T 1044/99 (Antibiotiques ionophores/UNGDA) of 1.2.2001

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2001:T104499.20010201
Date de la décision : 01 Fevrier 2001
Numéro de l'affaire : T 1044/99
Numéro de la demande : 92923846.7
Classe de la CIB : C12N 1/16
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Utilisation des antibiotiques ionophores polyethers pour limiter la croissance bactérienne en fermentation alcoolique industrielle
Nom du demandeur : Union Nationale des Groupements de Distillateurs d'Alcool
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Requête principale : art. 84 CBE (non)
Requête auxiliaire : art. 56 CBE (oui)
Vice de procédure (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0606/89
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n 92 923 846.7 déposée le 20. octobre 1992 et publiée le 27 mai 1993 sous le numéro WO 93/10213 a été rejetée par décision de la Division d'examen en date du 5 mai 1999.

II. La Division d'examen a estimé que l'objet des revendications de la requête principale déposée avec le courrier du 11 janvier 1996 n'était pas inventif au vu des enseignements combinés du document (1) ou (2) et du document (3) :

(1) FR-A-2 587 035 ;

(2) FR-A-2 032 598 ;

(3) Thèse de Mme C. Gaboyard, Université de Clermont- Ferrand II (1987).

Par ailleurs, la Division d'examen a décidé que la caractéristique comprise dans la revendication 1 des première et deuxième requêtes auxiliaires alors débattues, selon laquelle l'alcool produit dans le milieu de fermentation en présence d'un antibiotique ionophore polyéther ne contenait pas d'acroléine n'avait pas été démontrée et donc que ces requêtes ne satisfaisaient pas aux conditions des articles 83 et 84 CBE.

III. Les revendications 1, 2, 4 et 5 de la requête principale étaient libellées comme suit :

"1. Utilisation d'un antibiotique ionophore polyéther à une concentration proche de 0,5 p.p.m. dans les milieux de fermentation alcoolique industrielle afin d'empêcher la croissance des bactéries, sans avoir d'action sur la levure.

2. Utilisation selon la revendication 1, caractérisée en ce que la flore bactérienne est maintenue à une concentration de 104 germes/ml de milieu de fermentation alcoolique.

4. Procédé industriel de préparation d'alcool distillé que l'on destine à la consommation humaine, comprenant la fermentation d'un milieu fermentaire et la distillation de l'alcool, caractérisé en ce que l'on introduit dans le milieu fermentaire un antibiotique ionophore polyéther à une concentration proche de 0,5 p.p.m. afin d'empêcher la croissance des bactéries, sans avoir d'action sur la levure.

5. Procédé selon la revendication 4, caractérisé en ce que la flore bactérienne est maintenue à une concentration de 104 germes/ml de milieu de fermentation alcoolique".

Les revendications dépendantes 3 et 6 précisaient les milieux fermentaires à choisir.

IV. Le 2 juillet 1999, le demanderesse a formé un recours contre cette décision. Dans le mémoire de recours, elle a argumenté que l'invention telle que revendiquée dans la requête principale refusée par la Division d'examen ne découlait de manière évidente d'aucune des combinaisons des documents cités. En outre, la procédure devant la Division d'examen était entachée de plusieurs vices substantiels de procédure, ce qui justifiait le remboursement de la taxe de recours.

V. Au cours de l'audience tenue le 1er février 2001, la Chambre a invité la demanderesse à expliquer en quoi l'objet des revendications de la requête principale se distinguait du point de vue de l'activité inventive, de l'usage de la nisine et de la virginiamycine dans des milieux de fermentation alcoolique afin d'empêcher la croissance des bactéries, sans avoir d'action sur la levure, tel que décrit dans le document :

(4) Henning S., et al., International Journal of Food Microbiology, Vol. 3, pages 135 à 141 (1986)

Selon l'avis de la Chambre, ce document constituait en effet un art antérieur plus proche de l'objet revendiqué que ne l'étaient les enseignements combinés du document (1) ou (2) et du document (3). La demanderesse a alors souligné les avantages inattendus qui découlaient de l'usage d'antibiotiques ionophores polyéthers au lieu de la nisine ou de la virginiamycine selon le document (4), entre autres, le fait que les antibiotiques ionophores polyéthers puissent être utilisés à une concentration de 0,5 p.p.m. au lieu de 0.1. mg/ml (document (4)).

La demanderesse a par ailleurs déposé un nouveau jeu de revendications 1 à 4 comme requête auxiliaire en réponse à une objection émise par la Chambre sous l'article 84 CBE contre les revendications 2 et 5 de la requête principale. Dans ce nouveau jeu de revendications, lesdites revendications 2 et 5 ont été supprimées et les autres revendications renumérotées, le cas échéant.

VI. La demanderesse a conclu à la réformation de la décision de rejet et à la délivrance du brevet sur la base des documents ci-dessous :

- comme requête principale, le jeu de revendications soumises avec la lettre du 11 janvier 1996,

- comme requête auxiliaire, le jeu de revendications 1 à 4 déposé à l'audience, le 1er février 2001 ainsi qu'au remboursement de la taxe de recours pour vice de procédure.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Requête principale

Article 84 CBE

La revendication indépendante 1 mentionne que les antibiotiques ionophores polyéthers sont utilisés dans les milieux de fermentation alcoolique à une concentration proche de 0,5 p.p.m., tandis que dans la revendication dépendante 2, il est précisé que la concentration de la flore bactérienne doit être maintenue à 104 germes/ml de milieu de fermentation alcoolique. Cependant, il ressort de la description (page 1, lignes 15 à 20) que la concentration de 104 germes/ml est une conséquence obligatoire de l'utilisation des antibiotiques ionophores polyéthers à une concentration proche de 0,5 p.p.m.. Par conséquent, la revendication 2 est considérée par la Chambre comme ne comportant aucune caractéristique technique qui distinguerait son objet de l'objet de la revendication 1. Ceci est contraire au principe de concision énoncé dans l'article 84 CBE. Cette conclusion vaut mutatis mutandis, pour la revendication 5. Pour ce motif, la requête principale n'est pas acceptable.

3. Requête auxiliaire

Article 84 CBE

Les revendications 2 et 5 ont été éliminées de la requête auxiliaire. Cette requête remplit les conditions de l'article 84 CBE.

4. Etat de la technique le plus proche

Article 56 CBE

Dans la décision contestée, les documents (1) ou (2) sont considérés comme l'état de la technique la plus proche puisque leurs enseignements servent de point de départ au raisonnement sur l'activité inventive. Ces documents divulguent que la contamination bactérienne est un problème lors de la préparation d'éthanol par fermentation. Le document (1) évoque les solutions à ce problème déjà proposées dans l'art antérieur (lavage à l'eau et à l'acide), sans toutefois donner sa propre solution, tandis que le document (2) propose l'utilisation d'un acide.

5. Cependant, l'état de la technique le plus proche est, par définition, celui qui se rapporte à une situation identique ou similaire à celle rencontrée dans la demande de brevet et qui requiert le minimum de modifications structurelles et fonctionnelles pour s'identifier à l'invention (cf. décision T 606/89 du 18. septembre 1990, non publiée). Dans le cas présent, il s'agit donc du document (4) puisque ce document décrit l'usage des antibiotiques nisine et virginiamycine dans des milieux de fermentation alcoolique afin d'empêcher la croissance des bactéries, sans avoir d'action sur la levure (voir paragraphe V ci-dessus).

6. Le problème technique et sa solution

A la lumière de l'enseignement du document (4), le problème technique à résoudre est donc de trouver une alternative à l'utilisation de la nisine et à la virginiamycine comme antibiotiques capables d'inhiber la croissance des bactéries dans des milieux de fermentation alcoolique, sans avoir d'action sur la levure. Ce problème est résolu par le procédé de la revendication 1 qui fait intervenir l'utilisation d'antibiotiques ionophores polyéthers à une concentration proche de 0.5 p.p.m..

7. Activité inventive

Dans le document (4), page 140, il est divulgué que tous les antibiotiques ne sont pas à même d'inhiber la croissance de la flore bactérienne sans avoir d'action néfaste sur la fermentation. De fait, sur les cinq antibiotiques testés (nisine, virginiamycine, flavomycine, oléandomycine, érythromycine, page 136), seules la nisine et la virginiamycine se sont révélées capables d'inhiber la bactérie lactique L. plantarum (page 138) sans avoir d'action sur la levure. Par ailleurs le document (4) ne suggère pas l'utilisation d'une quelconque autre classe d'antibiotiques dans le but recherché. L'homme du métier désireux de résoudre le problème mentionné au point 6 doit donc effectuer un choix parmi les milliers d'antibiotiques connus à la date de priorité de la demande.

8. Le seul document de l'état de la technique porté au dossier mentionnant les antibiotiques ionophores polyéthers est le document (3). Ce document qui montre à la page 29 leur faible efficacité sur les levures est, en fait, une étude détaillée de leur utilisation en médecine vétérinaire ou en tant que facteurs de croissance. La Chambre partage l'avis de la demanderesse selon lequel le domaine de la fermentation alcoolique est suffisamment éloigné de celui de la médecine vétérinaire pour qu'ils ne puissent être considérés comme des domaines voisins dont on pourrait s'attendre que l'homme du métier en combine les enseignements. En conséquence, le choix des antibiotiques ionophores polyéthers n'est pas évident.

9. Par ailleurs les antibiotiques ionophores polyéthers sont actifs dans les milieux de fermentation alcoolique à une concentration (0,5 p.p.m.) 100 fois moindre que celle qui est efficace dans le cas de la nisine (1400 IU/ml d'une préparation contenant 106 IU/mg) et de la virginiamycine (0,1 mg/ml). Cette propriété avantageuse ne pouvait être prédite.

10. En raison de ce qui précède, une activité inventive est reconnue à l'objet des revendications de la requête auxiliaire.

11. Requête en remboursement de la taxe de recours

La demanderesse a requis le remboursement de la taxe de recours en raison de vices substantiels de procédure. Selon elle, la Division n'avait pas, contrairement à la règle 68(2) CBE, expliqué les motifs pour lesquels elle avait refusé la première requête auxiliaire. Par ailleurs, l'annexe IV à la décision censée contenir cette requête contenait en fait un double de la requête principale, celle-ci constituant l'annexe II à la décision. Enfin, la Division d'examen n'ayant disposé du document (3) qu'à la procédure orale, elle n'avait pas pu mesurer pleinement la teneur de ce document qu'elle avait cependant utilisé en combinaison avec le document (1) ou le document (2) pour dénier l'activité inventive.

12. Dès lors qu'il est fait droit au recours, la règle 67 CBE permet le remboursement de la taxe de recours si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure. D'emblée, la Chambre souligne le nécessaire caractère substantiel que doit présenter le vice de procédure pour que le remboursement soit permis.

13. En ce qui regarde la première requête auxiliaire, la Chambre constate que la Division d'examen a basé son refus sur le fait que cette caractéristique technique que l'alcool produit selon la revendication 1 ne contenait pas d'acroléine, n'avait pas été démontrée (articles 83 et 84 CBE). De l'avis de la Chambre, la décision attaquée est donc motivée au sens de la règle 68(2) CBE. En effet, il n'est pas décisif de savoir si les motifs donnés sont convaincants ou non, car l'appréciation par la Division d'examen est toujours une question de jugement.

14. Quant à l'erreur d'avoir placé dans l'annexe 4 de la décision un double de la requête principale à la place du jeu de revendications de la première requête auxiliaire, elle n'a pas eu de conséquences pour la motivation du refus de la première requête auxiliaire puisque, comme il a été dit plus haut, ce refus a été effectué sur la base d'une caractéristique qui est bien contenue dans la première requête auxiliaire.

15. Enfin, la Chambre ne partage pas l'avis de la demanderesse quant à l'incapacité matérielle qu'aurait eu la Division d'examen de prendre pleinement en compte la teneur du document (3). En effet, les motifs présentés pour justifier le manque d'activité inventive de la requête principale sur la base de la combinaison des documents (1) ou (2) et (3) font clairement apparaître que la Division d'examen avait pleinement apprécié que le document (3) faisait partie du domaine de la médecine vétérinaire. Ayant ainsi correctement, évalué la nature de ce document, il était justifié qu'elle conduise son raisonnement d'activité inventive en le prenant en compte.

16. La requête en remboursement de la taxe de recours est par conséquent rejetée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de délivrer un brevet sur la base des documents ci-dessous :

- le jeu de revendications 1-4 déposé à l'audience le 1er février 2001 ;

- la description pages 1 et 2 soumise avec la lettre du 11. janvier 1996.

3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.

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