T 0830/91 (Modifications tardives) of 25.5.1993

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1993:T083091.19930525
Date de la décision : 25 Mai 1993
Numéro de l'affaire : T 0830/91
Décision de la Grande Chambre des recours G 0007/93
Numéro de la demande : 87116757.3
Classe de la CIB : A61K 47/00
Langue de la procédure : EN
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Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Whitby Research
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.02
Sommaire : Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours :
1. Compte tenu de l'article 113(2) CBE, y a-t-il lieu d'interpréter la règle 51(6) CBE de manière à rendre contraignant un accord donné au titre de la règle 51(4) CBE, dès lors qu'une notification a été établie conformément à la règle 51(6) CBE ?
2. L'Office européen des brevets est-il obligé de considérer que les réserves faites au titre de l'article 167(2) CBE sont des conditions prévues par la CBE, auxquelles il y a lieu de satisfaire conformément à l'article 96(2) CBE ?
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 96(2)
European Patent Convention 1973 Art 112(1)(a)
European Patent Convention 1973 Art 113(2)
European Patent Convention 1973 Art 164(2)
European Patent Convention 1973 Art 167(2)
European Patent Convention 1973 R 51
European Patent Convention 1973 R 86(3)
Mot-clé : Recevabilité de modifications après une notification établie conformément à la règle 51(6)
Réserves faites au titre de l'article 167(2) CBE
Saisine de la Grande Chambre de recours
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
J 0030/95

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant a déposé le 13 novembre 1987 la demande de brevet européen n 87 116 757.3. L'Autriche, la Grèce et l'Espagne comptaient parmi les Etats désignés. Aucun jeu de revendications distinct n'a été déposé pour ces pays.

II. Le 14 décembre 1989, la division d'examen a émis une notification au titre de la règle 51(4) CBE, dans laquelle elle a fait part de son intention de délivrer le brevet sur la base d'un texte indiqué.

En réponse à cette notification, le requérant a, par lettre parvenue à l'OEB le 9 avril 1990, donné son accord sur les modifications faites dans la demande, déclarant qu'il attendait désormais la notification prévue à la règle 51(6) CBE.

III. Une notification a été émise le 19 avril 1990 conformément à la règle 51(6) CBE, dans laquelle il est accusé réception de l'accord donné par le requérant sur le texte comme base pour la délivrance. Le requérant a, par ailleurs, été invité à acquitter les taxes de délivrance et d'impression dans un délai non reconductible de trois mois à compter de la signification de la notification.

IV. Par lettre reçue à l'OEB le 9 juillet 1990, le requérant a retiré son accord sur le texte proposé en vue de la délivrance. Il a par ailleurs approuvé la description et les revendications, à condition qu'une erreur de transcription dans la revendication 1 soit corrigée, que trois nouveaux jeux de revendications pour les Etats mentionnés au point I supra soient ajoutés et que les revendications déjà déposées s'appliquent aux autres Etats désignés. Ces dernières requêtes ont été présentées au motif que les revendications de produit sont inadmissibles dans les trois Etats concernés. Cet état de fait avait été négligé, notamment parce que la notification au titre de la règle 51(4) CBE n'avait pas été précédée de celle établie conformément à la règle 51(2) CBE. Le requérant a également expliqué pourquoi ces modifications étaient admissibles. Le 20 août 1990, il a présenté d'autres arguments en faveur de l'admissibilité de ces demandes de modification.

V. Le 10 octobre 1990, la division d'examen a émis une notification au titre de l'article 96(2) et de la règle 51(2) CBE, dans laquelle elle a offert au requérant la possibilité, puisque celui-ci est lié par son accord, de reprendre les revendications telles qu'elles ont donné lieu à l'établissement de la notification au titre de la règle 51(6) CBE, éventuellement avec correction de l'erreur de transcription figurant dans la revendication 1, faute de quoi la division d'examen rejetterait la demande, puisqu'elle ne disposait toujours d'aucun texte permettant de donner lieu à la délivrance du brevet (article 97(1) CBE).

Le 7 mars 1991, l'agent des formalités de la division d'examen a émis une notification (OEB Form 2093) en remplacement de celle du 10 octobre 1990. Dans cette nouvelle notification, il était, une fois de plus, rappelé au requérant qu'il était lié par son accord sur le texte, si bien que les modifications demandées ne pouvaient plus être prises en considération. Le requérant a été invité à informer l'OEB, dans un délai de deux mois, s'il demandait la délivrance sur la base de la version, acceptable, des pièces qui a fait l'objet de la précédente notification, et a été avisé qu'en cas de maintien de la requête en modification de la demande, la demande de brevet serait rejetée conformément à l'article 97(1) CBE.

VI. Le 16 mai 1991, le requérant a présenté sa réponse à la notification en date du 7 mars, demandant une fois de plus que l'on autorise les jeux distincts de revendications.

VII. Le 5 juin 1991, la division d'examen a décidé de rejeter la demande de brevet conformément à l'article 97(1) en liaison avec l'article 97(2) CBE, au motif qu'elle ne disposait d'aucun texte sur lequel le demandeur avait donné son accord.

VIII. Le requérant a formé un recours en demandant l'annulation de la décision faisant l'objet du recours, la délivrance du brevet sur la base de quatre jeux de revendications distincts (un jeu pour BE, CH+LI, DE, FR, GB, IT, LU, NL, et SE, et respectivement un jeu pour l'Autriche, la Grèce et l'Espagne) en tant que requête principale, ou sur la base de quatre jeux correspondants de cinq requêtes subsidiaires devant être examinées par ordre décroissant. En outre, il a demandé une rectification de la revendication 1 ainsi qu'une procédure orale.

IX. A l'appui de son recours, le requérant a essentiellement fait valoir les arguments suivants :

Les décisions T 166/86 et T 182/88 font toutes deux apparaître que ces modifications peuvent être autorisées. Elles n'entraîneraient aucun retard important dans la procédure, puisqu'elles se traduiraient essentiellement par un simple changement de catégorie de revendications. Il a été fait preuve de célérité pour produire les traductions et acquitter les taxes de délivrance. Comparé à la possibilité offerte par l'article 121 CBE de requérir la poursuite de la procédure au cas où ces formalités n'auraient pas été accomplies dans le délai de trois mois visé à la règle 51(6) CBE, un examen des demandes relatives aux revendications distinctes n'aurait entraîné aucun retard. L'intérêt des tiers est protégé par la demande déjà publiée, puisqu'après la publication il n'est plus possible d'apporter de modification ayant pour effet d'étendre la portée du contenu de la demande.

Motifs de la décision

1. Contexte

Le présent recours a pour objet d'obtenir la correction d'erreurs, faute de quoi celles-ci risquent de conduire à la délivrance d'un brevet nul dans trois Etats désignés, en raison des réserves faites par ceux-ci conformément à l'article 167(2) CBE.

La présente décision intermédiaire porte sur l'interprétation correcte de la règle 51 CBE, et plus particulièrement sur ses paragraphes 4 et 6 dans la version en vigueur à compter du 1er septembre 1987. Elle est limitée à la question de savoir si des modifications demandées après l'établissement de la notification visée à la règle 51(6) peuvent être acceptées pour examen.

2. La jurisprudence de l'OEB relative à la règle 51 CBE

Les décisions T 166/86 (JO OEB 1987, 372) et T 182/88 (JO OEB 1990, 287) invoquées par le requérant appliquent toutes deux la règle 51 CBE dans sa version antérieure au 1er septembre 1987, qui ne prévoit pas d'accord exprès. Ainsi, les conclusions tirées dans ces affaires ne sont pas automatiquement valables dans le cas présent, auquel s'applique la nouvelle version de la règle 51 CBE.

Dans la décision T 1/92 en date du 27 avril 1992 (JO OEB 1993, 685), la Chambre avait conclu que ni la Convention ni son règlement d'exécution ne confèrent expressément une force obligatoire à l'accord visé à la règle 51(4) CBE dans sa nouvelle version. Cette conclusion, dans l'affaire T 1/92, a été récemment confirmée dans les décisions J 11/91 et J 16/91 en date du 5 août 1992 (JO OEB 1994, 28), points 2.3.3 et 2.3.5.

Il a été établi dans la décision T 1/92 qu'un accord donné dans le cadre de la procédure mise en place par la nouvelle règle 51 n'est pas contraignant lorsque le demandeur a requis des modifications dans le délai imparti pour répondre à la notification établie conformément à la règle 51(4) CBE, étant donné que, dans ce cas, l'OEB ne peut pas constater sans l'ombre d'un doute - conformément à la règle 51(6) CBE - que le texte du brevet a été clairement approuvé. Un accord permet simplement à l'Office de commencer les préparatifs en vue de la délivrance avant l'expiration du délai visé à la règle 51(4) CBE. Etant donné que les modifications souhaitées dans cette affaire avaient été présentées dans le délai prescrit à la règle 51(4) CBE, cette décision ne permet pas de répondre à la présente question, qui est de savoir s'il est possible ou non d'examiner des modifications présentées à un stade ultérieur.

Dans une récente décision (T 675/90 en date du 24 juin 1992, JO OEB 1994, 58), la chambre a estimé qu'il y a lieu de rejeter les modifications demandées après l'établissement d'une notification conformément à la règle 51(6) CBE (dans sa nouvelle version à compter du 1er septembre 1987), essentiellement aux motifs que a) il est nécessaire d'assurer un juste équilibre entre l'obligation de veiller à ce qu'il ne soit pas délivré de brevets nuls et la nécessité d'une procédure de délivrance rapide et que b) la règle 51(6) CBE a pour fonction de conduire la procédure de modification à une conclusion ferme et définitive. La chambre a ainsi conclu que le pouvoir d'appréciation conféré par la règle 86(3) CBE ne s'étend pas au stade de la procédure visé à la règle 51(6) CBE.

Conformément à la jurisprudence relative à la nouvelle version de la règle 51 CBE, des modifications paraissent recevables dans le délai visé à la règle 51(4) CBE et, éventuellement, jusqu'à l'établissement de la notification conformément à la règle 51(6) CBE.

Il a été supposé, dans l'affaire T 675/90, que de par son objet, qui est de conduire la procédure à une conclusion ferme, la règle 51(6) CBE implique nécessairement une limitation dans le temps du droit du demandeur à demander des modifications, et que la règle 86(3) CBE cesse de s'appliquer à ce stade. Cependant, cette décision ne répond pas à un certain nombre de questions qui découlent d'une telle supposition. En conséquence, il reste à déterminer si de telles requêtes sont recevables en vertu de la CBE à un stade ultérieur de la procédure visée à la règle 51 CBE.

En l'espèce, les faits sont parallèles à ceux de l'affaire T 675/90.

3. Modifications apportées à la règle 51 CBE en 1987

Dans les travaux préparatoires relatifs aux modifications de 1987, il est expliqué qu'il est nécessaire de dissocier la question de fond concernant le texte prévu pour la délivrance de la question des autres formalités à accomplir afin que la demande puisse aboutir à la délivrance, à savoir la production des traductions et le paiement des taxes. Pour protéger les demandeurs contre toute perte de droits en raison de la procédure plutôt compliquée, il a été recouru par le passé à la restitutio in integrum au titre de l'article 122 CBE ; cette pratique a toutefois été invalidée par la décision J 22/86 (JO OEB 1987, 280). La proposition de séparer les procédures avait pour objet de protéger l'intérêt des demandeurs. Rien, dans ces documents, ne donne un fondement à la supposition émise dans la décision T 675/90 sur ce que la règle 51(6) CBE est censée impliquer.

De même, la publication au JO OEB 1987, 272, de la règle 51 CBE modifiée ne fait pas non plus état d'une telle interprétation ou effet juridique. Il y est dit que les modifications apportées à la règle 51 CBE ont pour objet de remédier à la perte de droits par une poursuite de la procédure plutôt que par la procédure longue et complexe de la restitutio in integrum prévue à l'article 122 CBE.

Conformément aux directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets (C-VI, 4.10), les modifications de 1987 ont pour effet que le demandeur est lié par son approbation du texte qui lui a été notifié conformément à la règle 51(4) CBE. A ce stade, les directives ne prévoient une modification quant au fond que si la division d'examen a connaissance de nouvelles circonstances qui l'incitent à reprendre d'office la procédure, c'est-à-dire si elle constate qu'un objet non brevetable est revendiqué. De telles circonstances peuvent également être portées à la connaissance de la division d'examen par le demandeur. Les directives (C-VI, 15.1.2) étant muettes sur le stade de la procédure qui suit la notification établie conformément à la règle 51(6) CBE, elles semblent présupposer que toute requête en modification de la part du demandeur doit être présentée dans le délai visé à la règle 51(4) CBE. Cependant, il importe de garder à l'esprit que les directives n'ont aucune force contraignante pour les chambres de recours.

4. Article 113(2) CBE

Cet article interdit à l'Office de délivrer des brevets dont le texte n'a pas été accepté par le demandeur ou le titulaire. Cette disposition repose sur le droit fondamental des parties à une procédure civile de déterminer l'étendue de leur affaire, et sur le principe de procédure selon lequel elles peuvent, à tout moment, présenter une requête indiquant leur intention de modifier cette étendue tant que leur affaire est pendante.

Bien que la Chambre partage l'opinion exprimée dans la décision T 675/90, selon laquelle l'objet de la règle 51(6) CBE est d'assurer une conclusion rapide de la procédure, ceci ne signifie pas nécessairement que le droit du demandeur d'avoir la haute main sur le contenu de la demande de brevet à tous les stades de la procédure, comme cela lui est garanti à l'article 113 CBE, soit limité au stade antérieur à la règle 51(6) CBE. Conformément à l'article 164(2) CBE, la disposition de l'article 113(2) CBE l'emporte sur tout autre disposition pratique prévue dans le règlement d'exécution (cf. aussi la pratique de l'OEB dans les cas de modifications déposées tardivement, par exemple T 375/90 en date du 21 mai 1992, non publiée au JO OEB).

5. Règle 51 CBE

5.1 La règle 51 CBE a pour fonction de clore le stade de l'examen et de traiter la demande en vue de la délivrance. Le demandeur est invité, par la notification visée à la règle 51(4) CBE, à donner expressément son accord sur le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet. Un délai de quatre mois, qui peut être prorogé jusqu'à six mois, est fixé. Une fois l'accord reçu, il en est accusé réception par la notification visée à la règle 51(6) CBE. Si le demandeur demande des modifications dans le délai prévu à la règle 51(4) CBE, la division d'examen peut les autoriser conformément à la règle 86(3) CBE, sinon elle est tenue de rendre une décision motivée et d'inviter le demandeur à présenter ses observations (règle 51(5) CBE). Si les modifications sont acceptées, aucune autre notification n'est normalement établie conformément à la règle 51(4) CBE et la notification visée prescrite à la règle 51(6) CBE est aussitôt émise. Si le demandeur décide de ne pas donner son accord par écrit conformément à la règle 51(4) CBE, la demande est rejetée par décision susceptible de recours.

5.2 La règle 51(6) CBE oblige l'Office à vérifier si l'accord donné est valable ou non. Une notification établie conformément à cette disposition invite uniquement le demandeur à acquitter certaines taxes et à produire les traductions dues. Cette étape peut ainsi être considérée comme un dernier contrôle avant la délivrance, pour déterminer qu'il y a eu accord valable, mais non comme une nouvelle occasion d'apporter des modifications.

Vu sous cet angle étroit, un examen des modifications présentées après la notification établie conformément à la règle 51(6) CBE ne semble pas justifié. Par ailleurs, le fait que la règle 51(6) CBE est essentiellement destinée à l'Office pourrait donner à croire qu'elle ne doit pas être interprétée comme normative dans un sens autre que celui que lui confère son énoncé, à savoir imposer une obligation particulière à l'Office.

En fait, l'on peut douter que la règle 51(6) CBE régisse la situation présente. Premièrement, l'énoncé de cette règle ne s'applique pas aux requêtes en rectification présentées par le demandeur après la procédure visée à la règle 51(6) CBE. Deuxièmement, une interprétation limitant les droits en vertu d'un article prééminent de la Convention ne saurait être acceptable, puisqu'une telle limitation exigerait la convocation d'une conférence diplomatique pour modifier ledit article.

L'interprétation des dispositions d'un instrument juridique international comme la CBE doit se tenir à des méthodes d'interprétation communément acceptées. Comme l'indique la Convention de Vienne sur le droit des traités aux articles 31 et 32, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. En l'espèce, ce contexte englobe non seulement les dispositions immédiates de la règle 51 CBE relative à la procédure de délivrance, mais également le lien entre cette règle et d'autres dispositions.

Dans ce contexte, et à la lumière des articles 113(2) et 164(2) CBE, la règle 51(6) CBE semble devoir être interprétée plus étroitement que dans la décision T 675/90, c'est-à-dire de manière à ce qu'elle s'applique uniquement à la situation qui y est expressément mentionnée.

5.3 Une interprétation plus large de la règle 51(6) CBE a également une incidence sur la procédure. Dans la décision T 675/90 comme dans la présente affaire, la division d'examen, tout en soulignant le caractère contraignant de l'accord visé à la règle 51(4) CBE, a été contrainte en vertu de l'article 113(2) CBE de conclure le contraire, c'est-à-dire qu'il y a lieu de rejeter le brevet en l'absence de texte sur lequel un accord a été donné. Une telle interprétation de la règle 51(6) CBE aboutit à une incohérence inacceptable, tandis que la solution retenue dans la décision T 675/90, qui consistait à renvoyer l'affaire en vue de la délivrance, ne tient pas compte de l'article 113(2) CBE.

6. Articles 96(2) et 167(2) CBE

La responsabilité première de l'OEB est de délivrer des brevets valables. Cette obligation découle des dispositions fondamentales de la Convention sur le brevet européen, à savoir des articles centraux sur les conditions de brevetabilité (articles 52 à 57 CBE). D'autres dispositions de la Convention et de son règlement d'exécution servent à préciser et à définir l'étendue de cette responsabilité. Il est indiscutable que, lors de l'examen des demandes, l'OEB est tenu de se conformer à ces dispositions et de rectifier toute erreur à n'importe quel stade de la procédure.

Dans la décision T 20/83 (JO OEB 1983, 419), la chambre a relevé que l'article 96(2) CBE dispose que la division d'examen doit notififier au demandeur l'ensemble des obstacles à la brevetabilité (point 8 des motifs de la décision). Cette affirmation concerne les exigences de brevetabilité telles qu'énoncées dans la Convention elle-même. Cependant, la validité d'un brevet dans les divers Etats contractants n'est pas une condition immédiate prévue par la Convention.

La possibilité, mentionnée dans les directives, de prendre en considération des modifications, faute de quoi un objet non brevetable serait revendiqué (C-VI, 4.10) correspond exactement à la présente situation. Il semblerait donc raisonnable de conclure que les modifications découlant de réserves faites quant à la CBE sont fondamentales à cet égard.

Il y a lieu de répondre à la question suivante : un examinateur doit-il considérer que des réserves faites au titre de l'article 167(2) CBE font partie des conditions de la CBE auxquelles il y a lieu de satisfaire conformément à l'article 96(2) CBE ? Dans l'affirmative, il serait obligé, en vertu de l'article 96(2) CBE, de relever les irrégularités sur ce point et d'inviter le demandeur à présenter ses observations. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6 supra en ce qui concerne l'interprétation appropriée des traités internationaux, une telle situation justifierait une reprise de la procédure, même si les irrégularités sont relevées par le demandeur lui-même à un stade tardif de la procédure.

7. Prise en considération des divers intérêts

Dans la décision T 182/88 (point 7), la chambre a estimé qu'une délivrance rapide est dans l'intérêt du public. En considérant que ceci permettrait de déterminer l'étendue des droits du demandeur par rapport au public sans retard indu, il s'agit là d'une observation correcte.

Cependant, l'OEB appliquant le système de l'opposition après la délivrance, le public ne peut tabler sur un brevet délivré avant l'expiration du délai d'opposition ou, lorsqu'une opposition a été formée, avant que ne soit rendue une décision définitive. A la fin, une opposition peut aboutir à la limitation du brevet. Les concurrents qui, d'avance, avaient pris leurs dispositions en fonction d'un brevet plus large se retrouveraient dans une situation pire que s'ils avaient attendu la décision définitive.

Par ailleurs, une "réouverture" de la procédure d'examen juste avant la délivrance pour examiner des modifications pourrait conduire à un brevet dont l'étendue est plus large que celle du texte déjà approuvé conformément à la règle 51(4) CBE. Le contrôle de l'étendue des revendications est prévu à l'article 123(2) CBE. Ainsi que l'a fort justement souligné le requérant, le public est protégé par la demande de brevet publiée, aucune revendication ne pouvant être acceptée dès lors que son étendue dépasse celle du texte de la demande.

Enfin, les brevets nuls qu'il faut défendre dans des actions coûteuses et longues, soit dans le cadre d'une procédure d'opposition, soit devant les tribunaux nationaux, doivent être considérés comme contraires à l'intérêt du public.

7.2 En ce qui concerne l'intérêt du demandeur, il serait illogique de limiter ses droits procéduraux en invoquant une disposition qui a été introduite pour protéger cet intérêt même.

Aussi semblerait-il injustifié de limiter la possibilité d'examiner une modification, à moins que celle-ci ne soit pas proposée de bonne foi, par exemple dans le but de retarder la procédure ou de ne pas surmonter un vrai problème de brevetabilité ou encore d'abuser carrément de la procédure.

En déterminant les droits du demandeur à obtenir l'examen de modifications présentées tardivement, il peut être important de garder à l'esprit que le titulaire du brevet a le droit d'obtenir la modification de son brevet ou sa révocation au moyen d'une opposition qu'il a lui-même formée (cf. G 1/84, JO OEB 1985, 299). Il ne semble pas logique d'accepter des modifications demandées dans le cadre d'une procédure centralisée après la délivrance et de refuser les modifications demandées avant la délivrance.

Non seulement cette anomalie serait illogique d'un point de vue juridique et contraire aux buts relevés dans la décision G 1/84, mais l'interdiction de toute modification avant la délivrance entraînerait une augmentation des coûts et de nouveaux retards jusqu'à ce que l'étendue des droits de propriété du titulaire soit finalement établie. Cet état de chose est insatisfaisant.

7.3 L'intérêt de l'OEB à travailller dans de bonnes conditions, pour autant qu'il ait été pris en considération dans les propositions de 1987 portant modification de la règle 51 CBE, doit se ranger derrière l'intérêt du demandeur et/ou du public.

7.4 A la réflexion, il ne va pas de soi que l'intérêt à aboutir à une conclusion rapide de la procédure l'emporte toujours sur l'intérêt à ne délivrer que des brevets valables. Ce dernier intérêt est partagé par les demandeurs et le public.

8. Conclusions

Ce qui précède soulève une question de droit d'importance fondamentale, relative à l'interprétation correcte d'une disposition du règlement d'exécution (en l'occurrence, la règle 51(6) CBE) qui s'oppose à un article de la Convention (l'article 113(2) CBE), qui justifie une saisine de la Grande Chambre de recours au titre de l'article 112(1) CBE.

Une autre question de droit soulevée concerne la manière dont il y a lieu de considérer les réserves faites au titre de l'article 167(2) CBE lors de l'examen des demandes de brevet européen.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre :

1. Compte tenu de l'article 133(2) CBE, y a-t-il lieu d'interpréter la règle 51(6) CBE de manière à rendre contraignant un accord donné au titre de la règle 51(4) CBE, dès lors qu'une notification a été émise conformément à la règle 51(6) CBE ?

2. L'Office européen des brevets est-il obligé de considérer que les réserves faites au titre de l'article 167(2) CBE sont des conditions prévues par la CBE, auxquelles il y a lieu de satisfaire conformément à l'article 96(2) CBE ?

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