European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2002:T031999.20020710 | ||||||||
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Date de la décision : | 10 Juillet 2002 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0319/99 | ||||||||
Numéro de la demande : | 95401019.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | B23K 9/173 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Mélange gazeux de protection et procédé de soudage à l'arc de pièces en aciers inoxydables | ||||||||
Nom du demandeur : | L'air Liquide, S.A. | ||||||||
Nom de l'opposant : | Linde Aktiengesellschaft, Wiesbaden | ||||||||
Chambre : | 3.2.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive (requête principale : non ; requête subsidiaire : oui) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Par décision remise à la poste le 29 janvier 1999, la Division d'Opposition a révoqué le brevet européen n° 0 680 802.
La Division d'Opposition a considéré qu'au vu de l'ensemble des documents suivants, l'objet de la revendication 1 du brevet était dépourvu d'activité inventive :
E6: "Shielding gases for arc welding", W. Lucas, Welding & Metal Fabrication, part I (pages 218-225, June 1992) and part II (pages 269-276, July 1992) et
E3: EP-A-0 163 379.
Selon la Division d'Opposition l'homme du métier, en partant du gaz ternaire M12 divulgué dans E6 comme gaz conseillé pour le soudage des aciers inoxydables, contenant 15% d'hélium et 2% de dioxyde de carbone, le solde étant de l'argon, connaissait du document E3 que l'ajout d'azote dans une quantité de 2 à 25% à ce gaz était avantageux pour les propriétés mécaniques, la résistance à la corrosion et la microstructure des joints soudés d'aciers inoxydables contenant de l'azote. En appliquant la méthode habituelle de tâtonnement et faisant des expériences au moins avec les valeurs extrêmes divulguées dans E3 pour l'ajout de l'azote, l'homme du métier remarquerait qu'une teneur de 2% en azote était tout à fait convenable.
II. Par fax reçu le 25 mars 1999, le requérant (propriétaire) a formé un recours contre cette décision, a fourni le mémoire dûment motivé et a réglé simultanément la taxe correspondante.
III. Une procédure orale a eu lieu devant la chambre de recours le 10 juillet 2002. Le requérant requiert l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet principalement sous la forme délivrée, subsidiairement sous forme modifiée, avec les documents suivants :
- page 2 de la description déposée lors de la procédure orale,
- page 3 de la description jointe à la lettre du 5. juin 2002,
- revendications 1 à 4 jointes à la lettre du 5. juin 2002.
L'intimée (opposante) sollicite le rejet du recours.
IV. Le libellé de la revendication indépendante 1 du brevet en cause selon la requête principale est le suivant :
"Mélange gazeux de protection pour le soudage à l'arc d'aciers inoxydables, caractérisé en ce qu'il comprend :
- de 2 à 16% d'hélium,
- de 1 à 2,5% de dioxyde de carbone,
- de 1 à 2,8% d'azote,
le solde étant de l'argon."
Le libellé de la revendication indépendante 1 du brevet selon la requête subsidiaire du requérant s'énonce comme suit :
"Mélange gazeux de protection pour le soudage à l'arc d'aciers inoxydables, caractérisé en ce qu'il comprend :
- de 3 à 10% d'hélium,
- de 1 à 2% de dioxyde de carbone,
- de 1,3 à 2% d'azote,
le solde étant de l'argon."
V. Au soutien de son recours, le requérant développe pour l'essentiel l'argumentation suivante :
E3 ne divulguait que l'utilisation de l'azote dans un gaz contenant de l'argon et cela avec un pourcentage en azote de plus de 5%. La mention d'autres composants dans le gaz de soudage, tels que l'hélium et le dioxyde de carbone ne figurait que dans les revendications de E3 pour des raisons juridiques, mais ne constituait pas une divulgation technique spécifique d'un gaz ternaire, auquel de l'azote pouvait être ajouté.
Le document E6 ne mentionnait pas exclusivement le gaz M12 pour le soudage d'aciers inoxydables, mais aussi le gaz M1 qui ne contenait guère d'hélium, mais seulement du dioxyde de carbone et de l'argon. L'homme du métier n'était de ce fait pas limité à l'usage du gaz M12. En plus, l'utilisation de l'azote était déconseillée dans E6 pour les aciers inoxydables, voir page 220, sous "Nitrogen". Les teneurs en azote moins élevées (2 à 4%) n'étaient mentionnées que pour le soudage TIG et cela en combinaison avec de l'argon seulement.
Finalement, même si l'homme du métier avait utilisé le gaz M12 comme gaz à améliorer, pourquoi aurait-il maintenu les pourcentages d'hélium et de dioxyde de carbone en ajoutant de l'azote au seul détriment de l'argon.
Le mélange de gaz de la revendication 1 de la requête subsidiaire se distingue clairement du mélange M12 par le taux d'hélium moins élevé (3 à 10%). Aussi le taux d'azote était moins élevé que celui suggéré par E3 (1,3 à 2%). Ce mélange était avantageux pour baisser la température dans la zone de soudage et pour éviter une surcomposition d'azote dans le cordon. Ceci n'était pas évident à l'homme du métier.
VI. L'intimée conteste l'argumentation du requérant.
Le mélange M12 serait préféré par l'homme du métier, parce que ce mélange est le meilleur pour le soudage d'aciers inoxydables duplex, selon :
E5: "Auswahl der Schutzgase zum Metall-Schutzgasschweißen", Jahrbuch Schweißtechnik '91, DVS 1990, pages 83 et 85.
Le problème encore à résoudre par l'homme du métier serait la compensation de la perte d'azote de la zone de soudure en maintenant sa résistance à la corrosion (voir brevet en cause, page 2, ligne 33). Ce même problème était déjà connu, ayant été discuté en E3, voir page 3, lignes 24 à 28, ce passage suggérant l'utilisation de l'azote dans le mélange de gaz de soudage. Selon les revendications de E3 ce mélange pouvait être un mélange habituel, p.ex. un mélange ternaire contenant de l'argon, de l'hélium et du dioxyde de carbone.
La mention défavorable à l'utilisation de l'azote pour le soudage TIG d'aciers ferritiques et inoxydables (page 220 de E6) était spécifiquement invalidée par la mention favorable à son utilisation pour le soudage TIG des aciers inoxydables duplex, avec un pourcentage de 2 à 4% d'azote, à la page 224 de E6.
Aussi pour le soudage à l'arc, ce qui est le champ d'application du brevet contesté, un mélange ternaire contenant de l'argon, de l'hélium et du dioxyde de carbone était présenté favorablement par E6, voir page 273, où est discuté un mélange contenant 15-40% de l'hélium, 2% de dioxyde de carbone, le solde étant de l'argon.
L'homme du métier, en ajoutant à ce gaz ternaire habituel M12 de l'azote comme suggéré par E3 ne réduirait pas les taux d'hélium et/ou de dioxyde de carbone en faveur de l'azote, parce que ces composants et leurs pourcentages étaient présents dans le mélange pour des raisons techniques spécifiques. Il était de pratique commune dans le domaine technique des mélanges de gaz d'ajouter des composants additionnels au détriment du gaz de base, dans le cas présent de l'argon.
Pour ce qui est de la requête subsidiaire, les taux moins élevés d'hélium et d'azote du mélange revendiqué selon la revendication 1 de cette requête étaient à la portée de l'homme du métier, qui désirerait faire des économies avec l'hélium, surtout en sachant qu'une réduction d'hélium n'aurait pas d'effet technique spécial.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Nouveauté (article 54 CBE)
Le défaut de nouveauté n'ayant pas été soulevé par les parties, ni en opposition, ni en recours, il n'y a pas lieu de s'y attarder.
3. Activité inventive (article 56 CBE)- Requête principale
3.1. La chambre estime que E6 constitue l'art antérieur le plus proche pour discuter l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 telle que délivrée.
Pour le soudage à l'arc d'aciers inoxydables, ce qui est le domaine d'application du mélange revendiqué par la revendication 1, ce document divulgue qu'il est avantageux d'utiliser un mélange de gaz M12 comprenant 15% d'hélium, 2% de dioxyde de carbone et 83% de l'argon (voir page 275, colonne de gauche, sous "stainless steel"; page 273, colonne de droite et figure 12).
Il est vrai que pour les aciers inoxydables le mélange M1 est aussi mentionné par E6 (tableau 3), ce mélange ne contenant que de l'argon avec, soit du dioxyde de carbone, soit de l'oxygène. Mais E6 mentionne clairement que des avantages additionnels peuvent être obtenus par l'ajout de hélium à ce mélange (page 273, colonne de gauche). De l'homme du métier l'on peut attendre qu'il applique la meilleure solution présentée dans une divulgation, en l'espèce, le mélange M12.
Ce mélange M12 préféré pour le soudage à l'arc d'aciers inoxydables ressort aussi clairement du document E5, page 83, tableau 1.4-8 et page 85 "Hochlegierte Stähle" et figure 1.4-6, plus particulièrement pour le soudage d'aciers inoxydables duplex, ce qui est le champ technique specifique du brevet en cause.
3.2. Ce mélange M12 conventionnel contient 15% d'hélium, 2% de dioxyde de carbone le solde étant (83%) de l'argon. L'objet de la revendication 1 du brevet en cause s'en distingue par l'ajout de 1 à 2,8 % d'azote au mélange, au détriment de l'argon. L'objet de l'invention est donc d'obtenir, par cette caractéristique distincte, une amélioration de la résistance à la corrosion de la soudure (voir brevet en cause, page 2, lignes 31 à 34), la perte d'azote par le soudage des aciers inoxydables duplex étant compensée (en partie) par l'azote présent dans le mélange de gaz utilisé.
3.3. L'homme du métier, voulant atteindre cet objet, connaît l'enseignement de E3, traitant du même problème survenant pendant le soudage d'aciers inoxydables duplex, voir page 3, lignes 16 à 28.
E3 propose comme solution l'ajout d'azote avec un pourcentage de 2 à 25% dans un mélange conventionnel contenant de l'argon et de l'hélium et du dioxyde de carbone (page 4, lignes 21 à 25; revendications 6 et 7).
La chambre considère que l'homme du métier, en appliquant cet enseignement de E3, choisira plutôt un pourcentage d'azote proche de 2%, vu la discussion dans E6 de l'utilisation de l'azote dans un mélange de gaz pour le soudage TIG d'aciers austénitiques/ferritiques, dits duplex (voir page 224, première et deuxième colonne: "ferritic and duplex stainless steel"). Là, un ajout d'azote à un pourcentage de 2-4% est déjà considéré suffisant pour compenser la perte d'azote de la zone de soudage et pour augmenter la résistance à la corrosion par piqûres ("pitting corrosion"). En faisant cela, l'homme du métier atteindra l'objectif recherché, obtenant en même temps l'objet de la revendication 1 dans la forme délivrée.
3.4. Dans le domaine technique des gaz de soudage l'incorporation d'ajouts comme l'hélium, le dioxyde de carbone, l'oxygène, etc. se fait toujours au détriment du gaz de base, lequel est normalement l'argon. Pour l'homme du métier il n'y a donc aucun raison de faire autrement en ajoutant de l'azote au gaz conventionnel M12. De plus, une réduction des taux d'hélium et de dioxyde de carbone au lieu de l'argon influencerait les effets techniques de ces ajouts spécifiques.
3.5. Pour les raisons susmentionnées l'objet de la revendication 1 dans sa forme délivrée n'implique pas d'activité inventive et la requête principale est à rejeter.
4. Requête subsidiaire - modifications (article 123 CBE)
La revendication 1 selon la requête subsidiaire est identique à la revendication 2 (dépendante de la revendication 1) du brevet délivré. Par cette modification les plages des composants ont été limitées. La revendication 2 délivrée est identique à la revendication 2 des pièces originales de la demande.
Les modifications de la description sont nécessaires pour remplir les conditions de la règle 27(1) b) CBE (indication de l'art antérieur utile pour l'intelligence de l'invention) et de l'article 84 CBE (cohérence description-revendications) et n'ont pas pour effet d'étendre l'objet du brevet au delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
Les conditions de l'article 123(2) et (3) CBE sont de ce fait remplies.
5. Activité inventive (article 56 CBE) - Requête subsidiaire
5.1. L'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire se distingue non seulement par l'ajout de l'azote à un pourcentage plus restreint (1,3 - 2%), mais aussi par une réduction du pourcentage en hélium (3 - 10%) et du dioxyde de carbone (1-2 %).
Dans l'art antérieur disponible dans le cas présent la chambre ne trouve aucune information incitant l'homme du métier à réduire le taux d'hélium dans le mélange M12 (15 %) à un niveau moins élevé (3 - 10%), comme revendiqué dans la revendication 1 selon la requête subsidiaire.
Contrairement à ce qu'argumente l'intimée, la chambre estime qu'il n'est pas évident non seulement d'ajouter de l'azote à un mélange de gaz conventionnel pour obtenir une meilleure résistance à la corrosion, mais en plus de changer le taux d'hélium dans ce mélange, parce que tous les composants d'un tel mélange dépendent l'un de l'autre pour leur effet technique spécifique. Par exemple le pourcentage en hélium a un effet sur la température de la soudure, sa fluidité et la stabilité de l'arc et par cela affecte aussi l'effet technique du dioxyde de carbone et de l'azote.
5.2. En conclusion l'objet de la revendication 1 du brevet selon la requête subsidiaire implique une activité inventive.
5.3. Les objets des revendication 2 et 3 sont des modes de réalisation préférés du mélange gazeux de la revendication 1; l'objet de la revendication 4 est un procéde de soudage utilisant le mélange gazeux des revendications 1, 2 ou 3. De ce fait, aussi ces objets impliquent une activité inventive.
Par conséquent, le brevet peut être maintenu dans la forme modifiée selon la requête subsidiaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision dont appel est annulée.
2. La requête principale est rejetée.
3. L'affaire est renvoyée devant l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet européen sur la base des documents suivants :
- page 2 de la description déposée lors de la procédure orale,
- page 3 de la description jointe à la lettre du 5. juin 2002,
- revendications 1 à 4 jointe à la lettre du 5. juin 2002.