European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2023:T101119.20230116 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 16 Janvier 2023 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1011/19 | ||||||||
Numéro de la demande : | 08761848.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | B29B 13/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | Perfectionnements à la chauffe des matières plastiques par rayonnement infrarouge | ||||||||
Nom du demandeur : | Sidel Participations | ||||||||
Nom de l'opposant : | Hartmut Schütte | ||||||||
Chambre : | 3.2.05 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Opposabilité du document E4 (non) Motifs d'opposition - extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée (non) Motifs d'opposition - non brevetable (non) Interprétation de l'objet de la revendication 1 Nouveauté (oui) Activité inventive (oui) |
||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. Et l'opposant et la titulaire du brevet ont formé un recours contre la décision de la division d'opposition sur la version dans laquelle le brevet européen n° 2 125 316 (ci-après « le brevet ») peut être maintenu.
II. La division d'opposition a décidé que la revendication 1 du brevet tel que délivré ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 123(2) CBE, et que l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 était dépourvu de nouveauté, mais que la requête subsidiaire 1bis satisfaisait aux exigences de la CBE.
III. Parmi les documents pris en considération par la division d'opposition, les documents suivants ont été utilisés par les parties dans la procédure de recours :
E1 DE 3210676 A1
E4 CA 2 652 585 A1
E4A WO 2006/060690 A2.
IV. La procédure orale devant la chambre a eu lieu le 16 janvier 2023.
V. Le requérant I (opposant) a requis l'annulation de la décision objet du recours et la révocation du brevet.
VI. La requérante II (titulaire du brevet) a requis l'annulation de la décision objet du recours et le maintien du brevet tel que délivré, ou l'annulation de la décision objet du recours et le maintien du brevet sur la base de la requête subsidiaire 1bis déposée lors de la procédure orale devant la division d'opposition, ou sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 7 déposées par fax le 20 novembre 2019 avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours du requérant I.
VII. La revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) est rédigée comme suit (les références pour les caractéristiques utilisées par la chambre sont indiquées entre crochets) :
« [1] Procédé pour chauffer une matière plastique du type [2-1] polyéthylène téréphtalate (PET), [2-2] polypropylène (PP), [2-3] acide polylactique (PLA) ou [2-4] mélangé PET/nylon 2%, [4] au moyen d'au moins une source de rayonnement électromagnétique, caractérisé en ce que [5] le rayonnement électromagnétique est émis dans l'infrarouge à une longueur d'onde ou dans un spectre de longueurs d'onde compris dans l'une des gammes suivantes :
· [6-1] 1110 - 1160 nm ;
· [6-2] 1390 - 1450 nm ;
· [6-3] 1610 - 1650 nm ;
· [6-4] 1675 - 1700 nm ;
· [6-5] 1880 - 2100 nm ;
· [6-6] 2170 - 2230 nm. »
(Les caractéristiques soulignées ont été ajoutées à la revendication 1 au cours de la procédure d'examen.)
VIII. L'argumentation des parties concernant les points décisifs pour le recours peut être résumée comme suit :
a) Opposabilité du document E4
i) Requérante II (titulaire)
Le document E4 est une demande de brevet canadienne déposée avant le brevet européen de la titulaire, mais non publiée à la date de dépôt du brevet européen de la titulaire. Il ne fait donc pas partie de l'état de la technique opposable.
b) Requête principale : conformité à l'article 123(2) CBE
i) Requérante II (titulaire)
Un mélange PET/Nylon 2% est une matière plastique. La revendication 1 telle que déposée portait sur le procédé de chauffe pour une matière plastique, et ce de manière indifférenciée. Le PET/Nylon 2%, qui est un exemple de réalisation d'une matière plastique, était implicitement couvert par la revendication 1 telle que déposée, et par conséquent de la demande telle que déposée. La description telle que déposée précise au paragraphe [0017] que le procédé vise à chauffer un objet intermédiaire réalisé dans une matière thermoplastique pour l'obtention d'un objet fini. La description telle que déposée mentionne notamment le polyéthylène téréphtalate (PET), le polypropylène (PP) et l'acide polylactique (PLA) parmi les matériaux envisagés (paragraphe [0018]). L'utilisation d'un mélange PET/Nylon 2% n'y est pas exclue. La demande telle que déposée fait état de relevés de longueurs d'onde effectués suite à des essais sur des plaques minces réalisés en PET, PLA, PP et mélange PET/Nylon 2% (paragraphe [0022]), les tests ayant été menés pour sélectionner un spectre qui puisse convenir à une chauffe effectuée de manière industrielle sur l'ensemble de ces matériaux (paragraphe [0020]). Le paragraphe [0020] suit directement les paragraphes [0017] à [0019]. Dans les tableaux 2.1 à 2.5 relatifs aux tests, les longueurs testées pour le PET, le PLA, le PP et le mélange PET/Nylon 2% sont identiques. Suite aux tests, des longueurs d'onde ne permettant pas l'obtention du compromis entre le rendement et le gradient thermique ont été retirées, le compromis étant effectué pour l'ensemble des matériaux testés. A la lumière de la description, l'homme du métier aurait directement et sans ambiguïté déduit que le mélange PET/Nylon 2% est un matériau applicable au procédé. La modification effectuée en procédure d'examen ne contrevient donc pas aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
ii) Requérant I (opposant)
C'est à juste titre que la division d'opposition a estimé que la requête principale déposée par la titulaire reposait sur une extension non admissible.
c) Requête principale : interprétation de la revendication 1
i) Requérant I (opposant)
Il ne convient pas d'interpréter la revendication 1 comme si le rayonnement électromagnétique devait se limiter aux seules gammes de longueurs d'onde définies par les caractéristiques 6-1 à 6-6. Une revendication large ne doit pas être limitée par une interprétation trop restrictive (voir les décisions T 607/93 et T 1408/04 et les Directives relatives à l'examen, partie F-IV. 4.2). Au paragraphe [0038], le brevet explique qu'il peut être avantageux de combiner plusieurs longueurs d'onde ou plusieurs spectres. Il est indiqué que plusieurs sources de lumière peuvent être utilisées. Toutefois, une source de lumière couvrant plusieurs spectres en commun serait justement couverte par ce libellé. Il est également précisé dans la revendication 11 que plusieurs rayonnements de différentes longueurs d'onde peuvent être émis. Il n'y a donc pas de limitation à ces seules longueurs d'onde. La précision « seulement » est absente à la fois des revendications et de la description du brevet. Le paragraphe [0035] du brevet suggère d'utiliser une source de rayonnement avec un spectre d'émission aussi large que possible afin de couvrir la gamme de longueurs d'onde revendiquée. La revendication 1 doit donc être interprétée en ce sens que l'on émet entre autres dans les gammes revendiquées, mais qu'une émission plus large est possible et même souhaitée.
Par ailleurs, il faut interpréter chacune des gammes de la revendication 1 comme l'homme du métier l'aurait comprise. Lorsque le rayonnement est obtenu à l'aide de filtres, comme cela est divulgué au paragraphe [0035] du brevet, on définit habituellement la largeur de bande à mi-hauteur (« Halbwerts-Bandbreite ») comme la zone où l'intensité du rayonnement a chuté du maximum à 50% (cf. document E4A, page 15, lignes 10 et 11). Les gammes de la revendication 1 doivent être comprises en ce sens, ce qui veut dire qu'il y a également du rayonnement en dehors de ces gammes. Il n'est pas possible de définir des limites avec précision, ne serait-ce que parce que les filtres n'ont pas une pente absolue et que les flancs ont une certaine pente (« Flankensteilheit »). À titre d'exemple, une largeur de bande de 1110 à 1150 nm peut signifier que l'on trouve 50% de la puissance maximale à 1150 nm et 30% de la puissance maximale à 1170 nm. Il y a donc du rayonnement en dehors des gammes revendiquées. Lorsque la revendication 1 est interprétée de manière correcte, sa partie caractérisante est antériorisée même par une lampe de quartz.
ii) Requérante II (titulaire)
Les décisions citées par le requérant I ne sont pas pertinentes. Ni la décision T 607/93, ni la décision T 1408/04 (qui concerne l'article 123(2) CBE) n'interdit d'interpréter la revendication à l'aide de la description pour traiter un problème de clarté. Les Directives relatives à l'examen (partie F-IV 4.2) prévoient clairement que la description peut donner un sens explicite aux termes employés dans la revendication ou leur donner un sens d'une autre manière. Les paragraphes [0035] et [0038] du brevet mentionnés par le requérant I ont été correctement pris en compte par la division d'opposition. Le requérant I tente de donner à l'expression « rayonnement électromagnétique émis à une longueur d'onde ou dans un spectre de longueurs d'ondes compris dans l'une des gammes » un sens absurde. Selon la jurisprudence constante, pour interpréter le brevet, l'homme du métier doit être animé de la volonté de comprendre et éviter de cultiver les malentendus. Le requérant I tente d'introduire un glissement sémantique dans la revendication 1. En affirmant que le brevet au paragraphe [0035] propose d'utiliser une source de rayonnement présentant un spectre d'émission aussi large que possible afin de couvrir la plage de longueurs d'ondes revendiquées, le requérant I dénature le contenu de ce paragraphe. Celui-ci mentionne bien la nécessité de restreindre le spectre de rayonnement émis. Le brevet divulgue bel et bien que le rayonnement doit être émis seulement dans les gammes revendiquées, soit parce que des sources monochromatiques ou quasi-monochromatiques sont utilisées, soit parce que des filtres interférentiels sont employés. Le brevet ne laisse pas de doute sur le fait qu'on a bien une sélection. C'est avec raison que la division d'opposition a observé que l'utilisation pure et simple d'une source à large spectre ne ferait pas de sens (car beaucoup de longueurs d'onde ne seraient pas utilisées pour chauffer la matière plastique), et qu'il est important que les radiations émises vers la matière plastique à chauffer aient uniquement les longueurs d'onde revendiquées. Il ressort du paragraphe [0037] du brevet qu'en dehors des tolérances, le rayonnement émis ne permet pas d'atteindre les objectifs formulés. On est donc bien dans une sélection, de sorte que le rayonnement émis soit dans les gammes revendiquées, et non pas en dehors de ces gammes. Comme indiqué dans le paragraphe [0035] du brevet, il y a des sources qui ne sont pas monochromatiques mais qui émettent avec une tolérance de quelques nanomètres. Le requérant I semble faire valoir une insuffisance de description parce qu'il n'y aurait pas de sources qui puissent émettre spécifiquement dans les gammes revendiquées. Or, des sources quasi-monochromatiques existent. Leur utilisation permet d'obtenir un rayonnement dans les gammes du tableau 3.2 du brevet, qui correspond à la revendication 1. Si la source est une lampe, il appartient à l'homme du métier de choisir des filtres appropriés.
Dans le monde physique réel, il est difficile d'avoir une source parfaitement monochromatique. Il y a nécessairement un certain étalement dans le rayonnement. Il est possible qu'il y ait un rayonnement extrêmement faible, quasi nul, en dehors des gammes revendiquées, mais en dehors des tolérances mentionnées au paragraphe [0037] du brevet, les objectifs ne sont pas atteints. Lorsqu'on regarde les tableaux 2.1 à 2.5 du brevet, on discerne des longueurs d'onde marquées par des astérisques, qui doivent être écartées. Il y a donc nécessairement une certaine marge de tolérance, mais ce qui est revendiqué est clairement une émission dans les gammes revendiquées, « à la perfection du monde physique près ». Il n'y a pas de contribution au rayonnement en dehors de ces gammes.
d) Requête principale : nouveauté de l'objet de la revendication 1 au vu du document E4A
i) Requérant I (opposant)
Le document E4A enseigne la sélection d'au moins une gamme de longueurs d'onde en fonction du matériau à chauffer et la différence entre le chauffage en surface et le chauffage en profondeur (voir page 2, lignes 21 à 22, page 29 et page 30, lignes 9 à 12). Par ailleurs, il convient de se référer à la figure 10 et à sa description, selon laquelle le PET peut être irradié à une longueur d'onde de 2.9 µm pour chauffer une surface extérieure (cf. le passage allant de la page 30, ligne 32, à la page 31, ligne 6). Le troisième paragraphe de la page 32 indique que le PET peut également être irradié à une longueur d'onde de 1 µm afin de chauffer les couches et les zones plus profondes du PET. Le dernier paragraphe de la page 32 du document E4A indique que non seulement le PET, mais aussi le PEN ou le PLA peuvent être utilisés comme matériau. Les figures 9 et 10 montrent que le matériau PET est très absorbant dans la région des longues longueurs d'onde et très transmissif dans les régions des longueurs d'onde visibles et proches de l'infrarouge. La transmission varie fréquemment et brusquement, et souvent de façon très substantielle, parfois à moins de 0.1 mym. La figure 10 montre des pics d'absorption marqués, tel le pic à 1680 nm. Cette longueur d'onde tombe dans la plage revendiquée, de sorte que le document E4A est préjudiciable à la nouveauté de l'objet de la revendication 1.
ii) Requérante II (titulaire)
Le document E4A a été introduit par l'opposant lors de la procédure orale, au motif que le document E4 n'est compris dans l'état de la technique qu'au titre de l'article 54(3) CBE, alors que le document E4A est dans l'état de la technique au titre de l'article 54(2) CBE. Il n'est pas exact que le document E4A a essentiellement le même contenu que le document E4. Par ailleurs, l'opposant n'a pas justifié la production tardive du document E4A. L'opposant ne pouvait ignorer que, de l'avis de la division d'opposition, le contenu du document E4 ne s'opposait ni à la nouveauté ni à l'activité inventive. Or, il a introduit le document E4A dans le but de contester l'activité inventive.
Le document E4A, page 2, lignes 21 et suivantes, indique à l'homme du métier que des longueurs d'ondes différentes sont à choisir pour tenir compte des caractéristiques d'absorption des différents matériaux. Or, le procédé selon l'invention vise à sélectionner des longueurs d'onde qui puissent convenir à une chauffe réalisée de manière industrielle sur un ensemble de matériaux différents. Le document E4A présente le spectre d'absorption du PET entre 0 et 5000 nm, en lien avec les figures 9 et 10, avec une forte absorption du PET à 2900 nm (page 30 lignes 32 à 34), et une faible absorption du PET à 1000 nm (page 31, lignes 7 à 8). Ces deux valeurs ne sont pas dans les gammes revendiquées. De plus, le procédé selon l'invention ne vise pas à sélectionner des longueurs d'onde qui puissent convenir à une chauffe du PET seul. L'objet de la revendication 1 est donc nouveau au vu du document E4A.
e) Invention de sélection (document E1)
i) Requérant I (opposant)
Les domaines revendiqués ne constituent pas une invention de sélection. Les lampes à quartz haute température décrites dans le document E1 émettent un rayonnement entre environ 1 mym et environ 2 mym. Les gammes revendiquées se situent également entre 1 mym et 2 mym et couvrent ensemble une plage de longueurs d'onde d'environ 450 mym. Les trois critères utilisées par les chambres de recours pour établir la nouveauté des inventions de sélection (suivant les décisions T 198/84 et T 279/89) ne sont pas remplies. Les domaines choisis par la revendication 1 du brevet en cause ne sont pas étroits. Par ailleurs, il n'y a pas de distance suffisante par rapport à la zone connue du document E1. Enfin, la zone revendiquée est arbitrairement choisie. Le brevet lui-même enseigne les effets techniques sur toutes les gammes de longueurs d'onde. Contrairement à ce qui a été dit dans la notification de la chambre, une lampe à quartz n'émet pas un rayonnement jusqu'à une longueur d'onde de 14 µm. La figure 3 du document E1 montre un spectre d'absorption du PET ; il ne s'agit pas du spectre d'émission d'une source de rayonnement électromagnétique. Selon la page 11, lignes 3 à 6 du document E1, le matériau absorbe peu entre 2 et 5,5 µm. Le spectre d'émission est montré à la figure 5, qui est logarithmique. La courbe 42 atteint son maximum à une longueur d'onde d'environ 1.1 µm. La largeur de bande à mi-hauteur est d'environ 2.2 µm - 0.7 µm = 1.5 µm, et non pas 14 µm. La somme des gammes revendiquées n'est pas étroite par rapport à cette largeur. Le passage à la page 11, lignes 28 à 32, du document E1 divulgue également que des lampes à quartz émettent un rayonnement entre environ 1 et 2 µm.
ii) Requérante II (titulaire)
Le document E1 divulgue la chauffe de préformes en PET à l'aide d'une lampe à quartz à filament de tungstène. Il présente les courbes d'énergie rayonnée en fonction de la longueur d'onde pour la gamme comprise entre 100 et 3000 nm, en fonction de la température du corps, la courbe 42 étant celle des lampes choisies. Aucune sélection de gamme de valeurs de longueurs d'onde ou de longueur d'onde n'est proposée. Dans le brevet, les longueurs d'onde ont été sélectionnées dans l'ensemble du spectre pour une chauffe qui puisse être réalisée de manière industrielle sur différents matériaux en conservant une même source de rayonnement (paragraphe [0020]). Comme indiqué au paragraphe [0037] du brevet, en dehors des plages revendiquées, le rayonnement émis ne permet pas d'atteindre ces objectifs. Les plages revendiquées ne sont donc pas extraites arbitrairement. Une telle mise en oeuvre est surprenante pour un homme du métier, l'état de la technique l'incitant tout au contraire à changer de source de rayonnement lors d'un changement de matériau à chauffer. Les plages de valeur de longueurs d'onde sélectionnées sont étroites par rapport aux plages de rayonnement connues (780 à 3000 nm pour le document E1), et éloignées des valeurs extrêmes (780 nm et 3000 nm dans le document E1). L'opposant n'a pas cité d'exemple qui tomberait dans les gammes revendiquées. La figure 3 du document E1 montre un spectre d'absorption et illustre le fait que l'absorption varie de manière extrêmement forte et complexe pour des longueurs d'onde entre 2 et 14 µm. Aucun exemple de longueur d'onde n'y est divulgué. Quant à la figure 5, force est de constater qu'une lampe à quartz n'arrête pas d'émettre à une longueur d'onde de 3 µm, mais émet même au-delà. Par ailleurs, le document E1 ne divulgue pas l'utilisation d'un filtre permettant de sélectionner une longueur d'onde.
f) Activité inventive
i) Requérant I (opposant)
Le brevet définit un procédé permettant de chauffer différents matériaux, mais cela ne signifie pas que tous ces matériaux sont chauffés en même temps. Le procédé revendiqué n'implique pas nécessairement que l'émission se fasse dans toutes les gammes revendiquées ; l'utilisation d'une seule de ces gammes est également possible. Le domaine revendiqué est étroit et il n'y a pas d'effet surprenant qui ne serait pas décrit par l'état de la technique formé par les documents E4A et E1, ce dernier divulguant un domaine de 1000 nm. Le domaine revendiqué correspond à la sélection d'un domaine ayant une largueur d'un peu moins de 500 nm. Cela ne permet pas de justifier une activité inventive.
Le document E4A comprend un spectre de transmission du PET, entre 350 et 2450 nm (figure 10). La courbe montre un pic d'absorption vers 1650 nm (entre 1600 et 1800 nm) qui constitue un indice explicite pour ce domaine de longueurs d'onde. On retrouve des domaines correspondants aux tableaux 3.1 (1627-1647 nm et 1680-1695 nm) et 3.2 (1610-1650 nm et 1675-1700 nm) du brevet. À la page 30, à partir de la ligne 32, le document E4A explique que l'absorption du PET est très forte à 2,9 mym, ce qui permettrait en principe de chauffer la surface extérieure du matériau, mais que cette longueur d'onde est à éviter parce que le chauffage ne serait pas homogène. À la page 31, à partir de la ligne 7, la longueur d'onde de 1,0 mym est discutée. Le PET étant hautement transmissif à cette longueur d'onde (cf. figure 10), le rayonnement ne parvient pas à chauffer le matériau de manière efficace. L'homme du métier est donc incité à choisir des longueurs d'onde où l'absorption n'est ni trop élevée, ni trop basse. Les domaines autour de 2100 nm et autour de 1650 ou 1680 nm semblent particulièrement intéressants. Ces deux domaines sont explicitement revendiqués. On peut s'attendre à ce que d'autres matériaux peuvent également être chauffés à ces longueurs d'onde. En examinant la figure 10, on constate qu'il y a un pic d'absorption près de 1100 nm.
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
Extrait d'une capture d'écran effectuée pendant
la visioconférence: la zone surlignée correspond
au pic près de 1100 nm identifié par le requérant I
Un second pic est identifiable à environ 1410 nm (c'est-à-dire à l'intérieur de la gamme 6-2), puis un troisième à environ 1900 nm (à l'intérieur de la gamme 6-5). Comme le montre la figure 9, la transmission est très basse au-dessus de 3000 nm, ce qui veut dire que la figure 10 montre le spectre pertinent. Sans surprise, les pics que l'on extrait de la figure 10 se reflètent dans les gammes revendiquées. À la page 31, à partir de la ligne 28, le document E4A explique que, historiquement, il n'était pas possible de produire des densités de rayonnement infrarouge relativement élevées à des longueurs d'onde spécifiques, mais que le développement de nouvelles sources ouvre de nouveaux horizons à cet égard. Il faut interpréter la figure 10 en ayant à l'esprit cet arrière-plan. Cela ne constitue en rien un raisonnement ex post facto. Le fait que le document E4A ne montre la courbe que d'un PET spécifique n'y change rien, car cette courbe conduit l'homme du métier vers l'objet de la revendication 1, qui ne saurait donc être inventif.
Le document E1 comprend un indice explicite concernant le domaine allant de 1000 à 2000 nm. La nécessité de démontrer qu'un domaine sélectionné ne correspond pas à un effet technique particulier n'existe que lorsqu'un tout petit sous-domaine est choisi dans un grand domaine. Ces critères ne s'appliquent donc pas en l'espèce.
ii) Requérante II (titulaire)
Pour ce qui est des inventions de sélection, il faut d'abord que la sélection soit liée à un effet technique particulier. Le brevet met en évidence un tel effet technique (voir les paragraphes [0025] et suivants, avec les tableaux et les résultats obtenus pour le PET, le PLA, le polypropylène et le mélange PET Nylon 2%). Le problème technique résolu est de sélectionner les longueurs d'onde qui puissent convenir à une chauffe industrielle sur un ensemble de matériaux différents. Pour établir un défaut d'activité inventive, il faudrait qu'il existe un indice dans l'état de la technique qui conduise l'homme du métier à cette sélection. Dans le cas présent, on ne voit pas ce qui, dans les documents cités, suggérerait à l'homme du métier d'effectuer cette sélection. Le document E1 présente une courbe illustrant la variation complexe de l'absorption entre 2000 et 14000 nm pour le PET (figure 3). On ne voit pas comment cette courbe inciterait l'homme du métier à sélectionner le domaine revendiqué. Par ailleurs, il n'est pas question dans le document E1 d'un choix de longueur d'ondes adaptées à un ensemble de matériaux différents.
Le document E4A mentionne le PET et des longueurs d'onde exclues du domaine revendiqué, à savoir 2,9 et 1,0 mym. D'autres matériaux ne sont pas divulgués. L'homme du métier contemplant le document E4A n'identifie pas le problème technique et n'est en rien incité à sélectionner les gammes de longueur d'onde revendiquées. Il revenait à l'opposant de démontrer, soit qu'il n'y pas d'effet technique, soit que cet effet serait évident pour l'homme du métier au vu de ses connaissances générales. Cette démonstration n'a pas été faite. Le requérant I poursuit une approche « a posteriori », en extrayant d'un spectre allant de 350 à 2450 nm un enseignement incitant à travailler à une longueur d'onde de 1680 nm. Or, le document E4A ne fournit pas un tel enseignement ; les seules longueurs d'onde dont il est explicitement question se situent à 2,9 (page 30) et à 1,0 mym (page 31). La figure 10 ne couvre pas la longueur d'onde de 2,9 mym ; il ne convient donc pas d'associer l'enseignement du document E4A à cet égard avec la figure 10. Par ailleurs, la figure 10 présente les longueurs d'onde à une autre échelle (unité de l'abscisse : 100 nm) ; son objectif n'est pas d'identifier tel ou tel pic intéressant, mais de rappeler à l'homme du métier que l'absorption d'un PET varie fortement entre 350 et 2450 nm. Il n'est pas apparent pourquoi l'homme du métier choisirait une longueur d'onde d'environ 1680 nm plutôt que 2400 nm. Le document E4A explique que la longueur d'onde de 1 mym est à éviter, mais la figure 10 ne montre aucun pic à cette longueur d'onde. Il semblerait qu'il ne se passe rien, en termes d'absorption du PET, entre environ 550 nm et environ 1550 nm. Toute cette gamme serait donc à éviter. Or, la revendication 1 comprend deux gammes de longueur d'onde étroites qui se situent dans cette large gamme de longueur d'onde. Le document E4A dissuade donc l'homme du métier de choisir les gammes correspondantes aux caractéristiques 6-1 et 6-2. Par ailleurs, l'homme du métier n'est pas conduit à travailler dans la troisième gamme (1610 à 1650 nm) ou dans la quatrième gamme (1675 à 1700 nm). Même en admettant que la figure 10 incite l'homme du métier à se focaliser sur un domaine entre 1600 et 1750 nm, les gammes revendiquées constituent une sélection extrêmement précise qui exclut des longueurs d'onde ayant une transmission basse. La sélection va donc à l'encontre de l'enseignement tiré de la figure 10 selon lequel - selon le raisonnement du requérant I - une gamme assez large autour de 1650 nm conviendrait. Il ne faut pas présenter la figure 10 du document E4A comme traduisant le comportement du PET d'une manière très générale. Comme il ressort des tableaux 2.1 et 2.2 du brevet, des PET provenant de différents fournisseurs, les rendements et les gradients thermiques ne sont pas les mêmes. Or, il existe un assez grand nombre de PET sur le marché. L'homme du métier ne pourrait donc pas déduire de la figure 10 du document E4A que des longueurs d'onde seraient nécessairement adaptées pour tout PET. Au vu de ce qui est dit en page 30, lignes 28 à 31, la courbe représentée n'est probablement pas assez détaillée pour refléter les variations qui sont évoquées dans le document E4A. La courbe ne semble pas pouvoir permettre de déterminer les pics pertinents. Le raisonnement du requérant I à partir de la figure 10 doit être qualifié d'ex post facto. Cette figure ne s'intéresse pas au rendement et aux gradients thermiques. Elle montre simplement que la transmission varie entre 350 et 2450 nm pour un PET non identifié. Le document explique qu'il ne faut pas travailler à 1,0 et à 2,9 mym, mais il ne divulgue pas de longueur d'onde idoine, ni même de mode de raisonnement pour la déterminer. Le requérant I fait donc dire au document E4A quelque chose qu'il ne dit pas. Enfin, le document E4A concerne des sources du type RED. Le requérant I fait comme si le document incitait à fabriquer une source émettant à n'importe quelle longueur d'onde. Ceci est incorrect. Le document E4A enseigne simplement que les sources peuvent émettre dans une longueur d'onde comprise entre 1 et 3,5 mym (revendication 9) ou entre 1 et 5 mym (revendications 23, 24, 32). Il ne faut pas mélanger les propriétés du PET (qui sont une contrainte physique) avec les propriétés de la structure des sources décrites dans le document E4A (avec leurs propres contraintes physiques). Le document E4A ne divulgue pas des structures permettant d'émettre à des longueurs d'onde spécifiques. Par conséquent, l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 doit être reconnue.
Motifs de la décision
1. Opposabilité du document E4
Le document E4 est une demande de brevet canadien (CA 2 652 585 A1) déposée le 6 juin 2007 et publiée le 27 décembre 2007. Sa date de publication se situe donc entre la date de priorité du brevet (2 mars 2007) et sa date de dépôt (7 février 2008). Par conséquent, ce document ne serait opposable au brevet comme étant un art antérieur au sens de l'article 54(2) CBE que dans la mesure où la priorité ne serait pas valablement revendiquée. Or, la validité de la revendication de priorité n'a jamais été contestée. Par ailleurs, étant une demande de brevet canadien, le document E4 ne saurait faire partie de l'état de la technique au titre de l'article 54(3) CBE, comme la division d'opposition semble avoir pensé (voir l'affirmation de l'opposant au point 10 des motifs de la décision objet du recours, non contredite par la division d'opposition). Le document E4 n'est donc pas opposable au brevet.
Par ailleurs, la chambre note que la division d'opposition a considéré que le document E4 est un document « correspondant à la publication PCT WO2007/149121 A3 [sic] du 27.12.2007, également à l'origine de la publication EP2024163 A0 » (voir le point 3 de l'exposé des faits de la décision objet du recours). Or ni la demande internationale, ni la demande européenne qui en est issue n'ont été introduites dans la procédure. Elles ne sauraient donc être prises en compte dans l'examen de la brevetabilité de l'objet de la revendication 1 du brevet.
2. Admission du document E4A
La division d'opposition a admis le document E4A (WO2006/060690, voir le point 10 des motifs de la décision objet du recours) et a également fondé sa décision concernant l'activité inventive sur ce document.
Bien que le requérant II ait exprimé sa conviction que le document E4A « ne pouvait être admis dans la procédure » (cf. le neuvième paragraphe de la page 7 de la réponse déposée le 20 novembre 2019), il n'existe pas de base juridique explicite permettant d'exclure rétroactivement des moyens de preuve qui ont été admis dans la procédure et sur lesquels la division d'opposition s'est prononcée. Par conséquent, ce document est dans la procédure et opposable au brevet.
3. Requête principale - le motif d'opposition selon l'article 100 c) CBE
Au point 11.3 des motifs de la décision objet du recours, la division d'opposition a conclu que la revendication 1 de la requête principale ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 123(2) CBE.
La modification critiquée consiste en l'ajout des variantes 2-1 à 2-4, qui avait été suggéré par la division d'examen (voir l'annexe à la notification selon l'article 94(3) CBE du 22 avril 2013). L'objection concerne plus particulièrement la variante 2-4.
La division d'opposition a justifié sa conclusion comme suit.
« La division d'opposition note que seuls les matériaux PET, polypropylène (PP) et acide polylactique (PLA) sont mentionnés dans la description (p.3, lignes 34-35 de la demande) comme des matériaux envisagés, de manière générale, pour l'application du procédé de chauffe utilisant les gammes de longueur d'onde de la revendication 1 (voir p.2, lignes 24-29). Le matériau PET/Nylon 2% n'est pas mentionné dans la description comme une matière plastique envisagée de manière générale pour l'application du procédé de chauffe utilisant les gammes de longueur d'onde de la revendication 1 ; ledit matériau est uniquement mentionné en combinaison avec des longueurs d'onde spécifiques (tableau 2.5 de la demande). L'association du mélange PET/Nylon 2% avec les gammes de longueur d'onde de la revendication 1 consiste en un choix de paramètres particuliers qui constitue dès lors une généralisation qui n'est pas décrite de manière non-équivoque dans la demande telle que déposée. »
La division d'opposition a fondé sa conclusion sur le constat que la description originale cite dans la description de l'invention exclusivement le PET, le PP et le PLA, notamment à la page 3, lignes 34 et 35 :
« Parmi les matériaux envisagés, citons notamment le polyéthylène téréphtalate (PET), le polypropylène (PP) et l'acide polylactique (PLA), dont les principales caractéristiques thermiques sont rappelées dans le tableau 1 ci-dessous. Il est à noter que ces matériaux sont très utilisés dans la fabrication des récipients. »
Or ce texte ne limite pas l'invention aux trois matériaux cités. Le mot « parmi » suggère plutôt que d'autres matériaux peuvent être envisagés. Les échantillons décrits à partir de la page 4, ligne 17, sont des plaques minces réalisées en certains types de PET, PLA, PP et en un « Mélange PET/Nylon 2% ». Certains paramètres sont déterminés pour chacune de ces matières plastiques à différentes longueur d'onde (voir les Tableaux 2.1 à 2.5). Il est correct que ces longueurs d'onde ne correspondent pas exactement aux gammes de la revendication 1, mais l'homme du métier aurait compris que les gammes revendiquées ont été définies à partir de ces valeurs individuelles, d'autant plus que cela découle de la page 7, ligne 8 à 29 en combinaison avec le Tableau 3.2. Cela ressort également du passage suivant de la description originale :
« Des essais ont été conduits sur plusieurs matériaux afin de sélectionner dans l'ensemble du spectre des longueurs d'onde qui puissent convenir à une chauffe réalisée de manière industrielle sur l'ensemble de ces matériaux en conservant une même source de rayonnement électromagnétique. » (page 4, lignes 11 à 15 ; c'est la chambre qui souligne)
Il s'ensuit que la revendication 1 satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE et que le motif d'opposition selon l'article 100 c) CBE ne s'oppose pas au maintien du brevet tel que délivré.
4. Requête principale - l'interprétation de la revendication 1
Au point 12.3 des motifs pour la décision objet du recours, la division d'opposition s'est penchée sur l'interprétation de la revendication 1. Bien que ces conclusions concernent la requête subsidiaire 1 devant la division d'opposition, elles concernent également la revendication 1 de la requête principale.
Le coeur du débat concerne la bonne compréhension de la caractéristique 5, selon laquelle le rayonnement électromagnétique qui sert à chauffer la matière plastique est émis dans l'infrarouge à une longueur d'onde ou dans un spectre de longueurs d'onde compris dans l'une des gammes selon les caractéristiques 6-1 à 6-6. La question à trancher est de savoir si cette revendication couvre également l'utilisation d'une source dont le spectre comprend des longueurs d'onde en dehors des gammes définies par la revendication 1. Un mode particulier qui a été discuté concerne l'utilisation d'une source avec un large spectre d'émission combinée avec des filtres. Un tel mode de réalisation est-il couvert par la revendication 1 ?
4.1 Pertinence de la question
La chambre est consciente que ce débat a eu lieu dans un contexte de clarté par rapport à la requête auxiliaire 1 et concerne donc une problématique qui ne relève pas de la compétence de la chambre, étant donné qu'il s'agit d'une revendication telle que délivrée (voir à ce sujet l'exergue de la décision G 3/14 de la Grande Chambre de recours). Néanmoins, l'interprétation correcte de la revendication est indispensable pour l'examen de la brevetabilité de l'objet de la revendication. La chambre doit donc trancher cette question.
4.2 « ... le rayonnement électromagnétique est émis ... »
La première question qui se pose est celle de savoir ce qui est visé par l'affirmation que le rayonnement en question « est émis » par la source électromagnétique. S'agit-il de la génération du rayonnement ou de son émission effective ? Cette question trouve sa réponse au paragraphe [0035] du brevet :
« Aussi, bien qu'il soit possible par divers montages (tel que l'interposition d'un filtre interférentiel devant une lampe halogène) de restreindre le spectre du rayonnement émis pour obtenir un rayonnement à longueur d'onde unique (monochromatique) ou avec une tolérance de quelques nanomètres (quasi-monochromatique), il est plus raisonnable de choisir une source moins coûteuse (telle qu'une diode laser de puissance) dont le spectre émis couvrira la longueur d'onde sélectionnée, sans pour autant s'étendre jusqu'à une (ou plusieurs) longueur(s) d'onde indésirable(s). »
Comme il est possible de restreindre le spectre du rayonnement émis par l'interposition d'un filtre, l'émission en question ne saurait décrire la génération du rayonnement par la source mais doit concerner son émission effective vers la matière plastique.
4.3 Exclusivité des gammes revendiquées
La seconde question concerne l'exclusivité des gammes indiquées dans la revendication 1. Le rayonnement émis doit-il simplement comprendre une longueur d'onde (ou une gamme de longueurs d'onde) ou est-il nécessairement limité à ces longueurs d'onde ? Autrement dit, le rayonnement effectivement émis doit-il comprendre seulement des longueurs d'onde à l'intérieur des gammes revendiquées ? Sur ce point, les avis des parties divergent radicalement.
La division d'opposition s'est penchée sur cette question au point 12.3 des motifs de la décision objet du recours :
« La division d'opposition note que l'utilisation pure et simple d'une source à large spectre ne ferait pas de sens, car beaucoup de longueurs d'onde ne seraient pas utilisées pour chauffer la matière plastique, mais seraient absorbées par la machine/four où le procédé a lieu, ce qui dans le contexte du brevet est indésirable. La division d'opposition conclut ainsi que l'interprétation de la revendication doit faire du sens par rapport au problème à résoudre. Il est dès lors important que, pour les besoins du procédé, les radiations qui sont émises vers la matière plastique à chauffer aient uniquement les longueurs d'onde revendiquées; il est indifférent si ces longueurs d'onde sont obtenues au moyen de sources monochromatiques ou au moyen de sources à large spectre combinées avec des filtres. »
Le requérant I a critiqué cette interprétation et a fait valoir que la division d'opposition avait interprété la revendication 1 comme si elle contenait le mot « uniquement », alors qu'il ne se trouve, ni dans le libellé de la revendication, ni dans la description.
La chambre constate que la revendication 1 est rédigée d'une façon ambiguë. Par conséquent, elle doit être interprétée, notamment à la lumière de la description du brevet. Or, compte tenu de ce que le brevet cherche à définir un procédé permettant de « diminuer autant que possible le temps de chauffe, sans pour autant négliger les autres paramètres, notamment l'homogénéité de la chauffe, la pénétration du rayonnement au coeur de la matière et le rendement énergétique », l'utilisation d'une source de rayonnement émettant des longueurs d'onde en dehors des gammes revendiquées irait à l'encontre de l'effet recherché.
Cette compréhension est corroborée par l'enseignement du paragraphe [0035] (reproduit au point 4.2 ci-dessus), selon lequel une lampe halogène (qui émet aussi des longueurs d'onde en dehors des gammes revendiquées) devrait être associée à des éléments tels des filtres interférentiels pour éliminer des longueurs d'onde indésirables.
Le contre-argument fondé sur la revendication 11 trouve son origine dans une ambiguïté de la traduction. Le requérant I s'est appuyé sur la traduction allemande de la revendication 11 donnée dans le brevet (« ... die jeweils in einem der genannten Bereiche liegen oder einen der genannten Werte aufweisen »). Si cette traduction est susceptible d'être comprise dans le sens que le spectre doit seulement comprendre l'une des gammes ou valeurs revendiquées, il n'en va pas de même pour la revendication en français, qui seule fait foi. Elle exige que chacun des spectres doit être compris dans l'une des gammes ou « avoir », c'est-à-dire prendre ou adopter, l'une des valeurs. L'argument du requérant I fondé sur la revendication 11 est donc inopérant.
Le requérant I a fait valoir que les gammes revendiquées doivent être comprises comme définissant la largeur de bande à mi-hauteur (« Halbwerts-Band-breite »). Or, le brevet ne contient aucun indice permettant de fonder une telle compréhension. En interprétant la revendication 1 de la sorte, le requérant I ajoute à l'enseignement du brevet et le dénature.
Il s'ensuit que la revendication 1 doit être interprétée dans un sens restrictif : le rayonnement effectivement émis doit se trouver exclusivement à l'intérieur des gammes revendiquées. Il ne doit pas y avoir d'émission significative à des longueurs d'onde en dehors de ces gammes.
5. Requête principale - le motif d'opposition selon l'article 100 a) CBE (absence de nouveauté)
5.1 Par rapport au document E4A
5.1.1 Divulgation du document E4A
Le document E4A décrit « l'injection » directe d'un rayonnement infrarouge dans des entités ciblées pour les chauffer ou les traiter (page 1, lignes 1 à 3). Le document enseigne qu'il faut veiller à sélectionner correctement les longueurs d'onde de sorte qu'elles correspondent aux caractéristiques d'absorption de la cible. Selon le type de matériau et le résultat souhaité, il peut être utile de choisir des longueurs d'onde différentes (cf. page 2, lignes 21 à 25).
Le document E4A illustre son propos par un exemple tiré de l'industrie des plastiques (cf. le passage allant de la page 30, ligne 22, à la page 31, ligne 14, qui se réfère aux figures 9 et 10 du document E4A).
La figure 9 montre la courbe de transmission du PET à des longueurs d'onde allant jusqu'à 5 µm.
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
La transmission du PET varie considérablement dans le domaine infrarouge (au-delà de 0.7 µm). Dans le passage mentionné ci-dessus, le document E4A évoque la forte absorption à 2.9 µm et explique qu'en principe, cet effet pourrait être utilisé pour chauffer la surface du matériau, mais que, compte tenu de la mauvaise conduction thermique du PET, il ne se prête pas au chauffage uniforme du matériau en profondeur.
La figure 10 montre plus en détail la courbe de transmission de PET à des longueurs d'onde comprises entre 350 et 2450 nm (0.35 à 2.45 µm).
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
La description correspondante évoque une région de forte transmission du PET, à la longueur d'onde de 1 µm (1000 nm). Ici, le PET laisse passer la plus grande partie du rayonnement sans l'absorber. Celui-ci ne chauffe donc pas significativement le matériau.
Par la suite, le document E4A explique que si le PET a été utilisé comme exemple, les principes illustrés sont valables pour une très large gamme de types de matériaux différents (page 31, lignes 15 à 18). Cependant, le document E4A ne mentionne ni le PEN, ni le PLA.
5.1.2 Différences
La question de la nouveauté de l'objet de la revendication 1 se réduit à celle de savoir si la partie caractérisante de la revendication est divulguée.
Le requérant I a fait valoir que le document E4A enseignait d'utiliser toute la gamme de longueur d'ondes. À ce propos, la chambre renvoie à son interprétation du libellé de la revendication 1, selon laquelle la longueur d'onde de la radiation utilisée dans le procédé revendiqué doit être limitée aux six gammes revendiquées (voir le point 4. ci-dessus).
Le document E4A enseigne qu'il est important de sélectionner les longueurs d'onde de manière à ce qu'elles correspondent aux caractéristiques d'absorption du matériau irradié (page 2, lignes 21 à 25), mais cela ne constitue pas en soi un enseignement des gammes revendiquées.
Par ailleurs, le document E4A considère le cas où du PET est irradié avec un rayonnement infrarouge dont la longueur d'onde est égale à 2.9 µm (c'est-à-dire 2900 nm ; voir page 30, à partir de la ligne 32). Or, cette longueur d'onde est en dehors des gammes revendiquées. Par ailleurs, le document E4A précise qu'au vu de l'absorption très forte à cette longueur d'onde, celle-ci est à éviter (page 31, ligne 6 : « ... a bad wavelength at which to heat PET properly. »). Par la suite (page 31, lignes 7 à 14), une longueur d'onde de 1 µm (1000 nm, également en dehors des gammes revendiquées) est envisagée. Comme le matériau est assez « transparent » à cette longueur d'onde, celle-ci n'est pas utile pour chauffer le PET. Les longueurs d'onde explicitement mentionnées par le document E4A ne sont donc pas utiles pour le chauffage du PET et ne divulguent pas les domaines revendiqués.
Le domaine de longueurs d'onde couvert par le graphe de la figure 10 englobe les gammes revendiquées, mais celles-ci ne sont pas singularisées en tant que telles. Le requérant I se réfère au pic d'absorption que l'on observe à 1680 nm, mais le document E4A se contente d'insister sur la forte variabilité de la transmission (voir page 30, lignes 28 à 31) et ne s'attarde pas sur des pics d'absorption, de sorte qu'aucun de ces pics n'est singularisé.
La division d'opposition a rejeté la requête subsidiaire 1 en estimant que la divulgation de l'irradiation d'une préforme en PET avec une longueur d'onde de 2 µm à la page 47, lignes 29 à 31, du document E4 antériorise la revendication 1. Or, le document E4A ne contient pas cette divulgation.
Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 n'est pas antériorisé par le document E4A.
5.2 Par rapport au document E1
5.2.1 Divulgation du document E1
Le document E1 décrit le chauffage de préformes d'articles thermoplastiques en préparation à l'expansion des préformes pour la production d'articles thermoplastiques à orientation moléculaire. Plus spécifiquement, il divulgue le chauffage par rayonnement contrôlé de préformes à l'aide de lampes à quartz à filament de tungstène (page 3, lignes 19 à 25). Son but est de contrôler le transfert de chaleur vers les préformes thermoplastiques de telle sorte que l'efficacité du transfert de chaleur par rayonnement puisse être exploitée, sans nécessiter un moyen d'échange de chaleur pour la source ou pour la préforme. Un autre objectif de l'invention est de fournir un contrôle souple du cycle de chauffage de la préforme, de sorte que les variations de l'épaisseur et de la taille du matériau de la préforme puissent être facilement compensées.
A cette fin, le document E1 propose un dispositif avec un ensemble de chauffage comprenant des lampes à quartz, des moyens pour supporter de manière rotative la préforme sur sa partie formée à une distance telle que les motifs d'énergie rayonnante soient répartis sur la surface de la partie orientable de manière à être au moins contigus les uns des autres, et des moyens pour faire fonctionner alternativement les lampes à haute puissance et à faible puissance pendant des périodes présélectionnées de moins de 30 secondes environ pour chauffer la section orientable à la température d'orientation moléculaire (cf. la revendication 1).
L'avantage des lampes à quartz est décrit à la page 11, lignes 28 et suivantes. Il est lié à leur « quantité de rayonnement dans la gamme de longueurs d'onde du proche infrarouge (longueurs d'onde comprises entre 1 et 2 micromètres environ) ». Ce passage renvoie à la figure 5 qui montre la répartition spectrale de l'énergie des corps noirs à plusieurs températures.
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
Les lampes que préconise le document E1 peuvent être assimilées à la courbe 42 (page 12, lignes 25 à 28). La densité de radiation WF atteint son maximum autour de 1.15 µm (page 12, ligne 35, à page 13, ligne 1).
Le document E1 ne précise pas que les lampes à quartz émettent uniquement dans une gamme de 1 à 2 µm. Ces valeurs sont données pour qualifier l'expression « infrarouge proche » (nahes Infrarot). La courbe 42 de la figure 5 du document E1 couvre une gamme allant d'environ 0.4 à 3 µm (400 à 3000 nm), mais l'homme du métier aurait compris que la densité de radiation est non nulle même au-delà de 3 µm.
Pour faire valoir que le domaine revendiqué ne constitue pas de sélection conférant la nouveauté, le requérant I s'appuie sur la jurisprudence concernant les inventions de sélection (voir « La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets », dixième édition, juillet 2022, partie I.C.6.3.1). Selon cette jurisprudence, un sous-domaine de valeurs numériques dans un domaine plus large est nouveau s'il est satisfait à trois critères :
- le sous-domaine choisi doit être étroit ;
- il doit être suffisamment éloigné du domaine connu qui a été illustré par des exemples ;
- la zone choisie ne doit pas être prise au hasard dans l'état de la technique, c'est-à-dire qu'il ne doit pas s'agir d'un simple mode de réalisation de l'invention faisant l'objet de la description antérieure, mais d'une autre invention (sélection effectuée dans un certain but).
La présente chambre a des doutes que cette jurisprudence ancienne soit en harmonie avec la doctrine de « l'étalon-or » (gold standard) réaffirmée par la Grande Chambre de recours dans sa décision G 2/10. Néanmoins, compte tenu du principe de protection des attentes légitimes des parties, il convient d'en tenir compte.
Selon la jurisprudence plus récente, par exemple T 261/15, point 2.2.1 des motifs, il suffit que les deux premiers critères soient remplis pour établir la nouveauté. Ceci a également trouvé expression dans les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets, depuis l' édition 2019, G-VI, 8.(ii)) La présente chambre partage ce point de vue. Il reste donc à vérifier si le sous-domaine revendiqué est « étroit » et s'il est « suffisamment éloigné » des exemples divulgués.
La somme des gammes revendiquées est de 50 + 60 + 40 + 25 + 220 + 60 = 455 nm, ce qui est à comparer à la gamme des longueurs d'onde émises par les lampes à quartz. Le requérant I a souligné à juste titre que la figure 3 du document E1 ne permet pas de tirer la conclusion que cette gamme s'étend jusqu'à 14000 nm (14 mym). Néanmoins, la figure 5 montre qu'une lampe à quartz émet au moins jusqu'à des longueurs d'onde de 3 mym et la phrase chevauchant les pages 13 et 14, selon laquelle la gaine de quartz est essentiellement opaque au rayonnement provenant du filament de tungstène ayant des longueurs d'onde supérieures à environ 7 mym, suggère que la limite se situe à cette valeur. La largeur cumulée de 455 nm serait donc à comparer à une largeur totale de l'ordre de 6600 nm. Il est raisonnable de considérer que la somme des gammes revendiquées, qui couvre environ 7% du domaine divulgué, est « étroite » au sens de la jurisprudence.
Le document E1 ne divulgue pas explicitement d'exemples de longueurs d'onde. Les valeurs citées par le requérant I (environ 1 et environ 2 µm) correspondent aux limites de ce que le document appelle « l'infrarouge proche ». Si l'on considère les valeurs extrêmes des longueurs d'onde émises par les lampes à quartz utilisées, c'est-à-dire environ 0.4 µm (voir figure 5) et environ 7 µm, il est justifié de considérer que les gammes revendiquées sont suffisamment éloignées de ces valeurs.
L'application des critères de la jurisprudence concernant les inventions de sélection ne conduit donc pas à la conclusion que l'objet de la revendication 1 est antériorisé par l'enseignement du document E1.
5.3 Conclusion concernant la nouveauté
L'objet de la revendication 1 est nouveau au vu des documents cités par le requérant I. Le motif d'opposition d'absence de nouveauté ne s'oppose donc pas au maintien du brevet tel que délivré.
6. Requête principale - le motif d'opposition selon l'article 100 a) CBE (défaut d'activité inventive)
6.1 Partant du document E4A
La divulgation technique du document E4A est discutée au point 5.1.1 ci-dessus.
6.1.1 Différences
Comme cela a été expliqué au point 5.1.2 ci-dessus, le document E4A ne divulgue pas la partie caractérisante de la revendication 1.
6.1.2 Problème technique objectif
Le problème technique objectif consiste en la sélection de longueurs d'onde qui puissent convenir à une chauffe réalisée de manière industrielle sur un ensemble de matériaux différents.
6.1.3 Evidence pour l'homme du métier
La question à trancher par la chambre est de savoir si l'homme du métier partant du procédé du document E4A et cherchant à sélectionner des longueurs d'onde qui puissent convenir à une chauffe réalisée de manière industrielle sur un ensemble de matériaux différents, aurait été conduit, de manière évidente, par le document E4A et par ses connaissances générales du métier à choisir une ou plusieurs longueurs d'onde comprises dans les gammes revendiquées.
L'argumentation du requérant I part du constat que le document E4A enseigne que le PET ne devrait pas être chauffé avec une longueur d'onde de 2,9 mym, parce que ce rayonnement est fortement absorbé et conduit ainsi à un échauffement peu homogène du matériau (cf. page 30, ligne 32, à page 31, ligne 6), et que l'utilisation d'une longueur d'onde de 1,0 mym n'est pas convenable non plus, car la transmission du PET est haute à cette longueur d'onde, ce qui a pour effet que la radiation n'est pas utilisée de manière efficace.
Il convient de placer cet enseignement dans son contexte. Le document E4A s'intéresse au chauffage de matières plastiques à l'aide de diodes émettant de la radiation (RED) dont le spectre d'émission est relativement étroit (page 15, lignes 10 et 11 : « ... somewhere within the 20-500 nanometer range »). L'utilisation de telles sources permet de tenir compte des caractéristiques d'absorption ou de transmission du matériau à chauffer (cf. page 30, lignes 13 à 21). Dans ce contexte, le document E4A donne un exemple tiré de l'industrie des plastiques (à partir de la page 30, ligne 23). L'exemple concerne plus précisément le PET. Les figures 9 et 10 sont données pour montrer que ce matériau est très absorbant dans la région des grandes longueurs d'onde et très transmissif dans les régions des longueurs d'onde du visible et du proche infrarouge. Sa transmission varie considérablement entre 1 et 5 mym (page 30, lignes 23 à 31).
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
La transmission varie fréquemment et brusquement, et souvent de façon très importante, parfois à 0,1 micromètre près, comme cela est apparent à la figure 10 (l'unité de l'abscisse est de 0,1 mym).
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
Ayant constaté que les longueurs d'onde de 1,0 et de 2,9 mym ne sont pas appropriées pour chauffer le matériau PET (page 30, ligne 32, à page 31, ligne 14), le document ne discute pas davantage cet exemple. Il ne divulgue pas une longueur d'onde à laquelle ce matériau pourrait être utilement chauffé, ni n'explique comment une telle longueur d'onde pourrait être déterminée.
Le requérant I estime néanmoins que l'enseignement que des valeurs de transmission très élevées (de l'ordre de 90% à 1,0 mym, voir figure 10) et très basses (de l'ordre de quelques % à 2,9 mym, voir figure 9) aurait conduit l'homme du métier à choisir un domaine où la transmission atteint des valeurs intermédiaires. Or, il existe un grand nombre de domaines de ce type. La figure 9 montre que la transmission atteint des valeurs de l'ordre de 30% entre 3,0 et 3,2 ou encore entre 3,6 et 5 mym ; la figure 10, qui présente une gamme de longueurs d'onde plus restreinte, montre que des longueurs d'onde autour de 1650 nm et entre 2100 et 2500 nm seraient également des candidats possibles. Il n'est pas possible de tirer des renseignements plus précis du document E4A, qui ne s'intéresse pas au choix de la longueur d'onde précise.
En examinant de plus près la courbe de la figure 10 et en notant certains décrochements locaux de cette courbe, notamment à 1100, 1410 et 1900 nm, le requérant I estime apporter la preuve que l'homme du métier aurait choisi des RED émettant à cette longueur d'onde et serait ainsi arrivé au procédé objet de la revendication 1.
Cette argumentation n'a pas convaincu la chambre.
Premièrement, la figure 10 n'a été donnée dans le document E4A que pour illustrer la grande variabilité de la transmission du PET sur une gamme de longueur d'ondes. Sa nature et sa précision ne permettent pas d'en extraire des valeurs numériques précises. Les soumissions du requérant I en témoignent, parce qu'il a situé un certain pic d'absorption à 1680 nm dans ses écrits et à 1650 nm lors de la procédure orale.
Ce constat est d'autant plus important que les gammes revendiquées sont assez étroites. Le requérant a fait valoir que le domaine « autour de 1650 ou 1680 nm » semble particulièrement intéressant. Or, les gammes revendiquées dans cette région sont de 1610 à 1650 et de 1675 à 1700 nm. La précision de la courbe de transmission du document E4A n'est pas suffisante pour affirmer que l'homme du métier aurait choisi des valeurs à l'intérieur de ces gammes plutôt que dans la gamme qui les sépare (1650 à 1675 nm).
Deuxièmement, le raisonnement du requérant souffre du fait qu'il part de l'invention et cherche à démontrer qu'il y a une certaine corrélation entre les gammes revendiquées et certains phénomènes observables dans la courbe de transmission de la figure 10. Or, cela ne suffit pas pour établir l'absence d'activité inventive. Il faut plutôt démontrer que, d'une manière objective, l'homme du métier aurait été conduit à l'invention par l'enseignement du document E4A. Cette démonstration n'a pas été faite. Le document E4A disqualifie deux longueurs d'onde en expliquant que l'absorption ou la transmission y est trop importante, mais il ne divulgue pas quel niveau d'absorption ou de transmission conduirait à de bons résultats. Non seulement le document E4A se désintéresse du choix de longueurs ondes appropriées, mais il reste silencieux par rapport aux critères à appliquer.
Troisièmement, il n'est pas plausible que d'infimes décrochements du spectre de transmission auraient modifié le comportement de chauffe de manière notable, comme le suggère le requérant I, par exemple, en invoquant des pics d'absorption à 1100, 1410 et 1900 nm. Il n'a d'ailleurs pas été expliqué pourquoi ces « pics » ont été choisis plutôt que d'autres « pics » comparables. Ce choix semble motivé par la volonté de trouver des valeurs de longueur d'onde se situant à l'intérieur des gammes revendiquées. Un tel raisonnement ex post facto est problématique du point de vue méthodologique et n'est pas susceptible de remettre en cause l'activité inventive.
Compte tenu de l'ensemble de ces observations, la chambre parvient à la conclusion que le requérant I n'a pas démontré de manière convaincante que l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive.
6.2 Partant du document E1
La divulgation technique du document E1 est discutée au point 5.2 ci-dessus.
6.2.1 Différences
Le document E1 ne divulgue pas la partie caractérisante de la revendication 1.
6.2.2 Problème technique objectif
Comme pour le document E4A, le problème technique objectif consiste en la sélection de longueurs d'onde qui puissent convenir à une chauffe réalisée de manière industrielle sur un ensemble de matériaux différents.
6.2.3 Évidence pour l'homme du métier
Le requérant I a fait valoir que le document E1 comprenait une incitation explicite d'émettre dans une gamme allant de 1000 à 2000 nm. Or, comme cela a été dit au point 5.2.1, ces valeurs sont seulement données pour caractériser le domaine de « l'infrarouge proche » (nahes Infrarot).
Le requérant I n'a pas convaincu la chambre que l'homme du métier partant du document E1 et cherchant à sélectionner des longueurs d'onde qui puissent convenir à une chauffe réalisée de manière industrielle sur un ensemble de matériaux différents aurait choisi une ou des longueurs d'onde à l'intérieur de l'une des gammes revendiquées. Ni les figures 3 ou 5, ni la description du four objet du document E1 n'auraient incité l'homme du métier à faire un tel choix.
Cette attaque ne saurait donc prospérer.
6.3 Conclusion concernant l'activité inventive
Il n'a pas été démontré de manière convaincante que l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive. Le motif d'opposition du défaut d'activité inventive ne s'oppose donc pas au maintien du brevet tel que délivré.
7. Conclusion concernant la requête principale
Le brevet peut être maintenu sur la base de la requête principale, c'est-à-dire tel que délivré.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision objet du recours est annulée.
2. Le brevet est maintenu tel que délivré.