European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2001:T091497.20010222 | ||||||||
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Date de la décision : | 22 Fevrier 2001 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0914/97 | ||||||||
Numéro de la demande : | 89400156.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | C01F 7/68 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Chlorosulfate basique d'aluminium, son procédé de fabrication, son utilisation comme agent floculant | ||||||||
Nom du demandeur : | Atofina | ||||||||
Nom de l'opposant : | (01) Metallgesellschaft AG, Frankfurt/M (02) Giulini Chemie GmbH |
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Chambre : | 3.3.05 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Usage public antérieur (oui) Nouveauté (oui) - après modification Activité inventive (oui) - solution non évidente |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. L'intimée est titulaire du brevet européen n 0 327 419.
II. Les deux requérantes ont fait opposition et demandé la révocation complète du brevet européen. Pour en contester la brevetabilité, elles ont opposé quatre documents dont le suivant :
D2: FR-A-2 036 685
III. Par décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 16 avril 1997, la division d'opposition a estimé que les motifs invoqués par les opposantes ne s'opposaient pas au maintien du brevet sans modification.
IV. La requérante 01, Metallgesellschaft AG, et la requérante 02, Giulini Chemie, ont formé recours contre cette décision.
Dans son mémoire de recours, la requérante 01 a fait valoir pour la première fois l'usage public antérieur d'un chlorosulfate basique d'aluminium fabriqué par la société Sachtleben Chemie GmbH et commercialisé sous le nom de Sachtoklar. Parmi les preuves soumises à cet effet, les documents suivants ont été retenus par la Chambre comme étant pertinents pour la présente décision :
A2: Analysendaten von Sachtoklar
A5: Sachtoklaranalyse
V. Par lettre du 31 janvier 2001, l'intimée a soumis deux nouveaux jeux de revendications servant de bases à une première et une deuxième requête auxiliaire. Le premier jeu de revendications est formé des revendications de produit 1 à 5 , des revendications de procédé de fabrication 6 et 7 et de la revendication d'usage 8. Les modifications apportées à la revendication 1 concernent le taux d'ions sulfates précipitables par la réaction avec le chlorure de baryum et la basicité du chlorosulfate basique d'aluminium qui étaient, respectivement, moins de 20% et entre 45 et 70% selon la revendication 1 telle que délivrée. Les revendications 2 à 8 sont restées essentiellement inchangées. Les présentes revendications indépendantes s'énoncent comme suit :
"1. Chlorosulfate basique d'aluminium qui se présente sous forme d'une solution aqueuse, caractérisé en ce qu'il comprend :
- un produit de formule :
AlnClm(OH)3n+2k-m-2p(SO4)pXk
dans laquelle :
. n, m, p et k représentent les concentrations molaires (mol/l) des composants en solution,
. X représente un alcalino-terreux, de préférence le calcium,
. moins de 5% des ions SO42- sont précipitables par la réaction avec le chlorure de baryum à température ambiante, dont la basicité :
3n + 2k -m -2p
______________
.....3n......
est comprise entre 50 et 70%."
"6. Procédé de fabrication de chlorosulfate basique selon la revendication 1, caractérisé en ce que :
a) on met en contact en solution aqueuse de l'oxyde d'aluminium, de l'acide chlorhydrique et de l'acide sulfurique dans les proportions suivantes :
.........HCl...........
1,89 < _________ < 2,44
.......Aluminium.......
.........H2SO4...........
1,37 < __________ < 1,73,
.......Aluminium.........
.......................H2SO4..........
de préférence 1,42 < _________ < 1,68,
.....................Aluminium........
l'aluminium étant exprimé en Al2O3 les rapports étant molaires,
b) on met en contact cette solution avec un composé alcalino-terreux, le rapport molaire entre le composé alcalino-terreux et l'aluminium exprimé en Al2O3 étant compris entre 1,63 et 1,70,
c) on élimine le sulfate alcalino-terreux."
"8. Procédé de traitement d'un milieu aqueux, caractérisé en ce qu'on utilise un produit selon l'une des revendications 1 à 5."
VI. Les requérantes ont fait valoir, par écrit et au cours de l'audience tenue le 22 février 2001 devant la Chambre de recours, essentiellement les arguments suivants :
- Il existe un recoupement entre les caractéristiques de Sachtoklar et du produit revendiqué, lequel manquerait donc de nouveauté.
- D2 est pertinent pour l'évaluation de l'activité inventive.
VII. Les arguments essentiels développés par l'intimée ont été :
- Le produit Sachtoklar n'est pas de nature à détruire la brevetabilité du produit revendiqué.
- L'interprétation du document D2 donnée par la requérante 02 résulte d'une analyse a posteriori.
VIII. A la fin de l'audience, les requérantes (opposantes) ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.
L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet des recours, l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de sa requête principale (ancienne première requête auxiliaire déposée par lettre du 31 janvier 2001) ou de sa requête subsidiaire (ancienne deuxième requête auxiliaire déposée par lettre du 31 janvier 2001).
Motifs de la décision
Requête principale
1. Modifications
1.1. Les modifications à la revendication 1 sont fondées sur la demande originaire, page 2, lignes 1 à 2 et lignes 35 à 37.
1.2. Par rapport à la revendication 1 telle que délivrée, la proportion d'ions SO42- précipitables est réduite de 20% de la teneur totale en sulfate à moins de 5% et la basicité du chlorosulfate basique d'aluminium réduite de la plage de valeurs entre 45 à 70% à une plage de valeurs entre 50 et 70%. Les modifications n'étendent donc pas la protection.
1.3. En conséquence, la revendication 1 ainsi modifiée satisfait aux conditions énoncées à l'article 123(2) et (3) CBE.
2. État de la technique constitué par Sachtoklar
La Chambre constate que l'usage antérieur de Sachtoklar n'a jamais été dénié. Etant donné que l'intimée ne conteste plus la présence de calcium dans Sachtoklar, il est admis que ce produit commercial correspond à la formule générale indiquée dans la revendication 1. Néanmoins, il reste à la Chambre de statuer sur les caractéristiques de ce produit, en particulier sa teneur en ions sulfates complexés et sa basicité, tel qu'il était connu à la date de priorité du brevet litigieux.
2.2. Si les comptes rendus d'analyses établis entre le premier décembre 1982 et le 31 juillet 1991 montrent la teneur totale en sulfate et la basicité des produits obtenus, ils sont muets quant à la proportion d'ions sulfates complexés par rapport au total (A5, pages 1 à 6). Cette dernière caractéristique fut déterminée seulement après la date de priorité et sur des échantillons Sachtoklar produits en 1997 (voir A2 et Mémoire de recours de la requérante 01, page 6, paragraphe 2).
Selon les résultats repris dans le document A2, le pourcentage de sulfate complexé de ces échantillons aurait varié entre 76 et 100% du taux de sulfate total. Cependant, la Chambre constate que, à l'exception de l'échantillon du 20 juin 1997, ce même pourcentage varie entre 76 à 91% pour des valeurs de basicité entre 42 et 46%. L'échantillon du 20 juin 1997, dont le total des ions sulfates est complexé, a par contre une basicité de 50%.
Or, il est indéniable que la spécification concernant la basicité du Sachtoklar est de 46%, avec une tolérance de 3%. Cette spécification est par exemple clairement indiquée en en-tête des comptes rendus d'analyses établis entre 6 janvier 1997 et 23 septembre 1997 (voir A5, page 7). Un échantillon ayant les données analytiques de celui du 20 juin 1997 n'aurait pas satisfait aux spécifications garanties par la société Sachtleben. A priori, il n'y a donc aucune raison d'admettre qu'un tel lot de production a été mis à la disposition du public (notamment par livraison à un client).
2.3. En conséquence, même si la Chambre acceptait la thèse de la requérante 01 à savoir que les caractéristiques principales du produit Sachtoklar seraient restées sensiblement inchangées au cours des années de production, il n'a pas été prouvé qu'un échantillon quelconque, accessible au public avant la date de priorité du brevet attaqué, avait un pourcentage de sulfate complexé dépassant 91% du taux de sulfate total.
3. Nouveauté
Le produit selon la revendication 1 se distingue de Sachtoklar au moins par la condition que moins de 5% des ions SO42- sont précipitables par la réaction avec le chlorure de baryum à température ambiante, ou en d'autres termes, par la condition que le pourcentage de sulfate complexé dépasse 95% du taux de sulfate total (voir aussi fascicule du brevet, page 2, lignes 37 et 38).
Comme la teneur en ions sulfates complexés n'est divulguée nulle part ailleurs pour des chlorosulfates d'aluminium connus, le produit revendiqué est nouveau.
4. Activité inventive
4.1. Il est apparu clairement à l'audience du 22 février 2001 que le produit commercial Sachtoklar constitue l'état de la technique le plus pertinent par rapport au chlorosulfate basique d'aluminium selon la revendication 1.
Par rapport à ce nouvel état de la technique, le problème technique à résoudre reste cependant le même que celui déjà exposé dans la description du brevet, notamment la réalisation d'un agent floculant avec des propriétés améliorées. En particulier, l'agent floculant désiré devrait réduire le niveau d'aluminium restant dans les eaux traitées, sans pour autant perdre son efficacité sur d'autres plans (voir aussi fascicule de brevet, page 2, lignes 3 à 13 et lignes 33 à 36).
4.2. La solution proposée à la revendication 1 est un chlorosulfate basique d'aluminium caractérisé par :
a) un taux d'ions sulfates précipitables de moins de 5% du total des ions sulfates et
b) une basicité comprise entre 50 et 70%.
4.3. L'intimée a démontré que le produit revendiqué permet d'obtenir une teneur en aluminium résiduel faible, tout en affranchissant des travaux préalables quelque soit le pH de l'eau à traiter (voir exemple 5). Dans sa lettre du 18 mai 1998, elle a de plus affirmé que le produit Sachtoklar ne donne pas entière satisfaction à cet égard (voir page 5, paragraphe 1). Bien que cette thèse ne soit pas appuyée par des résultats d'expérimentation directement obtenus avec le produit Sachtoklar, la Chambre observe que l'effet avantageux des ions sulfates complexés est déjà démontré dans l'exemple 4 du brevet. Il est donc crédible que le produit revendiqué ayant un taux d'ions sulfates complexés plus élevé que le produit Sachtoklar soit aussi plus efficace quant au niveau d'aluminium résiduel dans les eaux traitées. Force est de conclure que le problème technique posé est résolu par la solution proposée à la revendication 1.
4.4. Comme déjà indiqué ci-dessus, la teneur en ions sulfates complexés n'est jamais mentionné dans l'art antérieur. A forteriori, l'homme du métier ne pouvait s'attendre à ce que cette caractéristique puisse contribuer à résoudre le problème technique posé (voir ci-dessus, point 4.1).
4.4.1. Selon la requérante 02, D2 mentionne le fait que les ions de sulfates qui se trouvent dans l'eau brute à traiter n'ont aucune action particulière sur la coagulation et qu'il est nécessaire d'incorporer à l'avance les sulfates dans le produit avant l'utilisation (voir page 5, lignes 28 à 38). L'explication donnée à ce sujet est que, dans les chlorosulfates basiques d'aluminium, les ions sulfates sont absorbés dans les ions complexes polynucléaires, en réticulant l'aluminium à l'état de M-SO4 conjointement avec des groupes OH. Ce serait donc cette forme spéciale de produit coagulant qui accélère la formation de flocons (voir page 6, lignes 1 à 13 et lignes 29 à 31).
4.4.2. La Chambre concède que l'homme du métier aurait pu tirer de D2 l'enseignement selon lequel, pour améliorer l'effet coagulant du chlorosulfate basique d'aluminium, il devrait réaliser un maximum taux d'ions sulfates complexés dans le chorosulfate basique d'aluminium, pour autant que les ions sulfates solubles (donc précipitables par réaction avec du chlorure de baryum) ne contribuent pas à l'effet coagulant.
Il est cependant à rappeler que le produit Sachtoklar est obtenu selon les conditions opératoires du brevet allemand qui correspond au document D2 (voir Mémoire de recours de la requérante 01, page 4, paragraphe 1 et réponse de l'intimée en date du 18 mai 1998, page 5, paragraphe 1). Dans D2, il est reconnu qu'une quantité de sulfate reste toujours en solution due à la solubilité du sulfate de calcium (page 8, lignes 1 à 9). Apparemment, cette observation est confirmée par le fait qu'à une exception près, le produit Sachtoklar contient un taux d'ions sulfates solubles d'au moins 9% du total (voir ci-dessus, points 2.2 et 2.3). Partant de la présomption que Sachtoklar est un produit qui a été optimisé quant à l'usage visé, la Chambre doit conclure que, sans connaissance du présent brevet, il n'était pas possible ou du moins pas évident pour l'homme du métier d'atteindre un taux d'ions sulfates solubles nettement plus bas, notamment de moins de 5%, en restant dans les contraintes de D2.
4.4.3. En conséquence, la Chambre considère que la réalisation d'un chlorosulfate basique d'aluminium tel que défini à la revendication 1, dans le but d'abaisser le niveau d'aluminium résiduel dans les eaux traitées, ne découle pas de l'art antérieur à l'évidence.
5. Les calculs fournis par l'intimée pour comparer les conditions opératoires selon la revendication 6 et l'état de la technique n'ont pas été mis en cause par les requérantes (voir par exemple lettre du 18 mai 1998, chapitres VI et VII). Il est donc indéniable que l'état de la technique ne révèle pas un procédé de préparation où les rapports molaires des réactifs mis en oeuvre pour la fabrication de chlorosulfate basique correspondent à l'ensemble des rapports définis à la revendication 6.
Par ailleurs, ces rapports molaires sont sélectionnés dans le but de mener à un produit selon la revendication 1. qui est nouveau et inventif (voir ci-dessus). Par la même logique, le procédé revendiqué implique donc aussi une activité inventive.
La conclusion s'étend aux revendications 2 à 5 et 7 qui concernent des modes de réalisation préférés du produit ou du procédé selon la revendication 1 ou 6, respectivement, ainsi qu'à la revendication 8 concernant l'usage des produits revendiqués.
En conséquence, il peut être fait droit à la requête principale.
DISPOSITIF
Pour ces motifs, il est statué comme suit :
La décision entreprise est mise à néant.
La cause est renvoyée à la première instance avec l'ordre de maintenir le brevet avec les documents suivants :
- revendications 1 à 8 (requête principale, ancienne première requête auxiliaire)
- description à adapter en conséquence.