European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2024:T149522.20241014 | ||||||||
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Date de la décision : | 14 Octobre 2024 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1495/22 | ||||||||
Numéro de la demande : | 07704559.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | B01J 35/10 C01G 25/02 B01J 37/03 B01J 37/06 B01J 23/63 B01J 21/06 B01J 23/10 B01D 53/94 B01J 35/00 B01J 37/00 C01G 25/00 C01F 17/00 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | COMPOSITION A BASE D'OXYDES DE ZIRCONIUM, DE CERIUM, D'YTTRIUM, DE LANTHANE ET D'UNE AUTRE TERRE RARE, PROCEDE DE PREPARATION ET UTILISATION EN CATALYSE | ||||||||
Nom du demandeur : | RHODIA OPERATIONS | ||||||||
Nom de l'opposant : | Neo Chemicals & Oxides (Europe) Ltd. | ||||||||
Chambre : | 3.3.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Motifs d'opposition - extension de l'objet de la demande (oui) Modifications - admises (oui) Possibilité d'exécuter l'invention - (oui) Modification des moyens invoqués - recevable (non) Activité inventive - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le recours de l'opposante est dirigé contre la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition formée à l'encontre du brevet européen n° 1 991 354.
II. Avec son mémoire de recours, la requérante a déposé trois nouveaux documents D7 (WO 2004/002893), D8 (Expertise du Prof. Dinnebier, datée du 18 mai 2022) et D9 (US 2005/0129588 A1). En outre, elle a fait valoir que les revendications telles que délivrées s'étendaient au-delà du contenu de la demande telle que déposée et que l'invention revendiquée présentait non seulement un défaut de description mais également d'activité inventive au vu de la divulgation de
D3 (WO 2004/085314 A2) pris en combinaison avec l'enseignement de D2 (WO 2004/103907 Al) ou
D9, ou alternativement au vu de la divulgation de D1 (US 6 255 242 Bl) combinée à celle de D2 ou D9.
Pour étayer ses objections à l'encontre des requêtes auxiliaires, la requérante a soumis un tableau présentant les modifications 1 à 7 introduites dans les requêtes auxiliaires déposées en première instance et fait valoir que la modification 1 ne permettait pas de surmonter les objections visées aux articles 123(2), 83 et 56 CBE, la modification 2 de mettre le brevet en conformité avec les exigences des articles 123(2), 83 et 56 CBE, les modifications 3 et 4 de surmonter les objections visées aux articles 123(2), 83 et 56 CBE et que la modification 3 impliquait un défaut de clarté; la modification 5 ne permettait en outre pas de surmonter les objections visées aux articles 83 et 56 CBE, et les modifications 6 et 7 n'étaient pas admissibles en vertu des articles 123(2), 83 et 56 CBE.
III. Avec sa réponse du 16 décembre 2022, la titulaire et intimée a déposé plusieurs jeux de revendications modifiées à titre de requêtes auxiliaires 1, 2, 2a, 2b, 3, 3a, 4, 4a et 5 à 10b. Dans un courrier ultérieur daté du 21 décembre 2022 (i.e. dans le délai pour présenter sa réponse au mémoire de recours), elle a déposé les requêtes auxiliaires 1, 2, 2bis, 2ter, 3, 3bis, 4, 4bis, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 10a ou 10b, et demandé de déclarer irrecevables les documents D7 à D9.
IV. Par courrier du 15 février 2023, la requérante a demandé que les requêtes auxiliaires soient elles aussi déclarées irrecevables.
V. Par courrier du 28 mars 2023, la titulaire précise que les requêtes datées du 21 décembre 2022 sont les seules valables et que celles qui précédait le dépôt de ces dernières n'étaient qu'une traduction anglaise de celles-ci.
VI. Lors de la procédure orale du 14 octobre 2024, la titulaire a retiré les requêtes auxiliaires 1, 2 et 2bis et les parties ont confirmé leurs requêtes comme suit:
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée a demandé le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base de l'une des requêtes auxiliaires 2ter, 3, 3bis, 4, 4bis, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 10a ou 10b datées du 21 décembre 2022.
Motifs de la décision
1. Requête principale - Article 100(c)/123(2) CBE
La chambre est parvenue à la conclusion que le motif d'opposition au titre de l'article 100(c) CBE porte préjudice au maintien du brevet tel que délivré pour les raisons suivantes:
1.1 La revendication 1 telle que déposée définit (mises en exergue rajoutées par la chambre) une "composition à base d'oxydes de zirconium, de cérium et d'yttrium, caractérisée en ce qu'elle comprend en outre de l'oxyde de lanthane et un oxyde d'une terre rare supplémentaire autre que le cérium, le lanthane et l'yttrium, dans une proportion massique ... entre 2% et 15% en oxyde de la terre rare supplémentaire ... ", et la revendication 2 telle que déposée précise que la terre rare supplémentaire est choisie parmi le néodyme, le praséodyme, le gadolinium et le samarium.
1.2 En revanche, la revendication 1 telle que délivrée définit une "composition constituée d'oxydes de zirconium, de cérium, d'yttrium, de lanthane et d'une ou plusieurs terre(s) rare(s) supplémentaire(s) autre(s) que le cérium, le lanthane et l'yttrium, choisie(s) dans le groupe formé par le néodyme, le praséodyme, le gadolinium et le samarium, dans une proportion massique ... entre 2% et 15% en oxyde de la ou des terre(s) rare(s) supplémentaire(s) ...".
1.3 Dans sa version telle que délivrée, la revendication 1 définit donc deux alternatives: une première dans laquelle il n'y a qu'une seule terre rare supplémentaire dans une proportion massique sous forme oxyde comprise entre 2 et 15 %, et une seconde, dans laquelle il y a plusieurs terres rares supplémentaires représentant au total une proportion massique sous forme oxyde comprise entre 2 et 15 %.
1.4 La requérante a fait valoir que la dernière de ces alternatives englobait des modes de réalisation dans lesquels la somme des proportions massiques d'oxydes de ces terres rares supplémentaires se situait dans une plage de 2 à 15 %, alors qu'aucun de ces oxydes de terres rares supplémentaires n'était individuellement présent dans une proportion massique allant de 2 à
15 %. De telles réalisations ne seraient toutefois pas couvertes par la revendication 1 d'origine, qui était limitée à une composition dans laquelle "un oxyde d'une terre rare supplémentaire" est présent dans une proportion massique allant de 2 à 15 %.
1.5 La titulaire a fait valoir que selon le passage en page 3, lignes 19 à 24 de la demande telle que déposée, il était clair que l'invention couvrait également des modes de réalisation dans lesquels la composition comprenait des combinaisons d'oxydes de plusieurs terres rares supplémentaires choisies parmi le néodyme, le praséodyme, le gadolinium et le samarium, et que le concept "un oxyde d'une terre rare supplémentaire" dans la revendication 1 telle que déposée n'était donc pas limitée à un seul oxyde mais incluait la présence d'oxydes de plusieurs terres rares supplémentaires.
Cette interprétation était claire dudit passage, car si l'intention avait été de se référer à d'autres terres rares supplémentaires (différentes de celle définie à la revendication 1 telle que déposée), le passage de la page 3 aurait fait référence à l'alternative incorporant des oxydes "d'autres terres rares supplémentaires". Au lieu de cela, le passage indique clairement que l'intention était de couvrir les compositions comprenant "plusieurs terres rares supplémentaires" sans aucune référence à "d'autres".
L'objet de la revendication 1 était donc supporté par le contenu de la demande telle que déposée.
1.6 La chambre ne partage pas ce point de vue, car la revendication 1 d'origine définit une composition qui "comprend" plusieurs composants, dont "un oxyde d'une terre rare supplémentaire" présent dans une proportion massique allant de 2 à 15 %, et le passage en page 3, lignes 19 à 24 précise que l'invention couvre également "le cas où les compositions comprennent plusieurs terres rares supplémentaires ... en combinaison".
1.7 S'il est vrai que ce passage représente une divulgation générale s'appliquant à toutes les formes de l'invention, il n'implique toutefois pas que la caractéristique "un oxyde d'une terre rare supplémentaire" dans la revendication 1 telle que déposée doit être interprétée comme "des oxydes d'une ou plusieurs terres rares supplémentaires". Pour la chambre, le susdit passage précise simplement que l'invention peut inclure, en supplément de l'oxyde d'une terre rare supplémentaire présent dans une proportion massique de 2 à 15 %, des oxydes additionnels d'autres terres rares choisies parmi le néodyme, le praséodyme, le gadolinium et le samarium, sans toutefois préciser les proportions massiques de ces oxydes additionnels. Par conséquent, ce qui découle de la combinaison des divulgations de la revendication 1 d'origine et dudit passage en page 3, est que la composition revendiquée doit contenir au moins un oxyde d'une terre rare supplémentaire dans une proportion massique de 2 à 15 %, et que cette composition peut éventuellement contenir une quantité non spécifiée d'oxydes additionnels d'autres terres rares choisies parmi le néodyme, le praséodyme, le gadolinium et le samarium.
1.8 Cette interprétation est la seule cohérente avec l'indication on ne peut plus claire dans la revendication 1 telle que déposée selon laquelle la proportion massique de 2 à 15 % se réfère à un oxyde d'une terre rare. Elle est en outre cohérente avec l'utilisation du terme "comprend" dans la revendication 1 telle que déposée, qui implique que l'objet de l'invention englobe des modes de réalisation dans lesquelles d'autres substances, par exemple des oxydes d'autres terres rares supplémentaires, peuvent être présentes dans la composition.
1.9 A cet égard, le fait que le passage en page 3 se réfère à des "terres rares supplémentaires" plutôt qu'à "d'autres terres rares supplémentaires" est considéré comme non pertinent, car même si ce passage se réfère à la terre rare supplémentaire selon la revendication 1 telle que déposée, il n'en est pas moins que la demande telle que déposée est silencieuse sur la concentration dans laquelle cette combinaison de terres rares supplémentaires doit être apportée, de sorte que tout ce qui peut être déduit de la combinaison de ce paragraphe avec la revendication 1 telle que déposée est qu'un oxyde d'une terre rare supplémentaire doit être présent dans une proportion massique de 2 à 15 % et peut, dans certains modes de réalisation, faire partie d'une composition contenant une combinaison d'oxydes de plusieurs terres rares supplémentaires dans une quantité non spécifiée.
1.10 L'objet de la revendication en cause étend donc la portée de la protection de deux manières différentes.
Premièrement, en incluant des oxydes de plusieurs terres rares supplémentaires dans une proportion massique totale de 2 à 15 %, la revendication 1 englobe maintenant des modes de réalisation dans lesquels lesdits oxydes peuvent tous être présents individuellement en quantité inférieure à 2%, ce qui élargit la portée au-delà de la demande telle que déposée.
Deuxièmement, étant donné que nulle part dans la demande telle que déposée la fourchette de 2 à 15 % est définie comme pouvant définir la somme des concentrations des oxydes de plusieurs terres rares supplémentaires, il n'y a pas plus de base pour cette caractéristique dans la demande d'origine.
1.11 Par souci d'exhaustivité, la chambre note enfin que les 13 exemples du brevet confortent cette interprétation, puisque aucun d'eux ne divulgue de composition avec plus d'une terre rare supplémentaire sous forme oxyde, et encore moins une composition incluant plusieurs oxydes de terres rares supplémentaires dans une proportion massique totale de 2 à 15 %, sans qu'au moins l'un d'entre eux ne soit présent dans une proportion massique de 2 à 15 %.
1.12 Il s'ensuit qu'en l'absence de divulgation directe et sans équivoque dans la demande telle que déposée d'un mode de réalisation englobant la combinaison de toutes les caractéristiques de l'objet de la revendication 1 telle que délivrée, ce dernier s'étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée, contrairement aux exigences de l'Article 123(2) CBE.
2. Recevabilité des requêtes auxiliaires
2.1 La requérante a fait valoir que la situation des requêtes auxiliaires n'était pas claire, car avec sa réponse du 16 décembre 2022, la titulaire en a déposé seize dans une langue autre que celle de la procédure, puis le 21 décembre 2022, elle en a redéposé autant avec une numérotation qui ne se recoupe que partiellement avec celles précédemment déposées, si bien qu'aucune de ces requêtes n'étaient recevable.
2.2 Selon la chambre, il est manifeste que les requêtes soumises le 21 décembre 2022 ne sont autre que la version française de celles déposées en langue anglaise quelques jours auparavant. Étant donné que les deux jeux de requêtes ont en outre été déposés dans le délai de réponse au mémoire de recours, le lecteur averti comprend aisément que les seules valables sont celles déposées dans la langue de la procédure, à savoir celles du 21 décembre 2022. Toutes ces requêtes - à l'exception de la neuvième - correspondant en outre à celles présentées en première instance, la chambre ne voit aucune raison de ne pas les admettre. Les requêtes auxiliaires 2ter, 3, 3bis, 4, 4bis, 5, 6, 7 et 8 font donc partie de la procédure de recours.
2.3 Compte tenu de l'issue de la présente décision, il n'y a en outre pas lieu de conclure sur la recevabilité des requêtes auxiliaires 9, 10, 10a et 10b.
3. Requête auxiliaire 2ter - Article 123(2) CBE
3.1 Pour la chambre, cette requête surmonte l'objection au titre de l'article 123(2) CBE, car sa revendication 1 précise que la proportion massique de 2 à 15 % se réfère à un oxyde d'une terre rare supplémentaire.
3.2 Pour la requérante, les modifications apportées à la revendication 1 de cette requête étendraient son objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée, car résultant de la sélection de caractéristiques parmi différentes listes d'alternatives, à savoir i) la sélection de la calcination à 1000 ºC pendant 4 heures parmi les différents tests présentés aux pages 3 et 4 telles que déposées, et la sélection i) d'une valeur inférieure pour la surface spécifique de 30 m**(2)/g et ii) d'une valeur supérieure de 65 m**(2)/g parmi celles différentes divulguées à la page 3 telle que déposée.
3.3 La chambre ne peut suivre cet argumentaire, car la calcination à 1000°C pendant 4 heures et la surface spécifique inférieure de 30 m**(2)/g trouvent directement leur fondement dans la revendication dépendante 8 telle que déposée. En outre, la valeur de 65 m**(2)/g pour la surface spécifique n'est autre que la valeur supérieure explicitement divulguée pour la première variante de l'invention (voir page 3, lignes 33 à 35). Étant donné que la revendication 1 telle que déposée ne requiert aucun taux de réductibilité (caractéristique définissant la deuxième variante de l'invention (voir page 2, lignes 11 à 22)), il est manifeste que l'objet de la revendication 1 correspond à la première variante de l'invention, si bien qu'il n'est pas nécessaire de recourir à des sélections parmi plusieurs listes d'alternatives pour parvenir à l'objet de la revendication 1 en cause, de sorte que les exigences de l'article 123(2) CBE sont satisfaites.
4. Requête auxiliaire 2ter - Exposé de l'invention
4.1 La requérante a fait valoir que l'invention présentait un défaut de description, car le test de calcination pendant 10 heures à 1150°C était supposé aboutir à une surface spécifique définie en termes d'une fourchette ouverte, à savoir au moins 15 m**(2)/g. Or, comme conclu dans les décisions T 1697/12 (motifs 5.5.3 et 5.5.4) et T 2344/12 (motifs 1.1), la définition d'une invention en termes de gammes ouvertes conduit à un problème au titre de l'article 83 CBE, car l'objet ainsi revendiqué englobe des modes de réalisation ne pouvant être reproduits.
4.2 La chambre estime que le principe selon lequel la revendication doit être reproductible sur toute sa portée exige simplement que l'homme du métier soit en mesure d'identifier, avec les informations dont il dispose et sans effort excessif, au moins une solution lui permettant d'obtenir des valeurs de surface spécifique se situant dans la fourchette revendiquée. Cette exigence est remplie dans le cas présent, car la revendication 1 définit les caractéristiques essentielles (dans ce cas, la nature et les quantités des oxydes formant la composition) permettant d'atteindre lesdites valeurs de surface spécifique revendiquées. Alternativement, les exemples du brevet montrent qu'en travaillant dans le cadre défini par les caractéristiques selon la revendication 1, on obtient une gamme de surfaces spécifiques s'étendant sur la fourchette ouverte revendiquée.
4.3 La chambre note au demeurant que dans le cas d'espèce, la définition d'une valeur maximale de 65 m**(2)/g pour la surface spécifique lorsque la composition est exposée à une calcination pendant 4 heures à 1000°C impose implicitement une limite (même si elle n'est pas spécifiée) à la surface spécifique qui serait obtenue après calcination pendant 10 heures à 1150°C, une situation qui correspond à l'exception décrite au point 5.5.5 de la décision T 1697/12 citée par la requérante. Par conséquent, même si les conclusions présentées dans les décisions citées par la requérante étaient suivies, la définition en termes d'une fourchette ouverte ne conduit pas dans le cas d'espèce à un défaut de suffisance de description de l'invention au sens de l'article 83 CBE.
5. Recevabilité du document D8
5.1 Ce document ayant été déposé pour la première fois au stade du recours, sa recevabilité est régie par l'article 12(4) RPCR.
5.2 Dans son opinion préliminaire, la chambre a annoncé qu'elle n'était pas disposée à admettre D8, car ce dernier était supposé étayer un nouveau fait allégué, à savoir que les exemples du brevet ne seraient pas représentatifs de l'invention.
5.3 A la procédure orale, la requérante a expliqué que D8 n'avait été déposé qu'au stade du recours, car rendu nécessaire par les conclusions de la première instance.
5.4 La chambre n'est pas convaincue par cet argument, car le document est cité pour étayer un fait allégé qui aurait dû être présenté au cours de la procédure de première instance, puisqu'il concerne la validité des exemples du brevet. Il ne serait donc pas équitable de confronter la titulaire à un nouveau fait à ce stade de la procédure. Le document D8 est donc définitivement rejeté de la procédure de recours.
6. Requête auxiliaire 2ter - Activité inventive
6.1 Concernant l'état de la technique le plus proche, dans la procédure écrite, la requérante a cité les documents D1 et D3 comme points de départ possibles pour l'argumentation concernant l'activité inventive. Lors de la procédure orale, elle s'est par contre limitée au document D3.
6.1.1 De l'avis de la chambre, D1 et D3 représentent un point de départ similaire, le premier définissant spécifiquement la structure cubique alors que le second divulgue des valeurs de surface spécifique similaires à celles de l'invention. Aucun de ces deux documents ne requiert toutefois la présence d'oxyde d'yttrium.
6.1.2 D1 (col. 7, lignes 34-40) divulgue des oxydes mixtes de zirconium et cérium pour catalyseurs de post-combustion, et plus particulièrement l'oxyde mixte selon l'exemple 5 de D1, qui présente une surface spécifique de 28 m**(2)/g après calcination de 3 heures à 1100°C, une phase cubique et comprend Zr (71,8%), Ce (21,2%), La (1,9%) et Nd (5,1%) sous forme oxyde.
D3 (revendication 1 et exemples) divulgue pour sa part des oxydes mixtes de zirconium et de cérium capables de conserver une surface spécifique élevée à des températures allant jusqu'à 1200°C (voir page 1, lignes 11 à 22, et page 4, lignes 4 à 8). Les exemples 1, 2, 4 et 6 du tableau 2 de D3 divulguent les proportions massiques de ces oxydes, qui tombent sous la revendication 1. La surface spécifique des exemples 1 et 2 est respectivement de 20,3 et 17,3 m**(2)/g après 10 heures de calcination à 1000°C et de 9,6 et 10 m**(2)/g après 10 heures de calcination à 1200°C (voir tableau 3). En outre, la composition selon l'exemple 1 présente une surface spécifique de 20 m**(2)/g après calcination de 10 heures à 1100°C (voir page 12, lignes 6-7).
6.1.3 Bien que ces caractéristiques aient été longuement débattues à la procédure orale, la chambre considère en faveur de la requérante que la structure cubique et la surface spécifique après calcination telle que définie dans la revendication 1 en cause sont divulguées par D3, si bien que ce document est considéré plus proche de l'invention que D1, et sera donc utilisé comme point de départ de l'argumentation sur l'activité inventive.
6.2 Concernant le problème sous-tendant l'invention, selon le brevet (voir pars. [0003] et [0004]), celui-ci est de fournir un catalyseur présentant une bonne stabilité thermique en termes de surface spécifique. Pour conforter cet effet, le brevet (pars. [0085]-[0106] et tableaux 1-4) décrit treize compositions spécifiques répondant toutes aux exigences de stabilité de la surface spécifique lorsque soumises aux conditions de calcination définies à la revendication 1.
6.2.1 La requérante a fait valoir qu'aucun effet technique n'était associé à la présence d'oxyde d'yttrium dans la composition. En outre, par le biais du document D8 nouvellement déposé, elle a contesté que les figures 1 à 3 du brevet démontraient la présence d'une structure cristalline cubique, si bien que les exemples du brevet ne seraient pas conformes à l'invention revendiquée, et le problème résolu par l'invention se réduisait donc à la mise à disposition d'une composition alternative à celles de D3.
6.2.2 La chambre note que, même si la composition selon D3 peut être considérée (voir point 6.1.3 ci-dessus) comme pouvant atteindre des surfaces spécifiques après calcination telles que définies dans la revendication 1 en cause, il apparaît de la comparaison des tableaux 3 respectifs du brevet et de D3 que l'invention permet d'obtenir des surfaces spécifiques nettement plus élevées après calcination qu'avec les compositions selon D3. En effet, alors que celles selon l'invention permettent d'atteindre des surfaces spécifiques comprises entre 61 et 74 m**(2)/g après 4 heures de calcination à 900°C, celles de D3 n'atteignent que des valeurs comprises entre 10,7 et 29 m**(2)/g. De plus, la surface spécifique après 10 heures à 1100°C dans les exemples selon l'invention est comprise entre 17 et 32 m**(2)/g, ce qui est bien plus élevé que les valeurs de 10,5 à 29 m**(2)/g obtenues dans D3 après 10 heures à 1000°C, si bien qu'en mettant en ½uvre des conditions bien plus sévères que dans D3, l'invention permet de meilleurs résultats en matière de résistance thermique.
La chambre en conclut que l'invention permet d'obtenir un matériau plus stable en termes de surface spécifique après calcination, de sorte que le problème résolu par rapport à l'art antérieur le plus proche est de fournir une composition ayant une stabilité thermique améliorée en termes de surface spécifique après calcination.
6.3 A la question de savoir si la solution proposée (ajout d'oxyde d'yttrium) par l'objet revendiqué découle à l'évidence de l'état de la technique, la requérante fait valoir que l'homme du métier à la recherche d'alternatives aurait, à la lumière des enseignements de D2 ou D9, envisagé d'inclure l'oxyde d'yttrium dans la composition de D3, ces deux documents suggérant l'ajout d'oxyde d'yttrium dans des quantités entrant dans la plage revendiquée. En particulier, D2 (exemple 17 et tableau 3) enseignerait que la combinaison d'yttrium et de lanthane donnerait lieu aux meilleurs résultats en termes de surface spécifique, de sorte qu'en partant de D3, il aurait été évident d'y incorporer l'oxyde d'yttrium pour améliorer la surface spécifique après calcination. D9 enseignerait quant à lui (voir les paragraphes [0044]-[0045]) des compositions comprenant Ce, Zr, La, Y et Pr dans des proportions massiques se situant dans les plages revendiquées.
Selon la requérante, les quantités proposées dans la revendication 1 en cause pour les différents oxydes auraient été choisies arbitrairement puisque ne donnant lieu à aucun effet particulier, de sorte qu'elles ne pouvaient pas être liées à une contribution inventive.
6.3.1 La chambre ne peut suivre cet argumentaire, car le problème résolu par l'invention n'est pas de fournir une simple composition alternative, mais une composition de stabilité thermique améliorée à température élevée en termes de surface spécifique.
Si le document D2 semble a priori pertinent, car mentionnant que des compositions à base de Ce, Zr, La et éventuellement Y conservent une surface spécifique élevée lorsque exposées à des hautes températures (voir D2, par. [28]), D9 traite d'autres problèmes, à savoir la mise en ½uvre d'un catalyseur monocouche ayant les performances d'un catalyseur bi-couches afin d'éviter la complexité de fabrication et les coûts de ce dernier (voir pars. [0004]-[0005]), si bien que l'homme du métier à la recherche de compositions de stabilité thermique améliorée ne prendrait pas en compte ce document.
6.3.2 Concernant D2, qui enseigne la mise en ½uvre d'yttrium, il apparaît que son exemple 17 (le plus proche de l'invention) concerne une composition sans néodyme, praséodyme, gadolinium ou samarium et dont les proportions massiques des oxydes présents diffèrent singulièrement de celles de l'invention, avec le lanthane et l'yttrium y étant présents en quantités molaires bien moindres que dans l'objet revendiqué. En effet, la quantité de lanthane y est décrite comme étant de moitié celles des exemples 5 à 12 de D2, dont la proportion massique de nitrate de lanthane est de 1,67%, et donc déjà bien inférieure aux quantités définies dans la revendication 1 en cause. Ainsi, pour parvenir à l'objet de cette dernière, l'homme du métier devrait tout d'abord reconnaître que les effets de la combinaison du lanthane et de l'yttrium s'appliqueraient également à la composition selon D3, puis il devrait incorporer des quantités d'oxyde d'yttrium nettement supérieures à celles proposées dans D2. En outre, l'incorporation de l'oxyde d'yttrium réduirait nécessairement les proportions massiques des autres oxydes selon D3, car vu sa concentration élevée (10 à 25 %), ceci impliquerait que certains des autres oxydes présents ne se situeraient plus dans les fourchettes revendiquées.
Concernant D9, en plus des raisons susmentionnées pour ne pas prendre en considération les enseignements de ce document, la chambre note - comme indiqué par la titulaire - que les exemples préférés ne comprennent que 4 éléments. De plus, même si l'homme du métier considérait un mode de réalisation à 5 éléments avec des proportions molaires comprises dans les fourchettes proposées au par. [0045], il serait toujours nécessaire de sélectionner des valeurs spécifiques pour que la composition résultante entre dans le champ d'application de la revendication 1. Étant donné que D9 ne fournit aucun enseignement utile sur la manière d'obtenir une surface spécifique élevée après calcination, l'homme du métier n'y trouverait aucune indication pour sélectionner des quantités appropriées à cette fin.
6.3.3 Il suit de ce qui précède que l'objet de la revendication 1 selon la requête principale ne découle donc pas à l'évidence de la divulgation de D3 prise en combinaison avec l'enseignement de D2 ou D9. La même conclusion découle de D1, si ce dernier représentait l'art antérieur le plus proche. L'objet revendiqué présente donc une activité inventive et satisfait aux exigences de l'article 56 CBE.
7. Attendu que le contenu de D7 ou D9 n'est pas décisif pour l'issue de la procédure, la question de la recevabilité de ces documents peut rester ouverte.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base des revendications selon la requête 2ter soumise avec la lettre datée du 21 décembre 2022, et une description encore à adapter si nécessaire.