T 0840/95 () of 18.2.1999

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1999:T084095.19990218
Date de la décision : 18 Fevrier 1999
Numéro de l'affaire : T 0840/95
Numéro de la demande : 90403089.7
Classe de la CIB : D02G 3/40
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Fil de renfort pour entoilage ou textile technique et son procédé de fabrication
Nom du demandeur : LAINIERE DE PICARDIE Société Anonyme
Nom de l'opposant : Kufner Textilwerke GmbH
Chambre : 3.2.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive - (oui, après modification)
Requête d'un mandataire demandant qu'un membre de son cabinet se préparant à l'examen européen de qualification plaide pour lui à l'audience (rejetée)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0004/95
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante est titulaire du brevet européen n 0 428 430 (n de dépôt n 90 403 089.7).

II. L'intimée a fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen.

Pour en contester la brevetabilité, elle a notamment opposé le document :

- D1 : DE-C-2 017 103.

Par décision remise à la poste le 18 août 1995, la Division d'opposition a révoqué le brevet européen en cause.

Elle a estimé que l'objet des deux revendications indépendantes 1 et 15, telles que délivrées ne présentait pas la nouveauté requise par rapport au document D1.

III. Par lettre reçue le 11 octobre 1995, la requérante (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.

Le mémoire dûment motivé a été déposé le 14. décembre 1995.

IV. La requérante et l'intimée ayant toutes deux sollicité l'aménagement d'une procédure orale, au cas où il ne serait pas fait droit à leurs prétentions, l'audience s'est tenue le 18 février 1999.

La requérante demande l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet européen sur la base des revendications et de la description modifiée déposées au cours de la procédure orale.

Les revendications 1 et 2 de procédé s'énoncent comme suit :

"1. Procédé de fabrication d'un fil de renfort (1) pour entoilage ou textile technique, caractérisé en ce que : - on enroule des premières fibres d'enrobage (3) en spirale autour d'un fil d'âme (2) continu mono- ou multifilament, les premières fibres d'enrobage (3) constituant un fil ayant un titrage compris entre 100 et 150 décitex, les premières fibres d'enrobage formant des aspérités autour du fil de renfort (1) ; - on colle les premières fibres d'enrobage (3) sur le fil d'âme (2) en imprégnant l'ensemble fil d'âme (2) - fibres d'enrobage (3) d'une substance adhésive (4) puis on exprime ledit ensemble et on le sèche.

2. Procédé de fabrication d'un fil de renfort (1) pour entoilage ou textile technique, caractérisé en ce que : - on enroule des premières fibres d'enrobage (3) en spirale autour d'un fil d'âme (2) continu mono- ou multifilament, les premières fibres d'enrobage (3) étant individualisées et formant des aspérités autour du fil de renfort (1) ; - on colle les premières fibres d'enrobage (3) sur le fil d'âme (2) en imprégnant l'ensemble fil d'âme (2) - fibres d'enrobage (3) d'une substance adhésive (4) puis on exprime ledit ensemble et on le sèche."

V. Au soutien de son recours, la requérante expose pour l'esentiel que le problème résolu par le brevet européen en cause est complètement différent de celui posé par le document D1. Au surplus les moyens de l'invention, notamment le fil d'âme continu mono- ou multifilament, n'y sont ni décrits, ni suggérés. Il s'ensuit que la solution revendiquée ne découle nullement avec évidence de cet état de la technique.

VI. L'intimée (opposante) sollicite le rejet du recours et la révocation du brevet européen dans son intégralité :

i) Elle soutient que le terme "continu" ajouté dans les revendications ne figure pas dans la demande déposée à l'origine et que dès lors cette modification contrevient aux dispositions de l'article 123(2) CBE.

ii) Au surplus, elle fait valoir que l'objet des revendications 1 et 2 ne présente pas l'activité inventive requise :

En colonne 2, lignes 47 à 49 du document D1, il est dit :

qu'un ou plusieurs crins de cheval de longueur déterminée sont mis bout-à-bout avec chevauchement de façon à former un fil continu ("durchlaufender Faden"). Au surplus, le document D1 envisage expressément d'utiliser des crins synthétiques pouvant se présenter sous la forme de filaments continus.

Par conséquent, la seule différence existant entre le procédé défini dans la revendication 1 et celui faisant l'objet du document D1 réside dans le titrage allant de 100 à 150 décitex du fil de guipage ou d'enrobage. Il est vrai que le fil de guipage mis en oeuvre dans le document D1 est très fin mais ainsi qu'il résulte de la colonne 2, ligne 41, on cherche également dans le document D1 à réduire le déplacement du fil de renfort, ce dernier présentant, ainsi qu'il est bien visible sur la figure unique, des aspérités résultant de l'enroulement en spirale du fil de guipage.

L'homme du métier, désirant réduire le déplacement d'un tel fil de renfort peut naturellement envisager d'augmenter le titrage du fil de guipage et, par suite, la taille des aspérités et arriver ainsi, sans faire oeuvre inventive, à l'objet de la revendication 1 de procédé.

Dans la revendication 2 de procédé, on substitue au fil de guipage continu, des fibres discontinues d'enrobage qui, selon la description, sont appliquées par le procédé de filature à friction. Ce procédé étant bien connu, l'homme du métier pouvait, sans aucune difficulté, associer au fil d'âme des fibres d'enrobage et arriver ainsi au procédé défini dans la revendication 2.

Inversement, en partant du procédé de filature à friction, l'homme du métier sait associer à un fil d'âme continu des fibres d'enrobage. Le document D1 enseigne de coller ces fibres d'enrobage au moyen d'une substance adhésive. Par conséquent, il suffisait de compléter le procédé de filature à friction par l'étape de collage enseignée par le document D1 pour aboutir au procédé de fabrication défini dans la revendication 2.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Questions de procédure

Par télécopie en date du 12 février 1999, soit six jours avant la date prévue pour la procédure orale, la mandataire de l'intimée a demandé que, pendant l'audience, un membre de son cabinet se préparant à l'examen de qualification plaide pour elle à l'audience.

A l'audience, la requérante a manifesté son désaccord à cet égard.

Conformément à la décision de la Grande Chambre de recours prise dans l'affaire G 4/95, il est contraire au but poursuivi par l'art. 133 CBE qu'un mandataire agréé assiste à une procédure orale simplement afin de présenter les requêtes formelles d'une partie, tandis qu'un assistant présenterait l'ensemble de la cause pour le compte de ladite partie (voir paragraphe 8, b) de l'exposé des motifs). Dès lors, la requête a été rejetée.

3. Article 123

Il est manifeste que les modifications apportées aux revendications 1 et 2 satisfont aux conditions de l'article 123, paragraphes 2 et 3. Il n'est certes pas mentionné expressément dans la demande déposée à l'origine que le fil d'âme mono- ou multifilament est "continu". Toutefois, le terme "fil monofilament ou multifilament", pris dans le contexte de la demande déposée à l'origine ou du brevet européen en cause, ne peut signifier qu'un élément continu de grande longueur. Le rédacteur de la demande de brevet européen en cause fait d'ailleurs la distinction entre le fil de guipage mono- ou multifilament de nature continue et les fibres d'enrobage individualisées, de nature discontinue, qui peuvent être utilisées à la place du fil d'âme mono- ou multifilament continu.

L'admissibilité des autres modifications n'ayant pas été contestée à l'audience, il est inutile de s'y attarder.

4. Nouveauté

Il n'est pas dit dans le document D1 que le fil de guipage a un titrage compris entre 100 et 150 décitex. Le document D1 ne reproduit donc pas toutes les caractéristiques de la revendication 1 de procédé.

Le document D1 ne décrit pas non plus la première étape du procédé selon la revendication 2 dans lequel on enroule des fibres d'enrobage individualisées en spirale autour du fil d'âme.

Force est donc de constater que l'objet des revendications 1 ou 2 est nouveau par rapport à cet état de la technique.

Il y a d'ailleurs lieu d'observer que la nouveauté de ces deux revendications de procédé n'a pas été contestée à l'audience.

4. Activité inventive

4.1. La Chambre considère que c'est l'état de la technique cité dans le brevet européen en cause qui est le plus proche de l'invention revendiquée.

Ainsi qu'il est exposé dans le brevet européen en cause, on utilise depuis longtemps, dans l'entoilage, des fils de crin animal pour réaliser des fils de renfort. On a déjà cherché à remplacer ces fils naturels par des fils synthétiques monofilaments qui présentent une nervosité et une résistance proches de celles du crin naturel. Toutefois, l'utilisation de ces fibres synthétiques reste limitée car les fils ainsi obtenus ont tendance à glisser à l'intérieur de la contexture des tissus (colonne 1, troisième paragraphe).

Il est exposé ensuite que, pour éviter ces glissements, il a déjà été proposé d'encoller, par exemple avec des résines acryliques, le tissu après les opérations de tissage ou de tricotage. Cette méthode permet d'éviter les glissements mentionnés plus haut mais rigidifie le textile puisque, à la suite de l'encollage, les fils sont tous liés les uns aux autres à leur point de contact. Cette méthode ne permet donc pas l'obtention de textiles qui, tout en ayant la nervosité et la résistance recherchées, conservent une bonne souplesse et une bonne résilience.

En partant de cet état de la technique, le problème posé dans le brevet européen en cause est, par conséquent, celui de remédier à ces inconvénients et, par suite, de réaliser un fil de renfort composite, dont la structure évite le glissement dans la contexture du tissu ou du tricot auquel il est incorporé, tout en évitant l'encollage de l'ensemble du textile ou du tricot en question.

4.2. Ce problème est résolu par les deux étapes suivantes définies dans la revendication 1 de procédé :

i) on enroule un fil de guipage ou d'enrobage ayant un titrage compris entre 100 et 150 décitex en spirale autour d'un fil d'âme continu mono- ou multifilament, le fil de guipage enroulé en spirale formant des aspérités autour du fil de renfort ;

ii) on colle le fil de guipage enroulé sur le fil d'âme en imprégnant l'ensemble d'une substance adhésive, puis on exprime ledit ensemble et on le sèche.

Ce problème est également résolu par les deux étapes suivantes définies dans la revendication 2 :

i) on enroule des fibres d'enrobage individualisées en spirale autour d'un fil d'âme continu mono- ou multifilament, les fibres d'enrobage formant des aspérités autour du fil de renfort ;

ii) on colle les fibres d'enrobage sur le fil d'âme en imprégnant l'ensemble d'une substance adhésive, puis on exprime ledit ensemble et on le sèche.

4.3. Contrairement aux assertions de l'intimée (opposante), la solution énoncée dans le revendication 1 ne résulte pas à l'évidence de l'enseignement du document D1.

En effet, ainsi qu'il vient d'être exposé, le problème à la base de l'invention, objet du brevet européen en cause, est de proposer un fil de renfort composite dont la structure évite le glissement dans la contexture du tissu ou tricot auquel il est incorporé. Ce problème est tout à fait étranger aux préoccupations du rédacteur du document D1 :

En effet, ce document concerne un procédé de fabrication d'un fil raide à base de crins de cheval ou de crins synthétiques discontinus qui sont assemblés bout-à-bout. Ainsi qu'il est expliqué dans le document D1, on obtenait avec l'ancienne méthode de fabrication, des fils relativement gros (de 6 à 12 Nm) du fait que l'on introduisait en âme un fil supplémentaire qui avait pour fonction de donner de la résistance au fil final.

Le problème posé dans ce document est de proposer un procédé permettant de simplifier la fabrication d'un fil à base de crins et d'améliorer sa finesse (voir colonne 1, lignes 46 à 50). Pour résoudre ce problème, il est proposé d'enrouler autour de l'âme formé de crins rigides mis bout-à-bout avec chevauchement un fil synthétique continu extrêmement fin (d'environ 300 Nm) les crins rigides de l'âme étant ensuite collés "au moins au niveau de leur chevauchement" (voir revendication 1 du document D1).

Il est vrai qu'en colonne 2, lignes 47 à 49, il est dit qu'un ou plusieurs crins de longueur déterminée sont disposés les uns à la suite des autres avec chevauchement de façon à former un fil continu ("durchlaufender Faden"). Il ne s'agit pas bien entendu d'un fil continu mono- ou multifilament au sens de l'invention revendiquée.

Il est également vrai que le document D1, en particulier dans le préambule de la revendication 1, mentionne des crins synthétiques. Mais c'est pour immédiatement préciser dans la partie caractérisante de la revendication 1 que ces crins sont collés au moins au niveau de leur chevauchement. Les crins synthétiques mis en oeuvre dans le document D1 sont par conséquent disposés les uns à la suite des autres avec chevauchement et sont collés au niveau de leur chevauchement. Il ne s'agit donc nullement de crins synthétiques se présentant sous la forme d'un fil continu mono- ou multifilament. Le fil de guipage du document D1 qui est très fin (titre de 33 decitex) a pour fonction de maintenir juxtaposés en se chevauchant les crins raides jusqu'à l'étape d'encollage, en évitant d'apporter un relief au fil afin de se rapprocher de l'aspect fin et lisse du crin de cheval naturel. Ainsi, on ne retrouve nullement dans le document D1 les moyens de l'invention revendiquée, à savoir un fil d'âme continu monofilament ou multifilament et un fil de guipage épais ayant un titrage d'environ 100 à 150 détex enroulé en spirale autour du fil d'âme continu.

Au surplus, contrairement à ce que soutient l'intimée (opposante), le problème résolu par le brevet européen en cause n'est aucunement soulevé par le document D1. En effet, dans le passage cité par l'intimée (colonne 2, lignes 38 à 43), il est question de lier fermement les crins juxtaposés de façon à éviter la sortie inopportune des poils même dans le cas des textiles les plus légers. Il s'agit donc de lier les extrémités des crins de façon à éviter leur sortie inopportune et non pas, comme dans l'invention, d'éviter le glissement du fil de renfort dans la contexture du tissu auquel il est incorporé.

4.4. La solution définie dans la revendication 2, à savoir la mise en oeuvre d'un fil d'âme continu mono- ou multifilament et de fibres d'enrobage individualisés enroulés et collés autour du fil d'âme, n'est nullement suggérée par le document D1.

L'opposante a allégué qu'en partant de l'enseignement du document D1, l'homme du métier, qui a dans ses connaissances courantes la technique de filature à friction, pouvait penser à remplacer le fil de guipage du document D1 par des fibres d'enrobage individualisées et aboutir ainsi à l'objet de la revendication 2.

Toutefois, la question qu'il convient de se poser dans l'appréciation de l'activité inventive n'est pas de savoir si l'homme du métier "pouvait" remplacer le fil de guipage du document D1 par des fibres d'enrobage en mettant en oeuvre la technique bien connue de filature à friction mais bien celle de savoir si l'homme du métier aurait pu être incité à faire une telle modification, en vue de résoudre le problème posé et compte tenu de l'enseignement qui pouvait être tiré de cette technique et de ce document antérieur. Or, la technique de filature à friction et le document D1 ne donnent aucune indication pouvant inciter l'homme du métier à enrouler en spirale autour d'un fil d'âme continu des fibres d'enrobage individualisées dans le but d'éviter le glissement du fil ainsi réalisé dans la contexture du tissu auquel il est incorporé.

Au surplus, une telle modification va rigoureusement à l'encontre de l'enseignement du document D1 puisque le fil de guipage y a pour fonction de maintenir juxtaposés ou à chevauchement les crins raides jusqu'à l'étape d'application de la substance adhésive. Il est clair que des fibres d'enrobage individualisées ne pourraient en aucune façon assurer le maintien des crins raides juxtaposés jusqu'à l'étape de collage. Il s'ensuit que la modification suggérée par l'intimée (opposante) ne peut être que le résultat d'une analyse a posteriori, c'est-à-dire en ayant la connaissance préalable de l'invention revendiquée.

4.5. Force est donc de constater que l'objet des revendications 1 et 2 de procédé présente l'activité inventive requise (article 56 CBE).

5. Cette conclusion s'étend également aux revendications 3 à 12 qui sont subordonnées aux revendications 1 et 2 et qui concernent des modes préférés de mise en oeuvre du procédé défini aux revendications 1 et 2.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision entreprise est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du 1er degré avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base des documents suivants :

- Revendications 1 à 12 et description modifiée déposées au cours de la procédure orale ;

- dessins tels que délivrés

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