European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1991:T045690.19911125 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 25 Novembre 1991 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0456/90 | ||||||||
Numéro de la demande : | 83810210.1 | ||||||||
Classe de la CIB : | G04B 37/16 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | Montre-bracelet dont le bracelet est attaché au boîtier de montre par une charnière | ||||||||
Nom du demandeur : | ETA S.A. Fabriques d'Ebauches | ||||||||
Nom de l'opposant : | 1) Piranha Marketing 2) Junghaus Uhren |
||||||||
Chambre : | 3.5.02 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Inventive step (no) Activité inventive (non) - Caractéristique à usage uniquement esthétique ne contribue pas à l'activité inventive |
||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. Les présents recours ont été formés contre la décision de la Division d'opposition par laquelle le brevet européen n° 0 098 239 a été maintenu en forme modifié après des oppositions formées par les présentes requérantes.
II. La revendication 1 du brevet européen dans sa forme modifiée, sur la base de laquelle le brevet a été maintenu par la Division d'opposition, s'énonce comme suit :
1. Montre-bracelet comportant :
- un boîtier de montre (1) comprenant un fond (3a), une carrure (3b) réalisée en une seule pièce et une glace (4) ; et
- un bracelet en matière souple comprenant deux demi- bracelets (2) rendus solidaires respectivement dudit boîtier (1) au moyen d'une charnière (5) et ayant chacun une face inférieure (2b) destinée à être en contact avec le poignet d'un porteur de la montre et une face supérieure (2c) opposée à ladite face inférieure, chacune desdites charnières comprenant :
- au moins trois premiers éléments (6E, 6I) dont deux sont extérieurs et un est intermédiaire, ces éléments étant espacés les uns des autres et tous venus d'une seule pièce avec ladite carrure (1) et ces éléments étant percés de premiers trous (7),
- au moins autant de seconds éléments (8) qu'il y a d'espacements (9) entre lesdits premiers éléments (6E, 6I), lesdits seconds éléments étant couplés respectivement à un demi-bracelet et étant percés de seconds trous respectifs (10) débouchant de part et d'autre de ces seconds éléments (8), et
- un axe d'articulation (11) engagé simultanément dans lesdits premiers et seconds trous (7, 8) ; et -lesdits premiers éléments de charnière (6E, 6I) étant reliés entre eux par une paroi de couverture (3c) venue d'une seule pièce avec la carrure (3b), cette paroi étant située du côté de la glace (4) et étant dimensionée de manière à recouvrir, en vue de dessus, lesdits premiers éléments de charnière (6E, 6I, 8), caractérisée
- en ce que ladite carrure (3b) est réalisée en matière plastique, en ce que lesdits seconds éléments de charnière (8) sont réalisés en une seule pièce avec leur demi-bracelet respectif (2) qui est ainsi attaché directement à ladite carrure (3b),
- en ce que ladite paroi de couverture (3c) présente un bord libre (3d) situé à l'opposé du centre (1a) du boîtier de montre (1),
- en ce que chacun desdits seconds éléments de charnière (8) définit un renflement qui présente, transversalement aux seconds trous (10), une section droite dont le pourtour comporte, du côté adjacent à ladite face supérieure (2c) des demi-bracelets (2), une partie en arc de cercle (12) sensiblement centrée sur l'axe de rotation géométrique (5a) de la charnière (5) et ayant sensiblement pour rayon (r) la distance entre ledit axe de rotation (5a) et ledit bord libre (3d) de ladite paroi (3c).
III. Les requérantes ont fourni dans leurs mémoires de recours des motifs contestant soit la façon dont la procédure a été menée devant la Division d'opposition, soit la brevetabilité de la présente invention pour défaut d'activité inventive.
IV. Dans une notification aux parties la Chambre a fait valoir, entre autre, que, à la lumière des faits consignés au dossier, la Division d'opposition ne semblait avoir commis aucun vice de procédure. La Chambre contestait aussi la pertinence des quatre nouveaux documents cités pour la première fois dans les mémoires de recours.
V. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 23 octobre 1991. Pendant les débats les documents suivants, parmi ceux qui ont été cités au cours de la procédure d'opposition, ont été considérés en détail :
D1 : CH-A-545 504 D7 : DE-A1-29 43 795 D31: US-A-4 307 824 D32: FR-A-2 252 291 VI. Les arguments présentés par les parties au cours de la procédure de recours étaient essentiellement les suivants :
i) Selon les requérantes pas seulement les caractéristiques du préambule mais aussi la première et la troisième caractéristique de la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet contesté sont divulguées par le document D7. En effet, ledit document ne contient aucune indication du matériau à utiliser et par conséquent il est clair pour l'homme de métier que l'enseignement de ce document s'applique aussi à l'utilisation d'une matière plastique. Ce document propose d'utiliser des pièces de liaison entre la montre et le demi-bracelet mais il considère également la possibilité que les seconds éléments de charnière soient réalisés en une seule pièce avec le demi-bracelet. La première caractéristique de la partie caractérisante de la revendication 1 est aussi anticipée par D7. La troisième (et dernière) caractéristique n'a rien à voir avec la solution du problème technique, qui consiste à réaliser une charnière stable et compatible avec l'utilisation de boîtiers de montre en plastique. Il s'agit plutôt d'une caractéristique complémentaire dont le but est purement esthétique. Le succès commercial de l'objet du brevet contesté ne peut pas être considéré comme une preuve de la validité technique de la solution proposée parce qu'il a été essentiellement le résultat d'une stratégie de marketing visant à en faire un produit à la mode.
ii) L'intimée admet que l'utilisation d'une matière plastique pour une montre était connue avant la date de priorité de la présente invention. Toutefois elle conteste que le document D7 suggère de renoncer à utiliser les pièces de liaison. Selon elle il éloigne même l'homme de métier de la solution proposée dans le brevet contesté. La présente invention porte sur la solution d'un problème à la fois de nature technique et esthétique. Ceci est d'ailleurs normal pour un produit comme les montres. Il est donc incorrect de considérer indépendamment les caractéristiques nouvelles de l'invention et leurs effets afin d'évaluer l'activité inventive. Il faut en outre souligner qu'aucun des nombreux documents cités au cours de la procédure n'anticipe ces caractéristiques.
VII. Les requérantes demandent l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.
L'intimée demande le rejet des recours. Dans une lettre reçue le 28.10.1991 l'intimée a précisé que sa requête serait à comprendre comme couvrant le maintien du brevet soit sous la forme arrêtée par la Division d'opposition, soit sous une forme éventuellement modifiée en fonction d'exigences que pourrait exprimer la Chambre de recours après ses délibérations.
VIII. Une des requérantes (Piranha) a par lettre reçue le 25.10.1991 soumis deux montres de la marque Swatch, pour rendre plus clair certaines observations faites par son mandataire lors de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Les recours sont recevables.
2. La Chambre est d'avis que les montres remises par une des requérantes (voir point VIII) sont à considérer comme un moyen de preuve tardif. En application de l'article 114(2) CBE la Chambre a décidé de ne pas en tenir compte.
3. Comme la nouveauté du brevet contesté n'a pas été mise en cause et les objections soulevées contre le déroulement de la procédure devant la Division d'opposition n'ont pas été maintenues par les requérantes après ladite notification de la Chambre (cf. IV ci-dessus), il s'agit donc d'examiner en premier lieu si l'objet du brevet contesté implique une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.
4. La Chambre est d'accord avec la Division d'opposition que le document D7 représente l'art antérieur le plus proche du brevet contesté. Cet avis a d'ailleurs été partagé par les requerantes, qui ont utilisé ce document comme point de départ pour attaquer l'activité inventive.
5. Il s'agit maintenant de considérer, si, à la lumière de l'état de l'art le plus proche (D7), il était évident pour l'homme de métier de réaliser une montre ayant les caractéristiques de la revendication 1 du brevet contesté.
5.1. D'après la décision attaquée le but de l'invention serait de développer une montre-bracelet qui ait un caractère "mécanique compacte", une meilleure esthétique et soit bon- marché. Toutefois la Division d'opposition n'a ni défini ce qu'elle entendait par l'expression "mécanique compacte", ni expliqué comment les caractéristiques revendiquées permettraient d'obtenir un tel caractère par rapport à l'état de la technique. Dans le contexte actuel la Chambre estime que le problème à résoudre, tel qu'il a été formulé au cours de la procédure d'opposition par l'intimée, apparaît plausible. Il consiste à fournir une montre- bracelet bon-marché dont la charnière présente des qualités de résistance irréprochables et qui soit esthétiquement agréable à la vue.
5.2. D7, quoique le titre se réfère à un bracelet de montre, divulgue en effet une montre-bracelet (voir fig. 1 et 2) ayant les caractéristiques du préambule de la revendication 1 du brevet contesté. Ce document ne mentionne pas l'utilisation d'un matériau particulier pour la carrure. La hachure dans les figures est bien celle utilisée d'habitude pour représenter un métal mais, surtout dans le domaine de l'horlogerie, cette convention n'est pas toujours respectée. Comme déjà avant la date de publication de ce document la possibilité de réaliser des montres en plastique était bien connue, il serait évident pour l'homme de l'art de considérer l'utilisation d'une matière plastique pour baisser le coût de production de la montre- bracelet d'après D7.
5.3. Les requérantes, en se référant à la page 5, troisième paragraphe de D7, ont fait valoir que ce document divulguerait aussi un mode de réalisation avec une charnière dont les seconds éléments seraient en une seule pièce avec le demi-bracelet. La Chambre estime que cette référence à un demi-bracelet attaché directement à la carrure n'implique pas nécessairement que la charnière soit réalisée selon l'enseignement de ce document, c'est à dire avec trois cornes du côté de la carrure et deux cornes du côté du bracelet. Il s'agit plutôt d'une référence tout à fait générale à une attache conventionnelle du demi- bracelet visant à mettre en évidence les avantages de la réalisation avec une pièce de liaison entre la carrure et le demi-bracelet. Cependant, même si cette caractéristique n'est pas directement divulguée par D7, la Chambre accepte qu'il serait évident pour l'homme de métier d'utiliser un tel mode de réalisation pour la raison suivante. Selon D7 chaque demi-bracelet est connecté à la carrure par une pièce de liaison qui d'une part forme avec la carrure une charnière solide comprenant plusieurs cornes et une paroi de couverture et qui, en présentant un angle de transition plus petit entre la carrure et le demi-bracelet, d'autre part contribue à une apparence extérieure agréable à la vue. Toutefois une telle pièce de liaison augmente le prix de revient de la montre et l'homme de métier, s'étant donné pour tâche de fabriquer une montre bon marché sans pourtant limiter ses propriétés mécaniques de résistance à l'usure, réalisera que, en supprimant ces pièces de liaison tout en conservant la structure de la charnière à plusieurs cornes, ce but pourrait être atteint.
5.4. Le choix d'une matière plastique pour réaliser la carrure impose certaines contraintes techniques à l'homme de métier, étant donné la moindre résistance de ce matériau par rapport au métal. La Chambre accepte que les qualités de résistance de l'attache du demi-bracelet sont obtenues par une réalisation ayant les caractéristiques du préambule de la revendication 1 du brevet contesté et basée, entre autre, sur une charnière avec au moins trois cornes venus d'une seule pièce avec la carrure et au moins deux cornes solidaires du demi-bracelet et une paroi de couverture venue d'une seule pièce avec la carrure et dimensionée de manière à recouvrir les premiers éléments de la charnière.
5.5. Les requérantes ont objecté que la dernière caractéristique de la revendication 1 ne contribuerait pas à la solution du problème technique mais concernerait seulement un aspect esthétique indépendant du problème technique. A ce propos, la Chambre accepte qu'un produit commercial de large diffusion, tel que la montre bon marché de la présente invention, doit satisfaire au même temps à des exigences de caractère technique et esthétique. Il est admis que des exigences de caractère esthétique puissent être satisfaites par des moyens techniques et, en principe, un but esthétique n'affecte pas la brevetabilité de tels moyens techniques, pourvu que ceux-ci soient nouveaux et inventifs.
5.6. Comme l'expérience de la vie quotidienne témoigne, il est connu qu'un demi-bracelet en matière souple (par exemple le cuir ou un pareil matériau) est habituellement obtenu en pliant l'extrémité destinée à être attachée à la montre sur elle même autour de l'axe d'articulation cylindrique. Le renflement à l'endroit de l'attache (la charnière) qui en résulte présente un pourtour comportant une partie essentiellement en arc de cercle sensiblement centrée sur ledit axe (voir p. ex. les dessins de D31). En utilisant une telle attache conventionnelle avec la structure de charnière divulguée par D7, où la paroi de couverture s'étend dans un plan essentiellement perpendiculaire à l'axe de symétrie de la montre, une fente visible est formée entre le demi-bracelet et la paroi à l'extrémité de ce dernier, c'est à dire à son "bord libre".
5.7. Puisque la présence d'une telle fente est jugée désagréable à la vue le brevet contesté propose d'y remédier en donnant au moins à la partie extrême de la paroi de couverture une inclinaison vers le bas, telle que cette partie effleure la face supérieure du demi-bracelet. Ceci est exprimé dans la revendication 1 par la caractéristique que la distance entre l'axe de rotation et le bord libre de la paroi est égale au rayon (r) de la partie en arc de cercle du demi- bracelet.
5.8. La Chambre est d'avis que la définition en termes généraux de la forme de la paroi de couverture, qui figure dans la revendication 1, ne permet pas de conclure, comme la Division d'opposition l'a fait, que, au delà d'un effet esthétique (la suppression de la fente), un effet technique quelconque serait obtenu. En particulier la Chambre ne voit pas comment cette forme en soi pourrait contribuer à une plus grande solidité de la charnière ou à une fabrication meilleur marché. Il s'agit donc clairement d'une mesure de dessin qui vise uniquement un effet esthétique ne concourant pas à la solution d'un problème technique. Une telle caractéristique ne contribue pas à l'activité inventive de l'objet revendiqué. La description du brevet elle-même ne mentionne pas d'effets techniques obtenus par la forme de la paroi. Au contraire, uniquement un effet esthétique est cité à la colonne 4, lignes 6-10 et 40-42.
5.9. La Chambre est par ailleurs d'avis que, même si on voulait qualifier cette forme de la paroi comme un moyen technique, elle serait tout à fait à la portée de l'homme de métier. La Chambre estime à cet égard que la forme en question de la paroi viendrait immédiatement à l'esprit de l'homme de métier comme moyen pour éviter la présence d'une fente entre la carrure et le demi-bracelet.
5.10. En ce qui concerne le succès commercial avancé comme argument par l'intimée, la Chambre est d'avis qu'en tout cas un tel succès ne peut être qu'une indication secondaire pour la présence d'activité inventive en cas de doute. Il n'a pas été établi que le succès commercial dans le cas présent serait indubitablement à attribuer aux caractéristiques techniques de la montre-bracelet revendiquée. Par conséquent cet argument ne peut pas l'emporter sur les considérations techniques précédentes établissant l'évidence de ces caractéristiques techniques.
5.11. Comme il ressort des considérations précédentes l'application d'aucune des caractéristiques énoncées dans la partie caractérisante de la revendication 1 à la montre- bracelet connue de D7 ne peut être qualifiée comme impliquant une activité inventive et dans leur ensemble ces caractéristiques ne produisent pas d'effets inattendus. Par conséquent l'objet de cette revendication n'est pas brevetable et le brevet ne peut pas être maintenu sur la base de cette revendication. Ayant considéré la divulgation originale et l'état de la technique cité au cours de la procédure, la Chambre ne peut voir aucune possibilité réelle de modifier la revendication 1 de façon à aboutir à une conclusion différente.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la Division d'opposition est annulée.
2. Le brevet est révoqué.