T 0272/90 (Compétence de la chambre de recours juridique) of 6.8.1990

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1990:T027290.19900806
Date de la décision : 06 Août 1990
Numéro de l'affaire : T 0272/90
Décision de la Grande Chambre des recours G 0002/90
Numéro de la demande : 82201018.7
Classe de la CIB : F16C 9/94
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Kolbenschmidt
Nom de l'opposant : Glyko-Metallwerke
Chambre : 3.2.01
Sommaire : La Grande Chambre de recours est saisie de la question de droit qui consiste à savoir si la chambre de recours juridique est compétente pour examiner les recours formés contre des décisions qui peuvent être rendues par les agents des formalités des divisions d'examen et des divisions d'opposition de l'OEB au titre des tâches qui leur sont confiées.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 21
European Patent Convention 1973 Art 10(2)(i)
European Patent Convention 1973 R 9(3)
Mot-clé : Compétence de la chambre de recours juridique
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0560/90

Exposé des faits et conclusions

I. Dans une décision intermédiaire, une division d'opposition de l'Office européen des brevets (OEB) avait conclu que le brevet européen n° 74 676 pouvait être maintenu sous une forme modifiée. Une fois cette décision passée en force de chose jugée, le titulaire du brevet a été invité par une notification en date du 16 janvier 1989, établie conformément à la règle 58(5) CBE, à acquitter la taxe d'impression d'un nouveau fascicule de brevet européen et à produire une traduction des revendications modifiées dans les deux autres langues officielles de l'OEB, dans un délai de trois mois.

II. Si la taxe d'impression a bien été acquittée dans le délai, les traductions des revendications n'ont en revanche pas été produites à temps. Ce fait a été porté à l'attention du titulaire du brevet dans une notification en date du 20 septembre 1989, établie conformément à la règle 58(6) CBE, et l'informant que l'acte requis pouvait encore être valablement accompli dans un délai de deux mois à compter de la signification de la notification en question, à condition qu'il acquitte également dans le même délai une surtaxe d'un montant égal à deux fois celui de la taxe d'impression d'un nouveau fascicule du brevet européen. Le titulaire du brevet a déclaré que les traductions avaient été envoyées par courrier en date du 8 novembre 1989. La surtaxe n'a toutefois pas été acquittée.

III. Par décision en date du 21 décembre 1989, l'agent des formalités a révoqué le brevet européen en application de l'article 102(5) CBE. Dans un avertissement concernant les moyens de recours, il a été signalé qu'un recours était possible. En revanche, la possibilité d'une restitutio in integrum au titre de l'article 122 CBE n'a été évoquée dans aucun des écrits de l'OEB.

IV. Le 26 janvier 1990, le titulaire du brevet a introduit un recours contre cette décision et acquitté la taxe prescrite ; le mémoire exposant les motifs du recours a été présenté le 20 avril 1990. Il y fait principalement valoir que la décision attaquée ne repose sur aucune base juridique. En effet, un brevet peut être révoqué en vertu de l'article 102(5) CBE pour non- respect des délais concernant la production des traductions, mais non pour inobservation du délai supplémentaire prévu par la règle 58(6) CBE.

Suivant une observation du rapporteur, le titulaire du brevet a présenté une requête en restitutio in integrum quant au délai supplémentaire visé à la règle 58(6) CBE.

Le requérant (titulaire du brevet) demande l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet.

V. L'intimé (opposant) demande le rejet du recours et de la requête en restitutio in integrum.

Motifs de la décision

1. Eu égard aux conditions d'usage, le recours est recevable. Toutefois, des décisions rendues par une autre chambre de recours soulèvent la question de savoir si une décision susceptible de recours a vraiment été rendue ou si, dans une affaire comme la présente espèce, la perte de droit (révocation du brevet) est déjà intervenue en vertu de la loi, auquel cas il n'est possible de former un recours qu'après application de la règle 69(1) et (2) CBE (cf. décisions T 26/88 du 7 juillet 1989, publiée au JO OEB 1991, 30, ainsi que T 522/88 et T 114/89).

2. Outre cette question de droit, la présente affaire en soulève d'autres de nature purement juridique, notamment celle de la manière dont les délais dits normaux (en l'occurrence, celui dans lequel les traductions doivent être produites) s'articulent par rapport à ceux qu'il est convenu d'appeler délais supplémentaires (ici, le délai de paiement d'une surtaxe d'un montant égal à deux fois celui de la taxe d'impression), et celle des conditions dans lesquelles il est possible et nécessaire d'accorder la restitutio in integrum quant à l'un et/ou l'autre de ces délais.

3. De nombreuses autres décisions rendues par les chambres de recours techniques ont également porté sur des questions purement juridiques, à savoir celles qui, à l'instar de la décision litigieuse, ont été rendues par des agents des formalités des divisions d'examen ou d'opposition en vertu des communiqués de l'OEB en date du 15 juin 1984 (JO OEB 1984, 317 et 319), modifiés par le communiqué en date du 1er février 1989 (JO OEB 1989, 178), dont Singer reproduit la version actuellement en vigueur dans "Kommentar zum EPU", Anhang 7, p. 877, et Anhang 8, p. 880.

3.1. Les décisions de ce type rendues jusqu'à présent par les chambres de recours techniques avaient trait uniquement à des questions de droit. C'est ainsi que toutes les décisions relatives à des "comptes courants" (cf. Communiqué dans JO OEB 1982, 15) émanent de chambres de recours techniques (voir tableau dans Singer, "Kommentar zum EPU", p. 889). D'autres décisions portent sur l'application par l'agent des formalités de l'article 99, ensemble les règles 55 et 56 CBE, c'est-à-dire sur l'aspect strictement juridique de la recevabilité d'oppositions.

3.2. Le fait que les chambres de recours aient été jusqu'à présent jugées compétentes pour les recours de ce type, tient à l'interprétation de l'article 21(3) et (4) CBE, selon laquelle seules les chambres de recours techniques sont jugées compétentes pour statuer en matière d'opposition. En effet, l'article 21(4) CBE ne mentionne pas la chambre de recours juridique comme une instance pouvant avoir compétence en matière d'opposition. D'après cette interprétation de l'article 21(4) CBE, la chambre de recours juridique ne serait même pas compétente pour examiner des recours à caractère purement juridique dirigés contre des décisions prises par des agents des formalités. Il ressort du texte de l'article 21(3) CBE que, dans les affaires concernant l'examen, la compétence de la chambre de recours juridique est notamment fonction de la réponse qui est donnée à la question de savoir si la décision attaquée "est relative au rejet d'une demande de brevet européen ou à la délivrance d'un brevet européen". Cela a conduit - jusqu'à présent - à ne considérer essentiellement la chambre de recours juridique comme compétente que lorsque la décision attaquée suppose la constatation de la perte d'un droit (règle 69(2) CBE).

3.3. Cette application de l'article 21 CBE ne donne pas non plus satisfaction en ce qui concerne les décisions rendues par des agents des formalités dans des affaires relevant des divisions d'examen de l'OEB. C'est ainsi que, parmi les tâches confiées aux agents des formalités, celles énoncées aux points 1 à 6 correspondent pleinement de par leur teneur à celles incombant à la section de dépôt. Si l'on s'en tient à l'interprétation de l'article 21 CBE donnée jusqu'à présent, cela signifie qu'en cas de contestation d'une décision concernant les irrégularités de forme (p. ex. dans la désignation de l'inventeur), les paiements, la constitution de mandataires, les pouvoirs ou autres questions similaires, la chambre de recours juridique est compétente en vertu de l'article 21(2) CBE, lorsque la décision litigieuse émane de la section de dépôt ; une chambre de recours technique devient pour sa part compétente, dès lors que la compétence pour l'examen de la demande de brevet européen, est passée à la division d'examen, comme le prévoit l'article 18(1) CBE. En cas de non-dépôt d'un pouvoir, ce serait une chambre de recours technique qui serait compétente si la conséquence juridique prévue était le rejet de la demande de brevet ; par contre, si la conséquence juridique consistait en ce que la demande soit réputée retirée (cf. règle 101(4), troisième phrase CBE), la compétence incomberait à la chambre de recours juridique. Lorsque l'affaire concerne le paiement de la taxe d'impression et la production de traductions des revendications avant la délivrance du brevet, c'est la chambre de recours juridique qui est compétente. En revanche, si elle a trait au respect de ces mêmes conditions, mais après délivrance du brevet, donc pendant une procédure d'opposition, c'est une chambre de recours technique qui est jugée compétente. Du reste, il suffit de se reporter à la liste des tâches confiées aux agents des formalités pour s'apercevoir qu'elles sont toutes de nature purement juridique.

3.4. Pour les raisons susmentionnées, il est douteux que les dispositions énoncées à l'article 21, paragraphes 3 et 4 CBE doivent également être considérées comme régissant la compétence dans les recours dirigés contre des décisions prises par les agents des formalités au titre des tâches qui leur ont été confiées. Selon toute vraisemblance, les tâches mentionnées à la règle 9(3) CBE, ainsi que les recours pouvant en résulter, ne sont pas visés par l'article 21 CBE.

3.5. Aussi la Grande Chambre de recours est-elle saisie de la question de droit énoncée dans le dispositif. La question est formulée de telle sorte que, si la réponse est affirmative, la chambre de recours juridique serait également compétente pour les recours dirigés contre des décisions qui relèvent certes des tâches confiées aux agents des formalités, mais qui ont pourtant été rendues par la division d'examen ou la division d'opposition elle-même. Il est tout à fait concevable que, dans les cas juridiquement compliqués, ces divisions tranchent elles-mêmes en faisant appel à l'assistance d'un membre juriste (exemples dans JO OEB 1984, 117 ; 1984, 565 ; 1986, 56). Dans de telles espèces, il serait d'autant plus justifié que les recours soient examinés par la chambre de recours juridique.

4. La chambre saisie de la présente affaire estime que la question de droit soulevée pose également la question de savoir si le Président de l'OEB est habilité à déléguer le pouvoir de déléguer des compétences, visé à la règle 9(3) CBE. En effet, l'introduction des communiqués précités (JO OEB 1984, pp. 317 et 319) mentionne que le Vice-Président chargé de la direction générale 2 a confié des tâches en vertu des pouvoirs que lui avait délégué le Président de l'OEB au titre de l'article 10(2)i) CBE.

4.1. Confier des tâches en application de la règle 9(3) CBE est un acte législatif fixant des compétences par dérogation aux articles 18(1) et 19(1) CBE. La Convention, le règlement d'exécution et le règlement relatif aux taxes confèrent au Président de l'OEB divers pouvoirs législatifs, l'ouverture de "comptes courants" en vertu de l'article 5(2) du règlement relatif aux taxes (cf. JO OEB 1982, 15) n'en étant qu'un exemple.

4.2. Aux termes de l'article 10(3) CBE, le Président de l'OEB "est assisté de plusieurs Vice-Présidents". Ceci présuppose que les Vice-Présidents ont leurs propres sphères de responsabilité. Le fait de déléguer à l'un d'entre eux le pouvoir législatif excluerait donc la co-responsabilité des autres. Dans le cas concevable où le pouvoir législatif serait délégué à des services subalternes, cela excluerait même la co-responsabilité d'une grande partie de l'OEB. Il apparaît donc discutable que, comme cela est le cas dans la présente espèce, la co-responsabilité du Vice-Président chargé des questions juridiques soit exclue, d'autant plus que l'attribution de tâches visée à la règle 9(3) suppose que celles-ci "ne présentent aucune difficulté technique ou juridique particulière". De même, en ce qui concerne la "Réglementation applicable aux comptes courants", il n'est guère concevable que le Vice-Président compétent pour les questions juridiques soit dégagé de sa co-responsabilité et que le pouvoir législatif soit délégué à des services de la direction générale 4. La délégation du pouvoir législatif est particulièrement sujette à caution lorsqu'elle s'applique au pouvoir conféré par la règle 9(3) CBE au Président de l'OEB d'attribuer des compétences par dérogation aux dispositions de l'article 18(1) et (2) CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

La question de droit suivante est soumise à la Grande Chambre de recours :

La chambre de recours juridique est-elle compétente pour les recours dirigés contre des décisions confiées aux agents des formalités en application de la règle 9(3) CBE ?

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