T 0957/20 () of 11.5.2023

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2023:T095720.20230511
Date de la décision : 11 Mai 2023
Numéro de l'affaire : T 0957/20
Numéro de la demande : 13731368.0
Classe de la CIB : A61B 17/70
A61B 17/02
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : SYSTEME D'INSTRUMENTATION POUR LA REALISATION D'UNE INTERVENTION CHIRURGICALE SUR DES VERTEBRES COMPRENANT DES MOYENS DE BLOCAGE TEMPORAIRE
Nom du demandeur : Safe Orthopaedics
Nom de l'opposant : Neo Medical SA
Chambre : 3.2.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 013(2)
Mot-clé : Activité inventive - requête principale (non)
Requêtes subsidiaires insuffisamment motivées dans la réponse au mémoire de recours - recevables (non)
Requêtes subsidiaires produites tardidement - circonstances exceptionnelles (non) - recevables (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 1732/10
T 2393/18
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours a été formé par l'opposante contre la décision intermédiaire de la Division d'Opposition concernant le maintien du brevet en litige (ci-après "le brevet") dans une forme modifiée selon la requête principale de la titulaire du brevet déposée le 20 janvier 2020 lors de la procédure orale devant la Division d'Opposition.

II. Dans sa décision, la Division d'Opposition a notamment considéré que l'objet de la revendication 1 de cette requête ne s'étendait pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée et impliquait une activité inventive partant du document D1 (US 2011/0077692 A1), même en tenant compte du document D1b (US 2007/0055244 A1).

III. La requérante (opposante) a demandé que la décision attaquée soit annulée et le brevet révoqué.

IV. L'intimée (titulaire du brevet) a demandé à titre principal que le recours soit rejeté ou, à titre subsidiaire, que le brevet soit maintenu selon l'une des requêtes subsidiaires 1 et 2 déposées avec sa réponse au mémoire de recours.

V. Dans sa notification émise au titre de l'article 15(1) RPCR 2020, la Chambre a formulé l'avis provisoire que l'objet de la revendication 1 de la requête principale semblait s'étendre au-delà du contenu de la demande telle que déposée et ne pas impliquer d'activité inventive partant de D1. La Chambre a également indiqué qu'elle envisageait de ne pas prendre en compte les requêtes subsidiaires 1 et 2 au motif qu'elles n'avaient pas été valablement produites en recours, n'étant ni étayées dans la réponse de l'intimée, ni évidentes.

VI. La Chambre a cité les parties à une procédure orale par notification du 21 février 2023.

VII. Dans son courrier du 21 avril 2023, l'intimée a fourni des explications destinées à étayer les requêtes subsidiaires 1 et 2 et a demandé que celles-ci soient admises compte tenu de l'avis provisoire de la Chambre relatif à l'extension de l'objet de la revendication 1.

VIII. Une procédure orale devant la Chambre a eu lieu le 11 mai 2023 par visioconférence, à la fin de laquelle la présente décision a été annoncée.

IX. La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit :

« Système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres par voie postérieure ou postéro-latérale, constitué par au moins un tube (1) présentant une extrémité proximale et une extrémité distale, et au moins une vis rachidienne (2) coopérant avec l'extrémité proximale (3) dudit tube (1), la tête (4) de ladite vis (2), à mobilité multiaxiale, coopérant avec une partie filetée (5) par une rotule permettant une orientation multiaxiale, caractérisé en ce qu'il comporte en outre un insert (20), apte à coulisser à l'intérieur du tube (1), pourvu en extrémité proximale d'une calle (15) de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis dans n'importe quelle position angulaire par rapport à la partie filetée (5) de la vis, ladite calle (15), apte à être introduite par l'intérieur du tube (1) depuis son extrémité distale, présentant une extrémité semi-cylindrique (8) de forme complémentaire à celle de l'encoche en « U » de réception d'une tige de liaison prévue sur la tête de la vis. »

X. La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 s'énonce comme suit (modifications par rapport à la requête principale mises en évidence par la Chambre) :

« Système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres par voie postérieure ou postéro-latérale, constitué par au moins un tube (1) présentant une extrémité proximale et une extrémité distale, et au moins une vis rachidienne (2) coopérant avec l'extrémité proximale (3) dudit tube (1)

et présentant une tige filetée prolongée par une

tête à mobilité multiaxiale, ladite tête étant pourvue

d'une encoche en « U » de réception d'une tige de

liaison, [deleted: la tête (4) de ladite vis (2), à mobilité multiaxia]le, coopérant avec une partie filetée (5) par une rotule permettant une orientation multiaxiale, caractérisé en ce qu'il comporte en outre un insert (20), apte à coulisser à l'intérieur du tube (1), pourvu en extrémité proximale d'une calle (15) de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis dans n'importe quelle position angulaire par rapport à la [deleted: partie] tige filetée [deleted: (5)] de la vis, ladite calle (15), apte à être introduite par l'intérieur du tube (1) depuis son extrémité distale pour venir se loger dans l'encoche en « U » provisoirement à la place de la tige de liaison, présentant une extrémité semi-cylindrique (8) de forme complémentaire à celle de l'encoche en « U » de réception d'une tige de liaison prévue sur la tête de la vis. »

XI. La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 s'énonce comme suit (modifications par rapport à la requête principale mises en évidence par la Chambre) :

« Système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres par voie postérieure ou postéro-latérale, constitué par au moins un tube (1) présentant une extrémité proximale et une extrémité distale, et au moins une vis rachidienne (2) coopérant avec l'extrémité proximale (3) dudit tube (1)[deleted: ,] la tête (4) de ladite vis (2), à mobilité multiaxiale, coopérant avec une partie filetée (5) par une rotule permettant une orientation multiaxiale, ladite tête étant pourvue d'une encoche en « U » de

réception d'une tige de liaison, caractérisé en ce qu'il comporte en outre un insert (20), apte à coulisser à l'intérieur du tube (1), pourvu en extrémité proximale d'une calle (15) de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis dans n'importe quelle position angulaire par rapport à la partie filetée (5) de la vis, ladite calle (15), apte à être introduite par l'intérieur du tube (1) depuis son extrémité distale pour venir se loger dans l'encoche en « U » provisoirement à la place de la tige de liaison, présentant une extrémité semi-cylindrique (8) de forme complémentaire à celle de l'encoche en « U » de réception d'une tige de liaison prévue sur la tête de la vis. »

XII. Les arguments de la requérante pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :

Requête principale - activité inventive partant de D1

D1 représente un point de départ valable pour juger de l'activité inventive de la revendication 1. Il serait évident pour l'homme du métier partant de ce document de rassembler en un même kit, comme suggéré dans le paragraphe [0017], les vis divulguées respectivement dans les figures 24 et 55 ainsi que leurs tournevis respectifs, en particulier l'insert 16 de la figure 24, et des tubes d'insertion adaptés.

Selon les paragraphes [0105] et [0117], l'extrémité distale de l'insert 16 présente une extrémité semi-cylindrique de forme complémentaire à celle de l'encoche en U prévue sur la tête de la vis de la figure 24. Or, à part son mécanisme d'articulation multiaxiale avec la partie filetée différent, décrit plus en détail dans D1b, la tête de vis de la figure 55 possède la même géométrie que celle de la figure 24 et est entièrement compatible avec le tube d'insertion 14.

Par conséquent, s'il était utilisé avec la vis multiaxiale de la figure 55, l'insert 16 serait apte à réaliser un blocage temporaire de l'orientation de la tête de cette vis dans n'importe quelle position angulaire par rapport à la partie filetée, de la même façon que la tige de liaison, sous l'action d'un bouchon de serrage, réalise un tel blocage en appuyant sur la partie supérieure de la partie filetée, comme décrit dans D1b. L'extrémité proximale de l'insert 16 constitue donc une cale de blocage temporaire apte à être utilisée avec cette vis. Il est sans importance que D1 ne divulgue ni ne suggère une telle utilisation puisque la revendication 1 définit seulement que l'insert est apte à être inséré dans le tube pour être utilisé comme cale de blocage temporaire de la vis. L'homme du métier partant de D1 arriverait ainsi à l'objet de la revendication 1 sans faire preuve d'activité inventive.

Requêtes subsidiaires 1 et 2 - admission

Les requêtes subsidiaires 1 et 2 n'ont pas du tout été étayées dans la réponse de l'intimée au mémoire de recours, laissant la requérante dans l'incapacité d'en apprécier la pertinence. En outre, elles ne satisfont pas aux exigences des articles 84 et 123(2) CBE. Par conséquent, elles ne doivent pas être admises dans la procédure de recours.

XIII. Les arguments de l'intimée pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :

Requête principale - activité inventive partant de D1

D1 n'aborde pas la problématique, pourtant centrale dans le brevet, d'assurer la rétraction des tissus sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à des rétracteurs connus dans l'art antérieur. Ce document ne peut donc être valablement utilisé comme point de départ pour apprécier l'activité inventive de la revendication 1 sans que cette analyse ne relève d'une approche a posteriori.

Par ailleurs, selon le paragraphe [0119] de D1, l'insert 16, dont la fonction se limite à celle d'un tournevis, assure uniquement le maintien en position d'alignement de la tête et de la partie filetée de la vis de la figure 24, de façon à pouvoir, par rotation de l'outil entraînant celle de la vis, visser cette dernière dans une vertèbre. Mais D1 ne divulgue en aucun cas que l'insert 16 permet d'assurer un blocage temporaire de l'orientation de la tête de vis par rapport à la partie filetée, encore moins un blocage dans n'importe quelle position angulaire. Un tel blocage n'est décrit nulle part dans D1. L'enfoncement de l'insert 16 dans le tube 14 est d'ailleurs limité par la présence des goupilles 120, visibles sur la figure 37, qui empêchent l'utilisateur d'exercer une force d'appui suffisante pour effectuer un tel blocage.

De plus, même si l'insert 16 était utilisé avec la vis de la figure 55 - ce qui n'est en soi nullement divulgué ou suggéré dans D1, D1 divulguant au contraire un autre tournevis spécialement adapté à la vis de la figure 55 - l'appui que l'insert 16 exercerait sur la partie supérieure de la partie filetée entraînerait mécaniquement le réalignement de cette dernière dans l'axe longitudinal, et non son blocage dans n'importe quelle position angulaire. À cet égard, la vis de la figure 55 ne semble pas être strictement identique à celle décrite dans D1b. En tout état de cause, l'action de l'insert 16 rigide différerait sensiblement de celle exercée par la tige de liaison élastique divulguée dans D1b.

Enfin, le kit divulgué dans le paragraphe [0017] de D1 se compose explicitement de vis soit multiaxiales, soit uniaxiales, mais pas des deux types à la fois (« polyaxial or monoaxial »). L'homme du métier n'aurait aucune motivation à associer des vis de types différents au sein d'un même kit.

Il en résulte que l'homme du métier n'arriverait pas à l'objet de la revendication 1 de façon évidente.

Celui-ci repose donc sur une activité inventive.

Requêtes subsidiaires 1 et 2 - admission

L'intimée n'a pas discuté la recevabilité des requêtes subsidiaires 1 et 2 dans sa réponse au mémoire de recours. Elle a fourni les explications suivantes dans son courrier du 21 avril 2023.

La requête subsidiaire 1 a déjà été présentée au cours de la procédure d'opposition par l'intimée avec son courrier du 20 novembre 2019, mais n'a pas eu besoin d'être discutée lors de la procédure orale devant la Division d'Opposition. Du fait des modifications apportées à la revendication 1 dans la requête subsidiaire 1, clairement explicitées dans le courrier du 20 novembre 2019 et reprises dans la requête subsidiaire 2, ces deux requêtes subsidiaires répondent à l'objection au titre de l'article 123(2) CBE soulevée par la requérante, que la Chambre a trouvée convaincante dans sa communication au titre de l'article 15(1) RPCR 2020. De plus, la requérante a déjà eu la possibilité de prendre position sur la requête subsidiaire 1 au cours de la procédure d'opposition et a d'ailleurs, à ce titre, présenté de nouveaux documents. Les requêtes subsidiaires 1 et 2 doivent donc être prises en compte par la Chambre.

Motifs de la décision

1. Objet du brevet

Le brevet concerne un système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres par voie postérieure ou postéro-latérale, constitué par au moins un tube présentant une extrémité proximale et une extrémité distale, et au moins une vis rachidienne coopérant avec l'extrémité proximale dudit tube (figure 1).

Selon la revendication 1, la tête de la vis est à mobilité multiaxiale, coopérant avec la partie filetée de la vis par une rotule permettant une orientation multiaxiale. Une encoche en U de réception d'une tige de liaison est prévue sur la tête de la vis.

Comme l'illustre la figure 2, reproduite ci-dessous, le système revendiqué comporte en outre un insert, apte à coulisser à l'intérieur du tube, pourvu en extrémité proximale d'une cale (15) - écrite « calle » dans le brevet - de blocage temporaire de l'orientation de la tête (4) de la vis (2) dans n'importe quelle position angulaire par rapport à la partie filetée (5) de la vis, ladite cale, apte à être introduite par l'intérieur du tube depuis son extrémité distale, présentant une extrémité semi-cylindrique (8) de forme complémentaire à celle de l'encoche en U

(paragraphes [0018]-[0022] et [0046]-[0048]).

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Il est ainsi possible grâce à l'insert de temporairement verrouiller angulairement la tête (4) de la vis par rapport à la tige filetée (5), notamment dans une position dans laquelle les parois du tube écartent les bords de l'incision pratiquée dans les tissus, facilitant par là l'accès à la zone d'intervention chirurgicale (paragraphe [0053]).

2. Requête principale - activité inventive partant de D1

2.1 Il n'est pas contesté entre les parties que D1 divulgue un système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres par voie postérieure ou postéro-latérale (paragraphe [0017] : « a dynamic vertebral support connecting member implantation kit »), constitué, comme le système revendiqué, par au moins un tube présentant une extrémité proximale et une extrémité distale, et au moins une vis rachidienne articulée coopérant avec l'extrémité proximale dudit tube (« a plurality of hinged, polyaxial or monoaxial bone screws (...) also includes a plurality of insertion tools »), telle la vis de la figure 24 et son tube 14, ou encore celle de la figure 55, toutes deux reproduites ci-après. D1 divulgue en outre que le système comprend au moins un outil de type tournevis (« at least one driver »), apte à être inséré et à coulisser dans ledit tube pour visser la vis dans une vertèbre, comme l'outil 16 de la figure 24.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

2.2 D1 appartient ainsi au même domaine technique que le système défini dans la revendication 1 et en est structurellement très proche. De l'avis de la Chambre, ce document constitue, contrairement à la vue de l'intimée, un point de départ approprié pour juger de l'activité inventive de la revendication 1.

Il est vrai, comme l'avance l'intimée à l'encontre de ce choix de D1 comme point de départ, que ce document n'aborde pas la problématique de la rétraction des tissus, effectivement discutée dans le brevet, par exemple dans les paragraphes [0016] et [0053].

Cependant, comme le fait valoir la requérante, aucune des caractéristiques structurelles ou fonctionnelles définies dans la revendication 1 ne se rapporte explicitement à cette problématique. La Chambre note à cet égard que la fonction de rétraction des tissus permise par le système revendiqué est en fait une fonction « annexe » du tube coopérant avec la tête (paragraphe [0016]) qui résulte uniquement de la possibilité de bloquer l'orientation de la tête de la vis, donc celle du tube, par rapport à la partie filetée ancrée dans le patient dans une orientation appropriée qui dépend entièrement de la zone d'intervention chirurgicale et des souhaits de l'opérateur (paragraphe [0053]). Une telle fonction, qui concerne simplement l'utilisation du système revendiqué mais ne limite pas ce dernier, pourrait être également réalisée au moyen des vis rachidiennes articulées et tubes associés divulgués dans D1. Ainsi, contrairement à l'argument de l'intimée, il importe peu que la problématique de rétraction des tissus ne soit pas discutée dans D1.

2.3 La vis de la figure 24 comporte une tête 26 (« bone screw receiver ») sur laquelle est prévue une encoche en U 76 (« U-shaped channel ») pour recevoir une tige de liaison, et qui coopère avec une partie filetée 24 (« shank ») destinée à être vissée dans une vertèbre.

La vis coopère en outre avec un tube d'insertion 14 (« insertion tool ») monté sur sa tête, dans lequel un tournevis 16 (« driver »), ou insert, peut être introduit par l'extrémité distale et coulisser, comme illustré sur la figure 37.

Comme décrit dans les paragraphes [0105] et [0117] et illustré sur les figures 24 et 37, l'insert 16 présente une extrémité proximale semi-cylindrique 244 de forme complémentaire à celle de l'encoche en U 76 et épousant étroitement cette dernière lorsque l'insert est utilisé comme tournevis pour visser la vis dans une vertèbre du patient (paragraphe [0105] : « the surfaces 244 and 245 being sized and shaped to be snugly received within the receiver U-shaped channel 76 and to fully engage inner surfaces surfaces of the arms 72 and 73 » ; paragraphe [0117] : « The driving end also contacts the receiver 76 along an entire height of the U-shaped channel 76 from the lower seat 78 to the upper surfaces 74 and 75. »).

Contrairement à l'argument de l'intimée, les goupilles 120, bien que schématiquement représentées au contact du manche de l'insert sur la figure 37, n'empêchent pas l'extrémité proximale semi-cylindrique 244 de l'insert de prendre provisoirement la place de la tige de liaison au sein de l'encoche en U, exerçant par là une force suffisante sur la partie supérieure 60 de la partie filetée pour permettre à la vis d'être vissée dans une vertèbre du patient au moyen de l'insert (paragraphe [0119]).

2.4 La vis 501 de la figure 55 est quant à elle une vis à mobilité multiaxiale (paragraphe [0150] : « polyaxial bone screw »). Contrairement à l'argument de l'intimée, D1 mentionne explicitement (paragraphe [0151]) qu'il s'agit là de la vis décrite en détail dans D1b (voir notamment la figure 37, sensiblement identique à la figure 55 de D1). Il ressort de D1b que, comme la vis rachidienne de la revendication 1, la tête 510 de cette vis coopère avec la partie filetée 508 par une rotule, formée par la couronne 512 réceptionnée dans une cavité correspondante formée à l'intérieur de la tête, et permettant l'orientation multiaxiale (paragraphe [0160] : « a universal or ball joint »).

D1b divulgue en outre (paragraphe [0159]) que cette rotule peut être bloquée par friction dans n'importe quelle position angulaire sous l'effet de la force exercée par une tige de liaison réceptionnée dans l'encoche en U et appuyant sur la partie supérieure 518 de la partie filetée (c'est-à-dire sur la protrusion hexagonale visible sur la figure 37 de D1b et sur la figure 55 de de D1), la tige de liaison une fois serrée par un bouchon de serrage.

2.5 Or, comme le fait valoir la requérante, à part le mécanisme d'articulation multiaxiale avec la partie filetée discuté ci-dessus différent, la tête de la vis 501 possède la même géométrie que celle de la figure 24, notamment la même encoche en U, et est entièrement compatible avec le tube d'insertion 14 (voir notamment le paragraphe [0150]). L'intimée n'a pas contesté ce point.

Par conséquent - et ce, quand bien même D1 ne divulgue pas une telle utilisation - il serait possible d'utiliser l'insert 16 de la figure 24 avec une vis 501 coopérant avec un tube d'insertion 14, en amenant son extrémité proximale semi-cylindrique 244 depuis l'ouverture distale du tube jusqu'au contact de l'encoche en U de la tête de vis, c'est-à-dire en venant la loger provisoirement dans l'encoche à la place de la tige de liaison. L'extrémité proximale semi-cylindrique 244 exercerait alors sur la partie supérieure 518 de la partie filetée la même action que celle qu'exercerait une tige de liaison reçue dans l'encoche et serrée par un bouchon de serrage. À cet égard, il est sans importance que D1 et D1b divulguent spécifiquement une tige de liaison élastique en lien avec la vis multiaxiale, car D1b précise que la tige n'est pas déformée lors du serrage du bouchon (paragraphe [0159]), comme les autres tiges de liaison classiques plus rigides pouvant être utilisées avec la vis de la figure 24, et donc comme l'extrémité proximale de l'insert 16 dans le cadre de l'utilisation discutée plus haut.

Contrairement à l'allégation de l'intimée, l'action de l'insert 16 sur la partie filetée 508 ne serait alors pas la mise en mouvement de celle-ci, mais bien son blocage dans une position angulaire arbitraire, à l'instar du blocage réalisé par une tige de liaison décrit dans D1b et discuté au point 2.4 ci-dessus.

La Chambre partage donc la vue de la requérante que l'extrémité proximale de l'insert 16 est bien apte à être utilisée avec la vis multiaxiale 501 de la figure 55 comme cale de blocage temporaire de l'orientation de la tête de vis dans n'importe quelle position angulaire par rapport à la partie filetée. La Chambre souligne que cette conclusion, qui ne concerne que l'aptitude de l'insert à être utilisé d'une certaine façon, est valable indépendamment du fait que D1 ne divulgue ni ne suggère cette utilisation, et bien que D1 prévoie explicitement l'utilisation d'un autre insert, non représenté sur la figure 55, spécialement adapté pour visser cette vis (paragraphe [0150] : « a modified driving tool (not shown) »). De même, il est sans importance que D1 ne mentionne pas non plus la possibilité d'effectuer un blocage temporaire de l'orientation angulaire des vis qu'il décrit.

2.6 D1 ne précise pas lesquelles des vis et tournevis décrits dans D1 rentrent dans la constitution du kit mentionné dans le paragraphe [0017]. Ainsi, D1 ne divulgue pas directement et sans équivoque un kit comportant, en plus d'un tube d'insertion 14, à la fois l'insert 16 de la figure 24 et la vis 501 de la figure 55.

Il résulte des considérations ci-dessus que le système défini par la revendication 1 diffère du kit connu de D1 uniquement en ce qu'il comprend à la fois une vis rachidienne et un insert tels que revendiqués.

2.7 L'argument de l'intimée selon lequel le paragraphe [0017] exclurait explicitement de rassembler en un même kit à la fois des vis uniaxiales, comme celle de la figure 24, et des vis multiaxiales, comme celle de la figure 55, ne convainc pas la Chambre. Ces vis sont en effet toutes des vis articulées (« hinged »). La conjonction de coordination « or » utilisée dans le paragraphe [0017] n'est pas un « ou » exclusif comme le prétend l'intimée ; l'expression « polyaxial or monoaxial » employée explicite seulement le type de vis articulées (« hinged ») pouvant être incluses dans le kit. Cette interprétation est en outre conforme à la pratique usuelle selon laquelle des vis de types différents peuvent être implantées dans le patient en fonction des besoins évalués par le chirurgien.

La Chambre partage au contraire la vue de la requérante selon laquelle l'homme du métier partant de D1 et cherchant simplement à constituer un kit comme enseigné dans le paragraphe [0017] rassemblerait de façon évidente en un même système - en plus d'au moins un tube d'insertion 14 - à la fois au moins une vis selon la figure 24 et au moins une vis selon la figure 55, ainsi que leurs tournevis spécifiques associés, dont l'insert 16.

Ce faisant, l'homme du métier partant de D1 arriverait, sans faire preuve d'activité inventive, à un système qui, en plus d'inclure toutes les caractéristiques structurales définies dans la revendication 1 pour le tube, la vis et l'insert, verrait l'extrémité proximale de l'insert 16 pouvoir être raisonnablement considérée comme une cale de blocage temporaire telle que revendiquée, comme discuté au point 2.5 ci-dessus. Comme mentionné plus haut, il importe peu à cet égard que cette fonction de cale de blocage temporaire soit effectivement divulguée ou non dans D1, ou qu'elle soit évidente ou non pour l'homme du métier, car la revendication 1 porte sur un dispositif et non sur son utilisation.

La Chambre en conclut que l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive.

3. Requêtes subsidiaires 1 et 2 - admission

3.1 Les requêtes subsidiaires 1 et 2 ont été déposées avec la réponse de l'intimée au mémoire de recours. Toutefois, ces requêtes n'ont pas du tout été étayées dans la réponse, le dernier paragraphe de cette dernière en page 18 mentionnant uniquement que ces requêtes étaient déposées « [à] toutes fins utiles ». Ce n'est que dans son courrier du 21 avril 2023 que l'intimée a fourni des explications destinées à étayer ces requêtes.

3.2 Les modifications introduites dans ces requêtes n'étant pas évidentes - ce que l'intimée n'a pas contesté - la Chambre considère que ces requêtes n'ont été valablement produites en recours qu'à la date à laquelle ont été fournies les explications destinées à les étayer (voir par exemple T 1732/10, point 1.5 des motifs et T 2393/18, point 4.2 des motifs), c'est-à-dire le 21 avril 2023.

3.3 Ces requêtes constituent donc une modification des moyens présentée par l'intimée après la signification de la citation à la procédure orale devant la Chambre, dont la prise en compte dans la procédure de recours est régie par l'article 13(2) RPCR 2020. Selon cet article, une telle modification n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes.

3.4 L'intimée a avancé, en faveur de la prise en compte des requêtes subsidiaires 1 et 2, que les modifications qu'elles contenaient répondaient à l'objection au titre de l'article 123(2) CBE soulevée par la requérante dans son mémoire de recours et que la Chambre avait trouvée convaincante dans son avis provisoire. Ceci ne saurait cependant constituer des circonstances exceptionnelles au sens de l'article 13(2) RPCR 2020 justifiant que ces requêtes soient admises à ce stade de la procédure de recours. La Chambre a donc décidé de ne pas prendre en compte ces requêtes.

3.5 En tout état de cause, les modifications apportées à la revendication 1 dans les requêtes subsidiaires 1 et 2 semblent de prime abord ne pas conférer d'activité inventive à l'objet de la revendication 1, puisque l'extrémité proximale semi-cylindrique 244 de l'insert 16 est également apte à venir se loger dans l'encoche en U provisoirement à la place de la tige de liaison, comme discuté au point 2.5 ci-dessus.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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