T 0110/82 (Esters benzyliques) of 8.3.1983

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1983:T011082.19830308
Date de la décision : 08 Mars 1983
Numéro de l'affaire : T 0110/82
Numéro de la demande : 79101242.0
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Bayer
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : Dans le cas d'une demande ayant pour objet des produits finals nouveaux de faible masse moléculaire ainsi que plusieurs groupes de produits intermédiaires nouveaux de faible masse moléculaire, il n'y a unité d'invention que si les groupes de produits intermédiaires préparés dans le but d'obtenir les produits finals ont, du fait qu'ils introduisent un élément essentiel dans la structure des produits finals, un lien technologique étroit avec ceux-ci et s'il est tenu compte de la fonction normative de l'article 82 de la CBE (interdiction de faire une économie de taxes injustifiée, obligation de clarté) (à rapprocher de la décision T 57/82 "Copolycarbonates", JO n 8/1982, p. 306).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 82
European Patent Convention 1973 R 30
Mot-clé : Unité d'inventions portant sur des produits intermédiaires et des produits finals
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0501/91
W 0011/99
W 0016/02

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 79 101 242.0, déposée le 25 avril 1979 et publiée le 23 janvier 1980 sous le numéro 0 006 978, pour laquelle est revendiquée la priorité de la demande antérieure allemande du 5 mai 1978, a été rejetée par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 1er avril 1982. Cette décision a été rendue sur la base des 13 revendications déposées avec la requête du 7 avril 1981, parvenue le 21 avril 1981.

II. La Division d'examen constate - sans autre précision - que la demande contient cinq inventions différentes et ne satisfait donc pas aux exigences posées par l'article 82 et la règle 46(1) de la CBE. Par cinq objets d'invention différents, la Division d'examen entend manifestement les esters benzyliques de formule I

(FORMULA)

et leurs progéniteurs, comme les alcools benzyliques de formule III

(FORMULA)

les halogénures de benzyle de formule V

(FORMULA)

les aldéhydes de formule VI

(FORMULA)

et les amines benzyliques de formule VIII

(FORMULA)

Sans entrer dans le détail de la signification des restes, il faut souligner - pour la bonne compréhension de la décision - que R1 désigne dans tous les cas des groupes fluoroalcoxy ou fluoroalkylmercapto ou deux restes contigus formant conjointement avec les atomes de carbone voisins des hétérocycles à cinq ou six chaînons contenant de l'oxygène et substitués par un ou plusieurs atomes de fluor,

R2 désigne l'hydrogène, ou des groupes alkyle en C1-4, cyano ou éthinyle, R3 représente des restes de formule

(FORMULA)

R4 et R4 désignent le chlore ou le brome.

III. Contre cette décision du 1er avril 1982, la requérante a formé un recours par lettre du 13 mai 1982, reçue le 15 mai 1982, et déposé un mémoire en exposant les motifs le 9 juillet 1982. La taxe de recours a été acquittée le 15 mai 1982. La requérante allègue que la Division d'examen n'ayant pas autrement précisé sur quels éléments de la demande elle se fonde pour constater l'absence d'unité d'invention on en serait de ce fait réduit aux conjectures. Selon toute apparence, la Division d'examen aurait considéré qu'il y avait absence d'unité d'invention parce que la demande englobe aussi bien des produits intermédiaires que les produits résultant d'un traitement ultérieur de ceux-ci et ayant des propriétés de constituant actif.

Cependant, tous ces composés auraient une caractéristique structurale commune; comme la structure des substances chimiques constitue une de leurs propriétés, les substances revendiquées présenteraient donc une propriété commune - indépendamment du fait que la transformation ultérieure des produits intermédiaires en produits finals s'effectue en une ou en plusieurs étapes - et formeraient un seul concept inventif général - comme le prescrit l'article 82 de la CBE.

Par ailleurs, la règle 30 c) destinée à expliciter l'article 82 de la CBE montrerait qu'il y a lieu de considérer comme formant un seul concept inventif le produit, le procédé d'obtention du produit et le moyen conçu pour la mise en oeuvre du procédé, que produit et moyen possèdent ou non les mêmes propriétés.

Au surplus, le public s'attendrait à ce qu'une demande déposée à une date déterminée, publiée sous cette forme, et contenant toutes les informations importantes sur les composants actifs et leur progéniteurs, soit, pour des raisons de sécurité juridique, protégée par un seul brevet et non par plusieurs. Puisque, en outre, la brevetabilité des produits intermédiaires serait fondée sur les propriétés étonnamment supérieures des produits résultant de la transformation ultérieure, une division de la demande ne conduirait qu'à alourdir les tâches administratives des autorités chargées de la délivrance du brevet, sans que le public y trouve un avantage concret.

Au demeurant, la Chambre de recours technique compétente a tranché entre-temps par l'affirmative la question de l'unité d'invention dans le cas où l'invention concerne des produits intermédiaires et des produits en découlant par une transformation ultérieure.

La requérante conclut à l'annulation de la décision attaquée et à la délivrance d'un brevet sur la base des revendications déposées le 21 avril 1981, compte tenu de la requête du 8 novembre 1982.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE; il est donc recevable.

2. Le texte actuel des revendications ne soulève aucune objection du point de vue formel, car il est suffisamment étayé par les documents originaires (voir les revendications 1 à 10, 13 et 14, considérées conjointement avec la description page 16, premier paragraphe en entier).

3. La Chambre s'est déjà prononcée sur la question de l'unité d'inventions portant sur des produits intermédiaires et des produits finals. Elle a dit dans la décision "Copolycarbonates" (JO n° 8/1982, p. 306) qu'il y a unité lorsque de telles inventions ont un lien technologique entre elles et qu'elles tendent toutes à l'obtention des produits finals. Dans cette décision, il est exposé que l'on ne peut pas ne pas tenir compte de la destination des produits intermédiaires nouveaux en tant qu'éléments structuraux des produits finals pour apprécier l'unité de l'invention (point 4). La Chambre a fondé sa décision uniquement sur l'article 82 de la CBE, sans invoquer le règle 30 c) de la CBE qui, selon la requérante, pourrait s'appliquer aux demandes concernant à la fois des produits intermédiaires et des produits finals.

Dans la décision précitée, il s'agissait non seulement de la préparation de nouveaux copolycarbonates hétérocycliques-aromatiques (produits finals), mais également de la préparation des nouveaux bis-halogéno-esters d'acide carbonique de certains alcools sacchariques hétérocycliques, créés dans ce but (produits intermédiaires), et permettant d'obtenir les produits finals recherchés par une réaction en une seule étape faisant intervenir des diphénols aromatiques (connus), éventuellement avec utilisation simultanée de phosgènes. La contribution du constituant hétérocyclique provenant du produit intermédiaire à la quantité totale d'unités structurales carbonate du produit final de masse moléculaire élevée oscillait alors entre 5 et 50 mol %.

4. Si le fait de traiter ensemble des produits intermédiaires de faible masse moléculaire et des produits finals de masse moléculaire élevée n'appelle pas de réserves, en égard à l'article 82 de la CBE qui prévoit qu'une demande de brevet européen peut porter sur plusieurs inventions liées entre elles de façon à former un seul concept inventif général, on ne voit pas pour quelle raison des produits intermédiaires ne pourraient, par principe, figurer avec des produits finals dans une même demande, lorsqu'il s'agit exclusivement de produits de faible masse moléculaire. Entre les deux domaines, il existe certes des différences, dans la mesure où dans la préparation des polymères et des polycondensats, le produit intermédiaire représente en règle générale l'unique moyen d'obtenir ces substances, et la plupart du temps en une seule étape, tandis que l'on obtient les produits finals de faible masse moléculaire par de multiples méthodes de synthèse, le plus souvent en plusieurs étapes et à partir de nombreux produits intermédiaires. Etant donné toutefois que, dans le premier cas et du point de vue de l'unité d'invention, une protection complète des macromolécules y compris les produits avoisinants est possible à partir du produit intermédiaire, il n'y a pas d'objection de base à l'encontre d'une protection partielle du voisinage immédiat des produits finals de faible masse moléculaire.

5. Il y a lieu cependant de considérer que lorsque l'écart entre produit intermédiaire et produit final se creuse - comme cela est possible dans le domaine des composés de faible masse moléculaire - le lien technologique entre les composants de cette paire se relâche de plus en plus jusqu'à devenir le fruit du hasard. Il ne saurait être question d'un seul concept inventif général au sens de l'article 82 de la CBE que lorsque le lien entre la pluralité d'inventions revendiquées apparaît avec un minimum de clarté. Une telle clarté est nécessaire au bon déroulement de la procédure de délivrance au cours de laquelle les éléments de même nature ne doivent pas se trouver morcelés, non plus que des éléments disparates assemblés pour les besoins d'une économie de taxes. S'agissant d'un groupe d'inventions, cette exigence revêt une importance particulière au point de vue de l'information sur les brevets demandés et les brevets existants, information nécessaire pour que, d'une part, les concurrents puissent connaître aisément l'état du droit des brevets et que, d'autre part, l'enseignement technique contenu dans les demandes soit compris rapidement dans la documentation de brevets et mis ainsi de façon sûre à la disposition du public. Il convient enfin de prendre en considération l'équité en matière de taxes. La procédure de délivrance est financée par le produit des taxes. Le fait de regarder comme formant un seul concept inventif général des demandes qui, précisément en raison de leur contenu hétérogène, entraient des frais très supérieurs à la moyenne au cours de la procédure de délivrance, en ce qui concerne notamment les frais de recherche, ne se justifierait pas car ces frais devraient être en partie couverts à l'aide des taxes perçues pour d'autres demandes.

6. Il ressort de ce qui précède que la décision "Copolycarbonates" relative à l'unité d'invention portant sur un produit intermédiaire et un produit final s'applique également à des inventions ayant trait à des produits de faible masse moléculaire exclusivement, pour autant qu'apparaisse entre elles un lien technologique suffisamment étroit et qu'il soit dûment tenu compte de la fonction normative de l'article 82 de la CBE (interdiction d'une économie injustifiée de taxes, obligation de clarté).

7. Si l'on applique ces critères au groupe d'inventions dans la présente espèce, il apparaît que, aussi bien les progéniteurs directs des esters benzyliques visés, à savoir les halogénures de benzyle de formule V et les alcools benzyliques de formule III, que les trois progéniteurs possibles pour les alcools benzyliques, à savoir les benzaldéhydes de formule VI, les benzylamines de formule VIII et les halogénures de benzyle de formule V (voir la revendication de procédé 5c), contiennent un élément structural commun à savoir:

(FORMULA)

Celui-ci est introduit par ces produits intermédiaires dans la molécule des esters benzyliques de formule I en une ou tout au plus en deux étapes réactionnelles. Il n'est pas non plus, du point de vue structural, si éloigné du produit final que le lien entre la paire produit intermédiaire-produit final puisse sembler trop lâche. Les produits intermédiaires (alcools benzyliques, halogénures de benzyle, benzylamines et benzaldéhydes) revendiqués en sus des produits finals (esters benzyliques) représentent par conséquent un composant de structure dans la molécule des esters benzyliques et introduisent un élément structural essentiel dans les produits finals. Les produits intermédiaires et les produits finals forment ainsi une invention complexe dont les aspects partiels (produits intermédiaires) sont liés par un rapport technologique suffisamment étroit et forment un seul concept inventif général du fait qu'ils concourent tous à l'obtention des produits finals. Rien ne s'oppose à ce que le problème que se proposent de résoudre les produits intermédiaires soit formulé autrement que celui qui se pose pour les produits finals car, par l'affectation des produits intermédiaires à l'obtention des produits finals, on peut réunir les problèmes partiels, objets des produits intermédiaires, en un seul problème général, à la solution duquel contribuent les produits intermédiaires créés à cet effet.

8. Comme il a été indiqué au point 5, l'interdiction de morceler inutilement une invention complexe et l'obligation de traiter des question connexes en une seule procédure n'atteindraient cependant pas leur but si la fonction normative de la disposition relative à l'unité d'invention était trop étendue au regard des autres aspects qui y sont mentionnés. Ces considérations ne s'appliquent pas à la présente espèce encore que, il convient de le souligner, elle approche du cas limite.

9. Dans le cas présent, la Chambre s'est laissée guider par la considération suivante. La règle 46(1) de la CBE autorise la Division de recherche à apprécier provisoirement l'unité de l'invention, avec pour conséquence que, lorsque le défaut d'unité est établi, la recherche peut être limitée à l'objet partiel mentionné en premier lieu dans les revendications. C'est de ce droit que la Division de recherche a fait usage dans le cas présent; elle a considéré comme formant un tout l'invention ayant trait aux esters benzyliques de dérivés d'acide cyclopropane-carboxylique, ainsi que la préparation et l'utilisation de ces produits conformément aux revendications 1, 2, 13 et 14 et elle a exécuté une recherche dans cinq domaines déterminés par la Classification Internationale (IPC). Elle a désigné plus en détail les six objets hétérogènes de son point de vue et elle a classé l'ensemble des objets de la demande sous 17 symboles de l'IPC. Même si, en raison de l'importance inégale des différentes classes de l'IPC, ces chiffres ne disent que peu de chose sur le volume effectif de la recherche exécutée, la multiplication des travaux de recherche qui en résulte pour l'appréciation de l'unité de l'invention dans son ensemble ressort à l'évidence.

Les taxes, telle la taxe de recherche, que perçoit l'Office européen des brevets constituent des redevances pour les services rendus aux demandeurs. A cet égard, on part du principe (article 40(1) de la CBE) que l'Office européen des brevets doit s'autofinancer (voir Singer, Das neue Europäische Patentsystem, 1ère édition, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft 1979, p. 96). Pour des raisons d'ordre fiscal, on ne saurait prétendre que, pour une seule taxe de recherche, des travaux de recherche soient exécutés à volonté pour un nombre indéterminé d'inventions groupées dans une demande. D'un autre côté, une division rigoureuse de la demande qui s'effectuerait dans l'esprit de la décision attaquée entraînerait, pour chaque demande partielle, toute une série d'autres taxes qui dépasseraient de beaucoup les taxes de recherche complémentaire. Même si les considérations fiscales ne sont pas primordiales pour l'appréciation de l'unité, elles doivent toutefois contribuer à empêcher une économie injustifiée de taxes; mais il ne s'agit pas encore d'un tel cas ici - notamment après élimination d'un objet partiel.

10. La clarté semble également respectée dans le cas présent, comme le montre l'analyse exposée au point 9. Les domaines partiels de l'invention identifiés ou moyen de la classification multiple étant nettement délimités aux yeux de l'Office et du public intéressé, la documentation, l'information et la recherche relatives à l'invention complexe revendiquée deviennent possibles et efficaces.

11. Vis-à-vis de ces principes, le point de vue avancé par la requérante quant à l'exigence du public en ce qui concerne les informations sur un groupe d'inventions qui devraient être protégées par un seul brevet n'a pas une prééminence absolue.

12. Il n'y a pas lieu d'entrer plus en détail dans les revendications 2, 4, 6, 8 et 10, qui concernent la préparation des produits intermédiaires et des produits finals, ainsi que dans les revendications 11 et 12 qui concernent des insecticides déterminés et l'utilisation des esters benzyliques dans la lutte contre les insectes car, l'unité des produits intermédiaires et des produits finals eux-mêmes ayant été constatée, les procédés pour leur préparation et leur utilisation au sens de la règle 30 de la CBE procèdent également d'un même concept inventif.

13. Dans sa décision de rejet de la demande, la Division d'examen s'est appuyée sur l'article 82, mais aussi et à tort, sur la règle 46(1) de la CBE. Cette règle, qui concerne la Division de la recherche, sert de fondement juridique à l'établissement d'un rapport partiel de recherche européenne et à celui de la notification au demandeur d'avoir à payer une autre taxe de recherche; elle n'offre pas la possibilité de rejet d'une demande par la Division d'examen.

14. Il découle de ce qui précède que la décision contestée est mal fondée. Néanmoins, la délivrance du brevet demandé n'est pas possible en l'état, car il n'a pas été procédé jusqu'ici à une recherche exhaustive, non plus qu'à une appréciation de la brevetabilité des produits intermédiaires par la première instance.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 1er avril 1982 est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour que soit poursuivi l'examen de la demande sur la base des douze revendications déposées le 21 avril 1981, compte tenu de la requête du 8 novembre 1982.

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