 a pour conséquence d'inclure le Danemark dans cette demande. La taxe de désignation, payée dans les délais puis remboursée, a été à nouveau acquittée. La désignation est donc valable. Elle n'a d'ailleurs jamais été retirée du dossier de la demande n° 89 124 087.1. Le dépôt d'une demande séparée pour le Danemark - qualifiée de "demande divisionnaire" - n'a à aucun moment été sollicité autrement qu'à titre subsidiaire, c'est-à-dire conditionnel.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. La date du 1er janvier 1990 est attribuée à la demande de brevet européen n° 89 124 087.1 comme date de dépôt.

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