T 0560/23 (Laine minérale/Saint Gobain) of 10.7.2025

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2025:T056023.20250710
Date de la décision : 10 Juillet 2025
Numéro de l'affaire : T 0560/23
Numéro de la demande : 15775777.4
Classe de la CIB : C03C 3/097
C03C 13/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : LAINE MINERALE
Nom du demandeur : SAINT-GOBAIN ISOVER
Nom de l'opposant : ROCKWOOL INTERNATIONAL A/S
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Nouveauté - (oui)
Activité inventive - (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0002/21
T 0939/92
T 0067/98
T 0097/00
T 0339/04
T 0415/11
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours de l'opposante (requérante) concerne la décision de la division d'opposition rejetant l'opposition contre le brevet européen No. 3 197 842 B1.

II. Les documents suivants cités dans la décision attaquée sont pertinents

D2: US 2014/0357469 A1

D2a: WO 2013/110897 A1

D3: WO 2014/050825 A1

D4: US 2010/0154481 A1

D5: Pye, L.D. et al., "Properties of glass-forming

melts", CRC Press, Taylor & Francis, pages

339-389, 2005

D6: EP 2 799 410 A1

D10: US 4 062 689 A

D11: US 2007/0135291 A1

D13: Déclaration de Mette Solvang du 18.9.2020

III. Avec son mémoire exposant les motifs de recours, la requérante a soumis:

D14: Rapport expérimental du 21 mars 2023.

IV. Le libellé de la revendication 1 du brevet incriminé est comme suit.

"1. Laine minérale comprenant des fibres de verre dont la composition chimique comprend les constituants suivants, en une teneur pondérale variant dans les limites ci-après définies :

SiO2 35-55%

Al2O3 14-27%

CaO 3-35%

MgO 0-15%

Na2O+K2O 1-17%

Fe2O3 2-15%

B2O3 0-8%

SnO2 0,01-3%."

Les revendications 2 à 11 incorporent directement ou indirectement l'objet de la revendication 1.

V. La requérante a argumenté que D2a anticipait l'objet de la revendication 1 (Article 54 CBE). En tout cas, la revendication 1 n'impliquait pas d'activité inventive (Article 56 CBE) en partant de D2/D2a ou de D11 comme art antérieur le plus proche. Au vu des décisions T 939/92, T 67/98, T 97/00, T 339/04 et T 415/11, le problème technique objectif à résoudre pouvait seulement être la mise à disposition d'une laine minérale alternative. La solution proposée par le brevet était évidente.

VI. Les arguments de l'intimée (titulaire du brevet) qui a réfuté ces arguments se reflètent dans les Motifs ci-dessous.

VII. La requérante a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit révoqué.

L'intimée a demandé que le recours soit rejeté, ou à titre subsidiaire que le brevet soit maintenu sous forme modifiée sur la base d'une des requêtes subsidiaires 1 à 21 soumises avec la réponse au recours, incluant une modification des requêtes subsidiaires 14-21, comme annoncé au cours de la procédure orale.

Motifs de la décision

Requête principale (brevet tel que délivré)

1. Articles 100(a) et 54 CBE

D2a divulgue un procédé de fabrication de laine minérale. Il n'est pas contesté que le SnO2 ne fait pas partie de la composition utilisée dans D2a. La requérante argumente que le SnO2 serait inévitablement présent dans la composition de verre comme les électrodes pourraient éventuellement être en SnO2.

La chambre n'est pas convaincue par ce raisonnement et ne voit pas de raison de s'écarter de la décision attaquée. D2a n'indique pas que les électrodes contribuent à la présence de constituants dans la composition de verre. De plus, D2a ne contient aucun détail quant au procédé et aucune indication concernant le degré de corrosion des électrodes. La personne du métier n'a donc pas d'information qui permette de calculer une concentration de SnO2 dans le mélange de verre et/ou dans les fibres de verre finalement obtenues. Cette conclusion est complètement en accord avec D13, cité par la requérante, qui indique que dans certains cas ("at least in some cases"), la méthode de D2a donnerait une concentration de SnO2 d'au moins 0.01 % en poids. Des détails sur les cas et le procédé en question ne sont pas donnés.

Les documents D3 à D6 ne suggèrent pas non plus que dans le procédé de D2a, la corrosion des électrodes de SnO2 serait telle qu'elle impliquerait inévitablement une concentration en SnO2 d'au moins 0.01 % en poids. Aucun de ces documents ne concerne un procédé tel que décrit dans D2a.

Nonobstant la question visant à savoir si l'objection concernant la possibilité de mesurer 0.01% en poids de SnO2 est à admettre (Article 12(6) RPCR), elle n'est pas convaincante. La requérante n'a soumis aucune preuve concernant une quelconque incertitude de la méthode de mesure. Il est aussi très surprenant que l'experte ayant signé la déclaration D13 n'ait pas fait référence à cette incertitude. Elle a seulement indiqué que 0.01 était une valeur très basse sans pour autant dire qu'une telle valeur ne pouvait même pas être déterminée.

En conclusion, D2a ne divulgue pas directement et sans équivoque l'objet de la revendication 1.

L'article 100(a) CBE en combinaison avec l'article 54 CBE ne s'oppose donc pas au maintien du brevet tel que délivré.

2. Articles 100(a) et 56 CBE

2.1 L'invention concerne une laine minérale.

2.2 D2a a été choisi comme un point de départ pour la discussion de l'activité inventive par la requérante. Elle a argumenté que la seule différence était la concentration en SnO2, car il ressortait de D2a que les fibres obtenues contenaient du SnO2. Comme expliqué plus haut, la chambre n'est pas d'accord avec cette conclusion, car D2a ne divulgue pas de détails du procédé avec des électrodes de SnO2. Même s'il semble probable que dans pareil cas les fibres contiennent du SnO2, une divulgation directe et sans équivoque n'est pas présente dans D2a.

2.3 Le problème à résoudre par le brevet est d'améliorer la résistance au feu et à des températures élevées (alinéa [0004]).

2.4 Il est proposé de résoudre ce problème par une laine minérale selon la revendication 1 caractérisée en ce qu'elle comprend 0.01 - 3% en poids de SnO2.

2.5 La requérante conteste que le problème est effectivement résolu. Elle considère que la revendication 1 est trop large et qu'il n'est pas crédible que le problème soit résolu sur toute l'étendue de la revendication. Un seul exemple qui en plus comprenait les constituants MgO, TiO2, ZrO2 et P2O5 qui n'étaient pas mentionnés dans la revendication 1 n'était pas suffisant pour montrer un tel effet. Cette argumentation n'est cependant pas convaincante.

Selon la jurisprudence constante, si l'on procède à des essais comparatifs pour démontrer l'existence d'une activité inventive sur la base d'un effet d'amélioration dans un domaine revendiqué, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche doit être de nature à montrer de manière convaincante que les présumés effets bénéfiques ou propriétés avantageuses sont dus à la caractéristique distinctive de l'invention par rapport à l'état de la technique le plus proche (Jurisprudence des Chambres de recours, 10**(ième) édition, 2022, I.D.4.3.2).

D2a divulgue comme laine minérale préférée une laine minérale comprenant des fibres de verre comprenant en poids: 40-45% de SiO2, 18-26% d'Al2O3, 8-18% de CaO, 0.5-3% de MgO, 10-13% de Na2O + K2O, 3-8% de Fe2O3, 0% de B2O3, 0-1% de P2O5, 0.1-1% de TiO2 et 0.1-0.8% de ZrO2 (page 13, lignes 3 à 12).

L'intimée a choisi une telle laine minérale comme référence et comme exemple de l'invention la même composition qui diffère seulement par la présence de 0.05% de SnO2. Cette comparaison est donc en accord avec la jurisprudence.

La requérante réfute que les mêmes résultats auraient été obtenus avec d'autres compositions selon la revendication 1 ne comprenant pas de MgO, de P2O5, de TiO2 et de ZrO2 et comprenant éventuellement du B2O3. Il est vrai que ces constituants ne font pas nécessairement partie de la composition revendiquée. Toutefois le MgO (alinéa [0012]), le P2O5 (alinéa [0016]) et le B2O3 ne sont pas présentés comme ayant un effet sur la résistance thermique. De plus, aucun élément de preuve ne contredit cette constatation. Leur présence ou absence n'a donc pas d'effet considérable sur la résistance au feu. Par contre le TiO2 et le ZrO2 ont probablement un effet sur la résistance thermique (alinéas [0017] et [0019]). Cela implique qu'une référence sans ces substances serait probablement moins performante que la référence choisie par l'intimée en accord avec D2a. Cependant il n'y a pas de raison de douter que l'addition de SnO2 à une telle référence sans TiO2 et ZrO2 aurait également un effet positif. Le brevet indique clairement que le SnO2 avait, même à faible teneur, un effet bénéfique particulièrement important sur la résistance thermique de la laine minérale (alinéa [0018]). Il n'y pas de raison pour laquelle cet effet serait absent dans une composition ne comprenant pas de TiO2 ni de ZrO2. L'argument de la requérante selon lequel l'effet montré dans l'exemple du brevet était seulement dû à la présence de la combinaison de SnO2 et de ZrO2 n'a pas été corroboré par des exemples et va à l'encontre de ce qui est expliqué dans le brevet à l'alinéa [0018]. Une synergie entre ces deux oxydes ne signifie pas que la présence individuelle de ces oxydes, en particulier celle de SnO2, serait sans effet.

Il est vrai qu'une partie importante de la composition des fibres de verre n'est pas nécessairement définie dans la revendication 1. Cependant la personne du métier reconnaît que la composition concerne des fibres de verre alumino-silicate, ce qui limite le type de constituants pouvant être présents. L'allégation de la requérante selon laquelle l'effet du SnO2 ne pouvait pas être atteint pour toutes les compositions entrant dans l'étendue de la revendication 1 n'est pas soutenue par des exemples pertinents.

La requérante a soumis D14 pour soutenir son argumentation. Nonobstant la question visant à savoir si D14 est à admettre au vu de l'article 12(6) RPCR comme la décision ne semble pas contenir d'avis surprenant, D14 ne semble pas pertinent, car D14 n'utilise pas, pour des raisons inconnues, le même test que le brevet. Même s'il était accepté que D11 utilise le même test que D14, alors cela serait sans importance. La question de savoir si le problème technique est vraiment résolu est décidée sur la base du brevet attaqué et non sur la base d'un autre document quelconque de la titulaire. De plus, il n'y a pas d'indication que le test utilisé par la requérante et celui présent dans le brevet seraient équivalents et mèneraient inévitablement au même résultat. C'est pourquoi D14 ne peut pas mettre en doute les résultats du brevet.

La requérante a cité plusieurs décisions appuyant son argument, à savoir que la titulaire n'avait pas démontré de façon crédible que le problème posé était résolu sur toute l'étendue de la revendication 1. Ces décisions ne sont pas pertinentes dans le cas présent.

Dans l'affaire T 939/92 (Motifs 2.6 et 2.7) qui concernait une revendication du type Markush, la chambre considérait que les résultats d'essais présentés dans la description n'étaient pas une preuve suffisante qui permettrait de conclure que pratiquement tous les composés revendiqués avaient une activité herbicide, au vu de leur différence de structure. Dans le cas d'espèce, l'effet semble être lié à la présence de SnO2 qui est un constituant bien défini et qui ne change pas indépendamment du reste de la composition. Rien n'indique que cet effet est absent lorsque le reste de la composition change.

Dans l'affaire T 67/98 (Motifs 3.5), la comparaison avec l'état de la technique n'était pas présente dans le brevet. La titulaire a soumis des essais au stade du recours qui se distinguaient de l'art antérieur le plus proche par plusieurs caractéristiques distinctives. De plus, la chambre n'était pas convaincue que l'effet de la composition testée, qui comprenait plus de constituants que la revendication, s'appliquait à la composition revendiquée au vu des arguments de la titulaire même. Dans notre cas, la titulaire n'a pas présenté de tels arguments et la seule caractéristique distinctive est bien le SnO2.

L'affaire T 97/00 (Motifs 3.1.2 à 3.1.7) concernait une revendication de procédé. La chambre concluait que les éléments de preuve présents dans le brevet ne suffisaient pas pour montrer l'effet présumé. C'est pourquoi la charge de la preuve était inversée. Dans notre cas qui concerne une revendication de produit, la chambre ne voit pas de raison d'inverser la charge de la preuve.

Dans l'affaire T 339/04 (Motifs 4.1 à 4.5), les essais comparatifs soumis pour soutenir un effet technique différaient de l'état de la technique le plus proche par plusieurs caractéristiques et comprenaient toujours aussi un constituant qui n'était pas exigé par la revendication 1. C'est pourquoi il était conclu que les éléments de preuve fournis ne permettaient donc pas de démontrer les prétendus avantages. Dans notre cas, l'exemple déjà présent dans le brevet se distingue uniquement par le SnO2 de l'exemple de l'art antérieur et il n'y a pas de preuve montrant que l'absence des constituants présents dans l'exemple, mais pas exigés par la revendication 1, anéantissait l'effet du SnO2.

T 415/11 (Motifs 45 et 46) concerne une affaire dans laquelle il n'y avait pas de preuve à l'appui du problème technique allégué. Cette affaire se distingue donc de la présente affaire, car il est accepté que l'exemple du brevet confirme la présence d'un effet technique (voir ci-dessus).

La chambre est donc d'avis que l'intimée a démontré correctement que les avantages allégués de l'invention revendiquée ont été obtenus avec succès (G 2/21, Motifs 26).

Par conséquent, la chambre accepte que le problème est effectivement résolu. Il n'est donc pas nécessaire de reformuler le problème de façon moins ambitieuse.

2.6 La solution proposée n'est pas évidente.

D2a se rapporte au domaine de la fusion du verre et divulgue que les électrodes immergées dans le bain de verre pourraient être éventuellement en SnO2. Il n'est pas divulgué qu'il est désirable que ces électrodes corrodent de façon à fournir une certaine concentration de SnO2 dans le verre. D2a ne s'intéresse pas du tout au problème posé. Il n'y a donc pas de raison d'ajouter volontairement du SnO2 au verre.

D10 ne traite pas du problème de la résistance au feu et aux températures élevées. C'est pourquoi la personne du métier n'y trouve pas d'enseignement qui la mènerait à la solution proposée.

2.7 Une argumentation similaire s'applique en partant de D11 comme art antérieur le plus proche. La composition de D11 ne contient pas de SnO2 non plus. Il est accepté que le problème à résoudre, qui consiste à améliorer la résistance au feu et aux températures élevées, est effectivement résolu (point 2.5 ci dessus). La solution proposée n'est pas évidente pour les raisons exposées au point 2.7.

2.8 L'objet de la revendication 1 implique donc une activité inventive. Cela vaut aussi pour l'objet des revendications 2 à 11 qui se réfèrent directement ou indirectement à la revendication 1.

2.9 Les conditions énoncées à l'article 56 CBE sont donc également remplies.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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