J 0021/82 (Jeux differents de revendications) of 10.8.1983

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1983:J002182.19830810
Date de la décision : 10 Août 1983
Numéro de l'affaire : J 0021/82
Numéro de la demande : 82300793.5
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Warner-Lambert
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.1.01
Sommaire : La règle 87 CBE n'autorise pas à inclure dans une demande de brevet européen des revendications différentes pour des Etats différents avant que l'Office européen des brevets n'ait "constaté" l'existence d'un droit européen antérieur en vertu des dispositions de l'article 54 (3) et (4) de la CBE.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54(3)
European Patent Convention 1973 Art 87(1)
European Patent Convention 1973 Art 89
European Patent Convention 1973 Art 93
European Patent Convention 1973 Art 113(2)
European Patent Convention 1973 R 87
Mot-clé : Jeux differents de revendications: dépôt, publication
Fiction juridique addmissible
Texte de la demande: uniquement celeui proposé our accepté
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0361/06

Exposé des faits et conclusions

I. Le 17 février 1982. la demanderesse a déposé une demande de brevet européen revendiquant la priorité de demandes de brevet nationales déposées aux Etats-Unis le 17 février 1981. La demande comportait trois jeux distincts de revendications ayant pour objet des compositions de substances chimiques et leur préparation, à savoir:

- un jeu de sept revendications portant l'indication "pour la Belgique, la Suisse/le Liechtenstein, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas et la France";

- un deuxième jeu, comprenant neuf revendications, ne concernait que l'Autriche;

- un troisième jeu, se composant de six revendications, et dont il était spécifié qu'elles étaient déposées pour le Luxembourg et la Suède.

II. Par lettre datée du 7 juillet 1982, la Section de dépôt a informé le mandataire taire de la demanderesse qu'excepté en ce qui concerne le jeu de revendications pour l'Autriche, le dépôt de jeux distincts de revendications pour différents Etats contractants désignés n'était pas admissible. En conséquence, il y avait lieu de considérer comme nul et non avenu le dépôt du jeu de six revendications pour le Luxembourg et la Suède et d'exclure ce jeu de la publication visée à l'article 93 de la CBE. Quant au jeu de sept revendications, il était considéré comme ayant été déposé pour l'ensemble des Etats contractants désignés, l'Autriche exceptée.

III. Dans sa réponse en date du 12 juillet 1982, le mandataire de la demanderesse a indiqué que le dépôt des deux jeux distincts de revendications pour les Etats contractants autres que l'Autriche avait pour motif l'existence d'un droit européen antérieur dans les Etats auxquels le premier jeu de sept revendications était destiné. La demanderesse a présenté une argumentation détaillée; elle a requis une décision en l'espèce, en fait le retrait de la lettre du 7 juillet 1982.

IV. Par décision du 27 août 1982, contre laquelle est dirigé le recours, la Section de dépôt a rejeté la requête de la demanderesse tendant à la publication des trois jeux de revendications. La Section de dépôt a estimé que le dépôt du jeu de revendications concernant le Luxembourg et la Suède devait être réputé nul et non avenu et qu'il y avait lieu de supprimer la restriction contenue dans l'indication "pour la Belgique, la Suisse/le Liechtenstein, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas et la France" relative au premier jeu de revendications. Elle a également dénié l'existence d'un droit européen antérieur.

V. La demanderesse s'est pourvue contre cette décision. Dans son acte de recours daté du 21 octobre 1982, elle a demandé que soit infirmé le refus de publier le jeu de revendications "concernant le Luxembourg et la Suède" et, à titre subsidiaire, que ces revendications soient publiées avec la mention modifiée "concernant l'ensemble des Etats désignés, l'Autriche exceptée". La requérante a également conclu à l'annulation de la partie de la décision selon laquelle le dépôt du jeu de six revendications pour le Luxembourg et la Suède était réputé nul et non avenu. Elle a en outre demandé le remboursement de la taxe de recours, par elle dûment acquittée.

VI. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, également daté du 21 octobre 1982, la requérante a exposé les faits de la cause en faisant notamment référence à la correspondance échangée entre son mandataire et la Division juridique de l'Office européen des brevets. Elle a allégué en particulier que l'article 93 de la CBE a un caractère impératif et que l'omission ou le refus de publication de toute revendication "telle que déposée" irait à l'encontre des dispositions de cet article. Au surplus, la règle 87 de la CBE prévoyant la possibilité de déposer des revendications distinctes pour les Etats dans lesquels existent des droits européens antérieurs, il serait permis et souhaitable que le demandeur attire sur ce point l'attention de l'Office européen des brevets avant la publication de la demande. La Section de dépôt pourrait, selon la requérante, prendre des mesures en vertu de la règle 87 de la CBE.

VII. Dans une notification en date du 8 mars 1983, la Chambre de recours juridique a appelé l'attention de la requérante sur ce qu'il résulte apparemment de la démarche même de la Convention que la question de savoir si la production notamment de revendications différentes pour des Etats différents est autorisée ne saurait être appréciée avant que l'affaire ne parvienne devant la Division d'examen. En effet, l'article 78(1) CBE n'autorise pas à déposer plus d'une description, plus d'une revendication ou d'un jeu de revendications, plus d'un jeu de dessins ou plus d'un abrégé. La règle 49 (3) CBE prévoit la publication de revendications nouvelles ou modifiées à côté des revendications initiales, mais seulement dans certaines conditions. Puisque la règle 87 de la CBE autorise à modifier la demande en vue de fournir des revendications, des descriptions et des dessins différents pour des Etats différents, il n'y a aucune raison de supposer que des modifications de cette nature soient également permises en vertu de la règle 86 (2) de la CBE avant que la demande ne parvienne à la Division d'examen. Ce point de vue concorde avec la répartition générale des compétences entre la Section de dépôt et la Division d'examen.

VIII. Dans sa réplique du 24 mars 1983, le mandataire de la requérante a indiqué qu'il souhaitait pouvoir recourir à la procédure orale, dans le cas où la Chambre de recours juridique aurait l'intention de rejeter le recours. Dans une annexe à cette même correspondance, il alléguait en particulier que la règle 87 CBE autorise expressément le dépôt de jeux distincts de revendications, possibilité selon lui aussi favorable au demandeur qu'à l'Office européen des brevets et au public. Quant aux autres dispositions invoquées par la Chambre, il estimait qu'elles n'étaient pas incompatibles avec sa propre argumentation.

IX. La procédure orale a été fixée au 13 juillet 1983. Par une communication antérieure à cette date, il a été spécialement notifié à la requérante que l'argument selon lequel la règle 87 de la CBE autoriserait explicitement une pluralité de revendications ab initio ne serait vraisemblablement pas admis sur la base des éléments contenus au dossier; il lui a également été objecté que tout avantage qui résulterait pour la Division d'examen du dépôt de jeux distincts de revendications ab initio entraînerait en contrepartie des inconvénients pour la Section de dépôt.

X. Au cours de la procédure orale, le mandataire de la requérante a soutenu que l'intérêt du public était primordial et que la sécurité juridique conférée par la publication des demandes dès que possible se trouverait compromise si les demandes publiées ne comportaient pas, le cas échéant, des jeux distincts de revendications pour différents Etats désignés. Il n'appartiendrait pas à la Section de dépôt de vérifier l'existence du droit antérieur invoqué, et partant, aucun problème ne se poserait au plan de l'organisation. La recherche pourrait être exécutée sur la base des revendications les plus étendues déposées par le demandeur. L'existence même de la règle 87 de la CBE prouverait qu'il y a inévitablement des exceptions au principe de l'unité de la demande de brevet européen. En outre, dans de nombreux cas, les demandes de brevet européen parviennent au stade de la délivrance sans modification. Ce fait constituerait une raison supplémentaire d'autoriser le dépôt de jeux distincts de revendications ab initio. Le mandataire de la requérante a maintenu les prétentions posées dans l'acte de recours.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 de la CBE; il est donc recevable.

2. Il ne fait pas de doute qu'à certains égards la décision querellée comporte des défauts. Premièrement, la requérante objecte à bon droit que la Section de dépôt ne disposait d'aucune base légale pour dire qu'il y avait lieu de considérer comme nul et non avenu le dépôt du jeu de revendications "pour le Luxembourg et la Suède". Les documents faisant partie d'une demande de brevet européen qui parviennent à la Section de dépôt lors du dépôt de la demande doivent être versés au dossier et y rester. Il n'est pas possible de prétendre qu'ils ne s'y trouvent pas, par le biais d'une fiction juridique qui n'a aucun fondement dans la Convention sur le brevet européen.

3. Deuxièmement, c'est à juste titre que la requérante allègue que la Section de dépôt n'a pas correctement apprécié la situation en ce qui concerne le droit européen antérieur revendiqué. Du fait que la requérante a revendiqué la priorité de demandes de brevet nationales déposées aux Etats-Unis le 17 février 1981, il n'existe à première vue aucun motif pour refuser de considérer comme un droit européen antérieur une demande de brevet européen déposée avant cette date et publiée pendant que courait le délai de priorité dont jouissait la requérante en vertu de l'article 87 (1) de la CBE. L'article 89 de la CBE dispose expressément que la date de priorité est considérée comme celle du dépôt de la demande notamment pour l'application de l'article 54 (3).

4. Troisièmement, rien ne justifie juridiquement la suppression par la Section de dépôt de la restriction faite par la requérante en ce qui concerne le premier jeu de revendications. Si la Section de dépôt estimait avoir de sérieux motifs de n'admettre qu'un seul jeu de revendications pour l'ensemble des Etats désignés autres que l'Autriche, elle aurait dû inviter la requérante à choisir elle-même le jeu de revendications à faire figurer dans la demande (cf. art. 113(2) de la CBE).

5. Toutefois, la Chambre ne saurait souscrire aux conclusions principales de la requérante. Sauf dans les cas particuliers visés à l'article 167 (2) a) et à la règle 16 (2) de la CBE, le dépôt de revendications ou de jeux de revendications différents pour différents Etats désignés n'est pas autorisé.

6. La règle 87 de la CBE n'autorise pas à inclure dans une demande de brevet européen des revendications différentes pour des Etats différents avant que l'Office européen des brevets n'ait "constaté" l'existence d'un droit européen antérieur en vertu des dispositions de l'article 54 (3) et (4). De l'avis de la Chambre, le terme "notes" dans la version anglaise signifie davantage que "is told by the applicant" (est informé par le demandeur). Il implique que la question a été examinée et appréciée (cf. également les termes "stellt fest" dans la version allemande). Or, seul l'examen quant au fond peut satisfaire à cette exigence. Cela constitue déjà un motif suffisant pour exclure le dépôt de revendications ou de jeux de revendications différents ab initio.

7. Bien entendu, rien n'empêche le demandeur de compléter le dossier de la demande par des informations pertinentes et de déposer tout d'abord une description et des revendications étendues, pour ensuite demander en temps opportun à la Division d'examen d'apporter des modifications en application de la règle 87. Rien dans l'article 123 de la CBE ne s'oppose à ce que le demandeur fasse usage de cette possibilité.

8. Dans ces conditions, la Chambre ne peut que partiellement faire droit au recours. Elle considère par ailleurs que le remboursement de la taxe de recours ne se justifie pas.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision de la Section de dépôt en date du 27 août 1982 est annulée dans la mesure où elle dispose que le dépôt du jeu de revendications "concernant le Luxembourg et la Suède" doit être réputé nul et non avenu.

2. De même, cette décision est annulée dans la mesure où elle supprime la restriction contenue dans l'indication "pour la Belgique, la Suisse/le Liechtenstein, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas et la France" relative au premier jeu de revendications.

3. L'affaire est renvoyée devant la Section de dépôt pour publication de la demande, qui devra comporter, outre le jeu de revendications pour l'Autriche, celui originairement déposé pour le Luxembourg et la Suède qui sera désormais réputé avoir été déposé pour l'ensemble des Etats désignés, l'Autriche exceptée.

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