T 0016/83 () of 12.12.1985

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1985:T001683.19851212
Date de la décision : 12 Décembre 1985
Numéro de l'affaire : T 0016/83
Numéro de la demande : 80400700.3
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : FR
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Titre de la demande : Procédé de régulation de circulation de véhicules, dispositif pour la mise en oeuvre de ce procédé et application de ce dispositif à la simulation de trafic
Nom du demandeur : Franceries/Bordeaux
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.5.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 R 64
European Patent Convention 1973 Art 52(1)
European Patent Convention 1973 Art 52(2)
European Patent Convention 1973 Art 57
Mot-clé : Régulation de circulation
Recours recevable
Exclusions de la brevetabilité
Non susceptibilité d'application industrielle
Acte de recours ne précisant pas l'étendue de ce
recours
Traffic regulation
admissible appeal
exclusion from patentability
no industrial applicability
notice of appeal not specifying the extent of the
appeal
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0162/90

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 80 400 700.3, déposée le 20.05.80 avec revendication d'une priorité française du 21.05.79 et publiée sous le numéro 0 019 559, a été rejetée par une décision de la Division d'examen 055 en date du 20.10.82.

Cette décision a été rendue sur la base d'une part des revendications 1, 2 et 4 à 36 déposées le 20.05.80 et d'autre part de la revendication 3 déposée le 22.03.82.

II. La demande a été rejetée au motif que :

1. l'objet de la revendication 1 relative à un procédé de régulation de circulation de véhicules n'impliquait pas d'activité inventive si on adoptait comme état de la technique la conférence intitulée "The Place of Computers in Traffic Automation" et présentée à une Convention de l'Institution of Electrical Engineers tenue du 11 au 14 avril 1967 à l'Université de Bristol sur les progrès de la commande par ordinateurs (publication 29 - C18 pages 1 à 19) ;

2. l'objet de la revendication 10 qui concernait un dispositif de mise en oeuvre du procédé selon la revendication 1 n'était pas brevetable pour la même raison que celui de la revendication 1 ;

3. les revendications 2 à 9 et 11 à 36 rattachées aux revendications indépendantes 1 et 10 étaient inacceptables comme ne contribuant à ces dernières ni sur le plan de la nouveauté, ni sur celui de l'activité inventive.

III. Le 11.12.82, la demanderesse a formé un recours contre cette décision et a acquitté la taxe le 17.12.82. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé avec un nouveau jeu de revendications 1 à 30, le 05.01.83.

IV. Dans une notification établie conformément à l'Article 11(2) du règlement de procédure des Chambres, le rapporteur a exposé ses objections et invité le requérant à veiller à ce que la Chambre de recours reçoive toutes les informations et documents utiles au plus tard un mois avant la date fixée pour la procédure orale.

V. La requérante a répondu le 07.11.85 en contestant le bien- fondé des objections du rapporteur et en maintenant, sans modification, les revendications déposées conjointement au mémoire du 05.01.83.

VI. Pendant la procédure orale du 12.12.85 accordée sur demande de la requérante, cette dernière a demandé la délivrance d'un brevet européen sur la base des revendications 1 à 30 déposées en annexe au mémoire du 05.01.83 et de la description d'origine.

Les revendications indépendantes 1 et 7 sont formulées comme suit :

"1. Procédé de régulation de circulation de véhicules consistant :

- à définir des zones de circulation comprenant au moins un axe principal présentant un passage critique, des voies secondaires débouchant sur chaque axe, des feux de régulation de circulation étant disposés au moins aux intersections des voies secondaires et des axes principaux ;

- à déterminer le débit maximum de véhicules que le passage critique peut absorber sur chaque axe principal ;

- à définir pour chaque axe principal, à partir du passage critique correspondant, successivement, au moins un maillon d'approche du passage critique ou maillon à circulation fluide entretenue, et au moins une portion d'axe ou sas de régulation, à circulation contrôlée, le débit maximum de véhicules que le passage critique peut absorber sur chaque axe pouvant être momentanément inférieur au débit de véhicules arrivant dans le sas de régulation correspondant ;

- à mettre en place le sas de régulation lorsque le débit de véhicules arrivant dans le maillon correspondant est supérieur au débit maximum de passage critique pour l'axe correspondant ; caractérisé en ce qu'il consiste en outre à appliquer en temps réel, des plans de temporisation des feux sur chaque axe, en fonction de paramètres comprenant la vitesse d'avance et le nombre des différents véhicules, la nature des véhicules en attente dans le maillon, le sas de régulation et les voies secondaires, les degrés de pollution gazeuse et sonore dans le maillon d'approche et le sas de régulation, ces plans de temporisation des feux augmentant la vitesse de déplacement des véhicules sur chaque axe et au passage critique.

7. Dispositif de régulation de circulation de véhicules dans une zone présentant au moins un passage critique et au moins un axe principal qui aboutit à ce passage critique, des voies secondaires débouchant sur chaque axe principal et des feux de régulation de circulation étant disposés au moins aux intersections des voies secondaires et des axes principaux et aux intersections des axes principaux et du passage critique, chaque axe principal présentant à partir du passage critique correspondant, successivement au moins une portion d'axe ou maillon d'approche du passage critique, à circulation fluide entretenue, et au moins une portion d'axe ou sas de régulation, à circulation contrôlée, ce dispositif comprenant un système de traitement de l'information, constitué par au moins une mémoire associée à un processeur commandant la temporisation des feux, selon des plans de commande enregistrés en mémoire, caractérisé en ce qu'il comprend dans le maillon de chaque axe principal, un compteur relié au système de traitement et apte à indiquer le débit de véhicules dans ce maillon, et, dans le maillon et le sas de régulation, des capteurs associés au système de traitement, ces capteurs étant aptes à déterminer des paramètres relatifs à la longueur des files de véhicules en attente dans le maillon, le sas de régulation et les voies secondaires, aux degrés de pollution gazeuse et sonore, ainsi qu'à la nature et à l'avance des véhicules prioritaires, chaque plan de feux étant appliqué par le processeur aux différents feux en temps réel, en fonction de ces paramètres et de ce débit."

Motifs de la décision

1. L'acte de recours se borne à attaquer la décision de la division d'examen identifiée par le numéro de la demande de brevet européen 80 400 700.3 qui en est l'objet. Mais il n'indique pas si cette décision est attaquée en totalité ou en partie et dans ce dernier cas laquelle de ses dispositions est contestée.

La requérante n'a pas levé cette indétermination au cours du délai de deux mois suivant la date de signification de la décision qui selon l'article 108 CBE doit lui permettre de former son recours.

La Chambre estime, dans ces conditions, pouvoir admettre que la requérante demandait la délivrance d'un brevet européen dans le texte rejeté par la division d'examen, c'est-à-dire en fait la révocation totale de la décision attaquée.

Cette interprétation est confirmée par le fait que la requérante usant de son droit de limiter sa requête a déposé le 05.01.83 un nouveau jeu de revendications limité par rapport à celles rejetées.

Ceci étant, la Chambre de recours considère que le recours satisfait aux conditions prévues par la règle 64(b) CBE.

Le recours répondant aussi aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'à la règle 64 a) de la CBE, est donc recevable.

2. La requérante a déposé 2 revendications indépendatnes et 28 revendications dépendantes. Les revendications dont le nombre paraît excessif sont articulées de la manière suivante :

une revendication indépendante 1 qui concerne un procédé et à laquelle se rattachent les revendications 2 à 6 et une revendication indépendante 7 qui a pour objet un dispositif, et à laquelle se rattachent les revendications 8 à 30.

3. La revendication 1, telle qu'elle a été déposée, a été rejetée par la division d'examen pour manque d'activité inventive. La requérante n'a pas contesté le bien-fondé de cette décision dans son mémoire de recours, et a déposé conjointement avec celui-ci une nouvelle revendication 1 dont la partie caractérisante résulte de la fusion de la partie caractérisante de la revendication 1 initiale et de celle de l'ancienne revendication 3. Elle soutient que cette nouvelle rédaction confère à la revendication 1 une activité inventive certaine.

L'objet de cette nouvelle revendication est un procédé de regulation de circulation de véhicules, c'est-à-dire un procéde de commande du flux des moyens servant au déplacement des biens et des personnes dans une zone urbaine. Ce déplacement de biens et de personnes est caractéristique d'une activité ayant pour objet les échanges et les transactions économiques.

Le procédé décrit dans la demande de brevet est de ce fait typique d'une activité économique de service qui d'après l'article 52(2) CBE est exclue du domaine des inventions brevetables au sens de l'article 52(1) CBE. Une revendication ayant pour objet un tel procédé et seulement un tel procédé n'est donc pas brevetable selon l'article 52(3) CBE.

4. Les revendications 2 à 6 qui dépendent de la revendication 1 et qui concernent des procédés de régulation de circulation de véhicules ne sont pas brevetables pour les motifs exposés au paragraphe 3, même si l'on considère que certaines parties caractérisantes renferment des éléments d'ordre matériel ou technique.

5. Les revendications 7 à 30 concernent des dispositifs ou des moyens conçus pour la mise en oeuvre de ces procédés. Elles peuvent donc d'après la règle 30 CBE être incluses dans une demande où figurent déjà les revendications des procédés susmentionnés.

Le fait que ces procédés ne sont pas brevetables au sens de l'article 52(2) c) et (3) CBE n'entraîne pas que des dispositifs ou moyens pour la mise en oeuvre de ces procédés ne le sont pas.

Toutefois, dans la présente demande, il ne s'agit pas à proprement parler de dispositifs bien individualisés définis par des caractéristiques matérielles de composition, de structure ou de forme déterminée mais de modes de réalisation dont les caractéristiques sont les mêmes que celles figurant dans les revendications de procédés.

Ceci est particulièrement clair si on compare les revendications 1 et 7.

Pour cette raison, la Chambre de recours considère que les revendications de dispositifs 7 à 30 ne sont qu'une formulation différente des revendications de procédés 1 à 6 et que de ce fait les objets des revendications 7 à 30 ne sont également pas brevetables conformément à l'article 52(2) c) et (3) CBE.

6. L'analyse faite plus haut montre que les 30 revendications de la demande concernent soit directement, soit indirectement un procédé de régulation de circulation de véhicules qui n'est pas brevetable au sens de l'article 52(2) c) et (3) CBE et que par conséquent elles ne peuvent être acceptées.

7. La Chambre de recours est d'avis, comme vu plus haut, que la présente invention n'est pas brevetable étant donné qu'elle concerne une méthode dans le domaine des activités économiques.

Mais elle s'est trouvée par là même confrontée avec le problème suivant :

les textes anglais, allemand et français de l'article 52(2) c) de la CBE, disposent que ne sont pas brevetables :

en allemand : "Pläne, Regel und Verfahren für gedankliche Tätigkeiten, für Spiele, oder für geschäftliche Tätigkeiten."

en anglais : "Schemas, rules and methodes for performing mental acts, playing games or doing business."

en français : "Les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques."

Le rapprochement des trois textes de l'article 52(2) c) montre qu'à l'expression française "activité économique" correspondent les expressions anglaise "doing business" et allemande "geschäftliche Tätigkeiten", ces deux expressions ayant dans les deux langues le sens de conduite des affaires. Or, la conduite des affaires n'est qu'un aspect de ce qu'il est convenu d'appeler les activités économiques qui s'étendent à tous les actes que doivent accomplir les hommes pour satisfaire leurs besoins. Les textes anglais et allemand de la CBE ne sont donc pas concordants avec le texte français sur ce point.

Afin de lever cette incertitude, la Chambre estime qu'il est utile de se reporter à la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, même si ses dispositions ne sont pas applicables à la CBE en raison de leur non-rétroactivité (voir décision de la Grande Chambre de recours du 5 décembre 1984, Gr 06/83 publiée par extraits dans le JO OEB 3/1985, page 67 et notamment les paragraphes 3 et 4 des motifs de la décision). La Convention de Vienne présente :

1. une règle générale d'interprétation à l'article 31 suivant laquelle : "un traité doit être interprété suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but" ;

2. deux règles d'interprétation de traités authentifiés en deux ou plusieurs langues à l'article 33(3) et (4) aux termes desquels :

a) "tous les textes authentiques ont la même autorité",

b) "lorsque la comparaison des textes authentiques fait apparaître une différence de sens, on adoptera le sens qui, compte tenu de l'objet et du but du traité, concilie le mieux ces textes".

Compte tenu de ces règles d'interprétation, la Chambre de recours constate que :

- les trois textes de l'article 52(2) c) CBE ne divergent que par la présence des trois expressions non équivalentes "activités économiques", "doing business" et "geschäftliche Tätigkeiten" ;

- les trois expressions en question ne sont nullement antinomiques ; l'une est simplement non équivalente aux deux autres ;

- les trois expressions interviennent dans une énumération qui par la présence de l'adverbe "notamment" dans le texte français, "insbesondere" dans le texte allemand et "in particular" dans le texte anglais, n'est nullement limitative du moment que les catégories dans lesquelles sont classées les inventions non brevetables sont bien identiques dans les trois langues.

De cette énumération non limitative, la Chambre de recours conclut que tout au moins les plans, principes et méthodes abstraites sont exclus de la brevetabilité par l'article 52(2) c) et (3) CBE.

Par les exemples énumérés l'étendue de cette exclusion de la brevetabilité n'étant pas précisée, la signification précise des termes de cette énumération est devenue secondaire.

En conséquence, un procédé de régulation de circulation de véhicules consistant dans l'établissement de directives pour la régulation de la circulation urbaine dont l'effet consiste en un simple avantage économique constitue un plan dans le domaine des activités économiques qui est exclu de la brevetabilité selon l'article 52(2) c) et (3) CBE.

Dans le cas présent, il s'agit en fait d'une création ou concept, qui, bien qu'elle apporte un avantage économique, ne s'étend pas au-delà d'un plan abstrait en tant que tel.

9. La Chambre a pris en considération l'argumentation de la requérante aux termes de laquelle son invention remplissait au moins la troisième condition de brevetabilité prévue à l'article 52(1) CBE et explicitée à l'article 57 CBE, celle d'application industrielle.

La conséquence d'une reconnaissance du caractère d'application industrielle de l'invention serait que cette dernière devrait alors être examinée tant au point de vue de la nouveauté que de l'activité inventive (ce qui n'a pas été fait dans le présent recours). A cet effet, la requérante soutient que :

1. l'objet de l'invention peut être utilisé dans l'industrie des transports,

2. l'invention inclut des moyens qui peuvent tous être fabriqués dans l'industrie (véhicules automobiles ou autres - ordinateurs fonctionnant en temps réel - capteurs sonores et détecteurs de pollution - feux lumineux, etc.).

10. Selon la Chambre :

- l'invention doit appartenir non au domaine des abstractions ou spéculations, mais à celui des réalisations pratiques. Elle doit porter non sur un principe abstrait mais sur une conception mise en oeuvre dans l'industrie ;

- les deux espèces sous lesquelles se manifeste l'application industrielle sont la fabrication et/ou l'utilisation :

quand l'objet peut être fabriqué, c'est un produit, quand l'objet peut être utilisé, c'est généralement un procédé mais peut être aussi un produit.

11. Il en résulte que :

a) L'argument de la requérante sur l'appartenance de l'invention à l'industrie des transports n'est pas recevable.

En effet, le transport est une activité de service produisant un bien immatériel dont la production et la consommation sont simultanées. Il utilise bien des moyens matériels (véhicules - infrastructure routière), mais sa finalité est le déplacement de marchandises ou de personnes planifié et organisé par les autorités de tutelle. La requérante propose un plan cohérent de gestion des problèmes de circulation dans un tissu urbain déterminé permettant d'adapter le trafic à la capacité de la voirie. Malgré son intérêt, la Chambre ne peut reconnaître à une telle méthode le caractère d'application industrielle.

b) Les revendications 1 à 6 concernent une méthode de régulation de circulation consistant en des directives pour une gestion optimum du trafic urbain. C'est une méthode abstraite applicable non dans l'industrie mais dans un service.

c) Les revendications 7 à 30 concernent la mise en oeuvre des procédés objets des revendications 1 à 6. Elles sont formulées sous la forme de revendications de dispositifs dont les caractéristiques font substantiellement appel à des procédés.

Ceci a pour conséquence que l'objet de ces revendications bien que présenté comme un dispositif doit être considéré comme un procédé ou une méthode et qu'il n'est pas brevetable pour la même raison que l'objet des revendications 1 à 6.

12. La requérante a fait état dans sa correspondance et au cours de la procédure verbale de ce que l'Office européen des brevets avait délivré des brevets pour des inventions analogues et elle a cité les numéros de délivrance de cinq d'entre eux.

Sur ce point, la Chambre de recours est d'avis que :

1. le présent recours concerne uniquement la demande européene numéro 80 400 700.3,

2. il ne lui appartient pas de prendre position sur la brevetabilité d'inventions européennes qui ne font pas l'objet du recours.

La requérante a demandé à la Chambre l'autorisation de modifier le texte du préambule de la revendication 1 en donnant un support concret aux activités abstraites et spéculatives. A titre d'exemple, elle souhaitait remplacer l'expression "à définir des zones de circulation" par "il y a ou il existe des zones de circulation".

La Chambre a estimé qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à cette demande de correction en raison de son caractère purement artificiel.

13. Dans ces conditions, la Chambre de recours ne peut que confirmer que l'objet des revendications 1 à 36 n'est pas brevetable.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours formé contre la décision de la division d'examen en date du 20 octobre 1982 est rejeté.

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