T 0388/99 (Gélification/BONGRAIN) of 14.8.2001

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2001:T038899.20010814
Date de la décision : 14 Août 2001
Numéro de l'affaire : T 0388/99
Numéro de la demande : 92905742.0
Classe de la CIB : A23C 19/028
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de gélification thermique instantanée de solutions d'une protéine coagulable au pH isvéletrique, telle qu'une caséine, par modification de la teneur en ions alcalins, coaguleurs ainsi obtenus, et leur application notamment à l'obtention de produits alimentaires.
Nom du demandeur : Bongrain S.A.
Nom de l'opposant : Unilever N.V.
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 111
Mot-clé : Requête principale et requêtes subsidiaires 1 à 3 - nouveauté : non
Produit obtenu par le procédé ne possède aucune propriété le distinguant de l'état de la technique. Requête subsidiaire 4 - nouveauté : oui
Aucun gel de caséine divulgué dans les antériorités opposées
Renvoi à la première instance : oui - deux niveaux de juridiction pour les questions essentielles de brevetabilité
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1241/03

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n 0 524 298 a été délivré sur la base de la demande européenne n 92 905 742.0.

Le brevet a été délivré avec 35 revendications dont une revendication indépendante relative à un procédé de gélification, une revendication indépendante relative à un gel susceptible d'être obtenu par ledit procédé et une revendication indépendante relative à l'utilisation du dit gel.

Le libellé des revendications indépendantes 1, 27 et 34 s'énonçait :

"1. Procédé de gélification instantanée, en l'absence d'agent coagulant, à un pH supérieur au pH isoélectrique, d'une solution d'une protéine coagulable audit pH isoélectrique, ladite gélification consistant en la transformation de ladite solution en un gel homogène occupant sensiblement le volume du liquide initial, caractérisé par le fait que l'on utilise comme produit de départ une solution aqueuse contenant, à l'état non dénaturé, au moins une telle protéine coagulable, que l'on ajuste la teneur en ions alcalins de ladite solution à une valeur prédéterminée, et que l'on porte ladite solution, contenant ladite protéine à une concentration au moins égale à 1,5%, à une température librement choisie entre 20 et 100°C, étant entendu que ladite valeur prédéterminée est telle que ladite solution se gélifie instantanément, à ladite concentration et audit pH, à ladite température.

27. Gel caractérisé par le fait qu'il est susceptible d'être obtenu par le procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes.

34. Utilisation d'un gel selon l'une quelconque des revendications 27 à 33, comme produit de départ dans la préparation d'un produit alimentaire semi-solide ou solide."

II. L'intimée (opposante) a fait opposition à la délivrance de ce brevet européen, demandant sa révocation en application de l'article 100 a) de la CBE en invoquant l'absence de nouveauté et d'activité inventive ainsi qu'en application de l'article 100 b) de la CBE.

Entre autres, les documents suivants ont été cités au cours de la procédure d'opposition et de recours :

(1) US-A-4 424 151

(2) US-A-3 870 801

(5) US-A-4 675 201

(9) US-A-4 051 269.

III. La Division d'opposition a révoqué le brevet par sa décision en date du premier février 1999 au titre de l'article 102(1) de la CBE.

Dans sa décision, la Division d'opposition a estimé que l'expression définissant la gamme de température de gélification du procédé de la revendication 1 telle que délivrée, à savoir "une température librement choisie entre 20 et 100 C", incluait la température de 100 C. Elle en a conclu que le document (1), qui décrivait le même procédé avec une gélification dans de l'eau bouillante, anticipait l'objet revendiqué par le brevet en cause dans la revendication 1 de la requête unique.

IV. La requérante (titulaire du brevet) a introduit un recours contre cette décision.

V. Au cours de la procédure de recours, la requérante a précisé que sa requête principale portait sur le maintien du brevet tel que délivré et sa requête subsidiaire sur le jeu de revendications ayant conduit à la révocation. Elle a ensuite déposé trois jeux de revendications auxiliaires à titre de requêtes subsidiaires 2 à 4.

Le jeu de revendications de la seconde requête subsidiaire déposé le 19 juillet 2000 correspond, à quelques améliorations linguistiques près, à la requête principale dans laquelle le membre de phrase "Procédé de gélification instantanée, en l'absence d'agent coagulant ..." de la revendication 1 a été modifié de façon à préciser la température du procédé de gélification, à savoir "Procédé de gélification instantanée à une température librement choisie entre 20 et 100 C, en l'absence d'agent coagulant ...".

Dans le jeu de revendications de la troisième requête subsidiaire également déposé le 19 juillet 2000, un disclaimer précisant que la température est librement choisie entre 20 et 100 C "à l'exception d'une température de 100 C" a été introduit dans la revendication 1 telle que délivrée.

Le jeu de revendications de la quatrième requête subsidiaire, déposé le 16 juillet 2001, a été restreint à la caséine en tant que protéine coagulable.

VI. Une procédure orale devant la Chambre de recours s'est tenue le 14 août 2001.

VII. Dans son acte de recours et au cours de la procédure orale la requérante a fait valoir que l'utilisation de la préposition "entre" dans la définition de la plage de température excluait précisément les bornes de l'intervalle ainsi défini. A ce sujet, elle a fait valoir que cette acception était supportée par le bon usage, tel que cela ressortait de la définition donnée dans les dictionnaires et par les mathématiques.

Elle a également contesté que la température à l'intérieur des tubes de gélification n'atteigne pas 100 C après 45 minutes dans un bain d'eau bouillante conformément à l'exemple 1 du document (1).

En outre, au sujet des exemples du brevet contesté mettant en oeuvre des températures de 100 C ou supérieure à 100 C, elle a fait remarquer que ces exemples précisaient cependant bien que le chauffage était arrêté lorsque la température du gel atteignait 80. C.

En ce qui concerne la nouveauté des revendications de produit, c'est-à-dire les revendications concernant le "gel susceptible d'être obtenu" par le procédé selon le brevet attaqué, la requérante a fait principalement valoir que la nouveauté du procédé conférait également un élément de nouveauté pour le produit ainsi préparé dans la mesure où l'obtention d'une coagulation à une température entre 20 et 100 C impliquait la présence d'une teneur en ions alcalins particulière, apte précisément à permettre la gélification à ces températures. Comme aucun élément de preuve, établissant que ladite concentration en ions alcalins dans les produits des documents (1), (2), (5) et (9) cités au titre de l'article 54 CBE remplissait bien cette condition, n'avait été apporté par l'intimée, elle en a conclu que les produits revendiqués n'étaient pas anticipés par l'état de la technique précité.

VIII. L'intimée a fait observer qu'à son avis la gélification dans l'exemple 1 du document (1) commençait certainement à une température inférieure à 100 C et que la température dans les tubes de gélification plongés dans l'eau bouillante pendant 45 minutes selon cet exemple était certainement inférieure à 100 C.

Au sujet des revendications de produit, la requérante à soutenu que, les procédés des documents (1), (2), (5) et (9) étant les mêmes que ceux du brevet attaqué, les produits obtenus dans ces documents devaient donc être nécessairement identiques à ceux revendiqués.

IX. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet européen 0 524 298 sur la base du jeu de revendications tel que délivré ; à titre de première requête subsidiaire, l'annulation de la décision de la Division d'opposition et le renvoi de l'affaire devant la Division d'opposition ; à titre de seconde et troisième requêtes subsidiaires, le maintien du brevet sur la base des deux jeux de revendication déposés le 19 juillet 2000 ; à titre de quatrième requête subsidiaire, le maintien du brevet sur la base du jeu de revendications déposé le 16 juillet 2001.

L'intimée demande le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Article 123 CBE

Aucune objection au titre de l'article 123(2) n'a été soulevée à l'encontre des divers jeux de revendications déposés par la requérante. Par ailleurs, les divers amendements ne conduisent pas à une extension de la protection. Les exigences de l'article 123 de la CBE sont de ce fait respectées.

3. Requête principale et première requête subsidiaire

3.1. Nouveauté

3.1.1. Le jeu de revendications tel que délivré comporte, outre des revendications de procédé et des revendications d'utilisation, des revendications concernant des produits uniquement définis comme étant susceptibles d'être obtenus par le procédé selon le brevet en cause, c'est-à-dire des revendications de produits per se qui sont donc à apprécier indépendamment de tout procédé de fabrication et de toute application. Il s'agit là des revendications conférant la protection la plus large qu'il convient donc de considérer en priorité.

Ainsi, la nouveauté de la revendication indépendante 27 concernant un gel susceptible d'être obtenu par le procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes 1 à 26 doit être abordée au vu de la divulgation du document (1) cité par l'intimée et considéré décisif par la Division d'opposition.

L'exemple 1 du document (1) décrit un procédé de gélification d'une protéine dans de l'eau bouillante (c'est-à-dire à une température de 100 C) et la requérante n'a pas contesté que toutes les autres conditions opératoires de la revendication 1 du brevet attaqué étaient bien remplies.

3.1.2. De l'avis de la requérante, la preuve que la teneur en ions alcalins dans le gel selon l'exemple 1 du document (1) est bien telle que la gélification puisse se produire à une température entre 20 et 100 C, et non à 100 C, n'ayant pas été apportée, il ne peut être conclu à un manque de nouveauté,cette concentration particulière en ions alcalins constituant précisément un élément de différence.

Il est certes juste que le procédé décrit dans l'exemple 1 du document (1) mentionne que les tubes de gel sont chauffés 45 minutes dans un bain d'eau bouillante ce qui implique que le gel se trouve certainement à une température de 100 C à la fin de la période de chauffage. Dans ce cas, cette température ne serait pas comprise dans la fourchette des températures de la revendication 1, contrairement aux vues de la Division d'opposition. Néanmoins, ce fait ne signifie pas pour autant que le phénomène de gélification proprement dit ne se produise pas à une température inférieure à 100 C.

De l'avis de la Chambre, il est même invraisemblable que cette gélification se produise précisément à 100 C plutôt qu'à 99 C ou en dessous. En effet, la température de 100 C dans l'exemple 1 de (1) serait plutôt à mettre en relation non seulement avec la gélification des protéines, mais encore avec la dureté des gels obtenus, recherchée dans le cadre de cette citation (colonne 1, lignes 28-30 ; colonne 2, lignes 11-14 et exemple 1). Il faut donc en conclure que la teneur en ions alcalins de l'exemple 1 du document (1) est bien telle que la gélification puisse se produire à une température entre 20. et 100 C.

L'argument de la requérante selon lequel rien dans la citation (1) ne permet d'affirmer que la gélification est instantanée est sans importance dans la mesure où le produit tel que revendiqué dans la revendication 27 du brevet peut être produit selon un autre procédé que le procédé revendiqué dans les revendications 1 à 26. Aucun élément ne permettant de distinguer, par ailleurs, les produits obtenus selon (1), d'une part, et selon le brevet, d'autre part, n'a été avancé par la requérante. La charge de la preuve qui, selon la requérante revenait à l'intimée, est, de l'avis de la Chambre, renversée par la citation du document (1).

Au vu de ce qui précède, la Chambre conclut au manque de nouveauté de la revendication indépendante 27 du jeu de revendications de la requête principale.

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de considérer les autres revendications de cette requête et il ne peut donc être fait droit ni à la requête principale ni à la première requête subsidiaire.

4. Seconde et troisième requêtes subsidiaires

Les jeux de revendications de ces deux requêtes ne se distinguant pas, sur le fond, du jeu de revendications tel que délivré, l'objection de nouveauté soulevée sous le point 3.1 à son encontre s'applique également à celles-ci.

5. Quatrième requête subsidiaire

5.1. Nouveauté

5.1.1. Du fait de la restriction des revendications de la quatrième requête auxiliaire à la caséine en tant que protéine coagulable, le document (1) perd sa pertinence quant à la nouveauté puisque ce dernier traite exclusivement de protéines végétales.

Il en va de même du document (5) qui concerne les protéines du petit-lait (lactosérum). Ce document n'a, par ailleurs, pas été opposé à la nouveauté des revendications de produit de ce jeu de revendications.

Le document (2), quant à lui, mentionne certes la possibilité d'appliquer le procédé décrit à de la caséine entre autres sources de protéines (colonne 4, lignes 7 à 14). Toutefois, tous les exemples concrets de cette antériorité concernent des protéines végétales. Compte tenu des différences chimiques et physico-chimiques entre les protéines végétales des exemples et la caséine (protéine animale), il n'est pas possible d'affirmer, a priori, que le remplacement dans ces exemples des protéines végétales spécifiques par de la caséine conduirait également à la formation d'un gel sans qu'il soit pour autant nécessaire d'adapter d'autres conditions expérimentales. En tout état de cause, l'intimée n'a apporté aucun argument à ce sujet. Par conséquent, il y a également lieu d'écarter ce document en ce qui concerne la nouveauté.

Le document (9) concerne bien une méthode de traitement de protéines renfermant de la caséine (revendication 1). Ce document est toutefois silencieux quant à la formation de gel au cours du traitement des protéines du lait de sorte qu'il convient également de ne pas retenir ce document à l'encontre de la nouveauté du jeu de revendications considéré.

5.1.2. L'intimée a fait valoir que, quand bien même le document (9) ne mentionnerait pas expressément la formation d'un gel, les conditions de l'exemple 1 de ce document étant les mêmes que celles du procédé du brevet contesté, il y aurait lieu de conclure, malgré tout, à la formation d'un gel comme produit intermédiaire de cet exemple.

La Chambre remarque que le produit intermédiaire en question, dont la forme physique n'est nullement précisée, est destiné à la préparation d'une émulsion, c'est-à-dire un produit résultant de l'incorporation d'une phase liquide dans une autre phase liquide grasse, ce qui contredit l'idée que le produit intermédiaire puisse être un gel.

D'autre part et surtout, aucun élément ne permet de penser que la teneur en ions alcalins dans le mélange protéique de départ après ultrafiltration soit précisément tel qu'à la température de l'exemple 1, à savoir 95 C, une gélification puisse en effet se produire.

En conclusion, aucun des documents (1), (2), (5) et (9) cités à l'encontre de la nouveauté du brevet en cause n'est de nature à anticiper l'objet du jeu de revendications de la quatrième requête subsidiaire.

6. Renvoi à l'instance du premier degré (article 111(1) CBE)

Dans le cas présent, la Division d'opposition a décidé que l'objet du procédé de la revendication 1 du brevet tel que délivré n'était pas brevetable pour manque de nouveauté par rapport au document (1). Elle n'a toutefois pas considéré les objections d'insuffisance de divulgation de l'invention (article 83 CBE) et d'absence d'activité inventive (articles 52(1), 56 CBE) produits par l'intimée avec le mémoire d'opposition. Ces questions constituent cependant, entre autres, la base de la requête en révocation du brevet dans sa totalité et doivent donc être considérées comme des questions de fond essentielles méritant d'être appréciées par deux instances.

Dans ces circonstances, la Chambre renvoie l'affaire à la première instance afin de poursuivre la procédure à partir du jeu de revendications de la quatrième requête subsidiaire en rappelant, à toutes fins utiles, que les revendications les plus larges sont généralement les revendications de produit.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.

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