T 0624/96 () of 6.2.1997

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1997:T062496.19970206
Date de la décision : 06 Fevrier 1997
Numéro de l'affaire : T 0624/96
Numéro de la demande : 92919368.8
Classe de la CIB : B01D 1/00
H05B 3/10
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé et dispositif de vaporisation d'un liquide contenu dans un corps poreux
Nom du demandeur : ASSOCIATION POUR LA RECHERCHE ET LE DEVELOPPEMENT (ARMINES)
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.4.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 122
Mot-clé : Erreur isolée, irrationnelle et circonstances spéciales ayant empêché la vérification initiale habituelle ; restitutio in integrum (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
J 0002/86
J 0031/89
T 0853/90
T 0427/93
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n 92 919 368.8 (n de publication 0 558 723) a été rejetée par décision portant la date postale du 2 février 1996.

II. Le requérant (demandeur) a formé un recours par lettre du 2 avril 1996 parvenue à l'Office européen des brevets le 4 avril 1996, dans laquelle il était précisé qu'un mémoire de recours serait, conformément à l'article 108 de la CBE, introduit prochainement. La taxe de recours a été acquittée le 2 avril 1996.

III. Le greffe des Chambres de recours a avisé le requérant, par notification du 17 juillet 1996, que le mémoire exposant les motifs du recours n'avait pas été déposé, que, suite à cette irrégularité, le recours serait probablement rejeté comme irrecevable (article 108, règle 65(1) CBE) et que des observations éventuelles pouvaient être présentées dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification. De plus, l'attention du requérant était attirée sur l'article 122 CBE (restitutio in integrum).

IV. Par fax du 13 septembre 1996, le requérant a présenté une requête de restitutio in integrum. Le fax contenait de plus une argumentation concernant une erreur ayant résulté en ce que le mémoire exposant les motifs du recours n'avait pas été déposé dans le délai prescrit. Le fax précisait que l'acte non accompli, à savoir le dépôt du mémoire de recours, était effectué par les présentes et ledit mémoire de recours était joint à cet effet en annexe. Le bordereau de règlement de la taxe de restitutio in integrum était également joint en annexe. De plus, une procédure orale était requise à titre subsidiaire.

V. Suite à ce fax, la Chambre de recours a émis une notification, le 18 octobre 1996, à laquelle étaient annexées des copies de la décision J 02/86, JO OEB 1987, 362 et des décisions (non publiées) J 31/89 du 31. octobre 1989 et T 853/90 du 11 septembre 1991, et a exprimé son opinion préalable en substance comme suit :

Il n'avait pas été établi de façon crédible par l'argumentation du requérant que l'erreur en question était bien une erreur isolée dans un système fonctionnant sinon correctement et que des circonstances spéciales étaient de nature à expliquer une telle erreur; les informations disponibles ne permettaient pas d'écarter l'éventualité d'une erreur de droit due à l'ignorance des règles de la Convention ou à une mauvaise interprétation de ces règles. Il n'était donc pas possible de conclure qu'il y avait une disproportion entre la sanction (perte de la demande) et la faute. Par conséquent, il semblait que, si l'erreur en question résultait bien d'un manque de vigilance nécessitée par les circonstances, cela pouvait entraîner un rejet de la requête en restitutio pour inadmissibilité (Art. 122 CBE).

VI. Le requérant a fourni par un nouveau fax, le 18. décembre 1996, des explications complémentaires ainsi que des copies en noir et blanc de diverses pièces, dont des copies en couleur sont parvenues à l'OEB le 20. décembre 1996 avec la lettre de confirmation. Parmi ces pièces se trouvaient des pages de l'agenda du mandataire du requérant pour la période au cours de laquelle il y aurait eu l'erreur en question, une attestation d'arrêt de travail pour raisons médicales signée d'un médecin et concernant la responsable administrative dudit mandataire, une attestation écrite de ladite responsable administrative ainsi que des programmes de stages organisés par l'IRPI (Institut de recherche en propriété intellectuelle) en 1995 et en 1996 à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, comportant des exposés, en particulier par ledit mandataire, sur le brevet européen et la procédure devant l'OEB.

L'ensemble de l'argumentation du requérant peut se résumer de la façon suivante :

La décision de rejet de la demande porte la date postale du 2 février 1996 et est parvenue chez le mandataire le 6. février. Ce même jour, le mandataire a indiqué oralement à la responsable administrative comme dates pour l'engagement du recours et le paiement de la taxe le 2 avril, et pour le dépôt du mémoire de recours le 2. août 1996 (sic!). La responsable administrative a reporté immédiatement ces deux dates, ainsi que les dates de rappel respectives, sur son agenda et sur l'agenda du mandataire et, au crayon, sur le dos du dossier. En raison de différentes urgences ce jour même, la responsable a différé au lendemain la vérification, à laquelle elle procède toujours. La responsable administrative a dû ensuite s'absenter quelques jours, pour des raisons médicales, ce qui l'a empêchée de procéder aux vérifications auxquelles elle procède habituellement. Une attestation médicale datée du 7. février 1996 pour un arrêt de travail jusqu'au 11. février 1996 est fournie à cet effet. A son retour, un surcroît de travail se présentait et, de ce fait, la responsable administrative a omis de procéder au contrôle des dates, d'autant plus que le dossier en question ne se trouvait plus dans sa pile de dossiers à contrôler, puisqu'en son absence il avait été repris par le mandataire afin de traiter certains éléments avec le client; par la suite, la procédure s'est déroulée en prenant en compte les dates inscrites sur les agendas et sur le dossier.

La restitutio requise est justifiée car il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que :

a) il s'agit d'une erreur isolée, unique, la première, dans un système fonctionnant d'autre part correctement ;

b) cette erreur concernant les délais de dépôt du mémoire de recours est accidentelle, inexplicable, irrationnelle et, pour cette dernière raison, aucun système de contrôle ne pouvait permettre de la déceler ;

c) il y a disproportion entre la sanction (perte de la demande) et la faute (isolée, unique, première, irrationnelle), en ce sens que le rejet ne concernait que les revendications d'appareil.

Motifs de la décision

1. Puisqu'un mémoire exposant les motifs du recours n'a pas été fourni dans le délai fixé à cet effet par l'article 108, en tenant compte de la règle 78(3) CBE, le recours devrait être rejeté comme irrecevable en application de la règle 65(1) CBE, sauf si la requête en restitutio soumise par le requérant est accordée.

2. Une telle requête a été déposée par le requérant. En vertu de l'article 122(4) CBE, la Chambre est compétente pour décider sur la requête en restitutio, car l'acte non accompli concerne une procédure de recours.

3. La requête en restitutio satisfait aux conditions des paragraphes 2 et 3 de l'article 122 CBE.

4. La condition préalable à la restitutio stipulée par l'article 122(1) CBE est que le demandeur du brevet européen a bien fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances. Si le demandeur a mandaté un agent en brevet professionnel (mandataire), ce dernier doit aussi démontrer qu'il a bien fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.

5. Dans le cas présent, en tenant compte de l'argumentation du mandataire, il ressort que la suite des événements ayant conduit à l'erreur par laquelle le mémoire de recours n'a pas été fourni dans le délai requis est la suivante :

La décision de rejet de la demande porte la date postale du 2 février 1996. Il est donc crédible que, comme mentionné par la responsable administrative dans son attestation, la décision est parvenue chez le mandataire le 6 février. Selon l'attestation de la responsable administrative, le mandataire a indiqué oralement comme dates pour l'engagement du recours et le paiement de la taxe le 2 avril, et pour le dépôt du mémoire de recours le 2 août 1996 (sic!). La responsable administrative a reporté immédiatement ces deux dates, ainsi que les dates de rappel respectives, sur son agenda et sur l'agenda du mandataire et, au crayon, sur le dos du dossier. En effet, les copies de l'agenda de la responsable administrative comportent le délai de rappel pour déposer le recours, noté au 1er mars 1996 (en bleu), délai ultime pour déposer le recours, au 1er avril 1996 (en rouge), délai de rappel pour déposer le mémoire de recours, noté au 2 juillet 1996 (en bleu) et délai ultime pour déposer le mémoire de recours, noté au 2 août 1996 (en rouge), toutes ces indications faisant référence à "ARM-EP-55", ce qui peut correspondre de façon crédible à la présente demande de brevet européen, dont le demandeur est l'Association pour la Recherche et le Développement des Méthodes et Processus Industriels (ARMINES). Les copies de l'agenda du mandataire font également référence à des dates correspondantes pour les mêmes démarches.

En raison de différentes urgences (notamment établissement de devis pour des extensions à l'étranger de brevets, sortie et contrôle de portefeuille brevets d'un client) le jour de la réception de la décision contestée (le 6 février 1996), la responsable a, selon son attestation, mais aussi selon l'argumentation du mandataire, différé au lendemain la vérification, à laquelle elle procède toujours. De la copie de l'agenda du mandataire, il ressort en effet que le 6 février 1996 était une journée particulièrement chargée, avec cinq entrées.

Selon l'argumentation du mandataire, la responsable administrative a dû ensuite s'absenter quelques jours, ce qui l'a empêchée de procéder aux vérifications auxquelles elle procède habituellement. La responsable administrative, selon son attestation, a fait une chute le 7 février au matin, ce qui a provoqué une entorse à une cheville déjà accidentée quelques années auparavant. Ceci est confirmé par une copie d'une attestation médicale datée du 7 février 1996 pour un arrêt de travail jusqu'au 11 février 1996 et mentionnant que l'arrêt faisait suite à un accident antérieur, en 1982.

La responsable administrative ajoute ensuite, dans son attestation, que ces quelques jours d'absence ont fait que, à son retour, un surcroît de travail se présentait et que, de ce fait, elle a omis de procéder au contrôle des dates, d'autant plus que le dossier en question ne se trouvait plus dans sa pile de dossier à contrôler, puisqu'en son absence il avait été repris par le mandataire afin de traiter certains éléments avec le client ; par la suite, la procédure s'est déroulée en prenant en compte les dates inscrites sur les agendas et sur le dossier.

6. Il ressort donc de l'ensemble des pièces du dossier que le mémoire exposant les motifs du recours n'a pas été déposé dans les délais requis en raison d'une erreur initiale, le mandataire ayant mentionné oralement la date erronée du 2 août 1996, donc quatre mois après le dépôt du recours, et non quatre mois après la date de la décision contestée, et d'un concours de circonstances ayant empêché la vérification de ces dates, à laquelle la responsable administrative procédait habituellement, qui aurait permis de détecter cette erreur initiale. Selon le requérant :

a) il s'agit d'une erreur isolée, unique, la première, dans un système fonctionnant d'autre part correctement ;

b) cette erreur est accidentelle, inexplicable, irrationnelle et, pour cette dernière raison, aucun système de contrôle ne pouvait permettre de la déceler ;

c) il y a disproportion entre la sanction (perte de la demande) et la faute (isolée, unique, première, irrationnelle), en ce sens que le rejet ne concernait que les revendications d'appareil.

7. Il convient de remarquer que, conformément à la décision J 02/86 (voir point 4) mentionnée ci-dessus, l'article 122 vise à assurer qu'une méprise survenant isolément dans l'application d'un système sinon normalement satisfaisant n'entraîne pas une perte de droit, si le cas le justifie; il a été estimé que, compte tenu des déclarations et preuves fournies par le requérant pour clarifier les faits exposés dans la requête en restitutio, celui-ci, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n'a pas été en mesure, en raison de ces circonstances spéciales, d'effectuer les opérations nécessaires.

Dans la présente affaire, les pièces fournies par le requérant, en particulier l'attestation de la responsable administrative, l'attestation médicale pour l'arrêt de travail et les copies des agendas, clarifient la situation et montrent de façon crédible que le système de surveillance des délais fonctionnait normalement de façon satisfaisante et que les circonstances particulières exposées étaient spéciales et de nature à expliquer une erreur. En particulier, la responsable administrative procédant de façon habituelle, "toujours" d'après son attestation, aux vérifications nécessaires et n'ayant pu le faire en raison desdites circonstances particulières, il est crédible que le mandataire pouvait considérer que les dates portées sur son agenda étaient bien celles correspondant aux démarches administratives nécessaires.

8. Cependant, la Chambre de recours a fait part, dans sa notification du 18 octobre 1996, de doutes quant à la nature de l'erreur initiale, qui portait sur le calcul du délai de quatre mois fixé par la dernière phrase de l'article 108 CBE pour déposer le mémoire de recours, et ceci constitue bien un élément crucial de la présente affaire. En effet, l'erreur en question pourrait apparaître comme une "erreur de droit", due à l'ignorance des règles de la Convention ou à une mauvaise interprétation de ces règles, au sens par exemple des décisions J 31/89 (voir les points 3 à 5) ou T 853/90 (voir les points 4 à 7) mentionnées ci-dessus ; selon ces décisions, une telle erreur peut résulter d'un manque de vigilance nécessitée par les circonstances et donc entraîner un rejet de la requête en restitutio pour inadmissibilité (Art. 122 CBE).

9. En réponse à ces objections, le mandataire a tout d'abord mentionné le recours T 427/93, décidé le 9. mai 1995, concernant le même demandeur et comportant bien le même mandataire. Après vérification, il s'avère que celui-ci avait donc bien avant 1996 une certaine pratique de la procédure de recours. De plus, le mandataire a joint des copies de programmes de stages de formation comportant des exposés qu'il a faits sur le brevet européen et la procédure devant l'OEB, organisés par l'IRPI (Institut de recherche en propriété intellectuelle) en 1995 et en 1996 à la Chambre de Commerce et d'industrie de Paris. Ceci indique aussi que le mandataire en question était considéré par les milieux intéressés comme ayant une certaine pratique de la procédure devant l'OEB. Pour ces raisons, une méconnaissance de la Convention par le mandataire pouvant entraîner une erreur de droit dans le calcul des délais pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours peut être écartée.

10. Ainsi, il est établi de façon crédible qu'il y a eu une erreur initiale, incompréhensible, irrationnelle, le mandataire ayant mentionné oralement à la responsable administrative une date erronée, le 2 août 1996 (4 mois après la date ultime pour déposer le recours) au lieu du 2. juin (4 mois après la décision contestée, début février 1996), pour le dépôt du mémoire de recours, et que des circonstances spéciales ont empêché une vérification. Par conséquent, l'ensemble des pièces du présent dossier montre qu'il s'agit d'une erreur isolée, unique, la première, dans un système fonctionnant d'autre part correctement, en particulier pour la vérification initiale des délais, et que cette erreur est accidentelle, inexplicable, irrationnelle et, pour cette dernière raison, aucun système de contrôle ne pouvait permettre de la déceler, une fois que des circonstances spéciales avaient empêché la vérification initiale habituelle.

11. Il s'ensuit que, en accord avec les conclusions de la décision J 02/86 mentionnée ci-dessus, il peut être fait droit à la requête en restitutio in integrum du requérant et que, en vertu de l'article 122(1) CBE, le requérant doit être rétabli dans ses droits quant au recours qu'il a déposé le 4 avril 1996.

12. Une procédure orale, requise à titre subsidiaire, n'est donc pas nécessaire.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. Le requérant est rétabli dans ses droits pour la poursuite de la procédure de recours.

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