T 2504/19 () of 14.11.2023

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2023:T250419.20231114
Date de la décision : 14 Novembre 2023
Numéro de l'affaire : T 2504/19
Numéro de la demande : 14703110.8
Classe de la CIB : D04H 1/4209
D04H 1/4218
D04H 1/4226
D04H 1/4242
D04H 1/736
D04H 1/74
D04H 1/76
D04H 5/04
D04H 5/12
E04B 1/76
E04B 1/80
C03B 37/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 330 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : PRODUIT D'ISOLATION THERMIQUE A BASE DE LAINE MINERALE ET PROCEDE DE FABRICATION DU PRODUIT
Nom du demandeur : SAINT-GOBAIN ISOVER
Nom de l'opposant : URSA Insulation S.A.
ROCKWOOL INTERNATIONAL A/S
Knauf Insulation SPRL
Chambre : 3.2.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 84
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 013(2)
Mot-clé : Revendications - clarté
Revendications - requête principale (non)
Revendications - clarté
Revendications - requête subsidiaire (non)
Modification après signification - circonstances exceptionnelles (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0003/14
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante (titulaire) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition par laquelle le brevet européen n**(o) 2 943 606 a été révoqué.

II. Selon la décision attaquée, la division d'opposition avait jugé, entre autres, que la revendication indépendante modifiée selon la requête subsidiaire 13 était conforme aux conditions de l'article 84 CBE, mais ne satisfaisait pas à d'autres conditions de la Convention. De plus, elle n'a pas admis la requête subsidiaire 14 déposée pendant la procédure orale.

III. Avec son mémoire de recours, la requérante a demandé l'annulation de la décision et, à titre principal, le maintien du brevet tel que délivré, subsidiairement sous une forme modifiée selon, entre autres, une des requêtes subsidiaires 13 et 14, identiques aux requêtes subsidiaires du même numéro objet de la décision attaquée.

IV. Demandant le rejet du recours, les intimées (opposantes 1 à 3) ont soulevé dans leurs répliques respectives (en mars 2020) entre autres des objections au titre de l'article 84 CBE contre les requêtes subsidiaires 13 et 14 et ont notamment demandé de confirmer la décision de la division d'opposition de ne pas admettre la requête subsidiaire 14.

V. La Chambre a convoqué (en novembre 2022) les parties à une procédure orale. Par notification, établie conformément à l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR 2020), les parties ont été informées de l'avis provisoire de la Chambre, considérant que la décision de la division d'opposition au regard de la requête principale devrait être confirmée et que par ailleurs il n'était pas possible d'identifier une requête subsidiaire qui pourrait former la base du maintien du brevet sous forme modifiée. La Chambre considérait notamment au regard des requêtes subsidiaires 13 et 14 que les modifications introduites conduisaient à un manque de clarté (article 84 CBE), au moins pour les raisons indiquées par les intimées-opposantes 1 et 3 dans leurs répliques respectives.

VI. La procédure orale devant la Chambre a eu lieu le 14 novembre 2023 au cours de laquelle la requérante a retiré sa requête principale ainsi que toutes les requêtes subsidiaires soumises avec son mémoire de recours sauf les requêtes subsidiaires 13 et 14. Elle a également déposé une nouvelle requête subsidiaire 15 que la Chambre n'a pas prise en compte dans la procédure.

VII. Les requêtes finales des parties sont alors les suivantes:

La requérante a demandé à titre principal le maintien du brevet sous forme modifiée selon la requête subsidiaire 13 et, à titre subsidiaire, selon les requêtes subisidiaires 14 et 15.

Les intimées ont demandé le rejet du recours.

VIII. La revendication 1 selon la requête principale ("requête subsidiaire 13") s'énonce comme suit (texte souligné par la Chambre pour indiquer les modifications par rapport à l'énoncé de la revendication correspondante telle que délivrée):

"Procédé de fabrication d'un produit d'isolation thermique à base de laine minérale, comprenant les étapes suivantes :

- fabrication de fibres minérales par centrifugation interne,

- réception des fibres minérales sur un tapis de réception ayant une vitesse V0,

- convoyage des fibres minérales sur un premier groupe de convoyeurs, la vitesse V1 du dernier convoyeur du premier groupe de convoyeurs étant comprise entre 100% et 105% de V0 et la vitesse de chaque convoyeur du deuxième groupe augmentant de la même quantité que pour le convoyeur précédent ou plus vite que celle du convoyeur précédent, ou la vitesse V1 du dernier convoyeur du premier groupe de convoyeurs étant supérieure à 100% de V0 et inférieure ou égale à 105% de V0,

- convoyage des fibres minérales sur un deuxième groupe de convoyeurs, la vitesse V2 du dernier convoyeur du deuxième groupe de convoyeurs étant comprise entre 108% et 120% de V0, de préférence entre 110% et 115% de V0."

Par rapport à la requête principale, l'énoncé de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 14 a été limité par la suppression d'une partie du libellé introduit dans la requête principale, notamment de la caractéristique "ou la vitesse V1 du dernier convoyeur du premier groupe de convoyeurs étant supérieure à 100% de V0 et inférieure ou égale à 105% de V0,".

Dans la requête subsidiaire 15, la caractéristique ajoutée dans la revendication de la requête principale (soulignée ci-dessus) a été supprimée et le libellé suivant ajouté à la fin de la revendication: "dans lequel la vitesse de chaque convoyeur du deuxiéme groupe augmente de la même quantité que pour le précédent ou plus vite que celle du convoyeur précédent."

IX. Les arguments de la requérante peuvent être résumés ainsi.

Requête principale ("requête subsidiaire 13") et requête subsidiaire 14

La revendication modifiée satisfaisait aux exigences de l'article 84 CBE. Résultant d'une maladresse de rédaction, respectant le libellé de la revendication dépendante telle que delivrée sur laquelle la modification était basée, il était néanmoins clair pour l'homme du métier que l'expression introduite "du deuxième groupe" se rapportait évidemment au deuxième groupe défini par la suite.

Requête subsidiaire 15

Cette requête devait être admise car l'objection au titre de l'article 84 CBE soulevée par les intimées dans leurs répliques n'était que formelle, ne portant que sur un manque d'antécédent, sans explication en quoi ceci conduisait à un manque de clarté. Il ne relevait pas du devoir de la requérante de demander aux intimées de motiver leurs objections. L'objection a été motivée pour la première fois pendant la procédure orale devant la Chambre, ce qui constituait des circonstances exceptionnelles justifiant sa prise en compte dans la procédure. La requête subsidiaire 15 ne changait par ailleurs rien au sujet du recours.

X. Les arguments des intimées peuvent être résumés ainsi.

Requête principale ("requête subsidiaire 13") et requête subsidiaire 14

Dans leurs répliques au mémoire de recours les intimées arguaient que l'expression "du deuxième groupe" dans le libellé ajouté à la revendication 1 de la requête subsidiaire 13 faisait référence à un deuxième groupe sans qu'un tel deuxième groupe ait été défini auparavant, résultant en un manque de clarté. L'un des problèmes était de définir une caractéristique sur le deuxième groupe de convoyeurs dans le premier groupe de convoyeurs et de se demander s'il n'y avait pas une ambiguïté et si la modification concernait le premier groupe et non le deuxième groupe. Cela introduisait un problème de clarté pour l'homme du métier.

Requête subsidiaire 15

La requête subsidiaire ne devait pas être admise faute de circonstances exceptionnelles. L'objection de clarté avait été soulevée par les intimées 1 et 3 dans leurs répliques au mémoire de recours. La requérante aurait alors pu réagir sur ces objections plus tôt, soit en indiquant que l'objection n'était pas compréhensible, soit en déposant une requête subsidiaire adaptée.

Motifs de la décision

Requête principale ("requête subsidiaire 13")

1. La revendication 1 modifiée de cette requête ne satisfait pas à la condition de clarté de l'article 84 CBE.

L'introduction de la caractéristique "et la vitesse de chaque convoyeur du deuxième groupe [...]" directement après la définition de la caractéristique portant sur le convoyage des fibres sur "un premier groupe de convoyeurs", sans une définition antérieure d'un deuxième groupe, introduit une ambiguïté dans la revendication. Selon la Chambre le libellé inclut la possibilité d'un deuxième groupe faisant, par exemple, partie du premier groupe en plus du deuxième groupe défini dans la caractéristique suivante portant sur le convoyage des fibres sur un deuxième groupe de convoyeurs. Cette ambiguïté présente alors un manque de clarté de l'objet revendiqué, contraire aux dispositions de l'article 84 CBE.

2. La Chambre ne peut pas alors confirmer la conclusion de la division d'opposition ayant considéré que la construction de la revendication n'était pas optimale, mais qu'elle était compréhensible, précisant en plus son interprétation. Pourtant, cette interprétation n'est pas la seule possible, comme il a été indiqué ci-dessus. La Chambre note que la division d'opposition avait visiblement reconnu aussi le problème potentiel qui résultait de la modification ("n'est pas optimale" - voir paragraphe 1.5 à la page 18 de la décision). Cependant, dans le cas d'une modification telle que celle-ci, il ne s'agit pas seulement de trouver une formulation plus ou moins optimale. Les chambres de recours ont confirmé à maintes reprises que les revendications doivent être claires dans l'intérêt de la sécurité juridique, car elles ont pour but de permettre la détermination de l'étendue de la protection conférée par le brevet (voir par exemple II.A.1.1, Jurisprudence des Chambres de recours, 10e édition, 2022). La Chambre ne voit aucune raison d'appliquer un standard inférieur dans le cas présent.

3. Pour des raisons similaires, les arguments soumis par la requérante ne sont pas convaincants. Même si le défaut de clarté était basé sur une maladresse de rédaction, l'objet résultant revendiqué n'est pas clair, contrairement aux dispositions de l'article 84 CBE. La définition "d'un deuxième groupe" de convoyeurs se trouvant plus loin dans la revendication et l'absence de toute autre "deuxième groupe" dans la revendication n'enlève pas le doute ni l'ambiguïté introduits par le choix de l'endroit où cette caractéristique a été ajoutée dans la revendication.

4. Par souci d'exhaustivité la Chambre note que cette objection au titre de l'article 84 CBE, portant sur une revendication modifiée sur la base d'une combinaison de revendications delivrées, n'est pas exclu des considérations du dispositif de la décision G 3/14 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 2015, A102). Outre que le libellé ajouté ne reproduit pas exactement le libellé des revendications correspondantes telles que delivrées, notamment celui de la revendication 12, le manque de clarté résulte notamment du choix effectué par la requérante de la position précise où la caractéristique a été introduite. La requérante n'a pas non plus argué que l'objection sortait du cadre fixé par le dispositif de G 3/14.

5. Par conséquent, la Chambre ne peut pas faire droit à la requête principale de maintenir le brevet sous cette forme modifiée.

Requête subsdidiaire 14

6. Indépendamment de la question concernant l'admissibilité de la requête subsidiaire 14, non-admise dans la procédure d'opposition, sa revendication indépendante 1 présente le même défaut de clarté (article 84 CBE) que celle de la requête principale. La modification apportée, c'est-à-dire la suppression d'une partie des caractéristiques ajoutées dans la revendication selon la requête principale, ne peut rien changer à la conclusion précédante de la Chambre. La requérante n'a pas non plus argué que cela pourrait être le cas. La demande de maintien du brevet sous forme modifiée selon la requête subsidiaire 14 est alors rejetée.

Requête subsidiaire 15

7. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation au titre de l'article 13(2) RPCR 2020, la Chambre a décidé de ne pas prendre en compte dans la procédure la requête subsidiaire 15.

7.1 Selon l'article 13(2) RPCR 2020 toute modification des moyens présentée par une partie après la signification d'une citation à une procédure orale n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes.

7.2 La modification de la revendication indépendante de la requête subsidiaire change l'objet revendiqué afin de remédier à l'objection de clarté ayant conduit au rejet des requêtes précédentes. Elle représente alors une modification des moyens invoqués par la requérante. La requête subsidiaire 15 a été présentée pendant la procédure orale, donc après la citation à la procédure orale. Comme déjà mentionné, elle a été présentée afin de remédier aux objections de clarté qui, par contre, ont été soulevées dans les écrits des intimées, notamment dans les répliques des intimées 1 et 3. La discussion lors de la procédure orale portait sur ces objections et a conduit à développer l'argument des intimées présenté auparavant par écrit, mais n'a pas introduit d'éléments surprenants qui auraient pu changer le sujet du recours. La Chambre ne trouve pas de circonstances exceptionnelles dans le cadre de ces discussions.

7.3 La Chambre rejette l'argument de la requérante selon lequel l'objection soulevée par écrit était uniquement formelle et essentiellement incompréhensible. Un manque d'antécédent soulevé dans le cadre de l'examen de clarté (article 84 CBE) est une objection tellement courante, qu'il est difficile d'accepter qu'une telle objection soit uniquement formelle et totalement incompréhensible sans plus d'explication. De plus, même si on considérait que tel pourrait être le cas, il a été donné une explication supplémentaire par au moins une des intimées des raisons pour lesquelles l'expression "du deuxième groupe", à l'endroit où elle a été introduite dans la revendication, pouvait prêter à confusion et donc présenter un manque de clarté.

Par ailleurs, si la requérante n'avait pas compris l'essence de ces objections présentées dans les répliques des intimées elle aurait pu et dû réagir plus tôt dans la procédure, soit par une réplique dans ce sens, soit par la présentation d'une requête subsidiaire à un moment antérieur de la procédure. Entre les répliques des intimées et la citation à la procédure orale se sont écoulés plus de deux ans, la requérante avait donc amplement le temps de répliquer et/ou soumettre des requêtes subsidiaires qui auraient pu échapper aux critères plus stricts d'admissibilité des modifications de l'article 13(2) RPCR 2020.

7.4 Les arguments de la requérante ne constituent pas des raisons convaincantes qui pourraient justifier des circonstances exceptionnelles et la prise en compte de la requête subsidiaire 15 dans la procédure.

8. En absence d'une requête satisfaisant aux exigences de la Convention, la Chambre confirme la décision de la division d'opposition par laquelle le brevet a été revoqué.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

Quick Navigation