T 0393/98 () of 10.4.2003

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2003:T039398.20030410
Date de la décision : 10 Avril 2003
Numéro de l'affaire : T 0393/98
Numéro de la demande : 92401637.1
Classe de la CIB : C09D 175/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition de revêtement destiné à protéger les glaces en matière plastique, plus particulièrement pour les dispositifs d'éclairage et de signalisation de véhicules automobiles ainsi que procédé pour la réalisation d'un tel revêtement
Nom du demandeur : VALEO VISION
Nom de l'opposant : Hella KG Hueck & Co.
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive - préjugés dans l'état de la technique (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La mention de la délivrance du brevet européen n° 518 779 basé sur la demande de brevet européen n° 92 401 637.1 déposée le 12 juin 1992, a été publiée le 01 mai 1996.

Le libellé de la revendication 1 du brevet s'énonçait :

"Composition de revêtement destinée à protéger, les glaces en matière plastique, plus particulièrement pour les dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules automobiles, caractérisée en ce qu'elle comprend un polyuréthane-polyurée réticulé obtenu par action d'un excès de triisocyanate sur un polyesterpolyol et/ou sur un polyétherpolyol et action de l'humidité de l'air."

II. L'opposante a fait opposition à la délivrance de ce brevet européen, demandant la révocation du brevet dans son intégralité en application de l'article 100 (a) CBE pour manque de nouveauté et d'activité inventive, en se basant, entre autres, sur les documents suivants :

E1 : fiche technique Desmodur N / Desmophen 670, RR 2541/1, Bayer AG, Leverkusen, janvier 1988

E3 : fiche technique Desmodur / Desmophen, "Ergänzende Hinweise zu den Produkt-Merkblättern" Bayer AG, Leverkusen :

Section A1, pages 1 à 9, 01.12.1975

Section A2, pages 1 à 4, 01.01.1980

Section B1, pages 1 à 4

Section B2, pages 1 et 2

section C1, pages 1 à 5, 01.09.1978

section D4, pages 1 à 4, 01.04.1978

E4 : copie d'un télex daté du 01 avril 1985 de Bayer LS-Anwendungstechnik à la société BASF, Farben und Fasern AG, Bereich Herbol, Köln.

E5 : copie d'un télex daté du 21 mars 1984 de Bayer LS-Anwendungstechnik à la société Westfälische Metallindustrie, Hella, Lippstadt

E7 : Hans Kittel, Lehrbuch der Lacke und Beschichtungen, volume 1, Edition W.A. Colomb in der H. Hennemann GmbH, Berlin-Oberschwandorf, 1973, pages 512 à 515, 546 à 557, 570 à 575.

E8 : fiche technique Desmodur / Desmophen / Desmolac, RR 2520/7, Bayer AG, Leverkusen, janvier 1988

III. Par la décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 17 février 1998 et remise à la poste le 04. mars 1998, la division d'opposition a révoqué le brevet pour absence de nouveauté de la composition selon la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) et pour absence d'activité inventive du procédé selon la revendication 1 de la seule requête auxiliaire.

Les motifs de la décision de la division d'opposition peuvent se résumer comme suit :

i) La composition COW 0522/1 décrite dans le document E4 était caractérisée par un rapport NCO/OH de 1,2 et conduisait aux compositions selon la revendication 1 telle que délivrée lorsqu'elle était utilisée selon les modes d'application décrits dans ce document. Le document E4 était accessible au public. La composition selon la revendication 1 de la requête principale n'était donc pas nouvelle.

ii) Le procédé selon la requête auxiliaire était nouveau par le fait que le revêtement subissait une réticulation dans une atmosphère chargée d'humidité, donc une action intentionnelle d'humidification, alors que selon E4 on laissait seulement vieillir le film à température ambiante.

iii) Ce procédé n'impliquait toutefois pas d'activité inventive. E4 représentait l'état de la technique le plus proche et le problème à résoudre était d'améliorer l'étape d'humidification de manière à rendre le procédé de revêtement plus performant en augmentant les cycles de production par unité de temps. La solution qui consistait à exposer le substrat préalablement revêtu, séché et traité thermiquement à un air ambiant chargé d'humidité était déjà suggérée en particulier par le document E3. En outre, il n'avait pas été établi que l'action intentionnelle de l'humidification impliquait un effet qui allait au delà de ce que l'homme du métier pouvait en attendre.

L'absence d'activité inventive résultait également de la combinaison du document E1, qui divulguait une composition avec un rapport NCO/OH de 1, avec le document E3 qui mentionnait l'humidification de l'air, la possibilité d'un rapport NCO/OH supérieur à 1, des mélanges à base de Desmodur et de Desmophen, le séchage des laques comprenant le Desmodur N et le revêtement sur le polycarbonate.

IV. Le 14 avril 1998 la propriétaire (requérante) a introduit un recours contre cette décision en acquittant le même jour la taxe correspondante. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 03 juillet 1998. L'argumentation de la requérante peut se résumer ainsi :

i) Les documents E4 et E5 exposaient des essais réalisés entre différentes sociétés privées qui conformément aux pratiques courantes étaient de nature à être couverts par des accords de confidentialité implicites. Ces documents n'étaient pas accessibles au public et ne pouvaient donc remettre en cause la nouveauté des revendications du brevet.

ii) De ce fait seul E1 aurait pu être valablement opposé à la nouveauté des revendications. Or la formulation décrite dans E1 était caractérisée par un rapport NCO/OH de 1 alors que les revendications du brevet exigeaient un excès de triisocyanate. L'objet des revendications du brevet tel que délivré était donc nouveau.

iii) Selon les revendications du brevet en litige un polyuréthane réticulé était obtenu par l'action d'un excès de triisocyanate sur un polyol, suivie d'une réticulation supplémentaire produite à partir des groupes isocyanates (NCO) excédentaires et l'humidité de l'air. La réaction des isocyanates avec l'eau n'était pas décrite dans l'état de la technique pour les triisocyanates tel que le Desmodur N pour lequel l'art antérieur mettait en évidence un préjugé de l'homme du métier à réaliser une double réticulation. L'invention revendiquée qui consistait justement à combiner les deux types de réticulation impliquait donc une activité inventive.

V. L'opposante (intimée) a répondu au mémoire de recours le 12. novembre 1998 en présentant en résumé les arguments suivants :

i) Les documents E4 et E5 n'étaient pas des documents publics, mais constituaient les preuves d'un usage antérieur qui lui était publique et préjudiciable à la nouveauté de l'objet des revendications selon le brevet litigieux.

ii) En ce qui concerne l'activité inventive, l'homme du métier savait du document E3 qu'une "sous-réticulation" conduisait à des films flexibles mais moins résistants aux intempéries, alors qu'une "sur-réticulation", obtenue en présence d'un excès de groupes NCO réagissant avec l'humidité de l'air, donnait des films plus durs et plus résistants. Or, il était évident pour l'homme du métier que la résistance aux intempéries était importante pour la production de glaces en matière plastique. Bien que le document E3 indiquait que pour le Desmodur N un rapport NCO/OH de 1 était préférable, le document ne mentionnait pas qu'une réaction avec l'eau n'était pas souhaitée.

Le document E8 envisageait une réticulation en présence d'un excès de groupes NCO. Le fait que ce rapport non stoechiométrique était utilisé pour des isocyanates aromatiques n'était pas pertinent. Les résultats obtenus montraient clairement les avantages qu'il était possible de tirer d'une sur-réticulation en présence d'un excès de l'isocyanate aliphatique Desmodur N.

Le document E7 ne démontrait en aucun cas l'existence d'un préjugé contre une sur-réticulation par action de l'humidité. Le document mentionnait que ce principe de réticulation devait être évité dans certains cas mais pouvait également être important et donc souhaité dans d'autres cas.

L'objet des revendications du brevet litigieux n'impliquait donc pas d'activité inventive.

VI. Par la citation datée du 15 novembre 2002 la chambre a invité les parties à comparaître à une procédure orale devant se tenir le 10 avril 2003. Les points à discuter lors de cette procédure orale ont été mentionnés dans une notification de la chambre datée du 19. décembre 2002.

VII. L'intimée et la requérante ont déclaré respectivement avec les lettres datées du 11 décembre 2002 et du 06. mars 2003 qu'elles n'assisteraient pas à la procédure orale.

VIII. La procédure orale s'est tenue devant la chambre le 10. avril 2003 en l'absence des parties. Conformément à l'article 11 (3) et (4) du Règlement de Procédure des Chambres de Recours et la règle 71 (2) CBE, la présente décision a été prise à l'issue de la procédure orale.

IX. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré. La requête auxiliaire sur laquelle se fonde également la décision contestée n'a pas été présentée au stade du recours.

L'intimée requiert le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable

2. L'intimée a objecté la nouveauté des compositions selon le brevet litigieux sur la base du document E1 et en invoquant d'autre part un usage antérieur public illustré en particulier par le document E4. Ces deux attaques de nouveauté ont été contestées par la requérante qui a fait valoir que le document E1 ne divulguait pas un excès de triisocyanate et que l'usage antérieur devait être couvert par des accords de confidentialité et n'était par conséquent pas accessible au public. Comme mentionné dans la notification de la chambre datée du 19 décembre 2002, ces deux points auraient du être discutés lors de la procédure orale. En l'absence des parties à la dite procédure orale la chambre n'a pas été en mesure d'élucider toutes les questions se rapportant à ces objections de nouveauté. Cependant, au vu du résultat de l'analyse de l'activité inventive par la chambre (voir le paragraphe ci-dessous), il n'est pas nécessaire de trancher la question litigieuse de la nouveauté puisqu'elle n'influence pas le résultat final du recours.

3. Activité inventive

3.1. Etat de la technique le plus proche

Le brevet litigieux concerne des compositions de revêtement destinées à protéger les glaces en matière plastique, plus particulièrement les dispositifs d'éclairage et de signalisation de véhicules automobiles.

Le document E1 concerne également une composition de revêtement destinée au même domaine d'application que les compositions du brevet litigieux. L'usage antérieur illustré par le document E4 pourrait représenter un état de la technique plus proche de l'invention que le document E1. Toutefois, en l'absence des parties à la procédure orale, la chambre n'a pas été en mesure de lever les derniers doutes qu'elle avait au sujet de l'accessibilité au public de cet usage antérieur. Dans ces circonstances, et comme le résultat final de l'évaluation ne s'en trouve pas modifié, il est approprié de partir du document E1 pour l'analyse de l'activité inventive.

Le document E1 décrit un revêtement auto-cicatrisant (self-healing) pour des surfaces en polycarbonate obtenu à partir d'une solution (I) de Desmophen 670 et d'une solution (II) de Desmodur N 100 (page 1, titre et paragraphes "Desmophen-Komponente" et Desmodur-Komponente"). Il n'a pas été contesté que le Desmophen 670 est un polyesterpolyol et que le Desmodur N 100 est un triisocyanate, et que le mélange des deux solutions donne naissance par polymérisation à un polyuréthane. Avant l'application sur la surface en polycarbonate, les deux solutions sont mélangées dans un rapport solution (I)/ solution (II) d'environ 100/15. Dans le mélange ainsi préparé les groupements isocyanates (NCO) et hydroxy (OH) se trouvent dans un rapport molaire stoechiométrique (1:1) ou selon les calculs de l'intimée dans un rapport molaire NCO/OH de 1,005:1 donc très proche de la stoechiométrie. L'application du mélange est effectuée par trempage de la surface à traiter dans le mélange des deux solutions ou par pulvérisation du mélange sur la surface (page 2, "Verarbeitungshinweise"). Le revêtement ainsi obtenu offre une bonne adhésion sur différents types de polycarbonates et confère à la surface ainsi traitée une meilleure résistance à l'abrasion et une résistance aux solvants satisfaisante (page 3, "Filmeigenschaften").

3.2. Problème technique à résoudre

3.2.1. A des fins de comparaison, les exemples 1 à 6 du brevet litigieux ont été réalisés avec un rapport molaire NCO/OH de 1, correspondant au rapport stoechiométrique de la réaction de formation du polyuréthane. Ces exemples ne reproduisent pas exactement la composition selon le document E1 mais reprennent la caractéristique qui distingue cette composition des compositions selon le brevet litigieux, notamment un rapport molaire NCO/OH de 1. Le brevet litigieux mentionne pour les revêtements obtenus selon ces exemples différents inconvénients notamment, des traces laiteuses après un séjour en atmosphère industrielle (exemple 1), une perte d'adhérence sur la surface traitée (exemple 3), un jaunissement rapide (exemples 2 et 3), une dureté superficielle trop faible (exemple 4), une mauvaise résistance aux solvants (exemple 5) et des défauts du revêtement tels que cratères et microbulles (exemple 6) (brevet, page 5, lignes 1 à 8).

3.2.2. Le problème technique à résoudre par l'invention objet du brevet litigieux était d'améliorer les propriétés des compositions de revêtement en particulier leur résistance à l'abrasion, au jaunissement et à l'exposition aux solvants et à l'atmosphère industrielle (brevet page 2, ligne 57 à page 3, ligne 2 ; page 5, lignes 9 à 11).

3.3. Solution et activité inventive

3.3.1. La chambre est satisfaite au vu des exemples 7 et 8 du brevet litigieux, que le problème tel que défini ci-dessus a bien été résolu par les compositions de revêtement objet de la revendication 1 du brevet opposé (page 5, lignes 9 à 11). Ceci n'a pas été contesté par l'intimée.

3.3.2. La question qui se pose est donc de savoir si la solution au problème technique énoncé ci-dessus, qui consiste en une composition de revêtement selon la revendication 1 du brevet litigieux, découlait à l'évidence pour l'homme du métier de l'état de la technique disponible.

3.3.3. La composition selon la revendication 1 du brevet opposé se distingue de la composition de l'état de la technique le plus proche E1 uniquement par le fait qu'elle présente une réticulation supplémentaire obtenue par l'action de l'humidité sur un excès de groupes NCO par rapport aux groupes OH.

Selon le document E3, les propriétés des revêtements obtenus à partir de composants "Desmophen" contenant des groupes OH et de composants "Desmodur" contenant des groupes isocyanate sont dépendantes du rapport molaire NCO/OH. En présence d'un excès de groupes NCO (NCO/OH > 1), les groupes NCO excédentaires réagissent avec l'humidité de l'air pour produire des revêtements plus durs et plus résistants aux composés chimiques (E3, section B1, page 3). Le même enseignement peut être tiré du document E8 qui mentionne pour les compositions à base de Desmodur et de Desmophen, qu'un rapport NCO/OH de 1,2 désigne une "sur-réticulation" par laquelle on obtient des films plus durs et particulièrement résistants aux solvants (page 9, paragraphe 4).

3.3.4. La requérante a fait valoir que l'état de la technique ne préconisait pas de réticulation supplémentaire en présence d'humidité de l'air et d'un excès de groupes NCO dans le cas des triisocyanates tels que le Desmodur N. Pour ce type d'isocyanate les documents E3 et E8 indiquaient que le rapport NCO/OH était avantageusement égal à 1. L'art antérieur mettait ainsi en évidence un préjugé de l'homme du métier à utiliser des rapports molaires supérieurs à 1 dans le cas des triisocyanates. En outre, le document E7 préconisait d'éviter la réticulation intempestive des isocyanates au contact de l'eau en faisant remarquer que l'action de l'humidité de l'air n'était importante que quand elle seule réalisait la formation du film.

La chambre ne peut partager ce point de vue de la requérante. En effet le document E3 ne fait qu'indiquer que des rapports non stoechiométriques sont préférables pour des compositions à base de Desmodur L, IL et HL alors que pour le Desmodur N un rapport NCO/OH de 1 est la plus part du temps à favoriser (section B1, page 3, avant dernier paragraphe). Le document n'exclue donc pas complètement la possibilité d'un excès de groupes NCO dans le cas du Desmodur N. En outre le document mentionne que pour le Desmodur L, qui est selon le même document un triisocyanate (section A1, page 3) et qui peut par conséquent être envisagé pour les compositions objet du brevet opposé, la possibilité d'utiliser des rapports molaires non stoechiométriques. Le document E8 traite des polyisocyanates en général sans faire de distinction particulière pour les triisocyanates. Le document E7 mentionne que la réaction des isocyanates avec des composés polyhydroxylés doit se faire en l'absence d'eau sauf lorsque l'action de l'eau sur les isocyanates est essentielle et souhaitée pour la réalisation des revêtements (page 547).

Selon la jurisprudence constante des chambres de recours un préjugé ne peut être un indice en faveur de l'existence d'une activité inventive que lorsqu'il se fonde sur un avis largement répandu mais inexact à propos d'un fait technique (La jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, 4ème Edition 2001, I.D.7.2, p.153 de la version française). Dans le cas d'espèce aucun de ces deux critères n'a été démontré par la requérante. Par conséquent, la chambre ne peut reconnaître le préjugé invoqué par la requérante.

3.3.5. Il était ainsi évident pour l'homme du métier au vu de l'enseignement des documents E3 et E8, que les propriétés, en particulier la résistance à l'abrasion et aux produits chimiques, de la composition de revêtement connue du document E1 pouvait être améliorée en présence d'un excès de triisocyanate par l'action de l'humidité de l'air. Comme ces propriétés sont d'une importance fondamentale pour le domaine d'application prévu par le brevet litigieux, notamment pour les dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules automobiles, la solution que propose le brevet litigieux au problème technique s'imposait à l'évidence à l'homme du métier.

3.4. L'objet de la revendication 1 du brevet litigieux n'implique donc pas d'activité inventive (article 56 CBE).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

Le recours est rejeté.

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