T 1841/21 (Vitrage à réflexion/AGC) of 1.2.2024

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2024:T184121.20240201
Date de la décision : 01 Fevrier 2024
Numéro de l'affaire : T 1841/21
Numéro de la demande : 09783110.1
Classe de la CIB : C03C 17/245
C03C 17/34
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : VITRAGE À RÉFLEXION ÉLEVÉE
Nom du demandeur : AGC Glass Europe
Nom de l'opposant : SAINT-GOBAIN GLASS FRANCE
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 123(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 013(2)
Mot-clé : Modifications - admises (non)
Modification après signification - prise en compte (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0002/10
T 2843/19
T 1099/21
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours de la titulaire (requérante) concerne la décision de la division d'opposition établissant que le brevet européen No. 2 331 475 B1 tel que modifié sous la forme de la requête subsidiaire 5 satisfait aux exigences de la CBE.

II. La revendication 1 de la requête principale faisant l'objet de la décision attaquée est énoncée comme suit :

"1. Vitrage ne comportant pas de couche d'argent comprenant au moins une couche supérieure déposée par pulvérisation cathodique sous vide, couche composée d'un ou plusieurs oxydes des éléments du groupe comprenant : Al, Zr, Hf, V, Mn, Fe, Co, Ni, Cu, Si et comprenant pour une proportion pondérale qui n'est pas inférieure à 40% et pas supérieure à 95%, d'oxyde de titane, l'épaisseur de la couche en question et éventuellement de celles des autres couches également constituées d'oxydes métalliques présentes, étant choisie(s) de sorte que sur une feuille de verre « float » clair de 4mm d'épaisseur, cette ou ces couches conduiraient à une réflexion d'au moins 15% et une transmission lumineuse d'au moins 60%, l'épaisseur de la couche supérieure à base d'oxyde de titane étant choisie entre 15,0 et 90,0 nm et de préférence entre 20,0 et 50,0 nm de sorte que la couche ou le système de couches satisfait aux tests de résistance à la condensation, au brouillard salin et au test d'acidité tels que définis dans le projet de norme prEN 1096-2."

III. Dans sa notification établie conformément à l'article 15(1) RPCR (Règlement de procédure des chambres de recours) 2020, la chambre a exprimé son avis préliminaire selon lequel la revendication 1 ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 123(2) CBE.

IV. En réponse, la requérante a soumis deux requêtes subsidaires.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 contient les modifications soulignées à la fin de la revendication 1 :

"1. [...], présentant ainsi une résistance mécanique comparable à celles des couches produites par pyrolyse pour l'obtention des produits présentant le même type de propriétés optiques."

La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 contient les modifications soulignées à la fin de la revendication 1 :

"1. [...], présentant ainsi une résistance mécanique et/ou chimique comparable à celles des couches produites par pyrolyse pour l'obtention des produits présentant le même type de propriétés optiques."

V. La requérante a fait valoir que satisfaire aux tests énoncés dans la revendication 1 impliquait inévitablement une résistance chimique comparable à celle des couches produites par pyrolyse.

Les requêtes subsidiaires étaient à prendre en compte, car la division d'opposition avait tranché en faveur de la requérante sur la question de conformité à l'article 123(2) CBE. Ce motif ne faisait donc pas partie de la procédure de recours. L'expression "comparable" avait une signification bien connue et ne pouvait donc pas donner lieu à un problème de clarté.

VI. Les arguments de l'intimée (opposante) se reflètent dans les motifs de la décision ci-dessous.

VII. Les requêtes des parties sont les suivantes :

La requérante (titulaire) demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sous forme modifiée sur la base de la requête principale ou alternativement sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 ou 2, déposées le 22 novembre 2023.

L'intimée (opposante) demande que le recours soit rejeté.

Motifs de la décision

Requête principale

1. Article 123(2) CBE

La revendication 1 de cette requête est la même que la revendication 1 de la requête principale faisant l'objet de la décision attaquée.

1.1 Toute modification apportée aux parties d'un brevet européen relatives à la divulgation est soumise à l'interdiction impérative d'extension de l'objet énoncée à l'article 123(2) CBE et ne pourra donc être effectuée, quel que soit son contexte, que dans les limites de ce que la personne du métier est objectivement en mesure, à la date de dépôt, de déduire directement et sans équivoque de l'ensemble de ces documents tels qu'ils ont été déposés, en se fondant sur les connaissances générales dans le domaine considéré (G 2/10, Motifs 4.3, "norme de référence").

1.2 La revendication 1 de la demande telle que déposée comprend la caractéristique libellée g) "la couche ou système de couches en question présentant par ailleurs une résistance mécanique et/ou chimique comparable à celles des couches produites par pyrolyse pour l'obtention des produits présentant le même type de propriétés optiques".

1.2.1 Même si cette caractéristique g) est ambiguë en raison de l'expression "comparable" et de l'absence d'indication des conditions expérimentales sous lesquelles cette comparabilité devrait être établie, elle implique des propriétés physiques et chimiques des couches.

1.2.2 Cela est en accord avec la divulgation à la page 3 de la description telle qu'elle a été déposée, en particulier les lignes 3 à 5 "Les inventeurs ont montré qu'un choix bien spécifique des matériaux constituant ces couches déposées par pulvérisation cathodique permettait d'atteindre les exigences de résistance indiquées." et lignes 19 à 23 "Il est remarquable que les couches comprenant de l'oxyde de titane associé à d'autres oxydes permettent d'atteindre les caractéristiques recherchées notamment de résistance, alors que des couches d'oxyde de titane seul, comme indiqué précédemment, sont insuffisamment résistantes.".

1.2.3 Il ressort donc directement et sans équivoque de la demande telle qu'elle a été déposée que les couches d'oxydes sont à choisir de façon à atteindre la résistance mécanique et/ou chimique comme définie dans la revendication 1.

1.2.4 Il ne ressort pas de la demande telle qu'elle a été déposée que l'épaisseur de la couche à base d'oxyde de titane comprise entre 20 et 90 nm implique inévitablement la résistance mécanique et/ou chimique désirée. Cette interprétation est aussi en accord avec la divulgation à la page 4 de la description telle qu'elle a été déposée, notamment les lignes 17 et 18 "La résistance de la couche à base d'oxyde de titane dépend de sa composition, elle dépend aussi de son épaisseur.". Il est évident que l'utilisation du mot "aussi" signifie que l'épaisseur ne permet pas à elle seule d'atteindre la résistance désirée.

1.2.5 Par conséquent, l'inclusion de la revendication 5 dans la revendication 1 de la demande telle qu'elle a été déposée ne permet pas de biffer la caractéristique mentionnée ci-dessus sans changer le sens de la revendication.

1.2.6 La requérante a aussi argumenté que la caractéristique g) a été remplacée par la caractéristique "de sorte que la couche ou le système de couches satisfait aux tests de résistance à la condensation, au brouillard salin et au test d'acidité tels que définis dans le projet de norme prEN 1096-2".

1.2.7 Cette caractéristique est issue de la revendication 6 de la demande telle qu'elle a été déposée. Elle concerne les épreuves de résistance chimique (voir page 12, lignes 13 à 15 de la demande telle qu'elle a été déposée). Cependant, il ne ressort pas de la description (page 12, ligne 3 à page 13, ligne 7) qu'une réussite aux tests décrits de la couche ou du système de couches implique nécessairement la même performance que les couches produites par pyrolyse. Cette conclusion est en accord avec la description qui divulgue que les vitrages selon l'invention doivent atteindre des performances équivalentes (page 12, lignes 7 et 8) sans pour autant indiquer qu'une performance équivalente est atteinte lorsque les tests sont réussis.

1.2.8 Il est aussi à noter que la raison de la modification effectuée au stade de l'examen n'a pas d'influence sur l'évaluation d'un motif d'opposition (voir T 1099/21, point 8 des motifs).

1.2.9 C'est pourquoi la revendication 1 ne ressort pas directement et sans équivoque de la demande telle qu'elle a été déposée. Les exigences de l'article 123(2) CBE ne sont pas remplies.

Requêtes subsidiaires 1 et 2

2. Article 13(2) RPCR

Ces requêtes ont été soumises après signification de la notification au titre de l'article 15 RPCR 2020, paragraphe 1.

Selon cet article, toute modification des moyens présentée par une partie après la signification d'une notification au titre de l'article 15 RPCR 2020, paragraphe 1 n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes.

La requête constitue une modification des moyens et des circonstances exceptionnelles n'existent pas pour les raisons suivantes.

Selon l'article 12(3) RPCR 2020 le mémoire exposant les motifs du recours et la réponse doivent contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours. Dans le cas d'espèce l'intimée a explicitement indiqué au point 2 de la réponse la raison pour laquelle elle considérait que les objections selon l'article 123(2) CBE qui n'avaient pas été suivies par la division d'opposition apparaissaient justifiées. Dans ce contexte, il est à noter que conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, le principe de l'interdiction de la "reformatio in peius" ne saurait être interprété comme s'appliquant de manière séparée à chaque question tranchée ou aux motifs qui ont conduit à la décision contestée (Jurisprudence des chambres de recours, 10**(ème) édition, 2022, V.A.3.1.1). L'intimée avait donc bien le droit de remettre en question les points tranchés contre elle dans la décision attaquée pour les requêtes de rang supérieur à celle jugée acceptable par la division d'opposition.

L'objection au titre de l'article 123(2) CBE avait déjà été soulevée au point 4 des motifs d'opposition et faisait partie de la procédure d'opposition dans son intégralité. Dans sa lettre du 30 mars 2021 l'intimée a notamment réitéré cette objection au point A. Elle y a fait référence durant la procédure orale devant la division d'opposition (voir point 3 du procès-verbal) et cette objection fait partie de la décision attaquée (point 3.3.3). Comme indiqué ci-dessus, l'objection a été reprise dans la réponse au recours.

Cependant la requérante n'a pas réagi à cette objection et n'a pas soumis de requête traitant de celle-ci. La nécessité d'une réaction en temps utile est examinée dans la décision T 2843/19 (point 3.3 des motifs).

C'est seulement après signification de la notification au titre de l'article 15 RPCR 2020, paragraphe 1, que la requérante a réagi et soumis les requêtes subsidiaires 1 et 2. Cette notification ne contenait pas de nouvelles objections, mais suivait l'argumentation de l'intimée concernant l'article 123(2) CBE. Il n'y a donc pas eu de changement de cas qui aurait pu impliquer la nécessité de soumettre de nouvelles requêtes.

Comme toutes les objections traitées dans la notification de la chambre avaient déjà été soulevées à un stade antérieur de la procédure, ladite notification ne peut pas servir de base pour invoquer des circonstances exceptionnelles (Jurisprudence des chambres de recours, 10**(ème) édition, 2022, V.A.4.5.6 c)).

En général, une titulaire de brevet doit s'attendre à ce que la chambre de recours juge l'affaire différemment de ce qu'elle aurait pensé. C'est pourquoi une titulaire de brevet doit toujours réagir en temps utile aux objections de l'opposante même si elle juge les objections peu probantes.

Il est aussi à noter que la notification au titre de l'article 15(1) RPCR 2020 n'est pas une invitation à soumettre de nouvelles requêtes (Jurisprudence des chambres de recours, 10**(ème) édition, 2022, V.A.4.5.6 a)).

Finalement, dans de nombreuses décisions, les chambres ont souligné qu'au troisième niveau de l'approche convergente, elles peuvent dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation conféré par l'article 13(2) RPCR 2020, également se fonder sur les critères applicables au deuxième niveau de l'approche convergente, à savoir ceux exposés à l'article 13(1) RPCR 2020 (Jurisprudence des chambres de recours, 10**(ème) édition, 2022, V.A.4.5.9).

Selon l'article 13(1) RPCR 2020, dans le cas d'espèce, la question est de savoir si la requérante a démontré que la modification effectuée surmonte, de prime abord, les questions soulevées par l'intimée sans donner lieu à de nouvelles objections. La chambre n'est pas convaincue que tel est le cas, car, comme indiqué dans la notification au titre de l'article 15(1) RPCR 2020 (point 6.2.2) et ci-dessus, il ne semble pas de prime abord que l'expression "comparable" soit clairement définie. Cela ressort d'ailleurs aussi des multiples synonymes indiqués dans la lettre du 22 novembre 2023 (page 3, dernier alinéa). "Approchant" et "identique" n'ont certainement pas la même signification pour la personne du métier.

C'est pourquoi les requêtes subsidiaires 1 et 2 ne sont pas prises en compte et ne font pas partie de la procédure de recours.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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