European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1990:T020888.19900228 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 28 Fevrier 1990 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0208/88 | ||||||||
Numéro de la demande : | 80106574.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | A01N 43/54 | ||||||||
Langue de la procédure : | DE | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Bayer | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.01 | ||||||||
Sommaire : | Un effet qui n'avait pas été décrit jusque là (en l'occurrence la régulation de la croissance), mais qui se produit effectivement lors de la mise en oeuvre d'un enseignement connu (à savoir l'utilisation en tant que fongicide), et sur lequel une invention d'utilisation est censée se fonder n'a en tout état de cause pas été rendu accessible au public - ce qui porterait atteinte à la nouveauté de l'invention d'utilisation - si lors de cette mise en oeuvre l'effet en question ne se manifeste pas de façon suffisamment claire pour révéler directement, au moins en puissance, l'essence de l'invention à un nombre illimité d'hommes du métier (cf. point 3.1 des motifs de la présente décision, faisant suite à la décision G 6/88, JO OEB 1990, 114). | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Nouveauté d'une deuxième utilisation ne relevant pas du domaine médical, le mode de réalisation technique restant le même Remboursement de la taxe de recours (non) |
||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 80 106 574.9, déposée le 25 octobre 1980 (et publiée sous le n° 28 755), qui revendiquait la priorité d'une demande allemande en date du 7 novembre 1979, a été rejetée par la division d'examen 001 par décision en date du 25 novembre 1987, rectifiée le 7 janvier 1988. Cette décision a été rendue sur la base de quatre revendications produites le 30 septembre 1981, dont la première s'énonçait comme suit (texte abrégé) :
"Utilisation de dérivés de pyrimidine-butanol de formule .........(i) .......... comme régulateurs de croissance des plantes".
II. Pour motiver le rejet, la première instance avait invoqué dans sa décision, en opposition délibérée avec la décision T 231/85 rendue par la Chambre le 8 décembre 1986 ("dérivés du triazole/BASF", JO OEB 1989, 74), le défaut de nouveauté par rapport au document
(1) EP-A-1 399.
(Le document (2) US-A-3 869 459
avait également joué un rôle au cours de la procédure devant la division d'examen, mais pas en ce qui concerne la nouveauté). La première instance déclarait dans sa décision que le document (1) divulgue à la fois les dérivés de pyrimidine-butanol (i) et leur utilisation dans la lutte contre les champignons des plantes et que la reconnaissance de nouvelles propriétés d'un agent ne peut justifier une revendication d'utilisation que si l'homme du métier peut trouver dans cette revendication un enseignement technique nouveau concernant les conditions de mise en oeuvre de cet agent, et que si la nouveauté de la revendication ne réside pas uniquement dans le but différent dans lequel cet agent est utilisé.
III. Le 16 janvier 1988, la demanderesse (requérante) a formé un recours contre la décision de la division d'examen en acquittant la taxe correspondante. Elle a requis l'annulation de la décision attaquée et la délivrance d'un brevet sur la base des revendications en vigueur ; à titre subsidiaire, elle a demandé la tenue d'une procédure orale ainsi que la saisine de la Grande Chambre de recours ; elle a sollicité par ailleurs le remboursement de la taxe de recours. Dans un mémoire reçu par l'OEB le 19 mars 1988, elle a essentiellement fait valoir qu'en ce qui concernait la catégorie spécifique de la revendication d'utilisation qu'elle avait soumise, le but poursuivi par l'utilisation, en tant que caractéristique technique, faisait partie de l'enseignement de l'invention et pourrait de ce fait fonder la nouveauté. Selon elle, les inventions d'utilisation étaient brevetables non seulement en vertu de la CBE, mais également en vertu du droit national, de sorte qu'une protection s'imposait également pour des raisons d'harmonisation. La décision G 1/83 ne s'opposait pas à une telle protection. L'enseignement revendiqué ne découlant pas de l'état de la technique, il était donc nouveau, comme cela avait déjà été décidé dans le cas analogue T 231/85.
IV. La Chambre a alors constaté dans un premier temps, par sa décision intermédiaire du 20 juillet 1988, que le recours était recevable, et elle a soumis la question de droit suivante à la Grande Chambre de recours :
"Une revendication portant sur l'utilisation d'un composé chimique ou d'une classe de composés dans un but précis, ne relevant pas du domaine médical, est-elle nouvelle, au sens de l'article 54 CBE, par rapport à un document antérieur qui divulgue la mise en oeuvre de ce même composé ou de cette même classe de composés dans un but différent, ne relevant pas du domaine médical, la réalisation technique des deux "enseignements" étant identique et la nouveauté de la revendication résidant uniquement dans le but dans lequel le composé ou la classe de composés est utilisé ?"
V. La Grande Chambre de recours a répondu comme suit à cette question de droit dans sa décision G 6/88 du 11 décembre 1989 :
"Une revendication portant sur l'utilisation d'un composé connu dans un but précis, reposant sur un effet technique décrit dans le brevet, doit être interprétée comme comportant, du fait de cet effet technique, une caractéristique technique d'ordre fonctionnel. Elle n'appelle donc pas d'objection au titre de l'article 54(1) CBE, à condition que cette caractéristique technique n'ait pas été rendue accessible au public auparavant."
Motifs de la décision
1. La revendication 1 en vigueur concerne l'utilisation de composés de formule (i) connus en tant que tels pour la régulation de la croissance des plantes. Il ressort de la réponse donnée par la Grande Chambre de recours à la question de droit qui lui a été soumise que l'objet d'une telle revendication est nouveau au sens de l'article 54 CBE si les deux conditions suivantes sont remplies :
i) l'effet technique sur lequel se fonde l'utilisation revendiquée doit être décrit dans la demande ; en particulier, il doit bien entendu être déjà décrit dans les pièces initiales de la demande ;
ii) l'effet technique en question ne doit pas avoir déjà été rendu accessible au public avant la date de priorité qui fait foi pour la demande en litige.
Comme l'a expliqué la Grande Chambre de recours, cette deuxième condition est une question de fait qui se pose à chaque fois.
2. Il ne fait aucun doute que la première de ces deux conditions est remplie ; l'on se reportera, par exemple, à la revendication 1 initiale commençant par les mots "agent de régulation de la croissance des plantes", suivis ensuite d'une définition des substances contenues dans cet agent, identique à la définition figurant dans la revendication 1 actuelle. Il est évident que l'existence de l'effet technique, dont la divulgation est essentielle aux termes de la décision rendue par la Grande Chambre de recours, ressort aussi clairement de la revendication initiale 1 - portant sur l'agent en tant que tel -, que de la revendication d'utilisation actuelle. En outre, dans la première phrase de la description initiale, il est question expressément d'une "utilisation", et à la page 2, paragraphe 1, il est fait état des "fortes propriétés de régulation de la croissance" que présentent les composés en question.
3. Par conséquent, il ne reste plus qu'à examiner, pour trancher la question de la nouveauté, si l'effet des substances (i) en question en tant que régulateurs de croissance était déjà accessible au public avant la date de priorité de la demande en litige.
3.1. L'effet consistant dans la régulation de la croissance ne saurait par exemple avoir été rendu "accessible" pour la simple raison que l'utilisation des composés (i) pour combattre les champignons, telle qu'elle a été divulguée par le document (1), a entraîné effectivement - bien que cet effet soit resté inaperçu - une régulation de la croissance des plantes traitées avec ces composés, comme cela semblerait avoir été le cas en l'occurrence ; en effet, aux termes de la décision G 6/88 (point 8, en particulier alinéas 8.1 et 8.2), la question du contenu intrinsèque ne se pose pas dans le cadre de l'article 54 CBE. Au contraire, un effet qui n'avait pas été décrit jusque là, mais qui se produit effectivement lors de la mise en oeuvre d'un enseignement connu et sur lequel une invention d'utilisation est censée se fonder, ne devient accessible au public que si, lors de cette mise en oeuvre, l'effet en question se manifeste de façon suffisamment claire pour révéler directement, tout au moins en puissance, l'essence de l'invention à un nombre illimité d'hommes du métier. Dans le cas présent, l'effet régulateur de croissance produit par ces composés (i) ne serait devenu accessible en ce sens qu'il aurait constitué un enseignement technique détruisant la nouveauté que si les cultures traitées avec ces composés pour lutter contre les champignons avaient visiblement, c'est-à-dire sans que ce phénomène puisse passer inaperçu, eu une croissance anormale, et que s'il avait manifestement existé un lien de cause à effet entre le traitement des cultures qui avait été effectué et ledit phénomène de croissance.
3.2. La Chambre ne dispose d'aucun élément pour pouvoir apprécier si le traitement des cultures avec le composé (i) dans le but de lutter contre les champignons entraînait nécessairement, sans que cet effet ait été délibérément recherché, un phénomène de croissance anormale qui ne pouvait passer inaperçu. Toutefois, si un homme du métier qui ne connaissait pas l'invention avait effectivement été amené à constater qu'une culture présentait une croissance anormale, il aurait pu en chercher la cause - à supposer qu'il se soit interrogé à ce propos - en passant en revue un certain nombre de facteurs, par exemple la nature particulière du sol, la période ou le mode de culture, les conditions climatiques, le fumage, etc. Ni la lecture du document (1), ni la mise en oeuvre de son enseignement ne permettaient donc objectivement au public de discerner sans équivoque l'essence de l'invention revendiquée en l'espèce consistant dans l'effet régulateur de croissance produit par les composés (i).
3.3. Etant donné que la Chambre ne connaît pas d'autre document de l'état de la technique pouvant remettre en question la nouveauté de l'objet de la demande en litige, celui-ci doit être considéré comme nouveau.
4. En ce qui concerne l'activité inventive, il est constaté brièvement, mais sans ambiguité, dans la décision attaquée (page 5, quatrième alinéa), que, vue les essais produits le 29 février 1984 portant sur les composés revendiqués, comparés à ceux mentionnés dans le document (2), "l'objet de la demande" implique une activité inventive, "dans la mesure où il est nouveau".
4.1. Cette déclaration signifiait manifestement ceci : il avait été admis au départ que le document (2) constituait l'état de la technique le plus proche, ce qui était justifié, étant donné que le problème traité par le document (1) était tout à fait différent. Il s'agissait en l'occurrence d'indiquer des régulateurs de croissance améliorés (comme cela a été exposé dans le document accompagnant les essais comparatifs). Au vu des essais comparatifs, il a été reconnu que la solution effective de ce problème, à savoir l'utilisation proposée des composés (i), était plausible et ne découlait pas à l'évidence du document (2). A cet égard, la Chambre ne voit aucune raison de s'écarter de l'avis rendu par la première instance. Il ne reste plus qu'à voir si l'on aboutit à un autre résultat lorsque, pour déterminer s'il y a activité inventive, l'on tient par exemple compte du document (1) considéré par la première instance comme détruisant la nouveauté.
4.2. La Chambre est d'avis que ce n'est pas le cas : on ne voit pas comment il aurait fallu s'attendre, en se fondant uniquement sur le document (1) qui ne mentionne que l'effet fongicide comme possibilité d'utilisation des composés (i), à ce que ceux-ci aient un effet régulateur de la croissance, voire améliorent l'effet régulateur de la croissance que présentent les composés décrits dans le document (2) ; on ne voit pas non plus pourquoi il aurait été évident de recourir précisément aux fongicides divulgués par le document (1) pour pouvoir améliorer les régulateurs de croissance par rapport à ceux décrits dans le document (2).
4.3. Pour toutes ces raisons, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive.
5. Les revendications 2, 3 et 4 portent chacune sur l'utilisation comme agent régulateur de croissance de l'un des composés particuliers couverts par la formule générale (i) de la revendication 1 ; leur brevetabilité découle donc de la brevetabilité de cette revendication 1.
6. En vertu de la règle 67 CBE, pour que le remboursement demandé de la taxe de recours puisse être accordé, la procédure devant la division d'examen aurait dû être entachée d'un vice substantiel. Or, la requérante n'a pas démontré l'existence d'un tel vice, et la Chambre n'a pas constaté non plus que ce vice existait. Il est vrai qu'en s'écartant délibérément de la décision T 231/85, la première instance a abouti à des conclusions erronées, comme cela a été exposé plus haut ; toutefois, à la différence d'une divergence par rapport à la jurisprudence constante de l'instance de recours, une divergence par rapport à une décision encore isolée d'une chambre de recours ne saurait être considérée comme un vice substantiel de procédure. Il n'y a donc pas lieu de rembourser la taxe de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la division d'examen en date du 25 novembre 1987 est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance pour délivrance d'un brevet sur la base des documents suivants :
- revendications 1 à 4, produites le 30 septembre 1981 ;
- description, dans la version publiée dans le document EP-A1- 28 755, devant encore faire l'objet de modifications rédactionnelles.
3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.