European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2022:T020420.20220308 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 08 Mars 2022 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0204/20 | ||||||||
Numéro de la demande : | 13711404.7 | ||||||||
Classe de la CIB : | C04B 111/28 C01F 5/24 C01F 11/18 C04B 28/10 C04B 14/26 C04B 2/10 C04B 18/02 C09K 21/02 |
||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | COMPOSITION MINERALE A BASE D'UNE PHASE SOLIDE MIXTE DE CARBONATES DE CALCIUM ET DE MAGNESIUM, SON PROCEDE DE PREPARATION ET SON UTILISATION | ||||||||
Nom du demandeur : | S.A. Lhoist Recherche et Développement | ||||||||
Nom de l'opposant : | Omya International AG | ||||||||
Chambre : | 3.3.05 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Activité inventive - requête subsidiaire (oui) Procès-verbal de la procédure orale Révision préjudicielle - première instance aurait dû accorder la révision préjudicielle (non) Décision sur le recours - renvoi à la première instance (non) Remboursement de la taxe de recours - (non) Vice substantiel de procédure - (non) objet premier de la procédure de recours - moyens de recours invoqués portant sur les arguments sur lesquels la décision était fondée (oui) |
||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. La titulaire du brevet (requérante) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen EP-B-2 828 216 tel que modifié par la requérante sur la base de la requête subsidiaire 3 alors en vigueur.
II. Il a été discuté notamment des documents suivants au cours de la phase d'opposition :
D1 |EP 2 322 581 A1 |
D2 |"SEM picture the product [sic] obtained in example 2 of EP 2 322 581"|
D3 |EP 0 526 121 A1 |
D4 |"SEM pictures of example 2 of EP 0 526 121 A1"|
D6 |GB 506,134 A |
D7 |GB 1 533 323 A |
D8 |DE 32 45 103 A1 |
D9 |US 2 105 503 A |
D16|"Photos des échantillons issus de la reproduction de l'example 2 de D1"|
D17|"Reproduction de l'Exemple 2 de D3"|
D18|"Photos en couleur MEB et SEM-EDS du produit de D17 (exemple 2 - D3)"|
III. Avec les motifs du recours, la requérante a déposé en outre les documents suivants :
D21|"Images MEB et MEB-EDS du produit issu de l'exemple 11 du brevet EP 2828216" |
D22|"Images MEB et MEB-EDS du produit issu de l'exemple 2 de D3" |
D23|"Comparaison du produit issu de l'exemple 11 du brevet et de l'exemple 2 de D3"|
IV. Suite à la citation à la procédure orale au stade de la procédure d'opposition, l'opposante a retiré son opposition.
Par conséquent, elle n'est plus partie à la procédure.
V. Lors de la procédure orale, la division d'opposition a également conclu que la requête subsidiaire 2 alors en vigueur ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 56 CBE au vu de l'exemple 2 du document D3.
Elle a notamment considéré que la structure des compositions minérales de l'invention ne peut pas être différenciée de celle de l'exemple 2 de D3 et que le rapport molaire Ca/Mg revendiqué constituait seulement une alternative évidente.
VI. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a présenté une requête principale (qui correspond à la requête subsidiaire 2 de la décision contestée) ainsi qu'une nouvelle requête subsidiaire 1.
VII. Le libellé des revendications indépendantes de la requête principale est le suivant :
"1. Composition minérale à base d'une phase solide mixte de carbonates de calcium et de magnésium de synthèse, formée d'une partie calcique cristallisée et d'une partie magnésienne cristallisée sous forme de plaquettes, les cristaux de la partie calcique et ceux de la partie magnésienne étant agrégés sous forme d'agrégats composites, les agrégats de la phase solide mixte étant constitués d'un c½ur calcique sur lequel sont agrégées des plaquettes d'hydromagnésite, ces agrégats étant eux-mêmes au moins partiellement agglomérés sous forme d'agglomérats, ladite partie calcique comprenant au moins un carbonate choisi parmi le groupe constitué de la calcite, de l'aragonite et de leurs mélanges, ladite partie magnésienne comprenant de l'hydromagnésite sous forme plaquettaire, ladite phase solide mixte de carbonates de ladite composition minérale présentant un rapport molaire Ca/Mg compris entre 0,4 et 1,2, une masse volumique en vrac inférieure ou égale à 250 kg/m**(3), et supérieure ou égale à 80 kg/m**(3), mesurée selon la norme EN 459.2."
"13. Procédé de fabrication d'une composition minérale à base d'une phase solide mixte de carbonates de calcium et de magnésium, comprenant
- i) une préparation de dolomie au moins partiellement hydratée par calcination d'une dolomie crue puis hydratation au moins partielle de la dolomie ainsi calcinée,
- ii) une mise en suspension dans une phase aqueuse de ladite dolomie au moins partiellement hydratée, cette suspension présentant une proportion comprise entre 5 et 15 % en poids de matière solide par rapport au poids total de la suspension,
- iii) une carbonatation de ladite dolomie en suspension par injection d'un gaz contenant du CO2 dans ladite suspension chauffée à une température de 55 à 90°C à un débit de CO2 de 2,5 à 15 dm**(3)/min/kg de ladite matière solide de la suspension, avec une diminution par étapes du pH de la suspension jusqu'à une valeur inférieure à 9 et avec, en parallèle, successivement une diminution de la conductivité électrique de la suspension, puis une stabilisation de celle-ci et finalement une augmentation de la conductivité électrique stabilisée, la carbonatation étant stoppée dès que cette augmentation de conductivité électrique est observée,
- iv) une obtention d'une phase solide mixte de carbonates de calcium et de magnésium de synthèse formée d'une partie calcique cristallisée et d'une partie magnésienne cristallisée sous forme de plaquettes, les cristaux de la partie calcique et ceux de la partie magnésienne étant agrégés sous forme d'agrégats composites, ces agrégats étant eux-mêmes au moins partiellement agglomérés sous la forme d'agglomérats, ladite partie calcique comprenant au moins un carbonate choisi parmi le groupe constitué de la calcite, de l'aragonite et de leurs mélanges, ladite partie magnésienne comprenant de l'hydromagnésite sous forme plaquettaire, ladite phase solide mixte de carbonates de ladite composition minérale présentant une masse volumique en vrac inférieure ou égale à 250 kg/m**(3), et supérieure ou égale à 80 kg/m**(3), mesurée selon la norme EN 459.2."
"24. Utilisation d'une composition selon l'une quelconque des revendications 1 à 12, ou d'une composition obtenue selon le procédé suivant l'une quelconque des revendications 13 à 19, dans des matériaux de construction."
Les revendications dépendantes 2 à 12, 14 à 23 et 25 correspondent à des modes de réalisation préférés.
VIII. Les arguments de la requérante peuvent être résumés comme suit:
Le fait que la division d'opposition n'a pas réagi à la demande de la requérante selon laquelle le procès-verbal de la procédure orale au stade de l'opposition doit être corrigé est une première violation substantielle de procédure qui a conduit la requérante à devoir déposer le présent recours. Le procès-verbal doit être corrigé et la taxe de recours remboursée.
La division d'opposition aurait dû procéder à une révision préjudicielle au titre de l'article 109 CBE sur la base de la présente requête subsidiaire 1. Le fait qu'elle ne l'a pas fait constitue une deuxième violation substantielle de procédure.
Le dépôt des documents D21 à D23 est une réaction directe à la décision contestée et ces documents doivent être pris en considération. Ces documents prouvent :
- la structure des agrégats avec un c½ur calcique sur lequel sont agrégées des plaquettes d'hydromagnésite, et
- que cette structure conduit à la diminution de la masse volumique et de la conductivité thermique.
Cela justifie l'activité inventive des revendications 1 à 12 de la requête principale au titre de l'article 56 CBE.
Les revendications de procédé 13 à 23 et d'utilisation 24 à 25 ne peuvent pas être mises en cause en raison de l'interdiction de la reformatio in peius.
IX. Dans une notification au titre de l'article 15(1) RPCR 2020, la chambre a informé la requérante qu'il pourrait probablement être fait droit à la requête principale, mais :
- qu'il ne semblait pas y avoir de vices substantiels de procédure,
- que le remboursement de la taxe de recours serait probablement refusé et
- que l'affaire ne serait probablement pas renvoyée à la division d'opposition.
X. En réponse, la titulaire a indiqué qu'elle accepte le maintien du brevet sur base de la requête principale.
XI. La requérante demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur la base de la requête principale, ou, le cas échéant, sur la base de la nouvelle requête subsidiaire 1. Toutes ces requêtes ont été présentées avec le mémoire exposant les motifs du recours.
Par ailleurs, la requérante demande un renvoi de l'affaire à la division d'opposition et un remboursement de la taxe de recours.
Motifs de la décision
Vices substantiels de procédure
1. Renvoi à la division d'opposition et remboursement de la taxe de recours
Pour les raisons suivantes:
- il n'y a pas de vice substantiel de procédure,
- le remboursement de la taxe de recours est refusé (règle 103(1)a) CBE) et
- l'affaire n'est pas renvoyée à la division d'opposition (article 111(1) CBE).
1.1 Requête en correction du procès verbal
La division d'opposition n'a pas réagi à la demande de la requérante selon laquelle le procès-verbal de la procédure orale au stade de l'opposition (règle 124 CBE) doit être corrigé.
De l'avis de la requérante, "il s'agit d'une [première] violation substantielle de procédure qui l'a conduite à devoir déposer le présent recours". La requérante demande que le procès-verbal soit corrigé et que la taxe de recours soit remboursée.
Il est certes regrettable que la division d'opposition n'ait pas réagi à la requête en correction du procès-verbal. Ceci dit, seule la division d'opposition peut effectuer une telle correction. La chambre ne peut pas la forcer à le faire (cf. T 2150/15, point 6 des motifs).
En ce qui concerne le bien-fondé de cette requête, la requérante n'a pas expliqué en quoi l'objet des modifications souhaitées a eu une influence sur la décision contestée.
Au contraire, les corrections, même si elles avaient été acceptées, n'auraient pas eu d'influence sur le cours des événements :
- Pendant la procédure orale, il a effectivement été discuté de la requête subsidiaire 2 alors en vigueur. Le procès-verbal indique que "le titulaire du brevet a fourni tous ses arguments" et que "plusieurs interruptions pour délibérer" ont été nécessaires.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'absence d'un avis préliminaire de la division d'opposition au sujet de la requête subsidiaire 2 alors en vigueur, la chambre note que cette requête a seulement été déposée après la convocation à la procédure orale dans le cadre de l'opposition.
- Avant que la décision contestée ne soit rendue, la requérante a présenté des paragraphes de la description adaptés à la requête subsidiaire 3 alors en vigueur et numérotés sur la base du brevet contesté. Ces paragraphes adaptés ont ensuite été pris en compte dans la décision contestée.
Il n'a été démontré - et la chambre n'a pu établir - aucun lien de causalité entre la décision contestée et la violation alléguée, c'est-à-dire l'absence de justification pour laquelle la division d'opposition n'a pas tenu compte de la requête en correction du procès-verbal.
Or, d'après la jurisprudence constante, "un vice de procédure qui n'a joué aucun rôle dans la décision ne peut être considéré comme substantiel" (La Jurisprudence des Chambres de recours, 9e édition, 2019, V.A.9.5.2).
1.2 Révision préjudicielle
De l'avis de la requérante, la division d'opposition aurait dû procéder à une révision préjudicielle au titre de l'article 109 CBE sur la base de la présente requête subsidiaire 1. Le fait qu'elle ne l'a pas fait constituerait une deuxième violation substantielle de procédure.
En principe, comme l'opposante avait retiré son opposition, la division d'opposition aurait théoriquement pu procéder à une révision préjudicielle sur la base d'une requête principale. En revanche, une révision préjudicielle ne peut jamais être accordée sur la base d'une requête subsidiaire même si cette dernière est de nature à répondre aux motifs de la décision (cf. T 919/95, fin du point 2.1 ainsi que point 2.3 des motifs). Cela vaut même lorsque la titulaire donne explicitement son accord à l'émission d'une notification selon la règle 71(3) CBE, car la titulaire a le droit de voir les requêtes de rang supérieur examinées par la chambre de recours. Or, ce droit n'aurait pas été respecté si la division d'opposition avait accordé une révision préjudicielle sur la base de la requête subsidiaire.
Requête principale
La requête principale correspond à la requête subsidiaire 2 de la décision contestée.
2. Prise en considération des documents D21 à D23
De l'avis de la requérante, le dépôt de ces documents est une réaction directe à la décision contestée.
L'objectif de ces documents est de prouver que la structure de la composition de l'invention se distingue de celle de l'exemple 2 de D3 et que les effets sont obtenus.
Il aurait certes été souhaitable de présenter ces documents après la citation à la procédure orale dans le cadre de l'opposition, qui avait déjà indiqué qu'une différence de structure entre l'invention et D3 ne pouvait pas être établie sur la base des documents présentés (cf. le point 2.2.4.1).
Cependant, les documents D21 à D23 visent effectivement à conforter une argumentation que la requérante avait déjà développée en première instance. En effet, dès le début de la procédure d'opposition (cf. les pages 6 et 7 de la réponse à l'acte d'opposition), la requérante a défendu la position selon laquelle la structure de la composition minérale de l'invention est différente de celle de l'exemple 2 de D3. Elle a présenté les documents D17 et D18 à cet égard, mais la division d'opposition a jugé ces preuves insuffisantes.
D'après la jurisprudence établie, de nouveaux documents peuvent être pris en considération s'il s'agit de conforter une argumentation déjà développée (La Jurisprudence des Chambres de recours, 9e édition, 2019, V.A.4.13.1).
Compte tenu de cette ligne d'argumentation, la chambre prend donc en considération les documents D21 à D23 (article 12(2) RPCR 2020).
3. Activité inventive
3.1 L'invention concerne une composition minérale à base d'une phase solide mixte de carbonates de calcium et de magnésium.
3.2 La division d'opposition a considéré l'exemple 2 du document D3 comme étant l'état de la technique le plus proche.
La requérante ne conteste pas le fait que cet exemple divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 à part le rapport molaire Ca/Mg et la structure de la composition minérale.
La division d'opposition avait seulement reconnu le rapport molaire comme différence.
Comme cet exemple de D3 concerne également une composition minérale à base d'une phase solide mixte de carbonate de calcium et de magnésium, et divulgue plusieurs caractéristiques de la revendication 1, cet exemple est effectivement approprié comme état de la technique le plus proche.
3.3 D'après le brevet, le problème à résoudre est de mettre à disposition une composition minérale à base d'une phase solide mixte de carbonates de calcium et de magnésium avec une porosité volumique élevée, une masse volumique peu élevée et une faible conductivité thermique tout en conservant des propriétés mécaniques acceptables (alinéas [0007] et [0020]).
3.4 Il est proposé de résoudre ce problème par la composition de la revendication 1 caractérisée
- en ce que le rapport molaire Ca/Mg est compris entre 0.4 et 1.2 (il n'a pas été contesté que ce rapport est de 1.85 dans l'exemple 2 de D3)
- par la structure des agrégats avec un c½ur calcique sur lequel sont agrégées des plaquettes d'hydromagnésite.
En se basant notamment sur l'image D4 ainsi que sur les documents D16 et D17, la division d'opposition n'a pu établir de différence entre la structure de l'invention et celle de l'exemple 2 de D3.
Or, les documents D21 à D23 présentés avec les motifs du recours prouvent effectivement que la composition de l'invention possède la structure revendiquée (cf. les images de D21), tandis que la structure de l'exemple 2 de D3 correspond plutôt à des bâtonnets de Mg entourés de "grains de riz" en cristaux de Ca (cf. les images de D22).
Les images à la dernière page du document D23 confirment cela en comparant les structures aux mêmes taux d'agrandissement.
3.5 Le document D23 prouve en outre que la différence de structure qui résulte du rapport Ca/Mg conduit à une diminution de la masse volumique et de la conductivité thermique.
Le problème a donc été résolu avec succès.
3.6 Ni le document D3, ni les autres documents de l'état de la technique disponibles suggèrent que le rapport molaire Ca/Mg revendiqué conduit à la solution du problème technique posé.
Notamment le document D1 (cf. les alinéas [0001] et [0143] ainsi que l'exemple 2), qui divulgue un mélange de carbonate de calcium avec de l'hydromagnésite (formée à partir de la dolomite), ne comporte aucune mention d'un mélange avec le rapport Ca/Mg revendiqué, ni même de suggestion quant aux propriétés qui en résultent. D2 ne montre également pas de telle structure.
Le document D6 concerne des compositions à base de carbonates de magnésium et de calcium (formées à partir de la dolomite) à des fins d'isolation (page 1, lignes 10 à 26). Cependant, D6 ne comporte aucune mention du rapport molaire Ca/Mg revendiqué, ni même de suggestion quant à la structure et aux propriétés qui en résultent.
Cela vaut également pour les documents D7 à D9.
3.7 L'objet de la revendication 1, et donc également des revendications dépendantes 2 à 12, implique par conséquent une activité inventive (article 56 CBE).
4. Revendications 13 à 25
Les revendications de procédé 13 à 23 et d'utilisation 24 à 25 correspondent aux revendications 1 à 13 de la requête subsidiaire 3 telle que maintenue.
Ces revendications ne peuvent pas être mises en cause en raison de l'interdiction de la reformatio in peius (cf. G 9/92, JO 1994, 875, T 149/02, point 2 des motifs, ou T 856/92, également point 2 des motifs).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition en vue du maintien du brevet sur la base des revendications de la requête principale, déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours, avec une description à adapter le cas échéant.