J 0020/85 (Revendications manquantes) of 14.5.1986

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1986:J002085.19860514
Date de la décision : 14 Mai 1986
Numéro de l'affaire : J 0020/85
Numéro de la demande : 84111579.3
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Zenith
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.1.01
Sommaire : 1. Lorsqu'un question de fait oppose l'Office européen des brevets à une partie à la procédure devant l'OEB, par exemple lorsqu'il y a désaccord sur la question de savoir si un document donné a été déposé ou non à une date donnée, il convient de prendre des mesures d'instruction à ce sujet dès que cette question de fait est soulevée.
2. L'article 113(1) est d'une importance fondamentale pour assurer l'équité de la procédure entre l'Office européen des brevets et une partie à la procédure devant l'OEB, notamment lorsque'une telle question de fait est soulevée. L'Office européen des brevets ne peut en bonne justice rendre sur une telle question une décision défavorable à une partie à la procédure que lorsque les preuves sur lesquelles doit se fonder cette décision ont été recueillies et communiquées à la partie concernée.
3. Bien que l'article 117 CBE ne mentionne pas expressément la procédure devant la section de dépôt, cette dernière est habilitée à procéder à une instruction.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 113
European Patent Convention 1973 Art 114
European Patent Convention 1973 Art 117
European Patent Convention 1973 Art 125
European Patent Convention 1973 R 75
Mot-clé : Pièces manquantes de la demande
Instruction
Pouvoir de la section de dépôt de procéder à une instruction
Droit d'une partie à formuler des observations sur l'instruction
Charge de la preuve
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
J 0027/92
J 0008/93
J 0016/04
J 0001/10
J 0007/20
T 0770/91
T 0951/92
T 0121/95
T 0594/00
T 0343/01
T 0117/02
T 0864/02
T 0108/05
T 0678/06
T 1077/06
T 1553/06
T 0002/09
T 0996/09
T 0645/11
T 0001/12
T 0540/13
T 1624/16
T 1656/17
T 2401/19
T 2702/19

Exposé des faits et conclusions

I. Le 27 septembre 1984, la requérante a déposé auprès de l'Office européen des brevets de Munich, par l'intermédiaire de son mandataire, un certain nombre de pièces destinées à constituer une demande nouvelle de brevet européen (qui a reçu ultérieurement le n° 84 111 579.3). Lesdites pièces avaient été placées dans une chemise cartonnée, fermée, glissée dans une enveloppe contenant également d'autres pièces à déposer, notamment trois autres demandes de brevet européen, qui avait été mise dans la boîte aux lettres de l'Office européen des brevets dans la soirée du 27 septembre.

II. Le 28 septembre 1984, un récépissé (OEB Form 1031) a été établi par le service du courrier de l'Office européen des brevets et envoyé à la requérante. Les différentes cases de ce formulaire imprimé utilisé pour accuser réception de chacune des pièces requises à l'article 78(1) CBE pour le dépôt d'une demande de brevet européen, y compris les revendications, avaient été complétées à la machine à écrire. En regard de la rubrique imprimée "Claim(s)" (Revendication(s)) avait été dactylographié le chiffre "3" pour indiquer que les revendications avaient été déposées en trois exemplaires. Toutefois, le mot "missing" (manquantes) avait été écrit à la main entre la rubrique imprimée "Claim(s)" et le chiffre dactylographié "3" pour indiquer que les revendications étaient manquantes à la date à laquelle ce mot avait été inscrit.

III. Ayant reçu ce récépissé à son cabinet de Munich, le mandataire de la requérante a déposé le 2 octobre 1984 auprès de l'Office européen des brevets à Munich trois exemplaires d'un jeu de 15 revendications, accompagné d'une lettre dans laquelle il déclarait qu'il ne comprenait pas pourquoi les revendications ne figuraient pas parmi les pièces reçues par l'Office. Il demandait que l'on vérifie à nouveau si les revendications manquaient dans le dossier et que, le cas échéant, l'on rectifie la demande de brevet en application de la règle 88 CBE, de manière à ajouter au dossier les nouveaux exemplaires du jeu de revendications.

IV. La requête en délivrance, déposée le 27 septembre 1984, revendiquait la priorité d'une demande antérieure déposée le 30 septembre 1983 aux Etats-Unis. En vertu de l'article 87 et de la règle 85 CBE, le droit de priorité venait à expiration le lundi 1er octobre 1984.

V. Le 10 octobre 1984, la Section de dépôt de l'Office européen des brevets a établi une notification en application de la règle 39 CBE, qui a croisé la lettre du mandataire du 2 octobre 1984, pour informer la requérante que les conditions fixées à l'article 80 CBE en ce qui concerne l'attribution d'une date de dépôt n'étaient pas remplies, "la demande ne comportant aucune revendication" ; cette notification indiquait en outre que de toute façon la priorité revendiquée était perdue, car il faudrait attribuer à la demande une nouvelle date de dépôt si des revendications étaient déposées.

VI. Le 18 octobre 1984, le mandataire de la requérante a envoyé une lettre dans laquelle il réaffirmait, avec preuves à l'appui, que les revendications avaient bien été déposées le 27 septembre 1984, et contestait les déclarations de la section de dépôt selon lesquelles la demande ne comportait pas de revendications lors du dépôt. A titre subsidiaire, il a à nouveau demandé une rectification en application de la règle 88 CBE, faisant valoir qu'il ressortait immédiatement des autres pièces déposées le 27 septembre 1984 qu'aucun texte autre que celui de la revendication 1, à tout le moins, n'avait pu être envisagé.

Le mandataire de la requérante a allégué que la mention dactylographiée portée sur le récépissé équivalait à une "reconnaissance de l'existence de trois exemplaires des revendications même si, ultérieurement, ceux-ci ont été portés manquants". Se fondant sur les preuves qu'il avait produites, il a également laissé entendre qu'il y avait "plus de chances pour que les documents se soient égarés au service de réception des pièces de l'Office européen des brevets plutôt que partout ailleurs".

Quant à la requête en rectification présentée au titre de la règle 88 CBE, elle se fondait sur le fait que la page 6 de la description, déposée le 27 septembre 1984, comportait un passage exposant l'invention, rédigé pour l'essentiel en des termes identiques à ceux de la revendication 1 du jeu de revendications produit le 2 octobre 1984. Le mandataire a prétendu qu'il apparaissait immédiatement qu'aucun texte autre que celui de ce passage n'avait pu être envisagé pour la revendication 1.

VII. Le 26 octobre 1984, dans une notification qui a croisé la lettre du 18 octobre 1984, la Section de dépôt de l'Office européen des brevets a informé la requérante qu'elle n'avait reçu aucune revendication et, en outre, qu'elle envisageait de rejeter la requête présentée au titre de la règle 88 CBE.

VIII. Dans une lettre datée du 30 octobre 1984, reçue par l'OEB le 2 novembre 1984, la requérante a produit de nouvelles preuves en ce qui concerne la préparation des pièces qui avaient été déposées le 27 septembre 1984 ; elle avançait également de nouveaux arguments à l'appui de la requête qu'elle avait présentée au titre de la règle 88 CBE.

IX. Le 16 novembre 1984, la Section de dépôt a informé la requérante que le service juridique compétent pour la procédure de délivrance des brevets avait été invité à émettre un avis au sujet des lettres de la requérante datées des 2, 18 et 30 octobre 1984, et qu'une décision serait prise dès que sa réponse serait connue.

X. La requérante a adressé à l'Office d'autres lettres, datées du 5 décembre 1984 et du 2 janvier 1985, dans lesquelles elle exposait en détail qu'au demeurant il n'était pas nécessaire d'apporter une rectification en application de la règle 88 CBE, car la page 6 de la description comportait ce qui pouvait être considéré comme une revendication aux fins de l'article 80 CBE. En conclusion de chaque lettre, elle demandait qu'une discussion informelle ait lieu soit par téléphone, soit de vive voix. Par la suite, le mandataire de la requérante et le directeur du service juridique de l'Office européen des brevets se sont entretenus par téléphone.

XI. Dans la décision attaquée, datée du 26 avril 1985, la Section de dépôt a constaté que le service du courrier avait expressément confirmé n'avoir pas reçu de revendications lors du dépôt de la demande, et indiqué qu'elle se fondait à cet égard sur un rapport interne dudit service. Elle a rejeté la requête en rectification présentée au titre de la règle 88 CBE, refusant d'admettre que le passage en question de la page 6 de la description doive être considéré comme une revendication au sens où l'entend l'article 80 CBE ; elle a déclaré que la date de dépôt à attribuer à la demande de brevet devait être le 2 octobre 1984, date de réception des revendications.

XII. Par lettre datée du 25 juin 1985, reçue ce même jour, la requérante a formé un recours contre cette décision et a dûment acquitté la taxe correspondante. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, qu'elle a déposé le 5 septembre 1985, la requérante a fait valoir divers arguments :

1) trois jeux de revendications ainsi que les autres pièces requises au minimum par l'article 80 CBE pour l'attribution d'une date de dépôt avaient, selon toute probabilité, été déposés le 27 septembre 1984 dans la boîte aux lettres du service du courrier de l'Office européen des brevets à Munich.

2) au demeurant, si ce premier argument n'était pas retenu, la page 6 de la description contenait un paragraphe qui devait être considéré comme constituant une "revendication" aux fins de l'article 80d) CBE.

3) A défaut, si ce second argument n'était pas non plus retenu, compte tenu de l'existence de ce paragraphe, la requérante devait être autorisée à modifier la demande de brevet en application de la règle 88 CBE, en ajoutant au moins une revendication ayant un libellé correspondant, du fait que l'absence de revendications présentées selon la manière classique en paragraphes numérotés était le signe qu'une erreur avait été commise et que cette erreur devait être corrigée, car il apparaissait immédiatement qu'"aucun texte autre" que celui d'une revendication ayant ce libellé "n'avait pu être envisagé".

Dans chacune de ces diverses argumentations, la conclusion tirée par la requérante était que la date de dépôt à attribuer à la demande de brevet européen devait être le 27 septembre 1984.

Enfin, la requérante a demandé la tenue d'une procédure orale au cas où la Chambre estimerait qu'elle ne pouvait que rejeter ces différents arguments.

XIII. Comme indiqué au paragraphe XI ci-dessus, c'est sur la foi d'un rapport interne établi par le service du courrier que la Section de dépôt a décidé que les revendications manquaient lors du dépôt de la demande de brevet européen. Toutefois, la Section de dépôt n'a pas donné communication de ce rapport au mandataire de la requérante avant de rendre la décision contestée.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE ; il est donc recevable.

2. Le premier point soulevé dans le mémoire de la requérante est d'une importance essentielle : il s'agit de savoir si les pièces déposées auprès de l'Office européen des brevets à Munich le 27 septembre 1984 comportaient au moins un jeu de revendications. Dans l'affirmative, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres motifs du recours ; la date de dépôt à attribuer à la demande de brevet conformément à l'article 80 CBE doit être celle du 27 septembre 1984 et la priorité revendiquée peut être maintenue.

Cette question est très importante pour la requérante et son mandataire, et ce pour deux raisons : en premier lieu, si la réponse est négative (et si les autres arguments du mémoire sont rejetés), il se peut que la demande de brevet européen ayant reçu la date de dépôt du 2 octobre 1984 perde sa validité ; en second lieu, toujours si la réponse est négative (et quelle que soit la décision rendue en ce qui concerne les autres arguments du mémoire), un doute est jeté sur la compétence du mandataire de la requérante et/ou de son personnel.

Comme indiqué plus haut, c'est à partir du 2 octobre 1984 que la requérante et son mandataire ont contesté l'affirmation de l'Office européen des brevets selon laquelle les pages sur lesquelles figuraient les 15 revendications étaient absentes du jeu de documents déposé le 27 septembre 1984. Pour prouver que, comme il l'affirmait, les pages contenant les revendications (séparées de la description) avaient bien été déposées à cette date, le mandataire de la requérante a produit, le 18 octobre 1984, deux déclarations signées par des personnes employées par le cabinet de Munich de la société de conseils en brevets qui représente la requérante, et le 2 novembre 1984 deux déclarations sous serment faites par deux autres personnes travaillant dans le cabinet de Chicago de cette même société.

3. L'article 114(1) CBE dispose que "au cours de la procédure, l'Office européen des brevets procède à l'examen d'office des faits". Dans le cas présent, compte tenu des arguments et des preuves mentionnés plus haut, la Section de dépôt devait examiner minutieusement ce qu'il était advenu du jeu de documents à l'intérieur de l'Office européen des brevets à compter du moment où l'enveloppe contenant les documents avait été ouverte par le service du courrier. De fait, la Section de dépôt a bien demandé au service du courrier de lui établir un rapport détaillé ; le contenu du rapport transmis en réponse à cette requête est résumé à la page 7 de la décision de la Section de dépôt.

4. Toutefois, la Chambre qui est également tenue, en vertu des articles 111(1) et 114(1) CBE, de procéder à l'examen d'office des faits, ne saurait entériner la partie de la décision qui concerne la question de savoir si un jeu de revendications a oui ou non été déposé, et ce pour les raisons suivantes :

a) l'article 113(1) CBE dispose qu'une décision "ne peut être fondée que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position".

Cette disposition de la Convention sur le brevet européen est d'une importance fondamentale pour assurer l'équité de la procédure entre l'Office européen des brevets et les parties à la procédure devant l'OEB, notamment lorsqu'une question de fait est soulevée, par exemple lorsqu'il y a désaccord sur la question de savoir si un document a été déposé ou non à une date donnée, et lorsque les affirmations de l'Office concernant des points de fait sont en contradiction avec celles d'une partie à la procédure devant l'Office.

En outre, conformément aux principes généraux du droit, il serait bon dans certains cas que la partie en cause ait le droit non seulement de prendre position au sujet des motifs exposés par l'Office, mais également de demander, par exemple, que les témoins appropriés soient entendus sur les points de fait, comme cela est prévu à l'article 117 CBE, avant qu'une décision ne soit rendue.

La Chambre a constaté que l'article 117 CBE, intitulé "Instruction", cite les "procédures devant une division d'examen, une division d'opposition, la division juridique ou une chambre de recours", mais ne fait pas expressément référence aux procédures devant la section de dépôt, ce qui pourrait faire croire que la section de dépôt n'est pas habilitée à prendre des mesures d'instruction. La Chambre estime toutefois que bien que cet article ne fasse pas expressément référence à la section de dépôt, il n'y a pas lieu de considérer qu'il ne reconnaît pas le droit à celle-ci de prendre des mesures d'instruction appropriées avant de statuer sur une affaire. Etant donné que la section de dépôt peut prendre des décisions, ce droit lui est nécessairement reconnu de manière implicite par l'article 113(1) CBE, ce qui est conforme, en tout état de cause, aux principes "généralement admis dans les Etats contractants" en matière de procédure (article 125 CBE). En outre, il est incontestablement possible d'adresser à la section de dépôt, entre autres, une requête au titre de la règle 75 CBE, en vue d'obtenir que soit conservée la preuve de faits qui peuvent affecter une décision que l'Office européen des brevets sera vraisemblablement appelé à prendre. Dans la présente espèce, il n'a pas été formulé de requête en ce sens, mais l'existence de la règle 75 CBE est un argument de plus en faveur de l'interprétation qui a été donnée plus haut de l'article 117 CBE.

Dans le présent contexte, il résulte de l'article 113(1) CBE que la Section de dépôt ne pouvait décider en bonne justice que la date de dépôt de la demande de brevet en cause était postérieure au 27 septembre 1984 que si tous les motifs sur lesquels se fondait cette constatation avaient été énumérés et portés à la connaissance de la requérante ou de son mandataire pour leur permettre de prendre position, avant que ne soit rendue la décision.

Or en réalité, bien que comme il a été indiqué ci-dessus au point 3, le service du courrier ait adressé un rapport à la Section de dépôt avant que celle-ci ne rende sa décision, le contenu de ce rapport n'a nullement été communiqué à la requérante avant le prononcé de la décision (cf. supra, point XIII), ce qui en soi constitue incontestablement une violation de l'article 113(1) CBE, et un motif suffisant, du point de vue de la Chambre, pour annuler la décision.

b) Ainsi qu'il a été précisé plus haut, sur le récépissé qui avait été adressé à la requérante figurait le chiffre "3" dactylographié, ce qui donne à penser qu'à la date à laquelle ce chiffre avait été inscrit, les revendications avaient été déposées en trois exemplaires. Par ailleurs, le mot "missing" écrit à la main donne à penser qu'à la date à laquelle il avait été inscrit sur le récépissé, les revendications étaient absentes du dossier. Ces deux mentions sont manifestement contradictoires, quelle que soit la date considérée, et l'examen du récépissé ne permet pas de savoir dans quel ordre chronologique elles ont été inscrites. L'on peut présumer que chacune d'elles était correcte au moment de son inscription. Ainsi, selon toute apparence, la mention "3" portée expressément sur le récépissé indique que trois jeux de revendications ont bien été déposés le 27 septembre 1984 auprès de l'Office européen des brevets, en même temps que les autres pièces afférentes à la demande de brevet en cause, ce qui selon toute apparence, va dans le sens de la thèse défendue par la requérante.

Pour sa part la Chambre considère qu'à elles toutes, les preuves qui vont dans le sens de la thèse de la requérante selon laquelle des revendications ont bien été déposées le 27 septembre 1984 (c'est-à-dire les preuves écrites fournies par la requérante ainsi que le récépissé) suffisent incontestablement à établir que, selon toute probabilité, trois jeux de revendications ont été effectivement produits à cette date, les preuves du contraire n'étant pas plus convaincantes. En d'autres termes, il y a renversement de la charge de la preuve, et c'est désormais l'Office européen des brevets qui doit fournir une preuve du contraire plus convaincante avant de pouvoir dûment conclure qu'en réalité il n'a pas été déposé de jeu de revendications.

La décision contestée indique (page 9) que "l'Office européen doit, en premier lieu, considérer que les revendications n'ont pas été produites le 27 septembre 1984. Les explications et les déclarations du mandataire ne prouvent pas que les revendications ont bien été déposées auprès de l'Office européen des brevets le 27 septembre 1984...". Suit une critique des preuves fournies par la requérante : "la secrétaire du mandataire qui était chargée de réunir les pièces de la demande a simplement déclaré ne pas se rappeler que les revendications étaient manquantes ; le mandataire du cabinet de Munich qui était responsable du dépôt de la demande de brevet européen s'est contenté d'affirmer qu'il ne s'était pas aperçu que toutes les revendications manquaient".

Pour ce qui est de ces critiques, la Chambre est convaincue que, dans ces circonstances, la secrétaire et le mandataire ne pouvaient raisonnablement en dire plus pour exposer les faits comme il le leur était demandé, dans la mesure où ils pouvaient s'en souvenir à trois semaines de distance.

Les points essentiels du rapport établi à la date en question par la personne responsable du service du courrier sont résumés comme suit à la page 7 de la décision :

Le service du courrier de Munich a déclaré que la croix portée dans la case "Claim(s)" n'était pas en contradiction avec le mot "missing" ajouté sur le formulaire. La demanderesse n'avait pas joint de récépissé. Comme il est de règle en pareil cas, le formulaire de récépissé a tout d'abord été complété à la machine à écrire à l'aide de la liste de contrôle contenue dans le formulaire de requête en délivrance, et ce n'est qu'après que l'on a vérifié si les pièces jointes étaient au complet. Il a alors été constaté que les revendications étaient manquantes et c'est la raison pour laquelle le mot "missing" a été inscrit à la main sur le formulaire. Il ne fait aucun doute que les revendications étaient absentes du dossier".

Pour la Chambre, ce rapport appelle les observations suivantes :

i) Le récépissé à compléter est destiné à dresser la liste des pièces effectivement reçues. Dans la présente espèce, la requérante a reçu un récépissé qui indique selon toute apparence que trois jeux de revendications ont été déposés le 27 septembre 1984, mais qu'il a été constaté à un moment donné, avant l'envoi de ce récépissé, que ces revendications étaient manquantes.

ii) Pour établir de manière suffisamment convaincante que, contrairement à ce que prouvait le récépissé lui-même, corroboré par les déclarations écrites et les déclarations sous serment signées par les témoins cités par la requérante, il n'avait été déposé aucun jeu de revendications le 27 septembre 1984, ce rapport aurait dû être précis et détaillé, et il aurait dû indiquer les noms des agents de l'Office européen qui ont traité le dossier en cause le 27 septembre 1984 et les jours suivants. En outre, ce rapport aurait dû être mis immédiatement à la disposition de la partie concernée.

Dans la présente espèce, le rapport du service du courrier qui a été signé par le chef de ce service et qui se borne à affirmer qu'il ne fait "aucun doute" que les revendications étaient absentes du dossier n'est manifestement pas suffisamment convaincant pour réfuter les preuves fournies par la requérante à l'appui de ses affirmations selon lesquelles les revendications avaient été selon toute probabilité déposées le 27 septembre 1984. Tel qu'il est cité dans la décision contestée, ce rapport ne permet pas d'exclure la possibilité que les revendications aient bien été reçues, mais se soient égarées à l'Office européen des brevets.

Ainsi, pour les motifs exposés ci-dessus, même si conformément à l'article 113(1) CBE, le rapport du service du courrier avait été adressé à la requérante pour lui permettre de prendre position avant que la décision ne soit rendue, la Chambre estime qu'il ne constituait pas une preuve suffisante pour permettre d'affirmer qu'aucun jeu de revendications n'avait été déposé le 27 septembre 1984.

5. Compte tenu des dispositions de l'article 114(1) CBE, cité ci-dessus au point 3, la Chambre a examiné s'il convenait de renvoyer l'affaire devant la Section de dépôt pour complément d'enquête ou si elle devait elle-même procéder à l'examen des faits en ce qui concerne le traitement des documents déposés au service du courrier le 27 septembre 1984. Toutefois, bien que produit en temps utile, le mémoire exposant les motifs du recours n'a été déposé qu'en septembre 1985, ce qui signifie qu'il aurait fallu procéder à cette enquête et à cette instruction plus d'un an après les événements en cause. Il est peu probable que le personnel du service du courrier ait pu dans ces conditions se souvenir avec précision de ce qu'il était advenu des documents concernés ; par conséquent, il n'aurait été équitable, ni vis à vis de la requérante ni vis à vis de l'Office européen des brevets, de mener une enquête à partir de ce moment-là.

Ces considérations soulignent l'importance de ce qui a été énoncé au paragraphe 4 ci-dessus, à savoir que dans un cas tel que celui qui nous occupe, le service ou la section concerné devrait prendre des mesures d'instruction dès qu'une contestation portant sur des faits survient entre l'Office européen des brevets et une partie à la procédure devant celui-ci.

6. Il doit être clairement entendu que, sur la base des informations dont elle dispose, la Chambre n'a aucune raison de mettre en doute les convictions respectives, à l'évidence sincères, de la requérante et du chef du service du courrier, qui considèrent, l'une que les jeux de revendications ont été déposés avec les autres documents le 27 septembre 1984, l'autre qu'ils ne l'ont pas été. Toutefois, compte tenu de la procédure suivie par la Section de dépôt et étant donné l'impossibilité de procéder à un nouvel examen des faits si longtemps après les événements en question, la Chambre estime qu'il serait injuste de statuer au détriment de la requérante.

7. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire que la Chambre statue sur les deux questions restantes, soulevées dans le mémoire de la requérante.

8. Pour les raisons susmentionnées, la Chambre a décidé de faire droit au recours.

9. La Chambre a examiné si le remboursement de la taxe de recours devait être ordonné en vertu de la règle 67 CBE. Comme indiqué au paragraphe 4(a) ci-dessus, la Section de dépôt a agi en violation des dispositions de l'article 113(1) CBE, ce qui constitue un vice substantiel de procédure sur lequel se fonde la Chambre pour décider de faire droit au recours. En tout état de cause, il est manifeste que le remboursement de la taxe de recours est équitable en raison de ce vice de procédure.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision de la Section de dépôt en date du 26 avril 1985 est annulée.

2. La demande de brevet européen n° 84 111 579.3 est réputée avoir été déposée le 27 septembre 1984.

3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.

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