T 0020/83 (Dérivés de benzothiopyranne) of 17.3.1983

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1983:T002083.19830317
Date de la décision : 17 Mars 1983
Numéro de l'affaire : T 0020/83
Numéro de la demande : 79100325.4
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Ciba-Geigy
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : (pas de sommaire) "Activité inventive satisfaite de façon représentative" - "Prévisions concernant les propriétés de substances chimiques en fonction de la structure de ces dernières" - "Vraisemblance d'indications essentielles pour la brevetabilité".
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52(1)
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 96(2)
Mot-clé : Activité inventive satisfaite de façon représentative
Prévisions concernant les propriétés de substances chimiques en fonction de la structure de ces dernières
Vraisemblance d'indications essentielles pour la brevetabilité
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0632/91
T 0412/93

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 791 100 325.4, déposée le 5 février 1979 et publiée le 14 novembre 1979 sous le numéro 0 005 141.... a été rejetée par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 2 septembre 1982 se fondant sur les revendications déposées le 7 décembre 1981.

II. Il a été établi que ces revendications satisfont à toutes les conditions purement formelles de la CBE et que seule a été déterminante pour le rejet la question de savoir si pour les composés selon la revendication 1 la condition d'activité inventive était satisfaite au moins de manière représentative sur l'ensemble du domaine. Cette condition n'aurait pas été satisfaite. La revendication 1 s'énonce suit ...

D'après le document US-A-4 013 771 (antériorité 1), on connaît déjà des composés antiallergiques très actifs, comportant le squelette fondamental des composés selon la demande, des 4-oxo-4H-1-benzothiopyrannes. Le document DE-A-2 509 547 (antériorité 2) suggère à l'homme du métier que le reste oxaloamino, lié à un hétérocycle déterminé contenant du soufre, représente un groupe pharmacophore susceptible d'offrir des propriétés antiallergiques. Il est dès lors évident pour le pharmacochimiste de relier le groupe oxaloamino audit squelette fondamental pour l'obtention de nouveaux produits antiallergiques. Il faudrait donc, pour être brevetables, que les composés revendiqués présentent des propriétés antiallergiques inattendues...

III. Le 13 octobre 1982, la requérante a formé un recours. Dans le mémoire en exposant les motifs, en date du 23 décembre 1982, elle a allégué pour l'essentiel que le seul point litigieux serait de savoir si l'objet de la revendication... implique une activité inventive. Selon elle, il ne découle pas de la CBE que tous les composés couverts par une revendication doivent revêtir positivement le caractère de l'activité inventive, mais ce critère de brevetabilité existe par contre chaque fois que les fais censés nier que l'invention n'est pas évidente ne trouvent pas de fondement dans l'état de la technique.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE; il est donc recevable.

2. L'admissibilité de la rédaction actuelle des revendications, qui est reconnue dans la décision de la première instance sans qu'y soient effectués des renvois à la divulgation initiale, paraît discutable à la Chambre à plusieurs égards...

3. La Division d'examen a considéré que l'objet revendiqué découlait de manière évidente de l'état de la technique représenté par les antériorités 1 et 2 et a fait dépendre sa brevetabilité de la vraisemblance d'une action antiallergique inattendue, qui à son avis fait défaut.

La Chambre estime par contre que l'objet de la demande selon la revendication 1 a déjà du point de vue qualitatif des effets inattendus, si bien qu'il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la question de la supériorité quantitative inattendue...

4. Comme il est constaté à juste titre dans la décision entreprise, l'antériorité 1, antériorité la plus proche, décrit des 2-aminothiochromones à action antiallergique qui forment également le squelette fondamental des composés conformes à la demande selon la revendication 1, dans la mesure où y sont revendiqués des 4-oxo-4H-1-benzothiopyrannes (cf. également formule Ib, page 10 de la description). Les composés connus contiennent en position 2 un groupe amino et en position 3 un reste cyano ou un reste carboxamido, restes que les composés revendiqués ne comportent absolument pas.

Ces deux positions peuvent, selon la demande, soit ne pas être substituées, soit être substituées par des restes déterminés ayant la signification indiquée pour R??? et R???. En outre, le cycle benzénique (Ph) condensé avec le cycle thiopyranne contient selon la demande le reste R-CO-NH-, qui n'a à son tour rien de commun avec les composés connus.

L'antériorité 2 concerne des thiophènes antiallergiques, benzothiophènes ou thiophènes ayant fixé en 4,5 un reste carbocyclique ou un reste saturé contenant des atomes N ou S. La caractéristique commune à tous ces composés connus est la structure fondamentale thiophène substituée en 2 par le groupe acide oxaminé, éventuellement estérifié. Les composés revendiqués s'en distinguent avant tout par le fait qu'ils ont un autre squelette fondamental. L'objet de la demande est donc nouveau.

5. Pour l'appréciation de l'activité inventive en ce qui concerne les substances chimiques, on fait comme en l'espèce souvent entrer en ligne de compte leurs propriétés inattendues. Il est généralement admis que de telles propriétés relevant essentiellement de la structure des composés. La structure se définit, pour employer le langage courant, par ses éléments structuraux caractéristiques, à savoir la structure de base et les types et positions des substituants. Du fait que des relations scientifiquement établies entre structure et propriétés des substances chimiques sont plutôt l'exception, on en est le plus souvent réduit à la méthode empirique et à des déductions par analogie si l'on veut présumer les propriétés en fonction de la structure. La mesure dans laquelle sont permises de telles déductions par analogie dépend tout d'abord de l'étendue des connaissances et du domaine particulier en cause. En règle générale, l'homme du métier s'expose cependant à dépasser cette limite dès lors qu'il procède mentalement à la synthèse des substances dont il s'agit d'apprécier les propriétés, par échange pur et simple de l'ensemble des éléments structuraux, à partir des composés compris dans l'état de la technique et concourant à la même action. C'est le cas en l'occurrence.

6. La demanderesse a entrepris de résoudre le problème consistant à préparer d'autres composés antiallergiques. Elle y parvient en créant les composés dont la structure est plus précisément définie dans la revendication 1. On aboutit mentalement à l'obtention de ces composés essentiellement en trois étapes, à savoir sélection, dans les dérivés d'acide thiophénoxaminique antiallergiques selon l'antériorité 2, du substituant acide oxaminique parmi d'autres substituants (étape 1), sa combinaison avec le squelette fondamental 4-oxo-benzothiopyranne des composés antiallergiques divulgués dans l'antériorité 1 (étape 2) et sa fixation tout spécialement sur le cycle benzénique condensé (étape 3).

La réflexion qui est à la base des deux premières étapes partielles n'est déjà pas évidente pour l'homme du métier. On déduit en effet des deux antériorités que l'obtention des propriétés antiallergiques des composés nécessite l'action conjointe de tous leurs éléments structuraux, c'est-à-dire soit la combinaison de la structure fondamentale 4-oxobenzothiopyranne avec le reste amino et le substituant cyano ou carbamido, soit la combinaison de la structure fondamentale thiophène avec le groupe acide oxaminique et le reste cyano. Déjà l'idée d'échanger la structure fondamentale dans les deux combinaisons peut être inventive; elle suppose en effet la connaissance de la similitude d'action des groupes amino et acide oxaminique. Point n'est besoin de s'appesantir sur ce point, car pour les étapes 1 et 2 intervient également la connaissance inattendue, divulguée seulement selon la demande, du fait que le groupe cyano est superflu alors qu'il était considéré dans l'état de la technique comme un élément structural essentiel.

La Division d'examen a opposé l'existence de l'antériorité 3. [Negwer: Organisch-Chemische Arzneimittel und ihre Synonyma, Vol. I, Berlin 1978, p. 354 et 364], en se référant aux composés n° 2017, 2018, 1955 et 1957 qui y sont traités. Ces composés sont des anorexigènes appartenant à la série des phénéthylamines, dont l'atome d'azote est substitué par les restes 3-chloropropyle, 2-hydroxypropyle, éthyle et 2-cyanoéthyle. Il s'agissait manifestement de montrer que l'action anorexique des phénéthylamines ne dépend pas de la présence ou de l'absence du reste cyano. Cette connaissance, acquise dans un domaine spécialisé, étroitement limité en raison de la structure et du type d'action des composés concernés, n'aurait pas amené l'homme du métier à franchir le pas le séparant du domaine très éloigné des 4-oxo-benzothiopyrannes antiallergiques, il s'en serait plutôt remis à l'indication, divulguée dans l'antériorité 1, selon laquelle le reste cyano constitue, en liaison avec la structure fondamentale susmentionnée, un élément structural important pour l'activité antiallergique.

Enfin, la réflexion sur laquelle repose l'étape 3 que l'on s'est représentée, à savoir le déplacement du reste acide oxaminique de la partie hétérocyclique à la partie carbocyclique du squelette fondamental, n'est pas non plus évidente; on déduit en effet des deux antériorités citées que le reste amino ou acide oxaminique doit occuper la position 2 par rapport à l'atome de soufre de l'hétérocycle.

7. Il en va de même pour les 2-oxobenzothiopyrannes selon la revendication 1 .... et ce, d'autant plus qu'aucun modèle structural n'existait pour une structure fondamentale ainsi modifiée ...

8. La Division d'examen ayant soulevé la question de savoir si, pour les composés selon la revendication 1, les conditions de l'activité inventive doivent être réunies, pour le moins de manière représentative, sur l'ensemble du domaine, la Chambre estime que cette question cache en fait un rappel de la nécessité de rendre vraisemblable l'action prétendue de l'objet revendiqué. L'article 96(2) de la CBE dispose que la Division d'examen doit notifier au demandeur l'ensemble des obstacles à la brevetabilité. Un tel obstacle peut résider en ce que la Division d'examen, de par les spécialités dans lesquelles elle est versée, acquiert la conviction que les indications ou affirmations de la demanderesse qui sont essentielles pour la brevetabilité, par exemple des indications sur l'action de l'objet revendiqué, en vertu de laquelle le brevet pourrait être accordé, ne sont pas objectivement concluantes ou ne le sont pas dans la mesure prétendue. Si de telles indications ne sont pas rendues vraisemblables. la demande peut être rejetée en application de l'article 97(1) de la CBE.

Comme on l'a déjà fait observer au point 6, la demanderesse s'est dans le cas d'espèce donné pour tâche de préparer d'autres produits antiallergiques et elle a résolu ce problème en créant des oxobenzothiopyrannes définis plus précisément dans la revendication. La Chambre ne doute nullement que ce problème soit effectivement résolu. Au demeurant, l'antériorité 3 et l'antériorité 4 [Medizin und Chemie, Leverkusen-Weinheim/Bergstr. 1963, p. 296-314], toutes deux très éloignées, ne donnent aucunement matière à un tel doute. Il est donc superflu de faire valoir la vraisemblance de l'action antiallergique.

9. En conséquence, les motifs retenus pour le rejet ne sauraient justifier la décision entreprise. Néanmoins, le brevet ne peut pour le moment être délivré, étant donné que les conditions d'admissibilité des revendications ne sont actuellement pas réunies et que l'examen par la première instance n'est pas terminé ...

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 2 septembre 1982 est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la première instance pour la poursuite de l'examen quant au fond.

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