T 0581/94 (Produit lactosérique/NESTLE) of 1.10.1998

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1998:T058194.19981001
Date de la décision : 01 Octobre 1998
Numéro de l'affaire : T 0581/94
Numéro de la demande : 88114870.4
Classe de la CIB : A23C 21/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de préparation d'un produit lactosérique à allergénicité réduite
Nom du demandeur : SOCIETE DES PRODUITS NESTLE S.A.
Nom de l'opposant : Krayer, Warner Dirk
Chambre : 3.3.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0500/89
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n 88 114 870.4 relative à un "Procédé de préparation d'un produit lactosérique à allergénicité réduite" a donné lieu à la délivrance du brevet européen n 0 311 795 sur la base de deux revendications. La première revendication du brevet tel que délivré s'énonçait comme suit :

"1. Procédé de préparation d'un produit lactosérique à allergénicité réduite, caractérisé par le fait que l'on prépare une solution aqueuse de composants du lactosérum qui comprenne 0,5-5 % en poids de protéines, on ajuste son pH à 5,5-8,5, on ajuste sa teneur en Ca libre à 6-15 mmol/l, et on la chauffe à 90-140 C durant 2-10 min, jusqu'à ce qu'elle présente une teneur en -lactoglobuline résiduelle allergénique inférieure à 0,1 % de sa teneur en -lactoglobuline initiale."

II. Le requérant (opposant) avait fait opposition au brevet au titre de l'article 100 a) CBE pour cause de défaut de nouveauté et d'activité inventive.

III. Par décision datée du 11 mai 1994, la Division d'opposition a rejeté l'opposition en application de l'article 102(2) CBE.

IV. Les principaux motifs du rejet de l'opposition étaient les suivants :

1) La citation D1 (cf. la section VIII ci-dessous) indiquée par le requérant comme portant atteinte à la nouveauté du procédé ne divulguait pas la caractéristique de la revendication 1 ayant trait à la teneur en ß-lactoglobuline résiduelle allergénique inférieure à 0,1 % de la teneur initiale en ß-lactoglobuline.

2) La méthode de la revendication 1 qui était proposée comme solution du problème de la mise au point d'un procédé de préparation d'un produit lactosérique à allergénicité réduite, ne pouvait pas être déduite de manière évidente de l'état de la technique cité. Seul D4 (cf. la section VIII ci-dessous) avait trait au problème de la réduction de l'allergénicité et ce document ne divulguait pas le traitement thermique pendant une courte durée ni la teneur en calcium retenue pour le procédé. Même si D1 décrivait le traitement thermique de lactosérum à une température de 95 C durant 5 minutes, ce procédé n'avait pas trait au problème à résoudre.

V. Le requérant a déposé dans les délais un acte de recours et un mémoire exposant les motifs du recours et a acquitté la taxe de recours. Une procédure orale a été demandée.

VI. L'intimé (titulaire du brevet) a répondu au recours et a également demandé la tenue d'une procédure orale.

VII. Les parties ont été convoquées à la procédure orale qui a eu lieu le 1er octobre 1998.

VIII. Les documents pertinents dans le cadre du présent recours sont les suivants :

D1 : O. de Rham et al., J. Dairy Sci., 1984, vol. 67, pages 939-949

D4 : L.M.J. Heppell et al, British Journal of Nutrition, 1984, vol 51, pages 29-36.

IX. Les arguments avancés par le requérant au cours de la procédure orale peuvent se résumer comme suit :

Nouveauté

L'objet des revendications 1 et 2 du brevet attaqué n'était pas nouveau étant donné que l'ensemble des détails du procédé revendiqué avaient été divulgués dans D1.

A la page 948, colonne de droite, troisième paragraphe de D1, il était indiqué que la dénaturation et l'insolubilisation de la protéine étaient synonymes d'une réduction de l'activité antigénique étant donné que l'antigénicité résiduelle pouvait être mesurée après dénaturation. Même si D1 n'indiquait aucun niveau spécifique d'activité antigénique, il le faisait de manière implicite par la dénaturation de protéines par insolubilisation.

Le tableau 1 de D1 montrait que des produits (en l'occurrence, du lactosérum déminéralisé et des concentrés de protéines du lactosérum) possédant une teneur de 0,72 % à 2 % en protéines avaient été dénaturés par un traitement thermique à 95 C durant 5. minutes.

La figure 1 démontrait qu'un traitement thermique à 95 C durant 5 minutes à des valeurs de pH de 6,5 ou supérieures ne provoquait aucune dénaturation, mais que l'addition de calcium avant le traitement thermique à une valeur de pH comprise entre 6,0 et 9,0 avait seulement un faible effet lorsqu'il s'agissait d'une faible quantité de calcium, alors que des concentrations de calcium élevés diminuaient la solubilité des protéines après traitement thermique à des valeurs comparables à celles obtenues à un pH de 4,5 en l'absence de calcium.

En outre, la figure 2 démontrait l'effet de l'addition de calcium libre en indiquant qu'après l'addition de 6 à 10. mmol/l de calcium libre (chlorure de calcium) à un pH de 6,7, l'insolubilisation était pratiquement complète. La figure 5, ligne b montrait également que à pH de 6,5-8,0, l'addition de 6 mmol/l de chlorure de calcium provoquait une insolubilité et une dénaturation complètes de protéines déminéralisées.

Dans l'exemple 1 du brevet, il y avait présence d'une certaine quantité de calcium libre et de calcium masqué et la teneur totale en calcium libre était dans ce cas de 9,5 mmol/l, celle-ci étant une teneur identique à celle indiquée dans la figure 2 de D1 pour une insolubilisation complète.

Toutes les caractéristiques du procédé du brevet attaqué avaient donc été divulguées dans D1 qui constituait une divulgation portant atteinte à la nouveauté du procédé revendiqué.

Activité inventive

La divulgation dans D4 était considérée comme constituant l'état de la technique le plus proche, étant donné que ce document portait sur un procédé de préparation d'un produit possédant une allergénicité réduite due à une dénaturation, par traitement thermique, de protéines lactosériques. Cette divulgation, prise ensemble avec les détails de la divulgation dans D1, rendait évident le procédé revendiqué.

Le problème que le brevet attaqué se proposait de résoudre, consistait à éliminer l'incertitude concernant la désallergénisation de protéines par traitement thermique, et sa solution consistait à utiliser pendant le traitement thermique du calcium libre dans les conditions spécifiques indiquées dans la revendication 1 afin d'obtenir une dénaturation.

L'inventeur avait publié D1 qui décrivait l'effet de calcium libre au cours de procédés de dénaturation, et notamment que la protéine demeurait soluble dans du lactosérum déminéralisé après un traitement thermique durant 5 minutes à 95 C et à un pH de 6,5, mais que l'addition de concentrations élevées de calcium libre avant le traitement thermique des protéines réduisait la solubilité à des niveaux comparables à ceux obtenus pour un traitement thermique à un pH de 4,5. Le calcium libre était donc la cause de la précipitation. La comparaison dans la figure 5 de la ligne b avec la ligne r montrait que l'addition de 6 mmol/l de chlorure de calcium permettait d'insolubiliser des protéines dans du lactosérum à un pH de 6,5 à 8. La figure 8 démontrait l'effet de la décalcification à un pH de 6,7, c'est-à-dire l'absence d'une dénaturation des protéines. Les volumes de calcium libre ajoutés dans D1, cf. la figure 2, étaient de 6-10 mmol/l, ce qui correspondait aux quantités utilisées dans le brevet.

D4 enseignait une méthode de mesure de l'allergénicité et l'homme du métier aurait été en mesure de déterminer l'allergénicité résiduelle par les tests indiqués dans D1 et de la réduire davantage, par exemple, en ajoutant des quantités supplémentaires de calcium lors de l'exécution des tests.

Le problème résolu par le brevet attaqué était implicite dans D1, qui pouvait donc être combiné avec D4.

X. Les observations orales de l'intimé peuvent être résumées comme suit :

Nouveauté

L'argumentation du requérant était viciée par le fait qu'une dénaturation complète n'est pas synonyme d'une réduction complète de l'activité antigénique. Ce processus comprenait un certain nombre de changements physico-chimiques des protéines qui donnaient lieu à la fois à des produits solubles et insolubles et qui pouvaient ou ne pouvaient pas avoir une activité antigénique. La dénaturation ne constituait donc pas une mesure directe de la réduction de l'allergénicité et ceci était démontré par l'exemple comparatif du brevet attaqué.

Il résultait de la figure 8 que l'enseignement spécifique de D1 portait sur la stabilisation de protéines en solution et l'homme du métier aurait seulement été en mesure d'en déduire des informations concernant l'insolubilisation et non pas la réduction de l'allergénicité de protéines.

Le requérant avait choisi a posteriori certains détails spécifiques de D1, mais ceux-ci n'avaient pas trait à la divulgation, par D1, d'un procédé de réduction de l'allergénicité de protéines.

Le paragraphe 3, colonne 2 de la page 948 de D1 ne permettait de tirer aucune conclusion concernant l'antigénicité résiduelle de protéines.

Activité inventive

Le problème de la réduction de l'allergénicité de protéines lactosériques était discuté dans D4 où il était proposé de dénaturer les protéines par traitement thermique. D4 constituait donc l'état de la technique le plus proche. Ce document ne faisait cependant pas référence à la présence de calcium ni aux effets qu'une réduction du temps de traitement thermique avait sur la dénaturation. Le seul enseignement de D4 était le traitement thermique des protéines lactosériques, alors qu'il ne contenait aucune information concernant un procédé présentant les caractéristiques revendiquées. D4 apprendrait à l'homme du métier un procédé de traitement thermique dont on pouvait évidemment augmenter la durée ou la température, mais ne fournissait aucune information susceptible de faciliter le processus.

Le produit de D4 était différent de celui du brevet attaqué étant donné qu'il ne comportait aucune addition de calcium, et les résultats relativement au concentré liquide SMA Gold Cap (cf. tableau 2, page 32) prouvaient qu'il constituait un produit non fiable ayant des valeurs allergéniques variables.

Etant donné que le but principal de D1 était la stabilisation de protéines en solution, ce document n'était pas pertinent au procédé de dénaturation de protéines et de réduction de l'allergénicité du produit. Il ressortait des discussions à la page 948, colonne 1, que différents types de précipités pouvaient être préparés, notamment, avec et sans addition de calcium, et aucun résultat concernant l'allergénicité de l'un ou de l'autre de ces précipités n'y figurait. D1 ne fixait aucune limite concernant la quantité de calcium à utiliser au cours du processus de dénaturation et restait vague sur les effets que ledit calcium pouvait avoir sur la réduction de l'allergénicité.

XI. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

XII. L'intimé a demandé le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Nouveauté, article 54 CBE

La divulgation de D1 porte de manière générale sur une étude du rôle que les ions contenus dans un mélange aqueux de protéines lactosériques jouent au cours d'un traitement thermique. Alors que la divulgation de D1 fait référence à l'"antigénicité", le document ne se réfère à aucun procédé de préparation de produits lactosériques à allergénicité réduite. En ce qui concerne l'antigénicité résiduelle, la mesure de la quantité de chaleur utilisée et la solubilité en fonction du pH utilisé, les auteurs de D1 ont conclu à la page 948, paragraphe 3, colonne 2, que "des analyses plus spécifiques devront être effectuées". Ce document n'avait donc pas pour objectif de concevoir un procédé de réduction de l'allergénicité de protéines lactosériques.

Les exemples du tableau 1 n'ont pas conduit à un procédé répondant à l'ensemble des caractéristiques du procédé attaqué puisqu'il n'était pas fait mention de la limite nécessaire d'une teneur initiale de 0,1 % de ß-lactoglobuline et les figures 2 et 5 de D1 ne semblent pas non plus l'indiquer, étant donné que la relation N soluble/N total n'est jamais inférieure à environ 36 % dans la figure 5 et à 40 % dans la figure 2. Il se pourrait que ces chiffres résultent de la présence d'autres composants, mais il n'empêche que D1 n'a pas explicitement divulgué cette caractéristique.

Le procédé du brevet attaqué est par conséquent nouveau par rapport à la divulgation de D1.

3. Activité inventive, article 56 CBE

3.1. L'état de la technique le plus proche

La divulgation de D4 porte sur le problème de la mise au point d'un procédé pour réduire l'allergénicité de protéines lactosériques, ce problème étant résolu par un traitement consistant à chauffer lesdites protéines durant 30 minutes à une température de 100 ou 115 C afin de les dénaturer.

3.2. Le problème technique

Compte tenu de l'état de la technique le plus proche, le problème technique à résoudre consistait à élaborer un procédé alternatif pour la préparation de produits lactosériques à allergénicité réduite.

3.3. La solution proposée

La solution du problème est apportée par le procédé selon la revendication 1 telle que citée ci-dessus.

3.4. Evaluation de l'activité inventive

La divulgation dans D4 a suggéré à la page 2, dernière ligne, qu'il pourrait être possible de produire du lait hypoallergénique pour bébés sur la base de lactosérum dénaturé par traitement thermique. Le traitement thermique a été effectué à des températures de 100 ou 115 C durant 30 minutes et les résultats démontraient que la température plus élevée était la plus efficace pour la réduction des niveaux d'allergénicité. Afin d'obtenir une réduction supplémentaire de l'allergénicité, il aurait donc été évident pour l'homme du métier d'effectuer un traitement thermique à une température plus élevée ou, en gardant la même température, pendant une durée plus longue.

Les caractéristiques du traitement thermique utilisé dans le procédé du brevet attaqué consistent cependant à chauffer, durant 2 à 10 minutes et à une température comprise entre 90 et 140 C, des solutions aqueuses de composants lactosériques présentant une teneur en poids de 0,5 à 5 % de protéines avec un pH de 5,5 à 8,5 en présence de 6 à 15 mmol/l de calcium libre.

Il est significatif que le procédé de D4 n'utilise aucun calcium, que les valeurs de pH et la durée réduite du traitement thermique ne sont pas spécifiées et que le pourcentage pondéral en protéines n'est pas fourni. Les détails du procédé attaqué ne peuvent être déduits du seul document D4.

La Chambre admet qu'il existe dans une certaine mesure une relation entre la dénaturation de protéines par traitement thermique et une modification de l'allergénicité des protéines, mais cette relation n'établit pas un lien réel entre D4 et D1 permettant la mise au point d'un procédé pour la réduction de l'allergénicité de protéines lactosériques. Même si, aux pages 939, colonne 2 et 948, colonne 2, paragraphe 3, D1 fait référence à une activité antigénique, il ressort clairement de la deuxième référence que le document en question n'a pas directement pour objet le problème de l'élaboration d'un procédé pour la réduction de l'allergénicité de produits lactosériques. Un tel procédé n'est même pas suggéré, même si D1 divulguait les conditions pertinentes du procédé dans le cadre de l'étude du rôle de l'environnement ionique dans l'insolubilisation de protéines lactosériques pendant un traitement thermique.

En considérant conjointement D1 et D4, il est par conséquent seulement possible de déduire a posteriori la combinaison spéciale des caractéristiques du procédé. Il s'ensuit que l'objet des revendications du brevet attaqué implique une activité inventive.

La présente décision est conforme à la jurisprudence constante des chambres de recours et notamment à la décision T 500/89 du 26 mars 1991 (cf. notamment le point 4.3. des motifs), dans laquelle il avait été jugé que même si des paramètres individuels étaient connus, il ne s'ensuivait pas qu'il était évident de les combiner de manière spécifique en vue de résoudre le problème selon le brevet attaqué.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. Le recours est rejeté.

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