European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1997:T029293.19970213 | ||||||||
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Date de la décision : | 13 Fevrier 1997 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0292/93 | ||||||||
Numéro de la demande : | 86901428.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | B41F 13/12 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé et dispositif de positionnement d'objets les uns par rapport aux autres, en particulier des rouleaux d'impression de couleurs dans une presse rotative offset | ||||||||
Nom du demandeur : | CALGRAPH | ||||||||
Nom de l'opposant : | BOBST S.A. MAN Roland Druckmaschinen AG Web Printing Controls Co., Inc. Heidelberger Druckmaschinen AG |
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Chambre : | 3.2.05 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Usage antérieur par démonstration Activité inventive (non) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Contre le brevet n° 0 214 214 quatre oppositions avaient été formées qui étaient fondées sur l'article 100(a) (absence de nouveauté et de l'activité inventive) et sur l'article 100(c) CBE (extension au delà du contenu de la demande telle que déposée).
Les objections de nouveauté et d'activité inventive s'appuyaient notamment sur les documents
A1 EP-A-0 123 305,
A2 EP-A-0 127 831 et
A3 GB-A-2 115 145,
ainsi que sur deux usages publics antérieurs allégués.
II. La Division d'opposition a maintenu le brevet sous une forme modifiée, dans laquelle le libellé des revendications indépendantes 1 et 9 est le suivant :
"1. Procédé de positionnement d'objets les uns par rapport aux autres, en particulier des rouleaux (14) d'impression de couleurs dans une presse rotative offset, consistant à prévoir sur chaque objet (14) un repère de positionnement dans un plan, à former au moyen de chaque repère une marque visible (26, 28, 30, 32 ) sur un support (10) parallèle à ce plan et défilant à grande vitesse, à détecter les positions de ces marques sur le support, à les comparer entre elles pour calculer des écarts de positionnement et à déplacer les objets (14) les uns par rapport aux autres selon deux axes perpendiculaires dudit plan pour réduire et annuler ces écarts ou les rendre égaux à des valeurs théoriques, caractérisé en ce qu'il consiste à utiliser une caméra vidéo matricielle du type CCD associée à un stroboscope pour prendre une image fixe instantanée d'un groupe de marques (26, 28, 30, 32) formées sur le support (10), à faire subir à cette image une conversion analogique-numérique, à centrer sur l'image numérisée une fenêtre d'analyse (50) comprenant un point (0) de référence que l'on superpose sur une marque (26) du support, choisie arbitrairement comme marque de référence, et à déterminer dans la fenêtre les écarts, par rapport à deux axes (x, y) correspondant aux axes de déplacement des objets, entre chaque marque (28, 30, 32) autre que la marque de référence et le point de référence (0) précité.
"9. Dispositif de positionnement d'objets les uns par rapport aux autres, en particulier des rouleaux (14) d'impression de couleurs dans une presse rotative offset, ces objets comportant des repères de positionnement dans un plan, qui forment des marques visibles (26, 28, 30, 32 ) sur un support (10) disposé dans ce plan et défilant à grande vitesse, le dispositif comprenant des moyens (6) de détection de ces marques et des positions théoriques et de détermination de signaux appliqués à des moyens (16, 18) de commande de déplacement des objets (14) le long de deux axes perpendiculaires du plan, caractérisé en ce que les moyens de détection comprennent une caméra vidéo matricielle (36) du type CCD associée à un stroboscope pour la prise d'une image fixe instantanée d'un groupe de marques (26, 28, 30, 32) formées sur le support (10), un convertisseur analogique-numérique reliant la caméra (36) de prise d'image à des mémoires d'enregistrement numériques, et en ce que les moyens de calcul comprennent des moyens (40) de traitement de l'information pour centrer sur l'image enregistrée une fenêtre d'analyse (50) comprenant un point (0) de référence correspondant à une marque prédéterminée (26), et pour mesurer les écarts, par rapport à deux axes (x, y) perpendiculaires, entre le point de référence (0) et les positions des marques correspondantes dans la fenêtre d'analyse."
La Division d'opposition a estimé que les revendications modifiées remplissaient les exigences visées à l'article 123 CBE et surtout, au regard des documents cités, les exigences de nouveauté et d'activité inventive visées à l'article 52 en combinaison avec les articles 54 et 56 CBE. Quant aux deux usages publiques antérieurs allégués elle a considéré qu'ils n'étaient pas prouvés, parce que les déclarations ("affidavits") présentées étaient incertaines et contradictoires sur la date de l'achèvement du système et sur le logiciel. En plus, elles ne montraient pas sous quelle forme de réalisation le système avait été présenté et si ce système avait été présenté au public.
III. Les requérants (opposant I, BOBST SA, et opposant III, WEB Printing Controls Co., Inc.) ont formé recours contre cette décision et l'ont motivé de la manière suivante :
Le requérant I a fait valoir que les revendications modifiées manquaient de clarté et ne s'appuyaient pas sur la description et que l'idée qui semblait ressortir des revendications n'impliquait pas une activité inventive par rapport aux document A1 à A3.
Le requérant II (WEB Printing Controls, Inc.) a déposé six déclarations écrites faites sous la foi du serment (affidavits), ainsi qu'une documentation pour démontrer les étapes successives du développement d'un système de contrôle de repérage appelé MicroTrak. Le but de cette documentation était de combler les lacunes mises en évidence dans la décision attaquée au sujet de l'administration des preuves relatives aux deux usages publics antérieurs allégués. Il a fait valoir que l'objet des revendications indépendantes n'était pas nouveau par rapport au principe de contrôle de repérage rendu accessible au public par usage antérieur ou n'impliquait pas, pour le moins, une activité inventive si l'état de la technique représenté par les documents A1 à A3 était considéré en plus des usages antérieurs.
IV. Pour la préparation de la procédure orale, qui s'est tenue le 13 février 1997, la Chambre a, dans un avis préliminaire, attiré l'attention des parties sur les points suivant :
Les objections d'absence de clarté et de reproductibilité ne semblaient pas être justifiées.
L'usage antérieur qui était constitué par le développement, la vente et l'installation d'un système MicroTrak CCR (Color-to-Color Register), pour des raisons indiquées en détail, ne pouvait pas être considéré à s'être déroulé en public.
L'autre usage antérieur réalisé par une démonstration le 10 avril 1984 n'était pas un contrôle de repérage. De plus, les caractéristiques du système qui, par le biais de cette démonstration devenaient des éléments de l'état de la technique installaient pas au-delà des informations divulguées dans le document A2.
Finalement la Chambre ne voyait pas comment les documents A1 à A3 pourraient mettre en question la brevetabilité de l'objet du brevet tel que modifié.
V. Les arguments présentés lors de la procédure orale sur la clarté et la reproductibilité de l'objet des revendications modifiées, sur la question de la définition de l'état de la technique pertinent ainsi que sur la nouveauté et l'activité inventive de l'objet du brevet en cause sont les suivants :
a) Clarté et reproductibilité
Le requérant I : Les revendications modifiées contreviennent notamment aux dispositions de l'article 84 CBE du fait que la description se limite à présenter un réglage des repères de couleur utilisé dans les presses rotatives, alors que la portée des revendications s'étend également au positionnement d'autres objets de nature quelconque et que la question du mode de fonctionnement de l'invention appliquée au positionnement d'objets autres que les rouleaux imprimeurs n'est pas résolue. Une objection fondée sur l'article 83 CBE est par conséquent également justifiée. En outre, l'objet des revendications indépendantes est rendu obscure par l'emploi du mot "visible" et n'est pas supporté par la description, puisque celle-ci se limite à décrire des formes de réalisation dans lesquelles les "marques" se trouvent au bord extérieur de l'image imprimée.
L'intimé: Pour être visible, la marque doit être disposée à l'extérieur de l'image imprimée. Il est cependant évident que cet endroit ne doit pas nécessairement se trouver sur le bord. Il peut s'agir également par exemple d'une zone non imprimée du support entourée par l'image imprimée, qui est éliminée par la suite. Au demeurant, il est facile de constater que l'utilisation du procédé selon le brevet attaqué n'est pas limitée à l'impression polychrome, mais qu'elle est toujours possible lorsque la surface d'un objet est soumise à plusieurs étapes de traitement successives, dont les résultats doivent présenter un rapport spatial les uns avec les autres.
b) Définition de l'état de la technique et nouveauté
Le requérant II: En vue des observations de la Chambre présentées dans sa notification préliminaire, l'usage antérieur constitué par le développement, la vente et l'installation d'un système MicroTrak CCR (Color-to Color Register), n'est plus invoqué.
Pour ce qui est de l'autre usage public antérieur, une démonstration avait été organisée pour un groupe d'employés de l'entreprise d'impression R.R. Donnelley dans les locaux de l'entreprise Lincoln Technology Inc. (LTI) le 10 avril 1984 (voir la déclaration datée du 10 mai 1993, signée par H.W. Crowley (employé de LTI) et déposée par lettre en date du 27 mai 1993, points 9 et 10).
L'intimé : La présentation n'était pas publique puisqu'elle s'est déroulée à huis clos dans les locaux d'une entreprise étroitement liée au requérant II et à l'intention d'un cercle de personnes spécialement invitées à cette occasion.
Après la discussion sur les points a) et b) susmentionnés la Chambre a interrompu les débats pour une délibération intermédiaire. A l'issue de cette délibération, elle a informé les parties que le libellé des revendications ne contrevenait pas aux exigences des articles 83 et 84 CBE, que l'usage antérieur invoqué faisait partie de l'état de la technique, mais que l'objet du brevet en cause était nouveau en vue de cet usage public antérieur et que celui-ci serait alors pris en considération pour évaluer l'activité inventive de l'objet du brevet en cause.
c) Activité inventive
Les requérants: Le document A2 constitue l'état de la technique écrit le plus proche de l'objet du brevet attaqué. Dans cet état de la technique, l'image instantanée d'une trame de points est comparée à une configuration idéale et les écarts sont enregistrés dans un système de coordonnées x, y. L'objet des revendications indépendantes se différencie de cet état de la technique seulement, en ce qu'une "caméra vidéo matricielle du type CCD" est utilisée pour produire l'image instantanée et en ce qu'un "groupe de marques visibles" est utilisé au lieu du groupe de points de trame et est utilisé pour le contrôle de repérage.
La caméra CCD, comme l'admet la titulaire du brevet, est d'un type qui a fait son apparition sur le marché récemment et au sujet duquel l'homme du métier avait dû constater qu'il se prêtait de manière idéale à la production de l'image instantanée des trames de points décrites dans le document A2. Par ailleurs, l'homme du métier était libre, comme dans l'état de la technique dont part le document A2, d'avoir recours pour le réglage des repères à un groupe de points imprimés séparément comme marque de repérage au bord du support au lieu du groupe de points de trame dans l'image imprimée.
Le requérant II a observé additionnellement que le groupe de points constitué de quatre points avait été présenté au cours de la présentation publique (usage antérieur public) comme constituant une cible qui pouvait être utilisée pour contrôler le repérage des rouleaux d'une presse d'impression.
L'intimé : Les faits présentés à l'occasion de la démonstration organisée à l'intention des employés de la société Donnelley Company n'avaient aucun rapport matériel avec l'objet du brevet attaqué.
En vertu des informations données dans le document A2, un système opérationnel de réglage des repères n'aurait pu être réalisé pour différentes raisons ni à la date de la publication de ce document, en 1984, ni à la date de priorité du brevet attaqué (cf. la lettre en date du 25 juillet 1991, pages 5 à 11, paragraphe b); la lettre en date du 26 octobre 1992, page 2, 7e paragraphe, jusqu'à la page 6, avant-dernier paragraphe; ainsi que la "Note interne" de M. Laurent Balducci en date du 18 septembre 1992, en annexe à cette dernière lettre). D'une part, la réalisation du système décrit dans le document A2 implique la présence d'une caméra vidéo couleur de type CCD dotée de fonctions techniques que les caméras vidéo connues à la date de priorité du brevet en cause ne possédaient pas encore et que les caméras mises au point après cette date n'ont pu remplir que longtemps après. D'autre part, les points de trame de différentes encres d'imprimerie se chevauchaient dans les images imprimées réelles et étaient rarement aussi bien ordonnés que ceux montrés à la figure 1 du document A2. Par ailleurs, en tout cas lors de la phase de démarrage de la presse rotative, les écarts de positionnement des marques destinées à être repositionnées étaient d'habitude plus grands que la faible distance séparant les points de trame, si bien que le système qui localisait un point de couleur ne pouvait pas décider si celui-ci se trouvait dans la position correcte par rapport au point de référence.
Pour réaliser l'enseignement du brevet attaqué, il suffisait par contre de disposer d'une caméra noir et blanc CCD munie de la fonction reset, qui était déjà disponible dans le commerce à la date de priorité du brevet attaqué (cf. la lettre en date du 26 octobre 1992, page 7, avant-dernier paragraphe).
Pour ces raisons, le document A2 ne constitue pas un état de la technique susceptible d'antérioriser l'objet du brevet attaqué.
VI. Les requérants (opposants I et III) et la partie à la procédure de recours (opposant IV) qui était présente à la procédure orale demandent tous l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen n° 0 214 214.
L'intimé (titulaire du brevet) demande le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Clarté et reproductibilité
La caractéristique relative à la visibilité des marques de repérage contenue dans les deux revendications indépendantes implique que les marques de repérage ne doivent pas figurer dans l'image d'impression proprement dite et doivent avoir des dimensions minimum données. Les autres objections du requérant I relatives à la clarté et à la reproductibilité concernent des versions qui se trouvaient déjà dans le brevet comme délivré et n'ont pas été touchées par les modifications. Étant donné que l'article 100(b) de la CBE ne figure pas non plus parmi les motifs initiaux de l'opposition, il n'y a pas lieu de tenir compte de ces objections à ce stage de la procédure.
2. Etat de la technique
En plus des documents A1 à A3, le requérant II (WEB Printing Control, WPC) a fait valoir un usage public antérieur. Selon la déclaration de M. Crowley en date du 10 mai 1993, ce n'est pas le fonctionnement d'un système de contrôle des repères de couleur qui a été simulé lors de cette démonstration mais celui d'un système avec lequel on a obtenu une image d'une cible préimprimée comportant un motif constitué de quatre points. La feuille de papier sur laquelle la cible était imprimée était fixée à un cylindre en rotation pendant la production de l'image. La déclaration de M. Crowley, l'organisateur de la démonstration, concorde avec celles des trois employés de la société R.R. Donnelley Co. (MM. Larry Buxton, Roger Bailey et Gregory Kelsey) reproduites dans des "affidavits" tous rédigés dans des termes identiques et déposés avec la lettre en date du 27 mai 1993.
L'intimé n'a jamais mis en doute, ni par écrit, ni dans la procédure orale, que les participants à la démonstration avaient vu les faits décrits ci-dessus. Il conteste néanmoins que ces faits soient devenus partie intégrante de l'état de la technique.
La Chambre ne peut pas partager ce point de vue pour les raisons suivantes :
Des faits sont toujours considérés comme ayant été rendus accessibles au public par un exposé oral et une présentation, lorsque des membres du public ont eu la possibilité de prendre connaissance du contenu de l'exposé et lorsqu'il n'existait aucune obligation de confidentialité qui aurait limité l'utilisation et la diffusion des connaissances ainsi acquises. La démonstration dans les locaux de la société LTI n'était certes pas accessible à tout le monde, étant donné qu'un cercle limité de personnes avait été invité à y participer. Les personnes invitées n'étaient cependant pas tenues au secret (voir les "affidavits" de Messieurs Larry Buxton, Roger Bailey et Gregory Kelsey, point 4). D'ailleurs, le contexte dans lequel la présentation s'est déroulée est en contradiction avec l'existence d'une obligation de garder le secret. Les personnes invitées étaient, en tant qu'employés d'une grande imprimerie, des clients potentiels pour un système de réglage des repères de la société WPC, qui se trouvait encore en phase de développement et qui devait être rendu opérationnel en coopération avec la société LTI chargée de son développement. Les sociétés WPC et LTI, quant à elles, avaient intérêt à éveiller la curiosité de ces clients potentiels et à les inciter à attendre jusqu'à ce que le système de réglage en cours de développement soit devenu opérationnel avant toute décision d'achat de leur part. Par conséquent, les personnes invitées étaient bien des membres du public.
Pour ces raisons, au cours de la procédure orale du 13 février 1997, le Président de la Chambre a informé les parties que la démonstration organisée pour les employés de la société Donnelley Company le 10 avril 1984 est un élément de l'état de la technique. Selon le point 3 des "affidavits" susmentionnés, cet état de la technique se manifestait en ce qu'"une cible constituée de quatre points était imprimée sur du papier fixé à un cylindre en rotation. Une lumière stroboscopique était dirigée sur le cylindre et en service. Une caméra vidéo était elle aussi dirigée sur le cylindre et produisait une image de la cible. Les signaux d'image ont été mémorisés dans la mémoire d'un ordinateur". En tant que clients potentiels d'une entreprise s'occupant de la conception et de la promotion de systèmes de réglage des repères, les participants invités étaient en tout cas conscients que l'objet ainsi défini de la présentation devait jouer un rôle dans les repères de couleur d'une presse rotative pour l'impression en polychromie (voir point 2 des "affidavits" susnommées).
Par contre, la formulation à la dernière phrase du point 3 de cette déclaration "le système détermine les positions des points de la cible et calcule les erreurs de ces positions, qui, si je ne m'abuse entraînent en définitive l'émission de signaux correcteurs, afin d'éliminer les défauts d'une presse rotative réelle" ne permet pas de décider si cette énonciation constitue des explications données pendant la démonstration ou simplement des déductions ultérieures des spectateurs eux-mêmes. Cette partie de la déclaration n'appartient donc pas à l'état de la technique.
3. Nouveauté
L'objection d'absence de nouveauté au regard des documents A1 à A3 n'a pas été soulevée et la Chambre n'a pas non plus trouvé des raisons pour mettre en cause la nouveauté de l'objet du brevet attaqué au regard de l'enseignement de ces documents.
En ce qui concerne l'usage antérieur, la démonstration du système dans les locaux de la société Donnelley ne comportait pas plusieurs objets au sens des revendications indépendantes 1 et 9, qui devaient être positionnées les uns par rapport aux autres. L'objet utilisé lors de cet usage antérieur n'est donc pas le même que celui du brevet en cause et, par conséquent, il ne peut pas mettre en doute la nouveauté de l'objet des revendications 1 et 9.
4. Activité inventive
4.1. Il est connu du document A2 un système de contrôle de repères pour les cylindres imprimeurs d'une presse rotative offset pour l'impression en quadrichromie, dans lequel l'image d'une fenêtre (cf. figure 1) du sujet imprimé, formé sur le support défilant et contenant un groupe de points de trame offset de couleurs différentes séparés les uns des autres, est obtenue au moyen d'une caméra vidéo reliée à un stroboscope. Cette image est numérisée de la manière habituelle (cf. A2, page 7, deuxième paragraphe). Un point, de couleur noire par exemple, est localisé dans l'image numérisée (A2, page 8, deuxième paragraphe) et la position des points des autres couleurs est déterminée en relation avec ce point de référence choisi de façon arbitraire dans un système de coordonnées x,y. Sous la condition que les détails des différentes trames de couleur sont connus, les positions idéales de consigne des autres points de couleur par rapport au point de couleur de référence le sont également. Dans le système choisi de coordonnées ayant comme origine le point de couleur de référence et qui correspond aux directions de réglage des cylindres imprimeurs, les écarts des positions réelles par rapport aux positions de consigne sont déterminés à l'aide d'un système informatique et convertis en signaux de réglage destinés aux cylindres imprimeurs (voir page 7, dernier paragraphe, jusqu'à la page 8, deuxième paragraphe). Le choix du système de coordonnées avec sa référence à un point de couleur de référence équivaut à la définition d'une "fenêtre d'analyse" telle que dénommée dans le brevet attaqué. Cet état de la technique est plus proche de l'objet du brevet attaqué que le document A1 utilisé jusqu'à présent pour former le préambule des revendications indépendantes, car dans le document A2, à l'instar du brevet attaqué, l'écart de réglage est obtenu à partir de l'image instantanée d'un groupe de points de couleur et non plus à partir d'une différence de temps entre des signaux émis par des repères de position en train de défiler.
4.2. L'objet des revendications indépendantes se différencie de cet état de la technique en ce que ce n'est pas un groupe de points de trame offset qui est utilisé mais un groupe de marques formé par des marques visibles et en ce qu'une caméra vidéo matricielle du type CCD est employée au lieu de la caméra vidéo de conception traditionnelle, qui existait à la date de publication du document A2.
4.3. L'intimé (titulaire du brevet) a notamment fait valoir que le document A2 ne décrit aucun enseignement technique réalisable et qu'il est par conséquent exclu comme état de la technique susceptible de remettre en question la nouveauté ou la qualité inventive de l'objet du brevet attaqué.
Même à supposer que les arguments avancés par l'intimé - et non réfutés par le requérant - selon lesquels l'enseignement du document A2 n'était pas techniquement réalisable pour différentes raisons à la date de priorité du brevet attaqué, soient exacts, cela n'implique pas nécessairement que l'antériorité A2 ne doit pas être considérée pour évaluer la brevetabilité de l'objet du brevet attaqué. Au contraire, le principe de réglage proposé dans ce document, consistant à comparer l'image instantanée mémorisée numériquement d'une trame de points avec une forme de consigne idéale également mémorisée et à calculer les grandeurs de réglage à partir des écarts déterminés, constitue une approche très prometteuse pour l'homme du métier.
L'ingénieur d'étude ne rejettera par conséquent pas cette solution de principe très prometteuse dès la première tentative de réalisation infructueuse. Par routine, au contraire, il recherchera les raisons de l'échec en en effectuant une analyse approfondie. Les explications avancées par l'intimé dans sa lettre en date du 25 juillet 1991 (voir page 7, 4e paragraphe, jusqu'à la page 10, 6e paragraphe) et la "Note interne" de M. Laurent Balducci déposée en annexe à sa lettre en date du 26 octobre 1992, constituent des exemples typiques d'une telle analyse.
4.4. De cette analyse, il ressort qu'à la date de publication du document A2, deux raisons s'opposaient avant tout à la réalisation de l'enseignement donné dans ce document :
a) Un réglage était en principe impossible lorsque - ce qui est notamment le cas en phase de démarrage de la presse rotative - les écarts éventuels entre les repères sont plus grands que les "petites" distances entre les points de trame offset. Par ailleurs, les points de trame ne sont en général pas séparés dans l'espace les uns des autres dans une image imprimée réelle, comme le montre la figure 1 du document A2, mais peuvent se chevaucher.
b) L'image instantanée indispensable pour exécuter le principe de réglage proposé dans le document A2 n'était réalisable qu'avec une "caméra vidéo matricielle du type CCD". Une caméra vidéo conventionnelle avec lecture ligne par ligne n'était en principe pas adaptée. A la date de publication du document A2, les caméras CCD disponibles sur le marché ne possédaient pas encore la fonction "reset" indispensable à leur fonctionnement avec un stroboscope.
En partant du document A2 comme état de la technique le plus proche, le problème technique à résoudre consiste à éliminer les obstacles a) et b) découlant de l'analyse, qui s'opposent à la réalisation du principe de réglage connu du document A2 par comparaison de configurations de points.
Ce problème est résolu selon le brevet attaqué par les caractéristiques distinctives indiquées au point 4.2.
4.5. Avant la date de priorité du brevet attaqué, les deux caractéristiques étaient déjà accessibles au public.
Le 10 avril 1984, avant la publication du document A2 (12 décembre 1984), le public avait déjà pris connaissance de la démonstration organisée dans les locaux de la société Lincoln Technology Inc.. L'homme du métier savait donc que le motif présenté constitué de quatre points l'impression en quadrichromie sur une bande de papier représentait une cible et qu'une image fixe de cette cible devait être mémorisée à cette fin dans un ordinateur, afin d'entraîner un réglage des repères (voir le point III de l'exposé des faits et conclusions).
Même si l'on considère qu'il n'est pas prouvé que des explications supplémentaires sur le mode opératoire du réglage prévu des repères ont été données pendant la démonstration, l'homme du métier a dû prendre conscience, au plus tard à la lecture du document A2, que pour exécuter l'enseignement exposé dans ce document, il n'était lié ni par les distances ni par la taille des points d'une trame de points offset, mais qu'il pouvait également utiliser à la place l'image d'une marque visible formé d'un groupe de points imprimés adaptée aux exigences du système de réglage, si cela lui semblait nécessaire pour la raison décrite sous a) au point 4.4.
4.6. Il est exact que le document A2 présume que la couleur d'un point de couleur choisi soit identifiée. Contrairement à l'opinion de l'intimé, l'utilisation d'une vidéo couleur n'est pas indispensable car l'emploi de filtres de sélection appropriés permet de différencier les couleurs même avec une caméra en noir et blanc par des teintes grises différentes (cf. page 8, ligne 31, à page 9, ligne 6).
A la date de priorité du brevet attaqué, au moins une caméra noir et blanc du type CCD était déjà disponible sur le marché (voir la lettre de l'intimé en date du 26 octobre 1992, page 7, avant-dernier paragraphe).
4.7. En résumé, la Chambre constate que les objets des revendications indépendantes 1 et 9 ne sont que le résultat du développement intervenu dans le domaine technique correspondant entre la date de publication du document A2 et la date de priorité du brevet attaqué. Ce développement a permis à l'homme du métier de surmonter, sans avoir besoin de faire preuve d'activité inventive, les obstacles (voir point 3 ci-dessus, a) et b)), qui - de l'avis de l'intimé - s'opposaient à la réalisation de l'enseignement du document A2.
4.8. Pour finir, la Chambre observe que dans le contexte du brevet attaqué l'utilisation d'une caméra noir et blanc sans filtres de sélection n'est possible que lorsque le groupe de marques remplit un certain nombre de conditions particulières restrictives. Afin de pouvoir associer par exemple sans équivoque une couleur à une marque d'un groupe de marques uniquement par sa position à l'intérieur du groupe, les marques à l'intérieur d'un groupe doivent présenter certaines distances minimales, car sinon l'homme du métier serait confronté aux mêmes lacunes lors de la réalisation du brevet attaqué, que celles imputées par l'intimé à l'objet du document A2 (voir la lettre en date du 25 juillet 1991, page 3). L'objet des revendications indépendantes 1 et 9 n'est cependant limité ni à l'utilisation d'une caméra noir et blanc, pas plus qu'elle ne contient de caractéristiques relatives au groupe de marques, qui permettraient d'utiliser une caméra noir et blanc. Une telle information ne peut pas non plus être déduite de la description du brevet attaqué et ne peut donc pas servir à supporter l'activité inventive de l'objet du brevet en cause.
5. Les objets des revendications 1 et 9 ne reposent donc pas sur une activité inventive, avec la conséquence que le brevet ne peut pas être maintenu.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet européen n° 0 214 214 est révoqué.