European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1988:J002588.19881031 | ||||||||
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Date de la décision : | 31 Octobre 1988 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | J 0025/88 | ||||||||
Numéro de la demande : | 87202400.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | B29C 67/22 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | New Flex | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.1.01 | ||||||||
Sommaire : | Pour qu'une date de dépôt soit accordée au titre de l'article 80 b) CBE, il n'est pas nécessaire qu'un Etat contractant particulier soit explicitement désigné. En l'absence d'une telle désignation, il y a lieu d'admettre que les documents produits par le demandeur contiennent une désignation de tous les Etats contractants à toutes fins utiles. | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Absence de désignation explicite d'Etats contractants Application du principe de la désignation à toutes fins utiles |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le 23 novembre 1987, l'OEB à Munich a reçu une lettre du mandataire du requérant. Ce courrier, qui se référait à la "demande de brevet européen n° 22 472 A/86 déposée le 27.11.86 au nom de New Flex S.r.L.", était accompagné d'une désignation de l'inventeur en date du 4 novembre 1987 (sur formulaire OEB 1002) et d'un document de priorité constitué par la demande de brevet italien n° 22 472 A/86, déposée le 27 novembre 1986.
II. Dans un télex en date du 30 novembre 1987, confirmé par une lettre reçue le 2 décembre 1987 à l'OEB à Munich, le mandataire, auquel l'OEB n'avait pas encore confirmé la réception des documents relatifs à la présente demande, s'est référé à "notre requête en délivrance d'un brevet européen pour tous les Etats contractants à l'exception de l'Italie, postée le 4 novembre 1987 au nom de New Flex S.r.L." et il a demandé un contrôle et des informations quant aux délais de paiement de certaines taxes. Afin d'aider l'OEB à effectuer ce contrôle, il a notamment joint à cette lettre une copie de la requête en délivrance d'un brevet européen, présentée sur formulaire OEB 1001 10.86 et datée du 4 novembre 1987. A la rubrique 26 de la copie de ce formulaire, la désignation de tous les Etats parties à la CBE, à l'exception de l'Italie, était indiquée par des croix tapées à la machine à écrire dans les cases correspondant aux Etats concernés. A la rubrique 27, une croix pré-imprimée figurait sur le formulaire, dans la case "Désignation à toutes fins utiles de tous les Etats contractants". Dans sa lettre, le mandataire expliquait en outre que l'original de la requête en délivrance d'un brevet européen avait été expédié (de Milan) par exprès le 5 novembre 1987, et que le retard intervenu dans la distribution de ce document était probablement dû à plusieurs grèves qui avaient eu lieu en Italie au mois de novembre (1987). Il a présenté également une requête subsidiaire en restitutio in integrum en vertu de l'article 122 CBE.
III. Au cours de la procédure qui a suivi devant la section de dépôt, le requérant a demandé que le 23 novembre 1987 soit accordé comme date de dépôt de la demande en question et que le droit de priorité du requérant, découlant de la demande de brevet italien n° 22 472 A/86 en date du 27 novembre 1986, soit confirmé. A l'appui de cette requête, il a essentiellement fait valoir que les documents reçus par l'OEB le 23 novembre 1987 satisfaisaient à toutes les conditions énoncées à l'article 80 CBE pour l'attribution d'une date de dépôt. Faisant référence à la possibilité de prorogation des délais prévue à la règle 85(2) CBE, le requérant a produit une lettre officielle, en date du 23 mars 1988, établie par les services de l'Administration des Postes de Milan et confirmant qu'au cours de la période en question, les agents des postes chargés du courrier au départ et à l'arrivée "n'avaient pas vraiment fait grève, mais avaient provoqué des désordres susceptibles d'entraver l'expédition et la distribution de tout type de courrier" ; il y est également mentionné que le courrier exprès en question (expédié le 5 novembre 1987) avait probablement été perdu. En fait, cette lettre n'a jamais été retrouvée.
IV. Dans la décision attaquée, le 30 novembre 1987 a été accordé comme date de dépôt à la demande de brevet européen en cause, et, étant donné que cette date tombait en dehors du délai de 12 mois partant de la date de dépôt de la demande de brevet italien correspondante (27 novembre 1986), aucun droit de priorité n'a été reconnu à la demande de brevet européen. Dans les motifs de la décision, il est indiqué que les documents reçus par l'OEB le 23 novembre 1987 lui ont permis de constater qu'un brevet européen était demandé (article 80 a) CBE), d'identifier le demandeur (article 80 c) CBE), ainsi que d'établir une description et une ou plusieurs revendications sur la base du document de priorité italien (article 80 d) CBE). Toutefois, le 23 novembre 1987, il n'était pas satisfait à la condition énoncée à l'article 80 b) CBE, suivant laquelle les documents produits par le demandeur doivent contenir la désignation d'au moins un Etat contractant. Il n'a pas non plus été possible d'admettre qu'une telle désignation ait été effectuée implicitement à cette date. C'est seulement le 30 novembre 1987 (cf. point II supra) que la condition visée à l'article 80 b) CBE a été remplie, et par là-même toutes les conditions énumérées à l'article 80 CBE pour l'attribution d'une date de dépôt. Il est en outre mentionné dans la décision que l'application de la règle 85(2) CBE n'est pas possible et qu'une restitutio in integrum est exclue.
V. Le requérant a dûment formé un recours contre cette décision, en demandant que le 23 novembre 1987 soit accordé comme date de dépôt de la demande de brevet européen et que la priorité de la demande italienne en date du 27 novembre 1986 soit reconnue. Il a requis une procédure orale à titre subsidiaire. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, le requérant fait notamment valoir que toutes les conditions requises pour accorder une date de dépôt, y compris celle visée à l'article 80 b) CBE (désignation d'au moins un Etat contractant), étaient remplies le 23 novembre 1987, et il allègue que l'interprétation de ce paragraphe dans la décision attaquée est trop étroite et ne se fonde que sur son libellé, sans prendre en compte aucun autre moyen d'interprétation. Il conclut également que l'OEB, en prévoyant la désignation à toutes fins utiles de tous les Etats contractants dans le formulaire 1001, reconnaît la nécessité d'une telle mesure, nécessité qui demeure même dans les cas où il n'est pas fait usage dudit formulaire.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE. Il est donc recevable.
2. L'article 79(1) CBE dispose que l'Etat contractant ou les Etats contractants dans lequel ou dans lesquels il est demandé que l'invention soit protégée doivent être désignés dans la requête en délivrance du brevet européen. L'article 80 CBE dispose en outre que la date de dépôt de la demande de brevet européen est celle à laquelle le demandeur a produit des documents qui contiennent, entre autres, la désignation d'au moins un Etat contractant. En l'espèce, le point de droit à trancher en premier lieu par la Chambre est celui de savoir si les documents produits par le demandeur/requérant le 23 novembre 1987 remplissent la condition de désignation d'au moins un Etat contractant. Il est clair que la réponse à cette question est déterminante pour la priorité en jeu.
3. Les documents produits le 23 novembre 1987 (cf. point I supra) ne contenaient pas de désignation explicite d'un Etat contractant pour la raison évidente qu'ils n'étaient pas destinés à constituer une demande de brevet européen, mais seulement à compléter la demande en fournissant le document de priorité et la désignation de l'inventeur. Il n'empêche qu'ils se référaient apparemment à une demande de brevet européen, et la section de dépôt a jugé que ces documents en tant que tels satisfaisaient à toutes les conditions de l'article 80 CBE, à l'exception de celle concernant la désignation d'au moins un Etat contractant. Il ressort de la décision attaquée que la section de dépôt a estimé que le libellé de l'article 80 b) CBE excluait la possibilité d'effectuer immédiatement cette désignation.
4. De l'avis de la Chambre, le requérant a raison de conclure que l'interprétation de l'article 80 b) CBE, donnée en l'espèce par la section de dépôt est trop étroite et non conforme aux principes généralement reconnus de l'interprétation des règles de droit. Une telle interprétation doit être basée non seulement sur le libellé de la disposition concernée, mais encore sur d'autres facteurs tels que la finalité de cette disposition examinée à la lumière de son histoire juridique et des diverses conséquences qu'auraient l'une ou l'autre manière de l'interpréter.
5. On peut admettre que l'obligation de désigner des Etats contractants, contenue dans les articles 79(1) et 80 b) CBE, vise essentiellement à préciser, dès le début de la procédure engagée devant l'OEB, l'étendue de la protection demandée pour l'invention dans les différents Etats contractants ; cela est important pour différentes raisons (cf., entre autres, articles 54(4) et 66 CBE). Il ne s'agit donc pas d'établir si une telle protection est demandée ou non dans un Etat contractant, ce qui devrait aller de soi dans le cas d'une demande de brevet européen, mais plutôt de fournir des renseignements sur le nombre et l'identité des Etats contractants dans lesquels la protection est recherchée. L'expérience ayant montré qu'il n'est pas toujours facile pour les demandeurs d'en décider dès le dépôt de la demande de brevet européen, l'OEB a introduit il y a quelques années la pratique de la "désignation à toutes fins utiles" (cf. JO OEB 1980, 395), ce qui signifie (à compter de 1986) que tous les Etats contractants sont "automatiquement" désignés sur le formulaire de requête 1001. Ceci donne aux demandeurs un délai supplémentaire pour réfléchir à la question de la désignation, c.-à-d. qu'une décision finale peut être différée jusqu'à l'échéance des taxes de désignation visée à l'article 79(2) CBE. Il s'agit d'un système autorégulateur en ce sens que, si la taxe de désignation afférente à un Etat contractant n'est pas acquittée, la désignation de cet Etat est réputée retirée (article 91(1)e) et (4) CBE) et seuls restent désignés les Etats pour lesquels les taxes ont été dûment payées. Dans l'hypothèse improbable où aucune taxe de désignation n'est acquittée, la demande de brevet européen est réputée retirée (article 79(3) CBE).
6. La pratique de la "désignation à toutes fins utiles" peut être juridiquement définie comme la présomption d'un souhait général des demandeurs de désigner tous les Etats contractants au stade initial du dépôt d'une demande de brevet européen. La Chambre ne voit pas d'objection à une telle pratique qui est avantageuse pour les demandeurs sans léser aucun intérêt public. Jusqu'à présent, cette pratique est restée limitée aux demandes présentées sur le formulaire OEB 1001. Toutefois, il n'y a guère de raison valable de considérer que ladite présomption ne s'applique pas également à des demandes déposées d'une autre manière, c.-à-d. sans faire usage du formulaire OEB 1001 (cf. Bossung dans Münchner Gemeinschaftskommentar, 8. Lieferung, art. 80, pp. 31 et 32). La Chambre estime donc que, pour accorder une date de dépôt au titre de l'article 80 b) CBE, il n'est pas besoin d'une désignation explicite d'un Etat contractant particulier. En l'absence d'une telle désignation, il y a lieu d'admettre que les documents produits par le demandeur contiennent une désignation à toutes fins utiles de tous les Etats contractants.
7. En conséquence, le 23 novembre 1987 est réputé date de dépôt dans la présente espèce, au motif que les conditions énon cées à l'article 80 a), c) et d) CBE sont considérées comme remplies à cette date, même si aucun Etat contractant n'a été explicitement désigné dans les documents produits à cette date. Le requérant a donc droit à la priorité revendiquée de la demande italienne en date du 27 novembre 1986.
8. Dans ces circonstances, la Chambre n'a pas besoin d'examiner les autres questions soulevées au cours de la procédure.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. La demande de brevet européen n° 87 202 400.5 se voit accorder le 23 novembre 1987 comme date de dépôt et reconnaître le droit de revendiquer la priorité de la demande de brevet italien n° 22 472 A/86 déposée le 27 novembre 1986.