T 0689/98 () of 2.4.2003

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2003:T068998.20030402
Date de la décision : 02 Avril 2003
Numéro de l'affaire : T 0689/98
Numéro de la demande : 93913170.2
Classe de la CIB : A61K 7/13
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de teinture des fibres kératiniques avec des dérivés indoliques ou indoliniques, du péroxyde d'hydrogène et une péroxydase
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Modifications - extension de l'objet de la demande (non)
Activité inventive - (oui) - problème et solution
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La demande européenne de brevet n° 93 913 170.2, déposée le 22. juin 1993 et revendiquant la priorité de la demande nationale FR 9207784 du 25 juin 1992, a donné lieu à la délivrance du brevet européen n° 0 645 999 sur la base de 24 revendications. Les revendications indépendantes 1, 22, 23 et 24. s'énonçaient comme suit :

"1. Procédé de teinture des fibres kératiniques, caractérisé par le fait que l'on applique sur ces fibres au moins :

- un composant (1) contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins un composé indolique ou indolinique de formule :

FORMULE(I), (II)

dans lesquelles :

R1 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4 ;

R2 représente un hydrogène, un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4 ou -COOH ;

R3 représente un atome d'hydrogène ou un radical alkyle en C1-C4;

X désigne un atome d'hydrogène, NH2, OH, un radical alkyle en C1-C4 ou un radical alcoxy en C1-C4 ;

Y désigne OH ou NH2 ;

sous réserve que lorsque X désigne OH ou alkyle, X occupe les positions 5, 6 ou 7 et Y est en position ortho par rapport au groupe X ;

- un composant (2) contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins une peroxydase ;

- un composant (3) contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins du peroxyde d'hydrogène ou une source de peroxyde d'hydrogène enzymatique ;

le composant (1) étant appliqué sur les fibres en premier, séparément du composant (3)."

"22. Dispositif à plusieurs compartiments ou kit de teinture, caractérisé par le fait qu'il comprend un premier compartiment contenant une composition (A) selon la revendication 8 et un second compartiment contenant une composition (B) selon la revendication 8."

"23. Dispositif à plusieurs compartiments ou kit de teinture, caractérisé par le fait qu'il comprend un premier compartiment contenant une composition (C) selon la revendication 11 et un second compartiment comprenant la composition (D) selon la revendication 10."

"24. Dispositif à plusieurs compartiments ou kit de teinture, caractérisé par le fait qu'il comprend un premier compartiment contenant une composition (E) selon la revendication 12, un deuxième compartiment contenant une composition (F) selon la revendication 12 et un troisième compartiment contenant une composition (G) selon la revendication 12."

Les revendications dépendantes 2 à 21 portaient sur des caractéristiques préférées du procédé selon la revendication 1.

II. Une opposition a été formée contre le brevet, en vue d'obtenir sa révocation sur le fondement de l'article 100a) CBE, à savoir que l'objet tel que revendiqué n'était pas brevetable pour manque d'activité inventive au vu des documents suivants :

D1 : WO-A-91/17739

D3 : DE-A-2 155 390

D4 : EP-A-0 441 689

III. Par une décision postée le 11 mai 1998, la division d'opposition a révoqué le brevet tel que délivré. Les motifs développés dans la décision étaient les suivants :

a) L'état de la technique le plus proche était décrit dans D1, qui concernait la teinture des cheveux par des dérivés indoliniques comme ceux revendiqués dans le brevet litigieux. Ces dérivés étaient oxydés par du peroxyde d'hydrogène, après application des dérivés sur les cheveux, pour obtenir une coloration intense et brillante. Un pH de 9,5 était exemplifié dans D1, qui cependant mentionnait également des valeurs de pH inférieures à 9,5.

b) Le problème à résoudre par le brevet en litige était la coloration puissante des cheveux à pH doux pour éviter la dégradation des fibres.

c) La solution du problème était un procédé de teinture, faisant l'objet de la revendication 1 en litige, dans lequel lesdits dérivés et le peroxyde d'hydrogène, en présence d'une peroxydase, étaient appliqués séparément.

d) Néanmoins, d'après le document D3 l'action du peroxyde d'hydrogène pendant la teinture des cheveux pouvait être catalysée par des peroxydases à pH doux pour éviter la dégradation des fibres kératiniques.

e) Par conséquent, l'objet du brevet litigieux n'impliquait pas d'activité inventive et ce motif sopposait au maintien du brevet litigieux, qui devait donc être révoqué.

IV. Un recours a été formé par la titulaire (requérante) contre cette décision, reçu le 8 juillet 1998 ; la taxe prescrite a été payée le même jour. Avec le mémoire de recours, reçu le 11 septembre 1998, la requérante a cité un nouveau document et déposé un nouveau jeu de revendications en tant que nouvelle requête principale.

V. En réponse, l' intimée a cité elle-aussi un nouveau document (lettre en date du 18 janvier 1999).

VI. En préparation à la procédure orale, la requérante a déposé des essais comparatifs - identifiés par les numéros D7, D8 et D9 - et trois jeux de revendications en tant que première à troisième requêtes subsidiaires (lettre en date du 21. février 2003).

VII. La procédure orale a eu lieu le 2 avril 2003. Au cours de l'audience, la requérante a retiré la requête principale telle que déposée avec le mémoire de recours et la première requête subsidiaire telle que déposée avec la lettre du 21. février 2003. Puis, elle a déposé un nouveau jeu de revendications 1 à 19 en tant que requête principale ; les autres requêtes subsidiaires, 2 et 3, telles que déposées avec la lettre du 21 février 2003, ont été renumérotées requêtes subsidiaires 1 et 2, respectivement. La seule revendication indépendante du nouveau jeu de revendications selon la requête principale, à savoir la revendication 1, a le libellé suivant :

"1. Procédé de teinture des fibres kératiniques, caractérisé par le fait que l'on applique sur ces fibres au moins :

- un composant (1) contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins un composé indolique ou indolinique de formule :

FORMULE(I), (II)

dans lesquelles :

R1 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4 ;

R2 représente un hydrogène, un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4 ou -COOH ;

R3 représente un atome d'hydrogène ou un radical alkyle en C1-C4 ;

C1-C4 ; X désigne un atome d'hydrogène, NH2, OH, un radical alkyle en C1-C4 ou un radical alcoxy en Y désigne OH ou NH2 ;

sous réserve que lorsque X désigne OH ou alkyle, X occupe les positions 5, 6 ou 7 et Y est en position ortho par rapport au groupe X ;

- un composant (2) contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins une peroxydase ;

- un composant (3) contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins du peroxyde d'hydrogène ou une source de peroxyde d'hydrogène enzymatique ;

le composant (1) étant appliqué sur les fibres en premier, séparément du composant (3),

dans lequel on applique

dans une première étape une composition contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins le composant (1) et éventuellement le composant (2), puis

- soit dans une 2eme étape, une composition contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture au moins les composants (2) et (3), la composition contenant le composant (1) ne contenant pas le composant (2)

- soit dans une 2eme étape une composition contenant dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, le composant (2) et dans une troisième étape une composition contenant dans un milieu approprié pour la teinture le composant (3), la composition contenant le composant (1) ne contenant pas le composant (2)

- soit dans une 2eme étape, une composition contenant dans un milieu approprié pour la teinture le composant (3) lorsque la composition appliquée dans la première étape contient le composant (2),

le pH des compositions mises en oeuvre variant de 4,5 à 7,5."

VIII. La requérante a présenté les arguments suivants:

a) Les modifications de la revendication 1 selon la requête principale se fondaient sur les revendications 1, 8, 10, 12. et 21. d'origine ainsi que sur le passage de la page 5, lignes 1 à 6, de la description d'origine.

Les revendications indépendantes 22 à 24 telles que délivrées avaient été supprimées et n'avaient donc pas à être discutées.

b) Le brevet litigieux portait sur une teinture permanente des fibres kératiniques, qui n'était pas à confondre avec une teinture directe ou temporaire. Le produit de l'oxydation d'un précurseur indolique ou indolinique était un pigment voisin de la mélanine, qui se développait à l'intérieur des cheveux et les colorait, ou, mieux, les repigmentait. Cette teinture ne devait pas être agressive ; elle devait avoir une puissance de coloration, avec des nuances naturelles, et une résistance aux shampooings, à savoir une tenue allant de 30 à 40 jours.

c) D1 portant sur la coloration des fibres kératiniques par des indolines qui formaient des pigments dans les fibres représentait l'état de la technique le plus proche.

Ce document, toutefois, décrivait l'utilisation d'une teinture à pH basique avec le peroxyde d'hydrogène.

d) Le procédé de teinture tel que revendiqué se distinguait de la teinture divulguée par D1, en particulier par les caractéristiques suivantes en combinaison :

- le choix d'un pH neutre ;

- le choix du peroxyde d'hydrogène comme oxydant ;

- l'application du précurseur et du peroxyde d'hydrogène, séparément, en deux étapes ;

- la présence obligatoire d'une peroxydase.

e) Le problème à résoudre était de teindre les cheveux de façon la plus naturelle possible avec une coloration naturelle permanente, sans entraîner la dégradation des fibres et avec une bonne puissance de coloration.

f) Les exemples du brevet litigieux, en particulier les exemples 1 et 2, montraient que les cheveux étaient teints et résistaient à plusieurs shampooings. D'ailleurs, les essais comparatifs par rapport à D3 soumis devant la première instance ainsi que les nouveaux essais comparatifs soumis en procédure de recours montraient des colorations plus foncées, donc une augmentation de la puissance de coloration. L'intimée n'avait pas prouvé que l'application en temps séparés du précurseur de colorant et du peroxyde d'hydrogène n'aboutissait pas à des effets surprenants. Ce problème avait donc été résolu.

g 1) D'après D1, le pH pouvait être faiblement acide, neutre ou légèrement alcalin ; l'application de la composition de teinture selon D1 comportait une ou deux étapes, consistant à appliquer sur les cheveux un mélange du précurseur et de l'oxydant en un temps, ou, alternativement, en premier temps le précurseur de coloration et en deuxième temps l'oxydant ; l'oxydant était choisi, en fonction du nombre des étapes et du pH, dans le groupe formé entre autres par le peroxyde d'hydrogène. L'utilisation du peroxyde d'hydrogène n'était donc pas obligatoire dans toute la gamme de pH envisagée, et un pH doux n'était pas obligatoire pour la teinture en deux étapes. En fait, les exemples en deux étapes ne comportaient pas de peroxyde d'hydrogène. La présence d'une peroxydase n'était pas mentionnée par D1.

D'après les essais de D8, le passage du procédé en un temps de l'exemple 2 de D1 au procédé en deux temps évoqué dans D1 aboutissait à une diminution de la puissance tinctoriale.

2) D3 était un document ancien portant sur une coloration par des colorants qui ne formaient pas des pigments mélaniques, mais, lors de l'oxydation des précurseurs, des imines conjuguées et des dimères, trimères, polymères du type quinone. Cela était reconnu dans les ouvrages de base de la coloration des fibres kératiniques, qui ne plaçaient pas les colorants d'oxydation décrits par D3 sur le même plan que les pigments obtenus de l'indoline. La cinétique d'oxydation était différente, les indoles en particulier étaient très instables, tel que décrit par D1. Les indoles et les indolines étaient distincts des précurseurs de colorants d'oxydation du type p-phénylènediamine. De plus, concernant la manière d'application de la composition, le peroxyde et le précurseur de colorant étaient mélangés et ajoutés en même temps. Enfin, d'après les essais D9, avec un précurseur de colorant d'oxydation selon D3, la puissance de coloration d'un procédé en un temps à pH neutre avec le peroxyde d'hydrogène était supérieure à celle obtenue par un procédé en deux temps au même pH avec l'adjonction de peroxydase. D3 à lui seul ne pouvait donc étayer un manque d'activité inventive.

3) Il en allait de même si D1 était combiné avec D3. D3 ne contenait aucune suggestion à modifier D1 pour employer du peroxyde d'hydrogène et une peroxydase.

4) D4 portait sur la préparation de pigments mélaniques pour le maquillage temporaire. De plus, les fonctions "OH" des indoles utilisés étaient bloquées. Enfin, la formation du pigment avait lieu en solution et non sur les cheveux. D4 n'avait donc rien à voir avec l'invention.

5) Par conséquent, à moins d'une démarche rétrospective, il n'y avait aucune suggestion à appliquer les étapes de la coloration classique selon D3 à celles de la repigmentation d'après D1.

g) Il fallait également considérer les indices d'activité inventive suivants :

- il y avait un effet surprenant, démontré par les essais D7, D8 et D9 ;

- il y avait un délai de plus de 20 ans entre la présente invention et D3, bien que l'indole eût été connu depuis longtemps ;

- le souhait général depuis le début de la teinture de se rapprocher à la teinture naturelle, était resté un besoin non satisfait jusqu'à la date de la présente invention, malgré 200 brevets déposés durant ce laps de temps.

h) Par conséquent, le procédé faisant l'objet de la revendication 1 en litige était inventif.

IX. Les arguments de l'intimée peuvent se résumer ainsi :

a) L'état de la technique le plus proche était représenté par D1. Ce document divulguait un procédé de teinture à pH doux produisant une coloration puissante et résistante aux shampooings, sans dégradation des fibres. Le procédé consistait à appliquer, en une ou deux étapes, en particulier séparément, un précurseur de colorants du type indole ou indoline et un moyen d'oxydation choisi, entre autres, parmi le peroxyde d'hydrogène. Cependant, D1 ne divulguait pas l'emploi d'une peroxydase.

b) Le problème du brevet litigieux était l'obtention à pH doux de colorations puissantes, résistantes aux shampooings, sans dégradation des fibres.

c) La solution, telle que définie dans la revendication 1 en litige, était un procédé de teinture comportant l'application en deux étapes d'un indole ou d'une indoline, comme précurseurs de colorants, d'une peroxydase et d'une source de peroxyde d'hydrogène.

d) D1 avait donc déjà résolu avec succès une large partie du problème du brevet en litige, en particulier le choix d'un pH doux, une coloration puissante et résistante aux shampooings, une réduction de la dégradation des fibres.

Les essais de D8 portaient sur des gammes de pH, respectivement inférieur à 4 et supérieur à 9,5, qui n'étaient pas revendiquées. Quant aux essais de D7 et D9, il ne portaient que sur des effets attendus. Donc, la seule partie du problème encore à résoudre était une réduction ultérieure de la dégradation des fibres.

e) Une dégradation des fibres étant en particulier causée par le peroxyde d'hydrogène, une réduction de sa quantité aurait donc conduit à une coloration moins agressive. Cela était l'objectif de D3, à savoir de réduire la quantité de peroxyde d'hydrogène utilisée par un procédé comportant l'application, en sus du précurseur d'oxydation et du peroxyde d'hydrogène, d'une enzyme peroxydase à pH doux. Les précurseurs de colorants de D3 étaient des bases et des coupleurs, mentionnés également dans le brevet en litige et dans D1. D3 suggérait d'utiliser une peroxydase afin de réduire la quantité de peroxyde d'hydrogène et, par conséquent, l'agressivité de la teinture.

f) L'aptitude de la peroxydase à participer à l'oxydation d'un indole était connue. D4 divulguait que l'oxydation d'un précurseur de colorants du type indole, en présence d'une peroxydase et du peroxyde d'hydrogène, aboutissait à la formation de pigments mélaniques. Ce procédé était réalisé en deux étapes: la peroxydase était mélangée à l'indole, puis, en une deuxième étape, le peroxyde d'hydrogène y était ajouté. D'après D4, il n'y avait donc pas de préjugés techniques à l'utilisation d'une peroxydase dans l'oxydation d'un précurseur indolique pour obtenir un pigment mélanique.

g) La suggestion de D3 et l'absence de préjugés techniques auraient donc conduit au procédé tel que revendiqué dans le brevet en litige, qui, par conséquent, était évident.

X. La requérante (titulaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 19 soumises en tant que requête principale au cours de la procédure orale ou, alternativement, sur la base d'un des jeux de revendications subsidiaires 2 et 3. soumises par lettre du 21 février 2003 et renumérotées en tant que requêtes subsidiaires 1 et 2 au cours de la procédure orale.

L'intimée (opposante) a demandé le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

2. Modifications

2.1. Par rapport à la revendication 1 telle que délivrée, la présente revendication 1 comporte les modifications suivantes:

- la définition des manières alternatives d'application des compositions dans une première étape et dans les étapes successives ;

- la définition de la gamme de pH des compositions mises en oeuvre.

2.2. Concernant les manières alternatives d'application des compositions, elles se fondent sur les revendications 8, 10 et 12. et la description, page 5, d'origine.

2.3. La gamme de pH des compositions mises en oeuvre se fonde sur la revendication d'origine 21 ainsi que sur la page 5, trois dernières lignes, de la description d'origine.

2.4. Pour ce qui est des autres modifications : les revendications 4 à 6, 8, 10 et 12 à 19 se fondent sur les revendications 5 à 7, 9, 11 et 13 à 20 d'origine, respectivement, mais elles comportent de nouvelles numérations et références ; les revendications 7, 9 et 11 se fondent sur les revendications 8, 10 et 12 d'origine, respectivement, et comportent une définition de la gamme de pH qui se fonde sur celle de la revendication 21 d'origine et, elles aussi, comportent de nouvelles numérations et références.

2.5. Par conséquent, les revendications de la requête principale déposée durant la procédure orale n'ont pas été modifiées de manière à ce que leurs objets s'étendent au-delà du contenu de la demande telle que déposée, ni de façon à étendre la protection telle que délivrée (Article 123 (2) et (3) CBE).

3. Nouveauté

L'intimée n'a pas contesté la nouveauté de l'objet tel que revendiqué. La Chambre n'a pas de raison de prendre une position différente. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 est nouveau.

4. Activité inventive

4.1. Le brevet en litige porte sur un procédé de teinture des fibres kératiniques avec des dérivés indoliques ou indoliniques, du peroxyde dhydrogène et une peroxydase.

De tels procédés sont décrits dans D1, qui a été considéré comme le document représentant l'état de la technique le plus proche par les parties et par la division d'opposition.

4.2. D1 concerne l'utilisation d'indolines de formule (I)

FORMULE(I)

dans laquelle les groupes R1, R2, R3, R4 et R5 représentent, indépendamment l'un de l'autre, l'hydrogène ou un groupe alkyle ayant de 1 à 4 atome de carbone, ou les groupes R4 et R5 ensemble à l'atome d'oxygène auquel ils sont liés, un groupe alkylènedioxy avec 1 à 4 atomes de carbone, ainsi que leurs sels, comme précurseurs de colorants d'oxydation pour la production de colorations d'oxydation (revendication 1).

De manière préférentielle, les groupes R1, R2, R3, R4 et R5 de la formule (I) sont des atomes d'hydrogène (revendication 2) et les indolines de formules (I) ou leurs sels sont utilisées comme coupleurs dans des compositions de coloration d'oxydation des cheveux contenant des précurseurs de colorants d'oxydation usuels (revendication 3).

Ce document est axé sur le problème de stabilité du stockage de la composition contenant des indoles (page 2, dernier paragraphe), résolu par l'utilisation des indolines de formule (I).

Les colorations obtenues sont naturelles, foncées et résistantes (page 3, premier paragraphe).

Les indolines selon D1 peuvent être appliquées dans une gamme de pH allant d'un pH légèrement acide, passant par un pH neutre, à un pH légèrement basique (page 7, lignes 6 à 8).

Bien que l'oxydation puisse être conduite en présence d'oxygène, il est préférable d'utiliser des oxydants chimiques tels que le peroxyde d'hydrogène et des substrats contenant ledit peroxyde d'hydrogène (page 8, deux derniers paragraphes).

D'après le premier paragraphe de la page 9, pour obtenir des colorations profondes et brillantes, l'on doit appliquer d'abord la composition contenant les précurseurs de colorants, la laisser agir pendant une période allant de 10 à 30 minutes et, seulement après, appliquer le moyen d'oxydation, choisi de manière préférentielle parmi le peroxyde d'hydrogène, le peroxyde de disulfate de potassium ou d'ammonium ou un perjodate soluble dans l'eau.

Les exemples de D1 portent respectivement sur :

- un procédé de coloration à pH légèrement acide (valeur non spécifiée), avec oxydation sur les cheveux, comportant l'application, sur les cheveux, en deux étapes, d'une émulsion contenant une indoline et, après 20 minutes, sans rinçage, d'un moyen d'oxydation, soit du peroxyde disulfate d'ammonium (exemple 1) ;

- un procédé de coloration à pH légèrement basique, avec l'oxydation déclenchée avant l'application sur les cheveux, comportant la préparation d'une émulsion contenant une indoline à pH 9,5, suivie par l'ajout de peroxyde d'hydrogène à 3%. Cette composition résultante est appliquée sur les cheveux, donc en une étape (exemple 2) ;

- un procédé de coloration, à pH basique (9,5), en une étape, dans lequel l'indoline est utilisée comme coupleur, dans une composition contenant entre autres les colorants tels que définis à la page 13.

4.3. Avec le procédé de teinture de D1, en particulier avec celui en deux étapes, il était possible d'obtenir une repigmentation profonde et brillante (page 9, lignes 1 à 4). Néanmoins, les conditions n'étaient pas les plus naturelles et la puissance de coloration n'était pas toujours satisfaisante.

Le brevet en litige vise donc à une coloration plus naturelle, puissante, résistante et qui n'entraîne pas de dégradation des fibres, conformément au brevet litigieux (page 2, lignes 18 à 22).

4.4. A ces fins, le brevet attaqué propose un procédé tel que défini dans la revendication 1 en litige, qui est réalisé à pH doux, en présence d'une peroxydase, par application séparée du précurseur, en premier temps, et de l'oxydant, en deuxième temps, tel que défini dans la revendication 1.

4.5. Les exemples présentés dans le fascicule du brevet portent, respectivement, sur la préparation de plusieurs compositions, notamment sur les compositions contenant le précurseur du pigment, celles contenant l'agent oxydant et la peroxydase et sur leur application dans un procédé en deux temps, dans lequel le précurseur est appliqué en premier temps, suivi d'un rinçage et de l'application de l'agent oxydant et de la peroxydase. D'après ces exemples, l'on atteint une teinte de coloration châtain ou blond qui résiste aisément à plusieurs shampooings.

4.5.1. La puissance de la coloration obtenue n'a pas été mesurée et le fascicule de brevet ne comporte pas d'exemples comparatifs par rapport aux colorations obtenues par les procédés de D1 et D3.

4.5.2. Néanmoins, des essais contenant de telles informations ont été soumis durant la procédure d'opposition, devant l'instance du premier degré et également devant la Chambre. D'après ces essais :

a) le procédé faisant l'objet de la revendication 1 en litige donne une teinture plus foncée, donc plus puissante qu'en appliquant le procédé selon D3 aux dérivés indoliques - à savoir, en remplaçant dans le procédé de D3 le précurseur d'oxydation classique par le 5,6-dihydroxyindole - qui consiste à appliquer le peroxyde d'hydrogène en premier temps, puis à faire agir, enfin à appliquer la peroxydase (essais comparatifs joints à la lettre en date du 3 avril 1997) ;

b) l'adjonction de peroxydase permet d'améliorer la puissance tinctoriale en procédant à une teinture à pH voisin de la neutralité - de plus de 58% pour des cheveux naturels et de plus de 174% pour des cheveux permanentés - par rapport au procédé en un temps de D1 mis en oeuvre au même pH (essais comparatifs D7 déposés avec la lettre en date du 21 février 2003) ;

c) la puissance de coloration d'un procédé de teinture en deux temps mettant en oeuvre la peroxydase selon l'invention mais avec la p-phénylènediamine en tant que précurseur de colorant d'oxydation, tel que cité dans D3, en opérant à pH neutre, par rapport à la puissance obtenue d'un procédé de coloration en un temps avec le peroxyde d'hydrogène, n'augmente pas ; elle est plutôt plus faible (essais comparatifs D9 déposés avec la lettre en date du 21. février 2003).

4.5.3. L'intimée a soutenu que ces essais montraient simplement les résultats auxquels l'homme de l'art se serait attendu, au vu de l'art antérieur. Néanmoins, elle n'a pas contesté que le problème avait été résolu par les caractéristiques du procédé tel que défini dans la revendication 1. Ces essais portant sur une partie seulement des variantes du procédé, l'intimée n'a pas contesté non plus la solution du problème dans la portée de la revendication 1 en litige. En fait, elle a affirmé qu'il était techniquement plausible que le problème eût été résolu pour toutes les variantes de la revendication 1. En d'autres termes, d'après l'intimée, le problème avait été résolu, mais la solution était évidente.

4.5.4. Il s'ensuit que l'intimée n'a pas prouvé que les résultats exemplifiés ne seraient pas atteints par les préparations protégées par les termes de la revendication 1.

4.5.5. Par conséquent, la Chambre arrive à la conclusion que le problème tel que défini ci-dessus a été résolu.

4.6. Il reste à décider si la solution revendiquée implique une activité inventive.

4.6.1. L' enseignement général de D1 est d'utiliser un procédé en deux étapes pour repigmenter les cheveux, à savoir de séparer l'application de la composition contenant le précurseur du pigment de l'application de la composition contenant le moyen d'oxydation, afin d'obtenir des colorations profondes, brillantes et résistantes.

Néanmoins, bien que D1 mentionne, entre autres, un pH neutre et le peroxyde d'hydrogène, il ne suggère ni de les utiliser en combinaison ni dans un procédé en deux étapes. Enfin, D1 ne divulgue pas l'utilisation d'une enzyme.

A cet égard, la requérante a montré que le passage du procédé en un temps de l'exemple 2 de D1 au procédé en deux temps évoqué à la page 9, premier paragraphe de D1 conduit à une diminution de la puissance tinctoriale, moins à pH 9,5 qu'à pH 4, sur des cheveux naturels. Sur des cheveux permanentés, on a une légère augmentation à pH 9,5 et une diminution à pH 4 (essais comparatifs D8 déposés avec la lettre en date du 21 février 2003). Pour améliorer la puissance, l'homme de l'art aurait donc d'abord préféré un pH basique.

Par conséquent, D1 ne pouvait conduire l'homme de l'art à l'objet de la revendication 1 en litige.

4.6.2. D3 et D4 ne pouvaient combler les lacunes de D1 pour arriver à l'objet de la revendication 1.

1) D3 concerne un procédé de coloration des cheveux, caractérisé en ce que les cheveux sont traités avec une solution contenant environ 0,01 ppm à environ 500 ppm d'une enzyme peroxydase, environ 0,01 à environ 1% en poids de peroxyde d'hydrogène et environ de 0,001 à environ 6% d'une substance aromatique, qui est un précurseur primaire de colorant d'oxydation, la solution ayant un pH d'environ 4 à 10 (revendication 1).

De manière préférentielle, le précurseur est choisi dans le groupe comprenant la p-phénylène diamine (revendication 5), l'enzyme peroxydase est celle de raifort (revendication 6) et le pH est d'environ 5,5 à 8 (revendication 7).

D'après le mode préféré selon la revendication 8, les cheveux à colorer sont, avant l'addition de l'enzyme, en contact avec la solution contenant le peroxyde d'hydrogène et le précurseur primaire de colorant d'oxydation et restent en contact avec cette solution après l'ajout de l'enzyme.

Dans tous les exemples de D3, l'application de la composition colorante est réalisée de manière à ce que l'agent oxydant et le précurseur soient mélangés avant l'application sur les cheveux, même s'ils étaient emballés de manière séparées. Si la composition est appliquée en deux étapes, la première étape concerne l'application du peroxyde d'hydrogène et du précurseur, la deuxième celle de la peroxydase.

L'enseignement général de D3 est qu'un procédé de coloration à base de peroxyde d'hydrogène et d'une enzyme peroxydase à pH doux ne requiert pas l'utilisation d'un système double de précurseurs aromatiques, primaire et secondaire, mais fonctionne aussi bien à partir d'un seul précurseur. Grâce à ce procédé, le choix du précurseur est plus libre, ce qui permet une gamme de colorations plus ample.

2) D4 décrit un procédé de préparation d'un pigment mélanique, caractérisé par le fait que l'on polymérise un composé répondant à la formule :

FORMULE(I)

dans laquelle :

R représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle, alcoxy, hydroxyalkyle, aminoalkyle, SiR4R5R6 où R4,R5,R6 désignent alkyle, dans lesquels le reste alkyle comporte de 1 à 8 atomes de carbone ou un radical aryle non substitué ou substitué par OH, NH2, alkyle, alcoxy ou NO2;

R1 et R2, identiques ou différents, représentent des groupements alkyle inférieur ou forment ensemble un groupement méthylène ou éthylène, éventuellement substitué par un ou plusieurs groupements alkyle inférieur, R3 représente hydrogène ou COOH, en présence d'un milieu oxydant et d'une enzyme à activité (per)oxydante ou d'un composé ayant une activité similaire (revendication 1).

De manière préférentielle les composés de formule (I) sont choisis parmi le 5,6-diméthoxyindole, le 5,6-méthylènedioxyindole et le 1-méthyl 5,6-diméthoxyindole (revendication 2) ; l'enzyme à activité peroxydante peut être la peroxydase de raifort (revendication 3) ; le milieu oxydant peut être constitué par du peroxyde d'hydrogène (revendication 5) ; l'on procède à la polymérisation oxydative du composé de formule (I), en présence de peroxyde d'hydrogène et de peroxydase de raifort (revendication 6) ; le milieu réactionnel est constitué par de l'eau, un mélange eau-solvant organique et le pH est maintenu à une valeur comprise entre 2 et 11, à l'aide d'un tampon approprié à l'enzyme considérée (revendication 12).

D4 divulgue également un pigment mélanique obtenu par la mise en oeuvre du procédé décrit (revendication 15) et, entre autres, son utilisation en cosmétique (revendication 20).

L'enseignement général de D4 est qu'il est possible de préparer des pigments mélaniques par voie enzymatique, par polymérisation oxydative de dérivés du 5,6-dihydroxyindole dont les fonctions sont bloquées. Ces dérivés ont l'avantage d'être stables et d'un coût relativement bas. Donc, D4 ne porte pas sur une coloration permanente des cheveux.

3) Par conséquent, ni la combinaison de D1 et D3, ni celle de D1 et D4, auraient conduit l'homme de l'art à l'objet de la revendication 1 en litige.

4.6.3. Les autres documents cités n'ont plus été utilisés durant la procédure orale. Ils sont moins pertinents.

4.6.4. Par conséquent, le procédé faisant l'objet de la revendication 1 en litige n'était pas évident.

4.7. Les conclusions tirées de D1 comme état de la technique le plus proche ne sauraient changer si D3, et non D1, représentait l'état de la technique le plus proche.

D3, qui vise à un procédé de coloration d'oxydation classique permettant de se passer de l'utilisation obligatoire de deux précurseurs aromatiques, un primaire et un secondaire, ne porte pas sur une repigmentation des cheveux et ne suggère pas une application en deux étapes telle que revendiquée, dans laquelle le peroxyde est appliqué en deuxième temps, séparément du précurseur.

D1 porte sur une repigmentation des cheveux par des pigments obtenus d'une indoline et prévoit l'utilisation d'un précurseur de coloration d'oxydation classique, néanmoins seulement comme coupleur, soit dans un procédé qui n'utilise pas de peroxydase.

Les autres documents ne suggèrent pas non plus de modifications permettant d'arriver à l'objet tel que revendiqué.

Donc, cette voie ne suggérait pas les caractéristiques de la revendication 1 en litige.

5. En résumé, l' objet de la revendication 1 en litige n'était pas évident au vu des documents cités. Les revendications dépendantes comportent toutes les caractéristiques de la revendication 1 en litige et ne sont donc pas évidentes non plus. Par conséquent, la requête principale satisfait aux exigences de la CBE.

6. Au vu du fait que le brevet peut être maintenue en la forme telle que modifiée selon la requête principale, il n'est pas nécessaire de considérer les requêtes subsidiaires.

7. L'affaire doit donc être renvoyée à l'instance du premier degré afin d'adapter la description aux nouvelles revendications.

A cet égard, dans les parties écrites à la main de la requête principale, la titulaire n'a pas apporté complètement les corrections requises durant la procédure orale, à savoir :

- les erreurs d'orthographe telles que les accents graves sur les définitions "2ème étape";

- la limitation "aqueux", entre "milieu" et "approprié", également dans la définition des deux dernières manières d'application.

De telles corrections peuvent être apportées par la division d'opposition. Elles ne constituent pas, dans le cas présent, une violation des exigences de l'article 111 (2) CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 19 soumises en tant que requête principale au cours de la procédure orale du 2 avril 2003 et une description qui y doit être adaptée.

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