T 0969/94 (Poudre non compactée/L'OREAL) of 22.1.1998

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1998:T096994.19980122
Date de la décision : 22 Janvier 1998
Numéro de l'affaire : T 0969/94
Numéro de la demande : 87401470.7
Classe de la CIB : A61K 7/035
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Compositions sous forme de poudre non compactée contenant des microsphères creuses à base de matériau synthétique thermoplastique
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : PARFUMS CHRISTIAN DIOR
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 111(1)
European Patent Convention 1973 Art 113(1)
European Patent Convention 1973 Art 114(2)
Mot-clé : Usage antérieur - moyens de preuve tardifs introduits dans la procédure (oui)
Renvoi à la première instance (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0156/84
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen 87 401 470.7, revendiquant la priorité d'une demande de brevet déposée en France le 26. juin 1986 sous le numéro 8 609 289, a donné lieu à la délivrance du brevet n 0 254 612 sur la base d'un jeu de 16 revendications.

Les revendications indépendantes 1 et 10 ont le libellé suivant :

1. Utilisation dans la préparation d'une poudre non compactée pour le maquillage ou les soins du corps et du visage, de microsphères creuses en matériau synthétique thermoplastique, caractérisée par le fait que lesdites microsphères creuses ont une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm3.

10. Poudre non compactée pour le maquillage ou les soins du corps et du visage, contenant des microsphères creuses de matériau synthétique thermoplastique, caractérisée par le fait que les dites microsphères creuses ont une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm3

II. La requérante (opposante) a formé opposition au brevet et requis sa révocation pour manque de nouveauté et d'activité inventive sur la base, notamment, du document suivant :

(6) JP-A-601 840 034 (POLA KASEI KOGYO KK) : Traductions anglaise et française.

III. Par décision signifiée par voie postale le 25. octobre 1994, la Division d'opposition a rejeté l'opposition.

Dans sa décision la Division d'opposition a considéré n'avoir pas de motif d'examiner la validité du droit de priorité.

IV. La requérante a formé un recours à l'encontre de cette décision. Une procédure orale a eu lieu le 22. janvier 1998.

Outre les objections soulevées dans le mémoire de recours contre la nouveauté et l'activité inventive de l'invention par rapport aux documents cités pendant la procédure d'opposition, la requérante a tardivement contesté la validité du droit de priorité du brevet étant donné que les revendications indépendantes comprenaient la valeur de masse spécifique de 0,1 g/cm3, non divulguée dans le document de priorité. La requérante a souligné que la demande de priorité ne faisait pas apparaître que la densité constituait une caractéristique essentielle de l'invention, au contraire, caractérisée par l'utilisation de microsphères creuses en matériau synthétique thermoplastique.

La conséquence selon la requérante, de la perte du droit de priorité était le défaut de nouveauté de l'objet revendiqué dû à la commercialisation d'un produit conforme au brevet, dit "Poudre Majeur" antérieurement à la date de dépôt de la demande européenne, par la firme Lancôme.

Comme moyens de preuve la requérante a cité tardivement les documents suivants :

(1) Cosmetic News, n 18, 1-15 juin 1987, page 14

(2) Cosmetic News, n 25, 28. septembre-12 octobre 1987, pages 6 et 7 "Poudre Majeur - La Science Au Service Du Plaisir".

V. L'intimée n'a pas pris position par écrit sur ces arguments de la requérante.

Pendant la procédure orale, l'intimée a contesté l'introduction dans la procédure des nouveaux éléments de preuve, à savoir l'usage antérieur invoqué par la requérante, invoquant son caractère tardif. Elle s'est aussi refusée à prendre position sur la validité du droit de priorité, étant donné que la priorité n'était ni un motif d'opposition, ni l'objet de la décision entreprise. A ce propos, l'intimée a déclaré, tout en conservant sa requête principale, qu'elle demandait le renvoi à la première instance, si l'usage antérieur invoqué était introduit dans la procédure.

VI. La requérante (opposante) demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.

L'intimée (titulaire du brevet) demande le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Outre les objections de défaut de nouveauté et d'activité inventive fondées sur des documents produits pendant la procédure d'opposition, la requérante a soulevé, tardivement en procédure de recours, une objection de validité du droit de priorité en relation avec la citation d'un usage antérieur à la date de dépôt de la demande, notamment par commercialisation.

3. La Chambre constate que les nouveaux faits présentés par la requérante n'impliquent pas de motifs d'opposition nouveaux. En effet, la présentation d'un nouvel état de la technique accessible au public avant la date de dépôt, susceptible d'être préjudiciable à la nouveauté de l'objet revendiqué, même si elle a pour corollaire la question de la validité de la priorité revendiquée, se place dans le cadre des motifs d'opposition au sens des articles 100(a) et 54 CBE invoqués au début de la procédure.

4.1. La Chambre considère que l'OEB est tenu vis-à-vis du public de ne pas délivrer ni maintenir des brevets qu'il juge non valables. Dans cet esprit, la Chambre suit ici le principe général énoncé dans la décision T 156/84 (JO OEB 1988, 372) selon lequel l'examen d'office des faits posé à l'article 114(1) CBE prime la possibilité prévue à l'article 114(2) CBE de ne pas tenir compte de faits et de preuves que les parties n'ont pas produits en temps utile. La conséquence du principe évoqué est qu'en l'absence d'abus patent de procédure, parmi les critères envisageables, la pertinence des éléments de preuve produits tardivement reste le principal pour décider de leur recevabilité dans la procédure. Si les nouveaux faits sont susceptibles d'avoir une influence décisive sur l'issue de l'affaire, il n'est dans l'intérêt ni des parties, ni du public de les négliger.

4.2. Dans le cas présent, la requérante a fait valoir d'abord que le droit de priorité ne pouvait pas être reconnu, puisque la valeur de masse spécifique de 0,1 g/cm3, caractérisant l'objet des revendications 1 et 10 du brevet européen, n'était pas divulguée dans le document de priorité.

D'autre part, elle a soutenu qu'un produit dit "Poudre Majeur" avait été commercialisé en Allemagne par la société Lancôme, filiale de la société titulaire du brevet, début mai 1987, donc avant de la date du depôt de la demande, comme il ressort du chapitre "LA TACTIQUE LANCÔME" du document (1).

En ce qui concerne la nature de ladite poudre, d'après le document (2), une de ses caractéristiques essentielles est sa "légèreté incomparable" due à la présence de microbulles : c'est-à-dire de particules sphéroïdales d'origine synthétique et d'extrême légèreté répartissant uniformément sur le visage les composants de la poudre : silicates, huile minérale pigments etc. Selon (2), l'exploit des laboratoires a été d'incorporer ces microsphères creuses et souples dans la formule de "Poudre Majeur".

4.3. Si elles étaient confirmées, les informations divulguées par les documents (1) et (2) mettraient en évidence la commercialisation, avant la date de depôt de la demande de brevet, d'un produit se rapprochant considérablement de l'objet de l'invention, bien que des investigations restent encore à entreprendre en ce qui concerne les caractéristiques précises du produit commercialisé, notamment sa masse spécifique.

Notant, d'une part, que la masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm3 constitue la seule caractéristique de la partie caractérisante de la revendication 1 et, d'autre part, que cette caractéristique est absente dans le document de priorité, la Chambre considère que la pertinence, à première vue, de l'art antérieur invoqué est suffisante pour que ces nouveaux moyens de preuve soient introduits dans la procédure, si aucune autre circonstance ne s'y oppose.

5.1. En ce qui concerne un éventuel abus de procédure en relation avec la production tardive du nouvel état de la technique que représente l'usage antérieur, la Chambre est d'avis que la question doit être considérée dans le cadre des exigences de l'article 113(1) CBE. En effet, l'OEB a, au titre de l'article 114(1) CBE, le pouvoir de se saisir d'un nouveau moyen de preuve, pour autant que ce nouveau moyen puisse être soumis à la discussion des parties en raison du caractère contradictoire de la procédure. Les conditions de l'article 113(1) CBE sont satisfaites dès lors que les parties ont eu le temps nécessaire pour prendre effectivement position sur les moyens de preuve introduits dans la procédure.

5.2. Dans le cas présent, la requérante a soulevé la question de la perte du droit de priorité quelque vingt mois avant la date de la procédure orale et l'objection d'usage antérieur cinq mois avant la procédure orale. L'intimée aurait donc eu suffisamment de temps pour s'exprimer sur ces nouveaux faits, compte tenu des objections soulevées. En effet, quant à la priorité, il est incontestable que le document de priorité ne divulgue pas la valeur de masse spécifique indiquée dans les revendications 1 et 10 de la demande européenne et, quant à la commercialisation antérieure alléguée, elle aurait été effectuée, d'après la requérante, par une société filiale de l'intimée. Pour cette raison, l'intimée aurait normalement dû être au courant de la situation avant même que le problème ne se pose.

5.3. En ce qui concerne la présentation tardive des éléments de preuve, la Chambre est d'avis qu'il ne peut être reproché à une partie de développer ses moyens de preuve en phase de recours si l'ensemble des moyens présentés devant l'instance antérieure n'ont pu éviter la décision entreprise. En outre, il peut être accepté qu'acquérir des informations suffisantes sur un usage antérieur présente souvent plus de difficultés qu'une recherche documentaire, comme exposé par la requérante durant la procédure orale.

Dans ces circonstances, la Chambre ne voit ici aucun abus de procédure.

6. En considération de la commercialisation alléguée par la requérante entre la date de priorité et la date du depôt, la question de la validité du droit de priorité se pose.

Dans les circonstances de la présente affaire, la caractéristique unique des revendications 1 et 10 du brevet d'une masse spécifique inférieure à 0,1 g/cm3 revêt une grande importance. Selon qu'il s'agit ou non d'une caractéristique critique pour la définition de l'invention selon le brevet européen, la priorité pourrait être reconnue ou non. En effet, au titre de l'article 87(1) CBE, la priorité ne peut être reconnue que pour la même invention.

7. En conclusion, compte tenu de ce qu'aucun de ces aspects cruciaux n'a été examiné par la première instance et que l'intimée a explicitement demandé le renvoi de l'affaire à la Division d'opposition dans le cas de l'introduction dans la procédure des nouveaux moyens de preuve, la Chambre fait usage du pouvoir qui lui est conféré par l'article 111(1) CBE de renvoyer l'affaire à la première instance pour la poursuite de la procédure.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

La décision attaquée est annulée.

L'affaire est renvoyée à l'instance du 1er degré afin de poursuivre la procédure.

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