T 1454/20 () of 28.9.2023

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2023:T145420.20230928
Date de la décision : 28 Septembre 2023
Numéro de l'affaire : T 1454/20
Numéro de la demande : 14816253.0
Classe de la CIB : F23J 1/00
B09B 3/00
C05F 7/00
C05F 9/00
C05B 9/00
C05B 11/10
C22B 7/02
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : PROCÉDÉ DE TRAITEMENT DE CENDRES ISSUES DE L'INCINÉRATION DE DÉCHETS
Nom du demandeur : Prayon
Nom de l'opposant : Remondis Aqua GmbH & Co. KG
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54(3)
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 013(2)
Mot-clé : Nouveauté - divulgation implicite
Nouveauté - requête principale (non)
Nouveauté - requête subsidiaire (oui)
Nouveauté - sélection multiple
Modification après signification - circonstances exceptionnelles (non)
Modification après signification - prise en compte (non)
Modification après signification - raisons convaincantes (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0065/96
T 0594/01
T 0386/17
T 0574/17
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Une opposition a été formée contre le brevet n° 3 084 301 (ci-après "le brevet"). L'opposante a requis la révocation du brevet dans son intégralité en vertu de l'article 100 c) CBE, de l'article 100 b) CBE, enfin de l'article 100 a) CBE pour manque de nouveauté (article 54 CBE) et manque d'activité inventive (article 56 CBE).

La division d'opposition a décidé que, compte tenu des modifications apportées au cours de la procédure d'opposition dans la requête auxiliaire 6, le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la CBE. La division d'opposition a aussi décidé que l'objet de la revendication 1 de la requête principale (brevet tel que délivré) et des requêtes auxiliaires 1 à 5 s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.

II. L'opposante et la titulaire ont formé recours contre cette décision. Du fait que les deux parties sont simultanément requérante et intimée, elles seront désignées par les termes "opposante" et "titulaire" par la suite.

III. En réaction à l'avis provisoire de la Chambre, la titulaire a déposé avec lettre du 28 août 2023 une requête principale (qui correspond aux revendications du brevet tel que délivré) et quatre requêtes auxiliaires 1 à 4 remplaçant les requêtes auxiliaires 1 à 7 déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours.

IV. Une procédure orale a été tenue le 28 septembre 2023.

À la fin de la procédure orale les requêtes étaient les suivantes:

L'opposante a requis l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

La titulaire a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré (requête principale) ou sur la base des revendications d'une des requêtes auxiliaires N°1 à N°4, déposées avec la lettre du 28 août 2023.

V. Revendication 1 de la requête principale (version telle que délivrée)

La revendication 1 de la requête principale est libellée comme suit (la numérotation des caractéristiques est basée sur celle utilisée dans la décision attaquée; les modifications par rapport à la revendication 1 telle qu'initialement déposée sont indiquées en gras) :

A1|Procédé de traitement de cendres issues de l'incinération de déchets, |

A2|de préférence issues de l'incinération de boues de stations d'épuration, d'os ou de lisier, |

B1|comprenant les étapes de:a) digestion des cendres par une liqueur d'attaque contenant des ions phosphates en solution |

B2|pour former une première phase solide comprenant des impuretés |

B3|et une première phase liquide comprenant des ions phosphates, |

B4|ladite liqueur d'attaque contenant des ions phosphates en solution présente un pourcentage massique en ions phosphates compris entre 1 % et 85%,|

B5|b) séparation entre ladite première phase liquide comprenant des ions phosphates et ladite première phase solide |

C1|caractérisé en ce que les cendres comprennent une teneur en phosphore dans les cendres, exprimée en pourcentage en poids de phosphates sous forme PO4, d'au moins 7 %,|

C2|et en ce que l'étape a) est effectuée pendant une durée [deleted: inférieure à 1 heure] comprise entre 5 minutes et 45 minutes |

C3|[deleted: ou] et à une température supérieure à 40°C. |

VI. Revendication 1 de la requête auxiliaire 1

La revendication 1 de la requête auxiliaire 1 est basée sur la revendication 1 de la requête principale avec l'ajout de la caractéristique suivante à la fin de la revendication :

C4|et en ce que le procédé comprend en outre une étape c) de purification de ladite première phase liquide comprenant des ions phosphates pour former une seconde phase liquide comprenant des ions phosphates, ladite purification étant effectuée par extraction liquide-liquide ou par application d'un échange d'ions.|

La revendication 1 de la requête auxiliaire 1 correspond à la revendication 1 de la requête auxiliaire 4 telle que déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours.

VII. Revendication 1 de la requête auxiliaire 2

La revendication 1 de la requête auxiliaire 2 est basée sur la revendication 1 de la requête principale avec le remplacement de la caractéristique C3 par la caractéristique suivante C3' :

C3'|et à une température comprise entre 50 et 80°C.|

Les revendications de la requête auxiliaire 2 correspondent à celles de la requête auxiliaire 6 qui a été jugée conforme aux exigences de la CBE par la division d'opposition et aussi à celles de la requête auxiliaire 3 telle que déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours.

VIII. La revendication 6 de la demande telle qu'initialement déposée est libellée comme suit :

Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes caractérisé en ce que la digestion des cendres par la liqueur d'attaque contenant des ions phosphates en solution à l'étape a) est effectuée pendant une durée comprise entre 5 minutes et 45 minutes, plus particulièrement entre 30 minutes et 45 minutes.

IX. La revendication 7 de la demande telle qu'initialement déposée est libellée comme suit :

Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes caractérisé en ce que la digestion des cendres par la liqueur d'attaque contenant des ions phosphates en solution à l'étape a) est effectuée à une température comprise entre 50 et 80 °C, de préférence entre 50 et 65°C.

X. Preuves produites

La décision contestée fait référence aux documents suivants, qui sont pertinents pour la présente décision:

D1:|DE 10 2013 018 650 B3|

D2:|WO 2015/067328 A1 |

D10:|"Monitoring von Klärschlammonoverbrennungsaschen hinsichtlich ihrer Zusammensetzung zur Ermittlung ihrer Rohstoffrückgewinnungspotentiale und zur Erstellung von Referenzmaterial für die Überwachungsanalytik", Dr. Oliver Krüger et al, Umweltbundesamt, July 2014|

D11:|"Verfahren für eine zukünftige Klarschlammbehandlung - Klarschlammkonditionierung und Rückgewinnung von Phosphor aus Klarschlammasche", Christian A. Schaum, Verein zur Förderung des Instituts WAR, May 2007 |

D1 - un brevet allemand - a été publié avant la date de dépôt mais après la date de priorité du brevet en cause (document du type "P").

D2 - une demande internationale - a une date de priorité avant la date de priorité du brevet contesté (document du type "E").

XI. L'argumentation de la titulaire pertinente pour la présente décision peut être résumée comme suit:

a) Requête principale

Extension de l'objet de la revendication 1 - Article 100 c) CBE

La revendication 1 telle que déposée définit deux alternatives qui ne s'excluent pas mutuellement concernant la durée de l'étape de digestion et sa température. Ceci constitue de facto deux revendications indépendantes "1a" et "1b". La revendication 6 telle que déposée - qui décrit la caractéristique C1 - était donc dépendante de ces deux revendications. Par conséquent, la combinaison de la température définie dans la revendication "1b" avec la durée définie dans la revendication 6 a été divulguée à l'origine.

Suffisance de l'exposé - Article 100 b) CBE

Le brevet divulgue une liqueur d'attaque au sens de la revendication 1 et il comporte aussi un exemple de réalisation de la liqueur d'attaque.

Nouveauté par rapport à D2 - Article 54(3) CBE

L'objet de la revendication 1 diffère de D2 en ce que l'étape de digestion est effectuée à une température supérieure à 40°C (caractéristique C3).

Par contre, l'exemple de D2 décrit une étape de digestion qui est effectuée à 40°C. Ceci requiert implicitement un système de contrôle du type PID ("Proportional-Integral-Derivative") qui fournit un contrôle en boucle pour assurer le contrôle de la température d'une façon précise et stable. De ce contrôle résultent des oscillations de températures autour des 40°C, ce qui implique des températures au dessous de 40°C pendant une bonne partie du temps, contrairement à la définition de la caractéristique C3, qui définit une température supérieure à 40°C pendant toute l'étape de digestion.

Ces oscillations ne doivent pas être confondues avec une simple marge d'erreur des mesures. Il s'agit plutôt d'une déviation systématique de la caractéristique C3.

Par conséquent, la mise en oeuvre de l'exemple de D2 avec le système de contrôle implicite ne satisfait pas à la définition selon la caractéristique C3.

Finalement, l'exemple de D2 ne décrit aucune plage de valeurs de température mais une seule valeur de 40°C qui peut entraîner de petites oscillations autour de cette valeur. Les critères habituels concernant l'évaluation de la nouveauté par rapport au recoupement de domaines ne sont donc pas applicables dans ce cas.

b) Requête auxiliaire 1, admission - Article 13(2) RPCR 2020

Les revendications de la requête auxiliaire 1 se basent sur les revendications de la requête auxiliaire 4 déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours. La seule modification concerne la revendication 2 et la renumérotation des revendications subséquentes pour répondre à une objection basée sur la règle 80 CBE qui a été soulevée par la Chambre pour la première fois lors de son avis préliminaire.

L'objet de la revendication 1 n'est donc pas une surprise ni pour la Chambre ni pour l'opposante et n'affecte pas négativement l'économie de la procédure puisqu'il n'en résulte aucune complexité additionnelle.

La réorganisation des requêtes auxiliaires est de même une réaction à l'avis préliminaire de la Chambre, qui -contrairement à la division d'opposition - a jugé que le motif d'opposition basé sur l'article 100 c) CBE ne s'opposait pas au maintien du brevet tel que délivré. Au vu de cette conclusion la titulaire a considéré préférable de réorganiser les requêtes auxiliaires de façon que la requête auxiliaire 4 déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours devienne la requête auxiliaire 1.

Même s'il est vrai que le droit de priorité pour la totalité de la revendication 1 ne peut pas être accordé - et, conséquemment, D1 peut être utilisé comme état de la technique le plus proche - et que l'étape de purification de la nouvelle caractéristique C4 (extraction liquide-liquide ou par application d'un échange d'ions) est une méthode connue de purification, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive de prime abord. Le document D1 décrit d'autres méthodes de purification et la personne du métier n'aurait aucune incitation pour les remplacer par les méthodes revendiquées.

c) Requête auxiliaire 2

Admission de la nouvelle objection basée sur D1 et le défaut allégué de droit de priorité - Article 13(2) RPCR 2020

L'objection basée sur D1 et la prétendue non-validité du droit de priorité de la revendication 1 de la requête auxiliaire (qui correspond à la version maintenue par la division d'opposition) n'a pas été soulevée avant la procédure orale en recours. L'opposante aurait pu et dû le faire pendant la procédure d'opposition ou plus tôt pendant la procédure de recours. La titulaire a été surprise par une telle objection qui l'oblige pour la première fois pendant la procédure orale devant la Chambre à chercher la base pour l'objet de l'invention dans le document de priorité et à donner une réponse à un raisonnement de manque d'activité inventive. Ceci ne peut pas être réalisée sans un impact sur la durée de la procédure, ce qui va contre l'économie procédurale.

Nouveauté par rapport à D2 - Article 54(3) CBE

La combinaison des caractéristiques C1 (cendres avec une teneur en phosphore dans les cendres, exprimée en pourcentage en poids de phosphates sous forme PO4, d'au moins 7 %), C2 (l'étape de digestion est effectuée pendant une durée comprise entre 5 minutes et 45 minutes) et C3' (l'étape de digestion est effectuée à une température comprise entre 50 et 80°C) n'est pas décrite de façon directe et non-ambiguë dans D2.

Tel que reconnu par l'opposante, il y des cendres issues de l'incinération de déchets qui contiennent moins de 7% de phosphore, exprimée en pourcentage en poids de phosphates sous forme PO4. Donc il n'y a aucune raison pour considérer que la méthode décrite dans D2 ne sera utilisée que pour le traitement de cendres comprenant la caractéristique C1. La revendication 1 de D2 montre que la méthode peut être employée même avec des cendres qui ne contiennent pas de phosphore.

De plus, il n'y a aucune indication pour combiner des valeurs particulières de durée et température comprises dans les plages de valeurs décrites dans les deux paragraphes de la page 15 de D2 cités par l'opposante. La jurisprudence ne donne pas de support à une telle sélection pour démontrer un manque de nouveauté (cf. T 65/96).

XII. L'argumentation de l'opposante pertinente pour la présente décision peut être résumée comme suit:

a) Requête principale

Extension de l'objet de la revendication 1 - Article 100 c) CBE

L'enseignement de la revendication 6 telle que déposée ne peut s'appliquer qu'à la durée définie à la revendication 1 telle que déposée. Une combinaison de la durée définie à la revendication 6 avec la plage de températures aussi définie dans la revendication 1 a confronté l'homme du métier avec des informations techniques nouvelles. En effet, le mot "ou" de cette dernière revendication ne pouvait pas se transformer en un "et" par l'effet de la nouvelle limitation de la durée.

Il faut considérer que la température et la durée d'une réaction chimique ne sont pas indépendantes l'une de l'autre mais liées puisque si l'une est modifiée dans une direction l'autre doit être modifiée dans la direction opposée afin d'assurer un résultat particulier de la réaction. De ce fait, la combinaison de la durée définie dans C2 avec la température particulière définie dans C3 ne peut pas être considérée comme ayant été divulguée dans la demande d'origine.

Suffisance de l'exposé - Article 100 b) CBE

L'expression "liqueur d'attaque" est trop large en l'absence de détails qui seraient nécessaires pour que la personne du métier reproduise l'invention revendiquée de façon qu'elle puisse atteindre l'effet technique de la revendication.

Nouveauté par rapport à D2 - Article 54(3) CBE

L'exemple de D2 décrit toutes les caractéristiques de la revendication 1, y compris la caractéristique C3 (étape de digestion effectuée à une température supérieure à 40°C), qui est la seule différence remarquée par la titulaire.

La température définie à l'exemple de D2 ne peut pas être dissociée de la caractéristique C3 à cause de la marge d'erreur de la mesure (erreur expérimentale), telle que reconnue dans la jurisprudence (T 594/01, T 386/17). La température de 40°C décrite dans D2 ne peut donc pas être distinguée de la plage de valeurs revendiquée. En conséquence, la personne du métier qui lit l'exemple de D2 considérerait sérieusement de travailler dans le domaine revendiqué et la nouveauté ne peut pas être accordée.

b) Requête auxiliaire 1, admission - Article 13(2) RPCR 2020

La renumérotation de la requête auxiliaire 4 déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours comme requête auxiliaire 1 est une modification au sens de l'article 13(2) RPCR 2020. L'ordre des requêtes auxiliaires doit être fixé lorsqu'on dépose le mémoire exposant les motifs du recours puisqu'il définit le cas de la titulaire.

De plus, l'objet de la revendication 1 n'implique aucune activité inventive de prime abord. Puisque le droit de priorité de la revendication 1 n'est pas valable, D1 peut être utilisé pour étayer une objection de manque d'activité inventive. D1 décrit le même exemple que D2. En conséquence, D1 décrit toutes les caractéristiques de la revendication 1 sauf la caractéristique ajoutée C4 (étape de purification effectuée par extraction liquide-liquide ou par application d'un échange d'ions). Cette caractéristique est évidente pour la personne du métier puisqu'il s'agit de méthodes qui font partie du standard des étapes de purification.

c) Requête auxiliaire 2

Admission de la nouvelle objection basée sur D1 et le défaut allégué de droit de priorité -Article 13(2) RPCR 2020

Le fait que le droit de priorité de la revendication 1 n'est pas valable n'a été remarqué qu'à la veille de la procédure orale, ce qui explique que l'objection ait été présentée si tard. À cet égard il devrait être considéré comme circonstance exceptionnelle le fait que, si l'on n'admettait pas cette objection, une requête non valable pourrait se trouver maintenue.

Nouveauté par rapport à D2 - Article 54(3) CBE

La personne du métier en partant des revendications 1 et 9 de D2 chercherait dans ce document deux paramètres fondamentaux pour le procédé : le temps et la température de réaction. Elle trouverait ces informations aux sixième et septième paragraphes de la page 15 où lui sont divulguées des valeurs tombant sur la plage revendiquée.

La caractéristique C1 (les cendres comprennent une teneur en phosphore dans les cendres, exprimée en pourcentage en poids de phosphates sous forme PO4, d'au moins 7 %) est remplie par la majorité des cendres utilisées dans D2, et la personne du métier comprend que la méthode est à utiliser avec des cendres comprenant le pourcentage de phosphore revendiqué puisque son objet est de séparer le phosphore. Utiliser la méthode de D2 avec des cendres qui comprennent une faible concentration de l'élément qu'on veut séparer n'aurait pas de sens. Les documents D10 et D11 montrent que la plupart des cendres issues de l'incinération de déchets ont une composition selon la caractéristique C1.

Alternativement, la caractéristique C1 est triviale et n'a pas d'effet technique au-delà de ce qui est évident. De ce fait, C1 ne peut pas être utilisée pour établir la nouveauté puisqu'il s'agit d'une sélection arbitraire.

Motifs de la décision

1. Requête principale (brevet tel que délivré)

1.1 Extension de l'objet de la revendication 1 - Article 100 c) CBE

La division d'opposition et l'opposante ont considéré que la revendication 6 telle que déposée ne pouvait pas fournir de base pour la combinaison des caractéristiques C2 (durée comprise entre 5 minutes et 54 minutes) et C3 (température supérieure à 40°C). La revendication 6 ne pouvait être lue que comme le mode de réalisation préféré du mode correspondant de la revendication 1 telle que déposée (c'est-à-dire, durée inférieure à 1 heure). Toute autre interprétation serait incohérente en tenant compte de la description.

Le mot "ou" de la revendication 1 telle que déposée ne pouvait pas se transformer en un "et" par l'effet de la nouvelle limitation de la durée.

Toutefois, la Chambre partage l'analyse de la titulaire sur ce point.

La revendication 1 telle que déposée définit deux alternatives : une étape de digestion qui a une durée inférieure à une heure ou une étape de digestion à une température supérieure à 40°C.

Néanmoins ces deux alternatives qui définissent l'invention dans la demande telle que déposée ne s'excluent pas mutuellement. La personne du métier qui lit la revendication 1 telle que déposée sait qu'une étape de digestion doit comprendre une durée et une température. Alors, quand la personne du métier considère l'une des alternatives de la revendication 1, elle est confrontée en même temps avec une information concernant l'autre paramètre qu'elle prend simultanément en considération.

En d'autres termes, quand la personne du métier lit l'alternative concernant la température elle comprend que la revendication couvre n'importe quelle durée de l'étape de digestion à condition que celle-ci se passe à une température supérieure à 40°C. En même temps elle est informée par la revendication 1 que la durée peut être inférieure à une heure. De ce fait la personne du métier considérerait immédiatement la combinaison des deux paramètres revendiqués comme divulguée. Autrement dit, dans le contexte particulier, le mot "ou" n'est pas compris par la personne du métier comme un "ou" qui définit deux alternatives qui s'excluent.

L'opposante a raison en ce que la personne du métier sait que, pour une réaction particulière, il y a un rapport entre durée et température qui a un effet sur son efficacité. Néanmoins la revendication 1 ne définit pas d'efficacité à atteindre et définit simplement deux alternatives de durée et température où un paramètre ne limite pas l'autre ni directement ni indirectement. Dans ce contexte, il est à remarquer que la combinaison des revendications 6 et 7 telles que déposées concerne également une combinaison de durée et température pour l'étape de digestion.

Puisque la revendication 6 telle que déposée - dépendante de la revendication 1 - définit "une durée comprise entre 5 minutes et 45 minutes", la personne du métier - qui a déjà considéré la combinaison de la durée et la température définies dans la revendication 1 - comprend que l'étape de digestion peut avoir cette durée plus restreinte par rapport à la revendication 1 en combinaison avec la température supérieure à 40°C qui a été préalablement définie.

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 ne s'étend pas au delà de la demande telle que déposée d'une façon non autorisée.

1.2 Suffisance de l'exposé - Article 100 b) CBE

L'opposante soutient que l'expression "liqueur d'attaque" est trop large en l'absence de détails qui seraient nécessaires pour que la personne du métier reproduise l'invention revendiquée de façon qu'elle puisse atteindre l'effet technique de la revendication.

Ceci n'est pas convaincant.

La revendication 1 donne une définition de la "liqueur d'attaque". Elle doit contenir des ions phosphates en solution et présenter un pourcentage massique en ions phosphates compris entre 1 % et 85% (caractéristique B4). L'opposante ne conteste pas que la personne du métier saurait comment préparer une telle solution (le brevet donne aussi au moins un exemple, cf. paragraphe [0013]). Le fait que cette solution est appelée "liqueur d'attaque" n'est pas pertinent pour cette discussion. La seule condition que la liqueur d'attaque doit remplir d'après la revendication 1 est sa composition telle que définie à la caractéristique B4, et l'opposante n'a pas démontré que la personne du métier trouverait des problèmes pour préparer une telle solution.

Le seul effet technique défini à la revendication 1 lié à la liqueur d'attaque est que l'étape a) est la formation d'une première phase solide comprenant des impuretés et une première phase liquide comprenant des ions phosphates (caractéristiques B2 et B3). L'opposante n'a pas démontré qu'une liqueur d'attaque comprenant la composition revendiquée n'arriverait pas à fournir cet effet technique, quelle que ce soit son efficacité, qui n'est pas définie dans la revendication 1.

En conséquence, l'objet de l'invention est suffisamment décrit.

1.3 Nouveauté par rapport à D2 - Article 54(3) CBE

1.3.1 Date de publication et droit de priorité

Le document D2 est une demande internationale qui a été publiée après la date de dépôt du brevet contesté mais qui bénéficie d'une date de priorité avant la date de priorité du brevet en cause. Le droit de priorité de D2 et son entrée en phase européenne n'ont pas été contestés par la titulaire.

Ainsi, D2 fait partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE.

1.3.2 Caractéristiques divulguées non contestées

L'exemple particulier du document D2 (cf. page 19) décrit un procédé de traitement de cendres issues de l'incinération de déchets ("Aschen aus einer Klärschlammverbrennungsanlage") (caractéristique A1), comprenant les étapes de:

- digestion des cendres par une liqueur d'attaque ("verdünnte Säure") contenant des ions phosphates en solution ("15 Gew. % H3PO4") (caractéristique B1)

pour former une première phase solide comprenant des impuretés ("Filterkuchen") (caractéristique B2)

et une première phase liquide comprenant des ions phosphates ("Filtrat", solution comprenant la partie soluble dans l'acide) (caractéristique B3),

où ladite liqueur d'attaque contenant des ions phosphates en solution présente un pourcentage massique en ions phosphates compris entre 1 % et 85% ("15 Gew. % H3PO4" = 15% en poids d'acide phosphorique) (caractéristique B4),

- et séparation entre ladite première phase liquide comprenant des ions phosphates et ladite première phase solide (cf. étape de filtration de la suspension au quatrième paragraphe de l'exemple, page 19) (caractéristique B5).

L'étape de digestion des cendres est effectuée pendant une durée de 30 minutes (cf. quatrième paragraphe de l'exemple) (caractéristique C2).

Les cendres traitées dans l'exemple comprennent une teneur en phosphore dans les cendres, exprimée en pourcentage en poids de phosphates sous forme PO4, d'au moins 7 % (25% en poids de P2O5; cf. troisième paragraphe de l'exemple) (caractéristique C1).

Ainsi, l'exemple de la page 19 de D2 décrit les caractéristiques A1, B1, B2, B3, B4, B5, C1 et C2.

La caractéristique A2 ("de préférence issues de l'incinération de boues de stations d'épuration, d'os ou de lisier") est une caractéristique optionnelle et non limitative. Elle est quand même aussi décrite dans l'exemple de D2 ("Asche aus einer Klarschlammverbrennungsanlage").

Ceci n'a pas été contesté par la titulaire.

1.3.3 Caractéristique C3 (température supérieure à 40°C)

L'exemple de D2 décrit que l'étape de digestion des cendres est effectuée à une température de 40°C (cf. quatrième paragraphe de l'exemple).

La titulaire soutient que la caractéristique C3 n'est pas divulguée dans l'exemple puisque 40°C n'anticipe pas la plage définie par "supérieur à 40°C", en particulier à cause de la méthode de contrôle implicite pour implémenter une telle température et du fait que la caractéristique C3 définit la température pendant toute l'étape de digestion.

Ceci ne semble pas convaincant.

La limite inférieure de la plage de valeurs revendiquée n'est pas suffisamment éloignée de la température divulguée dans l'exemple de D2 d'une façon qui pourrait la rendre nouvelle. En effet, la personne du métier sait qu'il est difficile d'assurer une température constante et précise pour une étape de digestion même en utilisant une méthode de contrôle basée sur le PID (comme argumenté par la titulaire). La titulaire elle-même a reconnu qu'un tel contrôle PID avait comme résultat des oscillations de valeurs plus ou moins importantes autour de la valeur envisagée. C'est-à-dire que, même avec la méthode de contrôle envisagée par la titulaire, la valeur de la température se trouvera dans la plage revendiquée pour une bonne partie du procédé. Pour ce seul motif déjà l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau.

En plus, tel qu'argumenté par l'opposante, tout résultat d'une mesure physique quelconque ne saurait être dissocié de la marge d'incertitude liée à la mesure. De ce fait, lorsqu'une valeur expérimentale spécifique est divulguée dans un exemple faisant partie de l'état de la technique (dans ce cas, la température de 40°C décrite dans D2), vouloir effectuer une distinction entre l'objet revendiqué et cette valeur en indiquant seulement que la valeur limite inférieure doit être supérieure à la valeur expérimentale est voué à l'échec puisque l'objet revendiqué ne se distingue toujours pas de l'état de la technique à l'intérieur de la marge d'erreur expérimentale (cf. T 594/01, motifs 4.1.5; voir aussi T 386/17, motifs 2.8).

Le fait que la caractéristique C3 définit une température pendant toute l'étape de digestion ne change pas les conclusions énoncées puisque l'exemple de D2 décrit une température de 40°C qui doit être maintenue pendant toute l'étape de digestion. Donc, l'incertitude liée à la mesure de cette température ou aux oscillations qui résultent du contrôle particulier affecte toute cette étape de sorte qu'on ne puisse pas établir une différence entre l'exemple décrit et la caractéristique C3.

L'argument de la titulaire concernant l'absence d'une plage de valeurs de température dans l'exemple de D2 n'est pas pertinent au vu des considérations précédentes et de la jurisprudence bien établie. Ce qui est pertinent dans ce cas est la divulgation dans l'état de la technique d'une valeur particulière qui est infinitésimalement proche de la limite inférieure de la plage revendiquée dans C3.

1.3.4 Au vu des considérations précédentes, l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau par rapport à D2 (article 54(3) CBE).

2. Requête auxiliaire 1, admission - Article 13(2) RPCR 2020

La Chambre est d'accord avec la titulaire en ce que l'objection concernant la règle 80 CBE soulevée pour la première fois par la Chambre dans sa communication au titre de l'article 15 RPCR 2020 justifie la modification de la revendication 2 de la requête subsidiaire 1 par rapport à la requête auxiliaire 4 telle que déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours (sur laquelle la requête auxiliaire 1 est basée).

Néanmoins, il n'y a pas de lien de causalité entre ce fait et la réorganisation des requêtes qui a transféré l'ancienne requête auxiliaire 4 au rang de requête auxiliaire 1.

Il n'a pas été contesté qu'une telle réorganisation est une modification des moyens au sens de l'article 13(2) RPCR 2020, qui est d'application au vu du dépôt de la requête auxiliaire 1 après la signification de la citation à la procédure orale.

Contrairement à ce qui a été soutenu par la titulaire, le fait que la Chambre a suivi l'avis même de la titulaire concernant l'objection basée sur l'article 100 c) CBE, qui était contraire à ce qui a été décidé par la division d'opposition, ne peut pas être considéré comme une circonstance exceptionnelle. Une partie ne peut ainsi invoquer comme constituant un fait surprenant le fait que la Chambre soit convaincue par les arguments de cette même partie (en l'espèce la titulaire). D'après les circonstances reconnues par la titulaire pendant la procédure orale, la décision de renuméroter la requête auxiliaire 1 correspond plutôt à une adaptation de sa stratégie basée sur des raisons qui auraient dû déjà être prévisibles au moment de déposer son recours.

Lorsqu'une chambre de recours exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 13(2) RPCR 2020, elle peut également utiliser les critères prévus dans l'article 13(1) RPCR 2020, à savoir en l'espèce si la revendication 1 implique de prime abord une activité inventive, pour conclure ou non à son admission dans la procédure (cf. T 574/17, considération 2.3.1). Dans le cas d'espèce, la chambre trouve pertinent de procéder de cette manière.

Le fait que la caractéristique C3 n'a pas de base dans le document de priorité du brevet contesté et que, de ce fait, la revendication 1 ne peut pas bénéficier du droit de priorité n'a pas été contesté par la titulaire.

Le document D1 appartient donc à l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE et peut être utilisé comme état de la technique le plus proche pour l'appréciation de l'activité inventive. Ceci n'a pas été contesté non plus.

D1 décrit le même exemple que D2 (cf. D1, paragraphes [0115] à [0117]). En conséquence, les mêmes considérations qu'au point 1.3 ci-dessus s'appliquent ici concernant l'antériorisation des caractéristiques A1 à C3.

La seule caractéristique distinctive est donc la caractéristique ajoutée C4 (étape de purification de ladite première phase liquide comprenant des ions phosphates pour former une seconde phase liquide comprenant des ions phosphates, ladite purification étant effectuée par extraction liquide-liquide ou par application d'un échange d'ions).

La titulaire reconnaît que les méthodes de purification définies dans C4 per se sont communes et connues par la personne du métier.

L'argument de la titulaire basée sur l'absence d'une incitation pour employer d'autres méthodes de purification dans l'exemple de D1 puisque ce document décrit déjà des méthodes de purification particuliers n'est pas de prime abord convaincant. La personne du métier n'a pas besoin d'une motivation particulière pour chercher des alternatives à des méthodes de purification décrits dans D1. Comme les méthodes de C4 font partie des connaissances techniques générales de la personne du métier, la Chambre considère que la personne du métier considérerait d'une façon routinière l'utilisation de telles méthodes en remplaçant les méthodes citées dans D1 quand elle chercherait une alternative pour la méthode de purification.

Donc, l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive de prime abord.

En l'absence de circonstances exceptionnelles, la Chambre ne prend pas en compte la requête auxiliaire 1 (article 13(2) RPCR 2020).

3. Requête auxiliaire 2

3.1 Admission de la nouvelle objection basée sur D1 et le défaut allégué de droit de priorité - Article 13(2) RPCR 2020

L'objection de manque d'activité inventive à la lumière de la prétendue non validité du droit de priorité de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 a été soulevée pour la première fois lors de la procédure orale devant la Chambre. En particulier, le droit de priorité de la revendication 1 de la requête auxiliaire 2 (correspondant à la version jugée recevable par la division d'opposition et à la requête auxiliaire 3 déposée avec le mémoire exposant les motifs d'opposition) n'a pas été mis en doute auparavant.

Le fait que l'opposante s'est rendu compte à un stade tardif de la procédure du prétendu manque de validité du droit de priorité et ses possibles conséquences ne constitue aucunement une circonstance exceptionnelle. L'opposante aurait pu et dû analyser la revendication 1 lors de son dépôt en opposition ou au plus tard lors du recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition.

La possible pertinence de l'objection et le risque de maintenir une requête qui pourrait ne pas satisfaire aux exigences de la CBE à la lumière de cette objection n'est pas une circonstance exceptionnelle non plus. Ce risque existe toujours quand une nouvelle objection soulevée tardivement n'est pas admise. Ceci ne peut pas être utilisé pour justifier l'admission à un état si avancé de la procédure de recours parce que cela entraînerait une grave atteinte au déroulement normal de la procédure. L'objet de la procédure de recours est de donner l'opportunité d'une révision de type juridictionnel de la décision de la division d'opposition aux parties, et non pas de rouvrir la procédure d'opposition. Le fait qu'une objection déposée tardivement qui pourrait être pertinente n'est pas admise dans la procédure découle d'une façon naturelle de l'objectif de la procédure de recours et de ses limitations telles qu'exprimées dans le RPCR 2020 pour garantir l'efficacité de la procédure et les droits des parties.

L'admission de la nouvelle objection aurait requis le renvoi du cas à la division d'opposition pour qu'elle décide sur un sujet (ici: le droit de priorité) qui n'a pas été l'objet de la décision contestée, ou bien d'accorder un supplément de temps indéterminé pour que la titulaire prépare sa défense avec toutes les garanties procédurales, ce qui normalement entraînerait le report de la procédure orale. Dès lors, l'admission de la nouvelle objection est clairement contraire au principe de l'économie procédurale.

En conséquence, la Chambre ne prend pas en considération la nouvelle objection de manque d'activité inventive à la lumière de la prétendue non validité du droit de priorité de la revendication 1 (règle 13(2) RPCR 2020).

3.2 Nouveauté par rapport à D2 - Article 54(3) CBE

3.2.1 Caractéristiques non contestées

L'opposante base son objection sur le mode de réalisation défini par les revendications 1 et 9 de D2.

La revendication 1 du document D2 décrit un procédé de traitement de cendres issues de l'incinération de déchets ("Aschen aus Abfallverbrennungsanlagen") (caractéristique A1), comprenant les étapes de:

- digestion des cendres par une liqueur d'attaque ("Salpetersäure oder Phosphorsäure oder einem Mineralsäuregemisch") contenant des ions phosphates en solution ("Phosphorsäure") (caractéristique B1)

pour former une première phase solide comprenant des impuretés (cf. étapes b) et c)) (caractéristique B2) et une première phase liquide comprenant des ions phosphates (implicite à cause de l'utilisation de l'acide phosphorique) (caractéristique B3),

- et séparation entre ladite première phase liquide comprenant des ions phosphates et ladite première phase solide (cf. étapes b) et c)) (caractéristique B5).

La revendication 9 de D2 (dépendante de la revendication 8, qui n'est pas pertinente pour cette analyse) définit une concentration d'acide phosphorique de 90 à 50 parties par rapport au contenu total d'acides minéraux, où l'acide nitrique présente un pourcentage massique en solution entre 10% et 50%. La titulaire ne conteste pas que ceci implique une liqueur d'attaque contenant des ions phosphates en solution avec un pourcentage massique en ions phosphates compris entre 1% et 85% (caractéristique B4).

Donc, la combinaison des revendications 1, 8 et 9 de D2 décrit explicitement les caractéristiques A1, B1, B2, B3, B4 et B5.

La caractéristique A2 (de préférence issues de l'incinération de boues de stations d'épuration, d'os ou de lisier) n'est pas limitante et donc elle n'est pas pertinente pour l'analyse de la nouveauté.

Ceci n'a pas été contesté.

3.2.2 Caractéristiques C1, C2 et C3'

a) Considérations générales

Pour établir un manque de nouveauté par rapport à D2 il faut que les caractéristiques C1 (les cendres comprennent une teneur en phosphore dans les cendres, exprimée en pourcentage en poids de phosphates sous forme PO4, d'au moins 7 %), C2 (l'étape a) est effectuée pendant une durée comprise entre 5 minutes et 45 minutes) et C3' (et à une température comprise entre 50 et 80°C) soient décrites en combinaison d'une façon directe et non-ambiguë.

Il n'est pas contesté que la combinaison des revendications 1, 8 et 9 ne décrit explicitement ni la teneur en phosphore des cendres, ni la durée de l'étape de digestion - correspondant à l'étape a) de la revendication 1 de D2 -, ni la température de celle-ci.

b) Caractéristique C1

L'argument de la titulaire selon lequel la méthode décrite dans la revendication 1 de D2 peut être employée même avec des cendres qui ne contiennent pas de phosphore ne peut pas être retenue puisque cette revendication définit que la méthode est utilisée pour récupérer des substances à partir des cendres issues de l'incinération de déchets contenant du phosphore ("aus phosphathaltigen Aschen aus Abfallverbrennungsanlagen"). De plus, la méthode résulte au moins dans l'obtention de phosphate de calcium, ce que confirme la présence de phosphore dans les cendres ("das Verfahren mindestens umfassend die Gewinnung (Erzeugung) von Kalziumphosphat (Ca3(PO4)2)").

Néanmoins, l'opposante n'a pas prouvé que la personne du métier considérerait que la méthode n'est à utiliser qu'exclusivement avec des cendres comprenant une teneur en phosphore dans les cendres, exprimée en pourcentage en poids de phosphates sous forme PO4, d'au moins 7 %, tel que défini à la caractéristique C1. L'opposante ne nie pas qu'il y a des cendres issues de l'incinération de déchets qui comprennent une teneur en phosphore inférieure à cette valeur.

L'opposante fait reposer ses arguments sur le fait qu'une majorité des cendres comporte le pourcentage revendiqué, tel que prétendument prouvé par D10, et sur le fait qu'il ne serait pas justifié d'appliquer la méthode de D2 qu'avec des cendres à haute teneur en phosphore pour assurer une récupération plus élevée de cet élément. Aucun des deux arguments n'emporte la conviction.

Comme accepté par l'opposante, les cendres issues de l'incinération de déchets n'ont pas nécessairement un pourcentage tel que défini dans C1, même si on pouvait prouver que la plupart des cendres présentait cette caractéristique. Le pourcentage défini n'est donc pas une caractéristique implicite.

Deuxièmement, il faut signaler que rien n'empêche la personne du métier - qui peut avoir d'autres motivations en dehors de la maximisation du profit lié à la récupération du phosphore - d'utiliser la méthode D2 pour enlever le phosphore dans les cendres issues de l'incinération de déchets avec une teneur en phosphore plus basse que revendiquée. L'opposante n'a pas pu prouver que le traitement de cendres à haute teneur en phosphore est la seule application raisonnable ou réalisable pour la méthode de D2.

Finalement, la prétendue trivialité de la caractéristique C1 soutenue par l'opposante pourrait être pertinente pour l'activité inventive mais non pour la nouveauté.

Ainsi, la caractéristique C1 n'est pas décrite implicitement dans la combinaison des revendications 1, 8 et 9 de D2.

Au vu des considérations précédentes, la révision de la décision de la division d'opposition concernant l'admission de D11 dans la procédure ne semble pas être justifiée puisque ce document n'aurait d'effet sur la décision à prendre que s'il pouvait prouver que toutes les cendres issues de l'incinération de déchets présentent nécessairement le pourcentage en poids de phosphates revendiqué, ce qui n'est pas soutenu par l'opposante.

c) Combinaison des caractéristiques C1, C2 (durée comprise entre 5 minutes et 45 minutes) et C3' (température comprise entre 50 et 80° C)

D2 ne présente aucune incitation pour que la personne du métier combine les valeurs particulières de la revendication contestée concernant la composition des cendres (C1), la durée de l'étape de digestion (C2) et la température de cette étape (C3') - décrits tout au long du document D2 - quand elle met en pratique la méthode des revendications 1, 8 et 9.

Les arguments de l'opposante à propos la combinaison des durées et des températures décrites à la page 15 sont basés exclusivement sur de simples affirmations non assorties de preuve. La personne du métier qui lit D2 n'est pas amenée à combiner ces deux paramètres, même si les paramètres sont décrits l'un à la suite de l'autre (cf. Jurisprudence des Chambres de Recours, 10ème édition, I.C.6.3.3, en particulier T 65/96, points 5.1 et 5.2). Les deux plages de valeurs font partie d'une pluralité de 37 options différentes et la personne du métier n'a aucune indication pour combiner des valeurs particulières appartenant à ces deux groupes de paramètres indépendants.

Même si on pouvait considérer que la combinaison de durée et température revendiquée est divulguée dans ce passage de D2, il n'y a aucun encouragement dans D2 pour combiner ces deux paramètres avec les valeurs de contenu en ions phosphates de la caractéristique C1 qui sont décrites aux pages 1 (dernier paragraphe), 2 (table) et 19 (exemple discuté auparavant). Les paragraphes des pages 1 et 2 concernent la teneur en phosphate de quelques sortes de cendre en particulier, et l'exemple de la page 9 spécifie une température de 40°C pour l'étape de digestion, contrairement à ce qui est défini par la caractéristique C3'.

En particulier, l'exemple spécifique à la page 19 conduit l'homme de métier à ne pas travailler dans le recoupement des plages telles que définies dans la revendication contestée, la température particulière de 40°C étant éloignée de la plage revendiquée 50°C à 80°C. Le lecteur, en considération de cette information, n'aurait pas envisagé sérieusement la combinaison des caractéristiques pertinentes.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Les recours sont rejetés.

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