T 0008/99 (Emulsion eau-dans-huile / L'OREAL) of 6.11.2002

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2002:T000899.20021106
Date de la décision : 06 Novembre 2002
Numéro de l'affaire : T 0008/99
Numéro de la demande : 93904122.4
Classe de la CIB : A61K 7/48
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Emulsion eau-dans-huile stable au cours du temps à haute teneur en silicone
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : The Procter & Gamble Company
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Requête principale - activité inventive - oui -
Avantages non prévisibles
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n° 0 577 817 a été délivré le 17. avril 1996 sur la base de la demande internationale PCT/FR93/00078.

Le brevet a été délivré avec 18 revendications.

le libellé de la revendication indépendante 1 s'énonçait :

"1. Emulsion eau-dans-huile stable à usage cosmétique ou pharmaceutique caractérisée par le fait qu'elle comprend une phase grasse en une proportion de 15 à 40 % constituée d'au moins une silicone à raison de 15 à 40 % en poids par rapport au poids total de l'émulsion et une phase aqueuse contenant au moins un gélifiant aqueux insensible aux électrolytes, l'agent émulsionnant de ladite émulsion étant un alkyl- ou alcoxy-diméthicone copolyol de formule générale :

FORMULE

dans laquelle :

X est un atome d'hydrogène, un alkyle, un alcoxy ou un acyle, en C1-C16,

Y est un radical alkyle ou alcoxy en C8 à C22,

n = 0 à 200,

m = 1 à 40,

q = 1 à 100,

le poids moléculaire du reste (C2H4O-)x(C3H6O-)y-X étant de 250 à 2000, x et y étant choisis de telle sorte que le rapport en poids des groupes oxyéthylène/oxypropylène soit compris entre 100:0 et 20:80.".

II. L'intimée (opposante) a fait opposition à la délivrance de ce brevet européen, demandant sa révocation en application de l'article 100 a) CBE en invoquant l'absence de nouveauté et d'activité inventive.

Entre autres, les documents suivants ont été cités au cours des procédures d'opposition et de recours :

(1) Version imprimée d'une conférence tenue au salon INCOSMETICS à Birmingham en 1990 intitulée "Cyclomethicone-containing cosmetic water-in-oil lotions based on organosilicone emulsifiers" par P. Hameyer et C. Gould.

(4) EP-A-176 884

III. La division d'opposition a révoqué le brevet européen par sa décision prononcée le 6 octobre 1998.

Dans sa décision, la division d'opposition a estimé que l'objet revendiqué était nouveau par rapport à l'état de la technique disponible, car aucun des documents ne divulguait un gélifiant aqueux insensible aux électrolytes en combinaison avec les autres constituants des émulsions selon le brevet en cause.

Pour ce qui est de l'activité inventive, la division d'opposition a considéré le document (4), qui divulguait des émulsions eau-dans-huile similaires à celles du brevet constesté avec toutefois de la glycérine ou des électrolytes en tant qu'agent stabilisant au lieu d'un gélifiant aqueux insensible aux électrolytes, comme l'état de la technique le plus proche.

Au vu du document (1), qui enseignait l'équivalence entre la carboxyméthylcellulose, un gélifiant aqueux insensible aux électrolytes, et les électrolytes pour ce qui est de la stablilisation des émulsions eau-dans-huile, la division d'opposition était d'avis que l'homme du métier aurait été en mesure de remplacer les agents stabilisants des émulsions selon (1) par un gélifiant aqueux insensible aux électrolytes sans faire preuve d'activité inventive.

IV. La requérante (titulaire du brevet) a introduit un recours contre cette décision.

V. Par un courrier daté du 25 octobre 2002, la Chambre a informé les parties que, compte tenu de la requête de l'intimée de retirer sa requête en procédure orale en date du 26 septembre, la tenue d'une procédure orale n'était plus nécessaire.

Par conséquent, la procédure orale a été annulée.

VI. Au cours de la procédure de recours, la requérante a produit un jeu de revendications principal dans lequel la revendication 1 telle que délivrée avait été modifiée par l'introduction de l'adjectif "organique" pour qualifier la silicone et par la restriction du gélifiant aqueux insensible aux électrolytes au "groupe constitué par les gommes naturelles, les protéines, les hydrolysats de protéines, les dérivés acryliques, les polyéthylène glycols et leurs mélanges".

En outre, le libellé de la revendication dépendante 8 de ce nouveau jeu de revendications s'énonçait :

"8. Emulsion selon l'une quelconque des revendications précédentes caractérisée par le fait que le gélifiant aqueux est choisi parmi les gommmes de xanthane, de guar, de caroube, les scléroglucanes, les dérivés de chitine ou de chitosane, le polyacrylate de glycérol, le copolymère d'acrylate d'ammonium, les polyéthylèneglycols et leurs mélanges.".

La requérante a également fourni des exemples comparatifs afin de montrer que les agents gélifiant aqueux organiques énumérés dans la revendication 1 conduisaient à des émulsions particulièrement stables dans le temps.

Comme ces agents particuliers n'étaient, de surcroît, ni décrits, ni suggérés dans l'état de la technique opposé, à savoir le document (4), la requérante a considéré que l'objet du brevet contesté impliquait bien une activité inventive.

VII. L'intimée n'a plus contesté la nouveauté du brevet en cause dans la procédure de recours. Dans son argumentation écrite elle a cependant soutenu que, bien que les dérivés cellulosiques en tant que gélifiants aqueux insensibles aux électrolytes aient été exclus des revendications du brevet en cause, l'objet revendiqué restait évident au vu des documents (1) et (4) car les gélifiants aqueux insensibles aux électrolytes énumérés dans la revendication représentaient, pour l'homme du métier, des alternatives évidentes aux dérivés cellulosiques.

VIII. La requérante a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet sur la base du jeu de revendications principal déposé le 25. février 1999 et redéposé le 27 septembre 2002 avec une description adaptée ou de l'un des jeux de revendications auxiliaires 1 à 3 déposé le 27. septembre 2002.

L'intimée a demandé le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Requête principale.

2.1. Article 123(2) et (3) CBE

Les restrictions de l'objet des revendications 1 et 8 de ce jeu de revendications trouvent leur support à la page 3, lignes 5 à 16 de la description de la demande telle que déposée.

Les exigences de l'article 123(2) et (3) sont de ce fait respectées.

2.2. Nouveauté

L'intimée n'a pas contesté la nouveauté de ce jeu de revendications et la Chambre ne voit pas de raison d'objecter quant à la nouveauté.

2.3. Activité inventive

Le brevet concerne des émulsions eau-dans-huile stables à usage cosmétique ou pharmaceutique à haute teneur en silicone caractérisées par le fait qu'elles comprennent une phase grasse en une proportion de 15 à 40 % constituée d'au moins une silicone à raison de 15 à 40 % en poids par rapport au poids total de l'émulsion et une phase aqueuse contenant au moins un gélifiant aqueux insensible aux électrolytes choisi dans le groupe constitué par les gommes naturelles, les protéines, les hydrolysats de protéines, les dérivés acryliques, les polyéthylène glycols et leurs mélanges, l'agent émulsionnant de ladite émulsion étant un alkyl- ou alcoxy-diméthicone copolyol (page 2, ligne 3, lignes 26 à 51).

Selon la description du brevet attaqué ces émulsions sont stables dans le temps (page 2, ligne 52 à la page 3, ligne 4).

En outre, les essais produits par la requérante avec sa lettre du 19 mai 2000 montrent que, lorsque le gélifiant aqueux insensible aux électrolytes est choisi dans le groupe constitué par les gommes naturelles (gomme de xanthane), les protéines ou hydrolysats de protéines (kératine sulfonique), les dérivés acryliques (PAS5161), les polyéthylène glycols (Carbowax) au lieu de l'hydroxyéthyl cellulose ou du mélange chlorure de sodium et glycérol, la stabilité des émulsions répondant à la composition selon la revendication 1 du brevet en cause se trouve améliorée.

L'exemple 8 du document (4) décrit une émulsion eau-dans-huile stable à usage cosmétique ou pharmaceutique à haute teneur en silicone caractérisée par le fait qu'elle comprend une phase grasse en une proportion de 15 à 40 % (ie 36,5 %) constituée d'au moins une silicone à raison de 15 à 40 % en poids par rapport au poids total de l'émulsion (ie 30 %) et une phase aqueuse contenant un mélange de chlorure de sodium (un électrolyte) et de glycérol (un polyol) comme agent stabilisant (dernier paragraphe de la page 2; premier paragraphe de la page 3; page 3, ligne 32 et 33 ; page 1, ligne 15 et 16).

Ce document enseigne également que la stabilité thermique des émulsions peut être augmentée en rajoutant d'autres polyols comme par exemple le 1,2-propylèneglycol ou le sorbitol et la stabilité à la chaleur en rajoutant d'autres électrolytes comme le sulfate de magnésium ou du stéarate de calcium ou d'aluminium (page 6, ligne 30 - page 7, ligne 4).

Le document (1), quant à lui, divulgue que les produits comme les électrolytes, les cires, l'acide silicique hydrophobe, les dérivés cellulosiques comme la carboxyméthylcellulose et l'hydroxyéthylcellulose servent à stabiliser les émulsions eau-dans-huile à base d'émulsifiants organosiliconés (rubrique "substances with emulsion stabilizing effect" aux pages 4 et 5).

La Chambre considère que le document (4), qui se rapporte à des émulsions eau-dans-huile similaires à celles du brevet en cause, représente l'état de la technique le plus proche.

4.2. Au vu des essais comparatifs fournis par la requérante (cf. point 4.1 paragraphe 3), le problème à résoudre vis à vis du document (4) consiste à fournir des émulsions eau-dans-huile améliorées quant à leur stabilité dans le temps.

Il est manifeste, au vu des exemples de la description du brevet litigieux et des tests comparatifs fournis par la requérante démontrant que la présence d'agents stablisateurs selon la revendication 1 du brevet en cause améliore la stabilité des émulsions par rapport aux agents préconisés dans le document (4), que le problème a bien été résolu par l'objet de la revendication 1 du brevet contesté.

4.3. La question qui se pose à présent est donc de savoir si cette solution, objet de la revendication 1, découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible pour l'homme du métier.

Tel que cela ressort du point 4.2 ci-dessus, l'état de la technique selon les documents (1) et (4) ne fait aucune mention des agents stabilisants de la revendication 1 du brevet en cause.

En outre, les études comparatives réalisées par la requérante montrent que seuls les agents gélifiants aqueux organiques énumérés dans la revendication 1 du brevet attaqué sont susceptibles de conduire à des émulsions eau-dans-huile particulièrement stables dans le temps.

Au vu de ce qui précède, la Chambre conclut qu'il n'était pas évident pour l'homme du métier de trouver que les agents stabilisants particuliers selon la revendication 1 du brevet contesté permettraient d'obtenir l'amélioration de stabilité escomptée.

Il est à noter que les autres documents du dossier ne contiennent également aucune information pertinente à ce sujet.

4.4. L'intimée a affirmé dans sa réponse au mémoire de recours que les agents stabilisants selon la revendication 1 du brevet attaqué représentaient des alternatives évidentes bien connues aux agents divulgués dans les documents (1) et (4).

A ce sujet, la Chambre note, d'une part, que l'intimée n'a produit aucun document pour étayer son argumentation et, d'autre part, que, quand bien même ces agents pourraient être considérés comme des alternatives, rien, dans l'état de la technique disponible, ne laissait prévoir leur effet bénéfique sur la stabilité des émulsions revendiquées.

La Chambre observe également que l'intimée n'a pas contesté la validité des essais comparatifs fournis par la requérante dans le but de démontrer l'amélioration de stabilité recherchée.

4.5. En conséquence, les émulsions selon la revendication 1 du brevet en cause, et par suite selon les revendications dépendantes, satisfont aux exigences de l'article 56 CBE.

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'examiner les autres requêtes.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est maintenu sur la base du jeu de revendications principal et de la description adaptée déposés le 27 septembre 2002.

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