T 0575/23 () of 23.4.2024

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2024:T057523.20240423
Date de la décision : 23 Avril 2024
Numéro de l'affaire : T 0575/23
Numéro de la demande : 15188889.8
Classe de la CIB : D06F 81/00
D06F 81/02
D06F 81/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : TABLE À REPASSER À GRANDE SÉCURITÉ
Nom du demandeur : Novalis
Nom de l'opposant : Leifheit AG
COLOMBO NEW SCAL S.P.A
Chambre : 3.2.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 100(a)
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention Art 105
European Patent Convention R 89
European Patent Convention Art 128(4)
European Patent Convention R 144(d)
Mot-clé : Motifs d'opposition
Nouveauté - (non)
Nouveauté - usage antérieur public (oui)
Modifications - extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée (oui)
Intervention du contrefacteur présumé - dans la procédure de recours
Intervention du contrefacteur présumé - recevabilité de l'intervention dans la procédure de recours
Intervention du contrefacteur présumé - recevable (oui)
Inspection publique - pièces du dossier exclues de l'inspection publique
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0791/06
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

La décision concernant le présent recours est fondée sur les faits suivants.

I. Dans la procédure orale qui a eu lieu le 15 février 2022, la division d'opposition a rendu la décision selon laquelle l'opposition contre le brevet européen n° 3 015 595 (ci-après "le brevet") était rejetée.

Entre la date de la procédure orale et la date de la signification de la décision motivée aux parties, le 4 janvier 2023, une déclaration d'intervention d'un contrefacteur présumé au titre de l'article 105 CBE a été déposée le 4 juillet 2022. En pièce jointe, un document, D20, a été produit, relatif à un acte d'assignation en contrefaçon de brevet devant le tribunal judiciaire de Paris par la titulaire du brevet.

II. Après la signification de la décision motivée, la requérante (opposante) a formé recours contre la décision de la division d'opposition rejetant l'opposition contre le brevet.

III. À la suite d'une communication de la Chambre au sujet de la portée d'une requête de l'intervenante dans sa déclaration d'intervention au titre de l'article 128(4) et de la règle 144d) CBE visant à exclure l'inspection (publique) du document D20, l'intervenante a produit avec la lettre du 28 août 2023 une version de ce document contenant des passages caviardés.

IV. La Chambre a convoqué les parties à une procédure orale.

V. Par notification datée du 22 février 2024, établie conformément à l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR 2020), la Chambre a informé les parties de son opinion provisoire.

VI. La procédure orale devant la Chambre de recours a eu lieu le 23 avril 2023.

VII. La requérante et l'intervenante ont demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.

VIII. L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours et le rejet de l'intervention comme irrecevable ou non fondée (requête principale), subsidiairement le maintien du brevet sur la base de la requête subsidiaire 2 déposée avec la réponse au recours.

IX. La revendication indépendante 1 du brevet tel que délivré (requête principale) s'énonce comme suit:

"[1.1] Table à repasser comportant un plateau (1), deux éléments (5,7 ; 6,8) formant jambe, [1.2] dont l'un (6) a une extrémité montée coulissante par rapport au plateau, dans une direction parallèle au plan du plateau, pour permettre le passage de la table entre une position repliée de rangement et une position déployée dans laquelle le plateau se trouve à l'horizontale [1.3] en étant supporté par les deux éléments formant jambe en contact avec le sol;

[1.4] et des moyens (11) de butée pour empêcher le coulissement de l'extrémité de l'élément formant jambe par rapport au plateau dans la position déployée,

caractérisée en ce

[1.5] qu'il comporte des moyens de blocage/déblocage des moyens de butée,

[1.6] les moyens de butée comportant une crémaillère (11) dont les dents (12) coopèrent avec l'élément formant jambe, par l'intermédiaire d'une tige (9) horizontale issue de l'élément formant jambe, pour en empêcher le coulissement dans la direction de repliement de la jambe,

[1.7] les dents (12) de la crémaillère comportant une partie (22) formant base s'étendant verticalement par rapport à la plaque de base de la crémaillère et une partie (21) de tête qui fait saillie latéralement par rapport à la partie de base,

[1.8] la saillie étant telle que, lorsque la tige (9) ou la partie de tige issue du au moins un élément formant jambe porte contre la partie de base de la dent de la crémaillère, la partie (21) en saillie latérale de la dent recouvre la tige au moins jusqu'à son point (15) sommet le plus éloigné du sol,

[1.9] et l'agencement est tel que les moyens de blocage/ déblocage ne peuvent débloquer les moyens de butée qu'après soulèvement de la table et/ou éloignement du sol des éléments (7 et 8), ce qui sous l'effet de leur poids et d'une articulation (16) des deux éléments formant jambe entraîne en rotation l'élément (6) formant jambe coulissant et entraîne en coulissement la tige (9) dans la direction opposée au repliement, de sorte qu'elle sort de son emprise de la partie (21) en saillie de la dent (12)."

Le libellé de la revendication 1 de la seule requête subsidiaire 2 a été modifié en ajoutant à la fin du libellé de la requête principale les caractéristiques suivantes :

"la crémaillère étant montée pivotante par rapport à la table, et, vue de profil, la face de la dent tournée vers la tige est en forme d'arc circulaire".

X. Les moyens de preuve suivants ont été invoqués entre autres dans la procédure devant la Chambre :

D1 : document de validation technique, de production et de commercialisation d'une table à repasser selon la ligne de modèle "Fashion M Plus"

D2 : document équivalent à D1 concernant le modèle "Airboard Compact M Plus"

D3 : document équivalent à D1 concernant le modèle "Airboard Premium M Plus"

D4 : deux dessins techniques, le premier (D4.1) daté du 21 janvier 2019, portant le libellé "Airboard Compact S" et "Kindersicherung Airboard S Compact" dans sa cartouche; le second (D4.2) daté du 20 septembre 2013, portant le libellé "Rastblech Classic" et "Rastblech Fashion Classic" dans sa cartouche

D14 : deux dessins techniques, le premier portant le libellé "ASM Base frame AIRBOARD" et "ASM Untergestell AIRBOARD" dans sa cartouche, et le deuxième portant le libellé "ASM Versteller Contour" et "Contour UG (eRohr)" dans sa cartouche

D15 : notice d'utilisation de table à repasser, modèle "Hailo StarLine airbase"

D16 : notice d'utilisation de table à repasser, modèle "AirActive M"

DL : procès verbal de l'audition dans la procédure orale devant la division d'opposition de M. Link

DF : procès verbal de l'audition dans la procédure orale devant la division d'opposition de M. Fischer

VI : vidéo, animation schématique des forces intervenant pendant le mouvement relatif d'une crémaillère, d'une tige et une manette, produite par l'intimée avec la lettre du 27 février 2024

D20 : acte d'assignation en contrefaçon de brevet devant le tribunal judiciaire de Paris

XI. Les arguments de la requérante et de l'intervenante peuvent être résumés comme suit.

Requête principale - Nouveauté

L'objet de la revendication 1 était antériorisé par les tables à repasser de la gamme de modèles "Airboard", commercialisés par la requérante depuis 2013 (voir par exemple D1, D2, D3). Toutes ces tables à repasser de type "Airboard" étaient équipées d'un mécanisme de sécurité enfant à crémaillère représentée dans les dessins de D4. D4 divulguait une table à repasser comprenant, outre les caractéristiques incontestées 1.1 à 1.7 de la revendication 1 du brevet, les caractéristiques 1.8 et 1.9. Lors de leur audition respective devant la division d'opposition les témoins M. Link et M. Fischer ont confirmé que la fonction et la structure de ce mécanisme de sécurité enfant mettaient en ½uvre les caractéristiques 1.8 et 1.9 de la revendication 1 et que ce mécanisme n'avait pas subi de modifications techniques depuis 2013.

Requête subsidiaire 2 - article 123(2) CBE

La modification de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 contrevenait à l'article 123(2) CBE car la caractéristique "vue de profil, la face de la dent tournée vers la tige est en forme d'arc circulaire" n'était pas divulguée à la figure 2A. Une correspondance entre la forme de la tige et la face de la dent en forme d'arc circulaire n'existait pas dans cette figure qui, de plus, divulguait d'autres caractéristiques structurelles pertinentes quant à la fonction voulue de la crémaillère.

XII. Les arguments de l'intimée peuvent être résumés comme suit.

Intervention du contrefacteur présumé - article 105 CBE

L'intervention n'est pas admissible car elle a été déposée le 4 juillet 2022 alors que la procédure n'était plus en cours. Lorsque la procédure a repris, le contrefacteur présumé, qui aurait dû présenter une déclaration d'intervention en vertu la règle 89 CBE dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il a été attrait en contrefaçon, n'avait pas présenté de demande d'intervention.

Le contrefacteur présumé était donc forclos à le faire, d'autant qu'il n'était pas prévu que ce délai puisse être prorogé. De plus, les moyens de preuve présentés avec la déclaration d'intervention étaient tardifs, manquaient de pertinence de prime abord et, par conséquent, ne devraient pas être admis à la procédure.

Requête principale - Nouveauté

D4 était constitué de deux dessins techniques dont le premier, D4.1., portait une date ultérieure à la date de priorité du brevet et ne pouvait donc pas permettre de soulever une objection pour absence de nouveauté contre la revendication 1 du brevet. De plus, le terme "Kindersicherung" que comportait ce premier dessin D4.1 dans sa cartouche ne se rapportait pas nécessairement à la crémaillère montrée dans le second dessin, D4.2, et n'impliquait pas non plus la fonction selon la caractéristique 1.9 de la revendication 1 du brevet. Une sécurité enfant, requise par exemple selon les normes françaises, pouvait être réalisée par d'autres moyens techniques, tel qu'un ressort suffisamment fort, empêchant l'action par inadvertance du levier de réglage en hauteur de la table à repasser. D'ailleurs, la structure des dents de la crémaillère selon D4.2 n'était pas conforme à la caractéristique 1.8. La partie en saillie latérale des dents de la crémaillère selon D4.2 n'était pas formée de façon à pouvoir recouvrir une tige au moins jusqu'à son point sommet le plus éloigné du sol. Le terme "recouvre" impliquait que la surface de la dent venant buter contre la tige à son point sommet s'étende essentiellement dans un plan horizontal. C'était grâce à cette configuration particulière de la partie en saillie latérale des dents que la fonction selon la caractéristique 1.9 était obtenue. Au contraire, les faces inclinées des dents selon D4.2 ne pouvaient pas empêcher que la tige glisse hors de l'engagement avec les moyens de butée au moment où le levier de réglage en hauteur, constituant les moyens de blocage/déblocage, était manipulé sans soulèvement de la table. Cette conclusion a été confirmée par les directives relatives à la prévention des risques données aux utilisateurs d'une telle table à repasser à la page 5 (dans la version en allemand) du document D16.

Requête subsidiaire 2 - article 123(2) CBE

La modification de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 2 était fondée sur la figure 2A de la demande telle que déposée. La figure illustrait le seul mode de réalisation. L'homme du métier reconnaissait la section circulaire de la tige et également le fait que la partie en saillie latérale de la dent épousait la forme circulaire de la tige. La dent devait alors présenter une surface correspondante en forme d'arc circulaire. Une telle conclusion était aussi confirmée par le libellé à la fin de la caractéristique 1.9, selon lequel la tige devait pouvoir "sort[ir] de son emprise de la partie en saillie de la dent". Les autres caractéristiques des dents de la crémaillère représentées à la figure 2A n'étaient pas liées à cette fonction et, par exemple, l'écart visible sur la figure entre le point sommet de la tige et la pointe de la dent tenait compte des tolérances nécessaires à la fabrication sans pour autant signifier une déviation de la nécessité d'une forme de la dent en arc circulaire.

Motifs de la décision

Intervention du contrefacteur présumé - article 105 CBE

1. L'intervention déposée entre la tenue de la procédure orale devant la division d'opposition et la date de la signification de la décision motivée aux parties (voir point I. ci-dessus) est recevable.

1.1 L'intervenante avait présenté avec sa déclaration d'intervention le document D20 et demandé qu'il soit exclu de l'inspection publique au titre de l'article 128(4) et de la règle 144d) CBE. Elle a produit ultérieurement (par lettre du 28 août 2023) une version partiellement adaptée de ce document qui contient des passages caviardés. Dans la procédure orale devant la Chambre, elle a déclaré ne pas s'opposer à la publication de la version adaptée du document D20. La Chambre a décidé d'exclure de l'inspection publique la version du document D20 déposée par lettre du 4 juillet 2022 et constaté que la version adaptée du document D20, contenant des passages caviardés, était toutefois accessible à l'inspection publique, même dans le cadre d'autres procédures de recours. L'intervenante a fait valoir à cet égard que la version non adaptée (originale) du document D20 contenait des informations économiques (par exemple, des prix de vente) qui, si elles étaient rendues publiques par l'accès au dossier, porteraient atteinte aux intérêts économiques légitimes de l'intervenante. Compte tenu du fait que la version adaptée du document D20 contient toutes les informations nécessaires à l'examen de la recevabilité de l'intervention, aucun intérêt public ne s'opposait à ce que la version originale du document D20 soit exclue de l'accès au dossier.

1.2 Le document D20 ainsi que sa version adaptée, contenant des passages caviardés, apportent la preuve qu'une action en contrefaçon fondée sur le brevet en litige a été introduite à son encontre devant le Tribunal Judiciaire de Paris, notifiée par lettre datée du 29 avril 2022.

1.3 La déclaration d'intervention a été déposée le 4 juillet 2022, donc incontestablement après l'expiration du délai d'opposition, et dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l'action en contrefaçon a été notifiée (règle 89(1) CBE).

Un recours ayant été déposé contre la décision de la division d'opposition, la déclaration d'intervention a été présentée alors que la procédure était en cours (voir aussi par exemple T 791/06, motifs 2.1 et 2.2).

La déclaration a été dûment motivée et satisfait aux dispositions de la règle 89(2) CBE. Puisque la décision de la Chambre dans le présent cas ne se fonde pas finalement sur les objections et les nouveaux moyens de preuve présentés avec la déclaration d'intervention, il n'est pas nécessaire d'exposer en détail les motifs de la Chambre.

1.4 Dans sa notification établie conformément à l'article 15(1), RPCR la Chambre avait indiqué au regard des objections de l'intimée qu'elle n'avait pas de doute sur la recevabilité de l'intervention, des objections et des nouveaux moyens de preuve présentés par l'intervenante. Dans ce contexte, la Chambre souhaite souligner qu'une intervenante est bien entendu libre de soulever de nouvelles objections, c'est-à-dire des objections qui n'ont pas encore été soulevées au cours de la procédure. Une intervenante n'est pas limitée à soutenir des objections déjà formulées au cours de procédure. Les nouvelles objections soulevées dans l'intervention ne doivent donc pas être considérées comme tardives car elles n'ont pas été soulevées dans le délai prévu pour l'opposition, comme l'a fait valoir l'intimée.

Au cours de la procédure orale devant la Chambre de recours, l'intimée a indiqué qu'elle avait pris note de l'opinion provisoire de la Chambre sur cette question et qu'elle ne souhaitait pas faire de remarques supplémentaires à ce sujet.

Par conséquent, la Chambre n'a pas de raison de dévier de son opinion provisoire.

1.5 La Chambre conclut alors que la déclaration d'intervention du contrefacteur présumé au titre de l'article 105 CBE est recevable.

Requête principale - articles 100a) et 54 CBE

2. L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau (article 54(1) et (2) CBE) au moins au regard de l'usage antérieur public constitué par les tables à repasser selon les documents D2 (modèle "Airboard Compact M Plus") et D3 (modèle "Airboard Premium M Plus") qui comportent les caractéristiques structurelles et fonctionnelles divulguées, par exemple, dans D4, comme aussi confirmée par l'audition devant la division d'opposition des témoins M. Link et M. Fischer (DL, DF).

3. La division d'opposition a conclu au paragraphe 2.3.1.2(2) de la décision attaquée, entre autres sur la base des documents D2, D3, que des tables à repasser des gammes "Airboard Compact M Plus" (D2) et "Airboard Premium M Plus" (D3) avaient été mises en vente avant la date de priorité du brevet. L'intimée n'a pas contesté cette conclusion de la division d'opposition (voir aussi point 1 à la page 7 de la réplique de l'intimée au motifs de recours). La Chambre, d'office, n'a pas non plus de raison d'arriver à une conclusion différente.

4. De plus, selon le paragraphe 2.3.1.2(3) de la décision attaquée, la division d'opposition a conclu que les tables de la gamme Airboard, c'est-à-dire les modèles selon D2 et D3, possédaient les caractéristiques décrites, par exemple, dans D4. Pour arriver à cette conclusion la division s'est appuyée aussi sur les déclarations du témoin M. Link lors de son audition (DL). La Chambre n'a pas non plus de doutes qui pourraient la conduire à une conclusion différente (voir aussi ci-dessous).

5. Toutefois, au paragraphe 2.3.1.2(4) de la décision attaquée, la division d'opposition constate qu'elle ne pouvait pas "arriver à la conclusion au-delà du doute raisonnable que le système consistant en un moyen de blocage/déblocage d'un système de butée décrit dans le brevet contesté est reflété dans D4 et D14 avant la date de priorité dudit brevet." Il lui était notamment impossible de pouvoir déterminer avec certitude quand ce système de verrouillage des tables à repasser, décrit par exemple dans D4, a été mis en place sur les tables de la gamme Airboard, étant donnée les multiples modifications apportées à ces tables depuis leur lancement en 2013/2014, dont certaines après la date de priorité du brevet contesté.

La Chambre est arrivée à une conclusion différente. La Chambre n'a pas de doutes sur le fait que les tables à repasser de la gamme Airboard (D2 et D3) présentaient avant la date de priorité du brevet toutes les caractéristiques de la revendication 1, y compris le système de butée et ses moyens de blocage/déblocage selon les caractéristiques 1.8 et 1.9, divulguées à l'homme du métier par les dessins techniques D4, tel que soutenu par les déclaration des témoins M. Link et M. Fischer entendus par la division d'opposition (DL, DF).

5.1 D4 est constitué de deux dessins techniques détaillés aux fins de production des objets dessinés. Les deux dessins portent des dates différentes. La Chambre considère néanmoins que les deux dessins représentent bien les caractéristiques structurelles et fonctionnelles des tables à repasser de la gamme Airboard depuis leur lancement en 2013/2014.

5.1.1 D4.1 a été dessiné le 21 janvier 2019, donc à une date ultérieure à la date de priorité du brevet. La cartouche du dessin indique sur deux lignes "AirBoard Compact S / Kindersicherung Airboard S Compact", dont la seconde expression est traduite par la Chambre par "Sécurité enfant Airboard S Compact". La cartouche comporte aussi un repère "00000209 BGT AIR Serie EPP 'Collins'". Le dessin même montre deux vues d'une table à repasser dans sa position dépliée, une vue de dessous, en haut de la page, et une section transversale selon un axe A-A indiqué dans la vue de dessous. Selon ce dessin, la table présente entre autres une crémaillère, annotée par une référence "C08215 Rastblech Fashion Classic (Zeichnung vom 02.07.2013)", traduit dans la langue de procédure par la Chambre ainsi : "C08215 Crémaillère Fashion Classic (dessin du 02.07.2013)".

5.1.2 Le second dessin, D4.2, a été dessiné le 2 juillet 2013 et porte la marque de sa dernière modification, le 20 septembre 2013, date antérieure à la date pertinente du brevet qui revendique la priorité (incontestée) du 27 octobre 2014. Ce dessin est désigné "Rastblech Classic / Rastblech Fashion Classic" (voir cartouche, traduit par la Chambre ainsi : "Crémaillère Classic / Crémaillère Fashion Classic"). Il comporte un numéro "CAD ID": "C00000000000008215" et montre une crémaillère.

5.1.3 L'identité des numéros (à l'exclusion du nombre de zéros entre la lettre C et les quatre derniers chiffres 8215) et des dates (2 juillet 2013) du dessin D4.1 et du dessin D4.2 ainsi que la forte ressemblance de la structure des deux crémaillères (bien que dans une orientation symétrique) ne laisse aucun doute sur leur identité dans les deux dessins.

5.1.4 Comme il avait été aussi argué par la requérante, le témoin M. Link a confirmé lors de son audition devant la division d'opposition que la fonction des tables à repasser de la gamme Airboard n'a pas été modifiée depuis leur introduction sur le marché en 2014, voir, par exemple, page 7 du procès verbal DL. De manière similaire, le témoin M. Fischer a indiqué lors de son audition devant la division d'opposition dans le cadre de questions portant sur D4, que le mécanisme de sécurité enfant avait été introduit dès 2013, voir, par exemple, le bas de la page 8/26 du procès verbal DF, comme l'a fait remarquer la requérante pendant la procédure orale devant la Chambre. La Chambre note que le témoin M. Fischer a également déclaré que les modifications des tables qui ont été apportées au cours de l'année 2019 concernaient essentiellement la partie supérieure du plateau de la table, ses rails de guidage et, partiellement, l'introduction d'autres châssis, dans le but de rationaliser et de faire des économies ; voir le bas de la page 5/26 et le haut de la page 25/26 du procès verbal DF. La différence entre les dates des dessins D4.1 et D4.2 s'explique par le fait qu'une crémaillère existant depuis 2013 a été utilisée dans une table à repasser de la série "Airboard", qui a peut-être été modifiée en 2019. Les dessins D4.1 et D4.2 ne contiennent donc pas non plus de datations contradictoires ou douteuses à cet égard. Ils sont en outre cohérents avec les déclarations précitées des témoins, selon lesquelles une sécurité enfant correspondante a été mise en place dans les tables à repasser dès 2013 et en tout état de cause en mars 2014.

5.1.5 L'exactitude des témoignages n'a pas été mise en question par l'intimée et la Chambre ne trouve pas, d'office, de raison d'en douter non plus.

La Chambre en conclut que le dessin D4.1, malgré sa date de création ultérieure (21 janvier 2019), représente bien les caractéristiques structurelles et fonctionnelles des tables à repasser de la gamme Airboard depuis 2013, notamment en ce qui concerne la structure et la fonction du mécanisme mis en ½uvre au moyen de la crémaillère reproduite sur ce dessin. Les différentes dates indiquant des modifications de la crémaillère à différents moments se situent toutes en 2013, donc avant la date de priorité du brevet. Il n'est pas non plus apparent que ces modifications pourraient avoir une incidence sur les caractéristiques structurelles et fonctionnelles de la crémaillère dans la mesure où elles se rapportent aux caractéristiques pertinentes selon la revendication 1 du brevet. La Chambre ne partage donc pas les doutes exprimés par la division d'opposition quant aux "multiples modifications apportées à ces tables depuis leur lancement en 2013/2014". Au contraire, rien dans le dossier n'indique que d'éventuelles modifications aient affecté la structure ou la fonction de la crémaillère.

5.2 Quant à sa structure et à sa fonction, il n'a pas été contesté que la crémaillère met en ½uvre des moyens de butée (caractéristique 1.4 de la revendication 1 du brevet) et présente la totalité des caractéristiques 1.6 et 1.7. La Chambre considère que les caractéristiques 1.8 et 1.9 sont également connues de D4.

5.2.1 Dans ce contexte, la Chambre doit d'abord statuer sur l'interprétation de la caractéristique "la partie (21) en saillie latérale de la dent recouvre la tige au moins jusqu'à son point (15) sommet le plus éloigné du sol", notamment sur le sens du terme "recouvre". La Chambre ne partage pas l'avis de l'intimée selon lequel ce terme impliquerait une limitation structurelle pour la surface de la dent venant buter contre la tige à son point sommet de manière à s'étendre essentiellement dans un plan horizontal. La Chambre reconnaît en effet que le terme exclut que ladite surface puisse s'étendre avec une inclinaison très forte de manière à ce que la distance entre le point sommet de la tige et un point sur cette face situé verticalement au-dessus du sommet (à condition que la dent s'étende avec son extrémité au-delà de cette verticale) devienne très grande. Une telle surface ne serait effectivement pas comprise de l'homme du métier comme recouvrant le point sommet de la tige. Cependant, l'hypothèse de la nécessité d'une surface s'étendant essentiellement dans un plan horizontal n'est pas justifiée par le libellé de la caractéristique 1.8 même. Elle ne l'est pas davantage quand on tient compte de la caractéristique 1.9 et notamment de la formule de fin "de sorte qu'elle sort de son emprise de la partie (21) en saillie de la dent (12)". Une tige venant buter contre une face inclinée d'une dent pourrait rester bloquée par (sous l'emprise de) cette dent malgré la face inclinée, simplement parce que la résultante de toutes les forces intervenant (force appliquée sur la tige, friction et poids des autres composantes interagissant avec la tige) n'est pas assez élevée pour sortir la tige de l'emprise de la dent.

Les limites de ce qui relève du terme "recouvre" sont floues, une face inclinée n'étant pas exclue d'avance. La question de savoir si une certaine structure de l'art antérieur antériorise cette caractéristique ne peut être tranchée uniquement à partir des faits de chaque espèce.

5.2.2 Sur le premier dessin D4.1 on reconnaît une tige horizontale d'une section circulaire reçue dans une encoche entre la première et la deuxième dent de la crémaillère (comptées en partant de la gauche) et qui porte contre la partie de base de la deuxième dent.

Malgré l'absence d'une représentation de la tige sur le second dessin D4.2, il est clair pour l'homme du métier que la partie de tête en saillie latérale de chaque dent de la crémaillère va nécessairement recouvrir la tige au moins jusqu'à son point sommet le plus éloigné du sol lorsque la tige porte contre la partie de base de la dent (le sol serait situé dans le dessin D4.2 à une position au-dessus de la crémaillère, dû à sa représentation symétrique et inversée par rapport à D4.1).

Dans le dessin D4.2, les fonds des encoches formées dans les parties de base entre les dents sont représentés par un dessin de forme à peu près semi-circulaire d'un rayon R4,25[mm], la largeur d'une encoche correspondant alors (au moins) au double de ce rayon. Les centres des fonds (semi-circulaires) des encoches sont espacés d'une distance de 25[mm], indiquée par des lignes verticales espacées sur le dessin D4.2. Une tige qui devrait porter contre la partie de base doit présenter un diamètre (au moins légèrement) inférieur à la largeur des encoches et ainsi un rayon (légèrement) inférieur à celui du fond de l'encoche à la partie de base. Par conséquent, le point sommet d'une telle tige serait également situé à une distance (légèrement) inférieure par rapport à la verticale qui passe par le centre du fond semi-circulaire de l'encoche. Les extrémités des parties de tête en saillie latérale de chacune des dents s'étendent au-delà des lignes verticales espacées passant par le centre des fonds des encoches des parties de base de la dent respective. Ainsi la partie de tête en saillie latérale se termine (vue du fond de l'encoche de la partie de base de la dent dans la direction de la partie de tête) au-delà de la position du point sommet (le plus éloigné du sol) d'une tige prise dans l'encoche correspondante. La face de la dent opposée au point sommet de la tige s'étend sous un angle relativement faible vers son extrémité. La distance verticale entre le point sommet de la tige et la face de la dent est relativement petite. L'homme du métier comprend alors que la partie de tête recouvre ainsi le point sommet de la tige par la surface s'étendant vers l'extrémité de la partie de tête, antériorisant de la sorte la caractéristique 1.8.

5.2.3 La Chambre constate que la caractéristique fonctionnelle 1.9 est également réalisée par les tables à repasser de la gamme Airboard qui emploient la crémaillère dessinée dans D4. Les tables à repasser de la gamme Airboard comportent un levier ou une manette représentant l'organe de blocage/déblocage selon la caractéristique 1.5. Ce levier, qui est fixement lié à la crémaillère afin d'ajuster la hauteur du plateau de repassage, est visible dans le champ A-4 du dessin D4.1. Sa fonction avait été confirmée par le témoin M. Fischer (par exemple, à la page 7 du procès verbal DF) et l'intimée n'avait pas non plus contesté ces faits. Quand la table se trouve ainsi dans une position dépliée, telle que représentée dans D4.1, où ladite tige porte contre une partie de base d'une dent dans une des encoches de la crémaillère, la manipulation du levier dans le but de faire pivoter la crémaillère et ainsi de libérer la tige de son emprise par la dent correspondante, se trouve alors bloquée par l'extension de cette dent au-delà de son point sommet qui, sous l'action du poids du plateau de la table agissant sur la crémaillère, appuie sur la tige. La tige, qui est connectée à une extrémité des deux jambes, exerce une force sur la face de la partie de base de la dent résultant du poids de la jambe. Entre la tige et la surface de la dent venant en butée la friction s'oppose aussi au glissement relatif des composantes. L'inclinaison de la face de la dent venant en butée contre la tige est relativement faible (cf. ci-dessus 5.2.1 et 5.2.2), de manière à ce que les composantes de la force résultante sur la tige dans la direction horizontale et verticale ne permettront le glissement de la tige le long de la face de la dent que lorsque le poids du plateau est "annulé", notamment par le soulèvement de la table, comme il a été aussi argué par la requérante au cours de la procédure orale devant la Chambre. Cette fonction avait été aussi confirmée par le témoin M. Fischer, par exemple aux pages 6 et 7 de DF.

La Chambre conclut que l'agencement est alors tel que les moyens de blocage/déblocage, réalisés par le levier divulgué dans D4, ne peuvent débloquer les moyens de butée, correspondant à la crémaillère divulguée dans D4, qu'après soulèvement de la table, ce qui sous l'effet de leur poids et d'une articulation des deux éléments formant jambe entraîne en rotation l'élément formant jambe coulissant et entraîne en coulissement la tige dans la direction opposée au repliement, de sorte qu'elle sort de son emprise de la partie en saillie de la dent.

5.2.4 Dans les motifs de la décision attaquée, la division d'opposition avait tenu compte des déclarations du témoin, M. Fischer, concernant la description de la fonction de la crémaillère et du système de verrouillage des tables à repasser (voir le paragraphe chevauchant les pages 9 et 10 de la décision). Elle avait estimé crédible que la gamme Airboard possède un système tel que "décrit dans le brevet en question". La Chambre note alors que la division d'opposition n'avait pas non plus de doutes sur le fait que la table à repasser décrite par les dessins de D4 représentait entre autres les caractéristiques 1.8 et 1.9 de la revendication du brevet. La division d'opposition doutait par contre que ces caractéristiques aient été toutes réunies dans des tables de la gamme Airboard depuis leur lancement en 2013/2014. La Chambre n'a aucun doute à ce sujet pour les raisons mentionnées ci-dessus au point 5.1.

5.3 Les arguments de l'intimée, dans la mesure où ils n'ont pas encore été examinés ci-dessus, n'ont pas pu convaincre la Chambre de parvenir à une conclusion différente.

5.3.1 Les incohérences concernant les dates apparaissant sur les dessins D4.1 et D4.2 ont été expliquées par les témoins M. Link et M. Fischer et ne soulèvent pas de doutes quant à la mise en ½uvre des caractéristiques pertinentes, telle que définies à la revendication 1 du brevet, dans des tables de la gamme Airboard mises en vente en 2014 (D2, D3), voir aussi point 5.1 ci-dessus.

5.3.2 L'allégation de l'intimée soulevée pendant la procédure orale devant la Chambre, soutenant que la requérante aurait commencé d'équiper ses tables à repasser d'un système de sécurité enfant tel que défini par la revendication 1 du brevet seulement aux environs de 2019 ou plus tard, après avoir rencontré des problèmes de non-conformité des tables aux normes françaises, est restée sans preuve.

5.3.3 La présence du terme "Kindersicherung" ("sécurité enfant") dans la cartouche du dessin D4.1, sans aucune indication en ce qui concerne les caractéristiques pertinentes quant à cette fonctionnalité, ainsi que les consignes de sécurité dans D16, ou l'absence totale de la mention d'une sécurité enfant dans D15 et D16, ne s'opposent pas aux conclusions de la Chambre.

Même si l'indication sur le dessin D4.1 laisse en principe entrevoir plusieurs options pour la réalisation d'une sécurité enfant, notamment en conformité avec les normes françaises, la structure et la fonction de la crémaillère telles que divulguées par les dessins D4.1 et D4.2, et confirmées par au moins le témoin M. Fischer, correspondent aux caractéristiques 1.8 et 1.9 de la revendication 1 du brevet. L'absence de toute indication plus explicite au sujet de la sécurité enfant et d'autres éléments que l'homme du métier pourrait considérer comme étant une sécurité enfant dans les dessins, ne peut pas contredire ces conclusions.

De même en ce qui concerne les consignes de sécurité fournies dans le mode d'emploi D16, pages 17 et 18 de sa section en français (correspondant au contenu des pages 5 et 6 de sa section en allemand). Ce mode d'emploi - qui se rapporte d'ailleurs à une autre gamme de tables à repasser, AirActive M, objet d'un autre usage antérieur allégué et sans pertinence pour les fins de cette décision - décrit en fait, à sa page 18, la fonction selon la caractéristique 1.9 (sans pour autant divulguer les caractéristiques structurelles de ce système). L'intimée se trompe dans son interprétation des consignes de sécurité à la précédente page 17. À condition qu'elles s'appliquent de la même façon aux tables de la gamme Airboard, le passage cité, "Ne pas actionner le levier de réglage en hauteur pendant le repassage. La centrale vapeur, ou le fer, pourraient tomber ou la table à repasser active pourrait se refermer", ne se rapporte pas du tout à un actionnement par inadvertance du levier/des moyens de blocage/déblocage correspondant, mais prévient l'utilisateur justement de son actionnement voulu dans certaines conditions. Cette consigne, si elle était aussi applicable à une table à repasser de la gamme Airboard, ne serait donc pas en conflit avec la structure et la fonction de la crémaillère divulguées dans D4.

Aussi l'absence de toute mention d'une fonctionnalité "sécurité enfant" dans D15 et D16 n'affecte pas les informations (techniques) divulguées à l'homme du métier dans D4 et confirmées par les témoins.

5.3.4 Il est vrai, comme il a été argué par l'intimée pendant la procédure orale devant la Chambre, qu'un jeu de dessins complet d'une table à repasser de la gamme Airboard datant avant la date pertinente du brevet n'a pas été produit. Cependant, la Chambre juge que l'absence d'un tel jeu complet ne suffit pas à soulever de réels doutes quant aux faits allégués et prouvés, notamment en ce qui concerne les circonstances et l'objet de l'usage antérieur public, établis sur la base de D2, D3, D4 et des témoignages recueillis, DF et DL.

5.3.5 L'animation du mouvement relatif entre une crémaillère, une tige et une manette, telle que montrée dans la vidéo (VI) produite par l'intimée pendant la procédure de recours, ne tient pas compte de tous les éléments de la table à repasser et des forces qui agissent dans ce mouvement (le poids du plateau à repasser, la friction entre jambes et sol, etc.). Cette animation incomplète est insuffisante à contredire les conclusions de la Chambre au point5.2.3 ci-dessus.

5.4 Par souci d'exhaustivité, la Chambre note que la divulgation des caractéristiques 1.1 à 1.7 par les tables à repasser de la gamme Airboard n'a pas été mise en question. La Chambre n'a aucune raison d'adopter un point de vue différent.

6. La Chambre conclut donc que l'objet de la revendication 1 du brevet n'est pas nouveau au regard de l'usage antérieur public des tables à repasser de la gamme Airboard tel qu'établi par l'ensemble des documents D2, D3 et D4, et tenant compte des procès verbaux de l'audition des témoins M. Link et M. Fischer (DL et DF).

Le motif d'opposition au titre des articles 100a) et 54 CBE s'oppose alors au maintien du brevet tel que délivré.

Requête subsidiaire 2 - article 123(2) CBE

7. La Chambre ne peut pas faire droit à la requête subsidiaire 2, parce que l'objet de sa revendication 1 s'étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée, contrairement à l'exigence de l'article 123(2) CBE

7.1 Il est acquis que la caractéristique introduite tout à la fin de la revendication, "vue de profil, la face de la dent tournée vers la tige est en forme d'arc circulaire", n'a pas de support textuel dans la demande telle que déposée. Seule la figure 2A, notamment le détail agrandi exposant la tige qui porte contre la partie de base d'une dent de la crémaillère, a été citée par l'intimée comme servant de base à la divulgation de cette modification. Cependant, la figure du détail montre un écartement croissant, dans le sens de la direction vers l'extrémité de la partie de tête de la dent, entre la surface de la tige (d'une section circulaire) et la face de la dent tournée vers la tige. Cet écartement croissant pourrait s'expliquer de différentes manières, techniquement raisonnables : par exemple, par le fait que la face de la dent tournée vers la tige est en forme d'arc non circulaire, ou par le fait qu'un tel arc circulaire est d'un rayon plus grand que celui de la tige. La Chambre ne voit pas de raison pour clairement exclure la première de ces deux interprétations de la figure 2A. Ce fait entre en conflit avec la condition sine qua non d'une divulgation dans la demande telle que déposée de l'objet résultant d'une modification, à savoir que son objet peut être déduit directement et sans ambiguïté de l'ensemble de ces documents tels qu'ils ont été déposés. D'autres passages de la demande telle que déposée, qui seraient de nature à justifier le choix de la seconde option citée ci-dessus comme étant l'unique façon d'interpréter le détail de la figure 2A, n'ont pas été indiqués par l'intimée.

De plus, la Chambre note que même dans le cas où l'homme du métier aurait identifié, comme seule façon de comprendre ladite figure, une face en forme d'arc circulaire, l'écartement (croissant) entre la tige et la face de la dent (indiquant un rayon plus grand de cet arc par rapport au diamètre de la tige) n'a pas non plus été défini à la revendication modifiée. Il en résulte, au moins pour cette raison, une généralisation intermédiaire non admissible de l'objet revendiqué par rapport au contenu de la demande telle que déposée.

7.2 Les arguments présentés par l'intimée au soutien de son avis selon lequel la modification satisfaisait aux conditions de l'article 123(2) CBE ne sont pas convaincants.

7.2.1 Contrairement à l'avis de l'intimée, la Chambre considère que le libellé de la caractéristique 1.9 de la revendication 1, notamment l'expression "sortir de l'emprise de la dent", lue dans le contexte du détail de la figure 2A, n'implique pas nécessairement une forme en arc circulaire de cette face de la dent. La tige pourrait être sous l'emprise d'une dent ayant toute sorte de forme non circulaire, même carrée (même si la Chambre entend que la face illustrée à la figure 2A représente clairement un arc), à condition que sa face recouvre le point sommet de la tige et ne présente pas non plus une pente trop forte de manière à faire plutôt glisser la tige le long de cette pente au lieu de la bloquer (cf. point 5.2.1 ci-dessus).

7.2.2 L'argument selon lequel l'écartement visible dans la figure 2A représentait les tolérances de fabrication n'est pas fondé. L'intimée n'a pas indiqué un passage de la demande telle que déposée qui pourrait étayer sa position. Représenter une tolérance de fabrication voulue dans une figure d'une demande de brevet, sans indiquer sa pertinence, serait pour le moins inhabituel. Dans de telles circonstances la représentation d'une tolérance de fabrication ne pourrait pas être considérée comme pouvant être déduite directement et sans ambiguïté de la figure citée par l'homme du métier.

8. En l'absence d'une requête satisfaisant aux conditions de la CBE, le brevet doit être révoqué (Article 101(3)b) CBE), faisant droit ainsi à la requête de la requérante et de l'intervenante.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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