European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2022:T076619.20220620 | ||||||||
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Date de la décision : | 20 Juin 2022 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0766/19 | ||||||||
Numéro de la demande : | 13744731.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | C10G 3/00 C10G 45/60 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | PROCEDE D'HYDROTRAITEMENT ET D'HYDROISOMERISATION DE CHARGES ISSUES DE LA BIOMASSE DANS LEQUEL L'EFFLUENT A HYDROTRAITER ET LE FLUX D'HYDROGENE CONTIENNENT UNE TENEUR LIMITEE EN MONOXYDE DE CARBONE | ||||||||
Nom du demandeur : | IFP Energies nouvelles | ||||||||
Nom de l'opposant : | Neste Oyj | ||||||||
Chambre : | 3.3.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté - (oui) Activité inventive - alternative non évidente Possibilité d'exécuter l'invention - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le recours de l'opposante conteste la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen n° 2 880 126 sur la base de la requête principale déposée lors de la procédure orale du 12 décembre 2018.
II. Avec l'exposé des motifs du recours, la requérante a demandé la révocation du brevet, faisant valoir d'une part que l'invention revendiquée était insuffisamment divulguée, et d'autre part, que l'objet de la revendication 1 telle que maintenue par la division d'opposition n'était pas nouveau compte tenu de
D8 (US 2012/0165581 A1) ou D9 (US 2009/0193709 Al), ni inventif au vu de la divulgation de D9, D7 (WO 2008/040973 Al), D13 (US 2010/0270207 Al), D8 pris isolément ou en combinaison avec D6 (US 2011/0015454 Al) ou encore, de la combinaison de D3 (US 2010/0061927 Al) avec D7 et D12 (A. Pinheiro, "Impact of the presence of carbon monoxide and carbon dioxide on gas oil hydrotreatment: investigation on liquids from biomass cotreatment with petroleum cuts", Energy Fuels, 2011). La requérante a en outre déposé les rapports expérimentaux E1 et E2.
III. La titulaire et intimée a demandé le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base de l'une des requêtes auxiliaires 1 à 3 présentées avec son courrier du 12 octobre 2018. La titulaire a également demandé d'écarter E1 et E2 de la procédure de recours.
IV. La revendication 1 selon la requête principale telle que maintenue par la division d'opposition est libellée comme suit:
"1. Procédé de production de distillats moyens à partir d'une charge comprenant au moins une fraction de charge issue d'une source renouvelable comprenant au moins:
a) une étape d'hydrotraitement dans laquelle ladite charge est mise en contact avec un catalyseur d'hydrotraitement en lit fixe, ledit catalyseur comprenant une fonction hydrodéshydrogénante et un support amorphe, à une température comprise entre 200 et 450°C, à une pression comprise entre 1 MPa et 10 MPa, à une vitesse spatiale horaire comprise entre 0,1 h**(-1)et 10 h**(-1)et en présence d'une quantité totale d'hydrogène mélangée à la charge telle que le ratio hydrogène/charge soit compris entre 70 et 1000 Nm**(3) d'hydrogène/m**(3)de charge,
b) une étape de séparation d'au moins une partie de l'effluent issu de l'étape a) en au moins une fraction gazeuse comprenant de l'hydrogène, au moins du CO et du CO2 et les composés C4**(-), et au moins un effluent liquide hydrocarboné,
c) une étape d'hydroisomérisation d'au moins une partie de l'effluent liquide hydrocarboné séparé de l'étape b), en présence d'un catalyseur d'hydroisomérisation en lit fixe,
d) une étape de fractionnement de l'effluent issu de l'étape c) pour obtenir au moins une fraction distillat moyen,
et dans lequel on renvoie dans l'étape a) au moins une partie de la fraction gazeuse séparée à l'étape b), ladite fraction gazeuse renvoyée dans l'étape a) comprenant une teneur en CO comprise entre 0,5% et 3% volume,
dans lequel la fraction gazeuse séparée à l'étape b) est recyclée à l'étape a) en même temps qu'un appoint d'hydrogène frais, et
dans lequel la fraction gazeuse totale recyclée combinée à l'appoint d'hydrogène frais comprend une teneur en CO comprise entre 0,5% et 3% volume."
V. En réponse à l'avis préliminaire de la chambre, selon lequel les requêtes principale et auxiliaires 1 et 2 semblaient ne pas répondre aux exigences de l'Article 56 CBE, les parties ont chacune déposé une note d'observations. La titulaire a en outre déposé un nouvel essai comparatif référencé Exemple 7 que la requérante a demandé d'écarter de la procédure de recours.
VI. Au vu de la discussion lors de l'audience du 20 juin 2022, la chambre est parvenue à la conclusion que l'invention selon la requête principale n'était pas rendue évidente par les documents cités. A la clôture des débats, les requêtes des parties étaient les suivantes:
L'opposante et requérante a demandé la révocation du brevet.
La titulaire et intimée a demandé le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sur la base de l'une des requêtes auxiliaires 1 à 3 présentées par courrier du 12 octobre 2018.
Motifs de la décision
1. Suffisance de l'exposé
La chambre est parvenue ä la conclusion que les exigences de l'article 83 CBE étaient remplies pour les raisons suivantes:
1.1 La requérante a fait valoir que si les documents D8 et D9 devaient ne pas être reconnus comme anticipant implicitement une concentration de CO telle que revendiquée, cela impliquerait que l'invention était insuffisamment divulguée, sachant que les conditions de fonctionnement du procédé selon D8 et D9 étaient identiques à celles proposées dans l'invention, de sorte que la concentration de CO dans ces procédés était inévitablement identique. A contrario, le brevet omettrait de décrire certaines des caractéristiques essentielles à l'obtention de la concentration de CO définie dans la revendication 1 en cause.
1.2 La chambre ne peut se joindre à cet argumentaire car, contrairement aux allégations de la requérante, les conditions de fonctionnement en D8 ou D9 ne sont pas identiques à celles de l'invention. En particulier, à la différence de l'invention, le procédé selon D9 comporte l'ajout d'un composant soufré dans le réacteur d'hydrotraitement et les conditions de fonctionnement de l'exemple 2 de D8 ne sont pas identiques à celles de l'exemple 6 selon l'invention.
En tout état de cause, la chambre ne partage pas l'argument de la requérante selon lequel l'omission des caractéristiques nécessaires à l'obtention de la concentration de CO de 0,5 à 3 % dans le flux de recirculation conduirait à un problème de suffisance de l'exposé, car l'ajustement de la concentration de CO dans la ligne de recirculation (avant et après l'appoint d'hydrogène frais) peut par exemple être effectué de manière triviale par le biais d'étapes de purification et/ou séparation des gaz produits, ou tout simplement par ajustement de la quantité d'hydrogène frais ajoutée à la ligne de recirculation.
1.3 Il suit de ce qui précède qu'en l'absence de preuve tangible étayant les allégations de la requérante, la chambre ne peut conclure à une insuffisance de description de l'invention revendiquée.
2. Requête principale - Nouveauté
La chambre a conclu que les exigences de l'article 54 CBE étaient satisfaites par rapport aux divulgations des documents D8 et D9 pour les raisons qui suivent:
2.1 Le document D8 décrit (figure 1) un procédé d'hydrotraitement d'une charge issue de sources renouvelables pour produire des hydrocarbures en présence d'hydrogène en excès dans un réacteur catalytique comprenant la séparation (voir séparateur 9 - figure 1) d'une fraction gazeuse contenant de l'hydrogène, du CO, CO2, H2S, de l'eau et des hydrocarbures légers (voir par. [0121]). Le procédé inclut également une recirculation vers le réacteur d'hydrotraitement d'un flux gazeux 13 contenant de l'hydrogène, duquel et de préférence d'autres composants tels que les hydrocarbures légers sont séparés, et dans lequel le flux gazeux 13 subit de préférence un lavage à l'amine suivi d'une méthanation et/ou d'une étape d'adsorption à pression alternée (PSA) (voir par. [0157]). Le flux recyclé 6 est ensuite mélangé avec un appoint d'hydrogène frais (voir référence 2 - figure 1).
2.1.1 La requérante a fait valoir que l'exemple 2 de D8 est réalisé dans des conditions de fonctionnement et en présence d'un catalyseur très similaires à ceux de l'exemple 6 selon l'invention (soumis par la titulaire de première instance le 12 octobre 2018). Étant donné que la concentration de CO dans ce dernier exemple est de 1,7 % en volume et que D8 indique explicitement que des étapes supplémentaires de purification du flux recyclé étaient facultatives, il s'ensuivait qu'au moins dans les modes de réalisation ne comprenant pas d'étape de purification, la concentration de CO dans la ligne de recirculation se situerait implicitement dans la plage revendiquée. L'exemple 2 ne divulguant pas explicitement le recyclage d'un flux contenant à la fois du CO et de l'hydrogène, la requérante - citant la décision T 332/87 - a fait valoir que selon la jurisprudence bien établie un document devait être lu dans son ensemble et que différentes parties dudit document pouvaient être lues en combinaison si l'homme du métier n'en était pas empêché, et en conclut que l'exemple 2 pouvait être combiné à l'enseignement de la figure 1, puisque tous deux étaient décrits comme conformes à l'invention. Le procédé résultant de cette combinaison anticipait l'objet de la revendication 1.
2.1.2 La chambre ne peut se joindre à ces arguments, car tel qu'expliqué par la titulaire, le fonctionnement dans des conditions similaires et avec un catalyseur similaire n'implique pas nécessairement une composition de gaz produits (sans parler du flux gazeux recyclé provenant du séparateur) dans l'exemple 2 de D8 identique à celle de l'exemple 6 selon l'invention.
En outre, l'exemple 2 ne comprend pas de recirculation du gaz contenant de l'hydrogène, et encore moins une recirculation contenant du CO dans une concentration particulière. Il n'y a en outre pas de raison de conclure que l'homme du métier considérerait la combinaison du procédé divulgué dans l'exemple 2 avec une ligne de recirculation telle que proposée dans la figure 1 comme dérivable directement et sans équivoque du document D8 dans son ensemble. L'exemple 2 représente en effet déjà une forme détaillée de l'invention, de sorte qu'une caractéristique qui n'y est pas divulguée n'a simplement pas été envisagée pour cette réalisation spécifique.
L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport au contenu de D8 qui, à tout le moins parce qu'il n'y est pas divulgué que le flux recyclé contient une concentration de CO allant de 0,5% à 3 % en volume.
2.2 Le document D9 divulgue un procédé d'obtention d'un carburant diesel comprenant:
i) une étape d'hydrotraitement qui correspond à l'étape a) de la revendication 1 (référence 4 - figure 2) sous des conditions tombant sous le libellé de la revendication 1 (par. [0043]);
ii) une étape de séparation gaz-liquide correspondant à l'étape b) de la revendication 1 (référence 34 - figure 2), dans laquelle un flux gazeux (36) comprenant du propane, du dioxyde de carbone, du monoxyde de carbone et de l'hydrogène est séparé du flux d'hydrocarbures (38) et recyclé vers l'étape a), dont au moins une partie de l'effluent est envoyée vers des étapes d'isomérisation et de fractionnement (par. [0040]);
iii) une étape d'hydroisomérisation correspondant à l'étape c) de la revendication 1 (référence 22 - figure 2); et
iv) une étape de fractionnement correspondant à l'étape d) de la revendication 1 (référence 48 - figure 2).
2.2.1 La requérante a fait valoir qu'il ressortait en outre de la figure 4 de D9 que la quantité de CO + CO2 produite dans le procédé d'hydrotraitement variait entre 1,2 et 2,8%. Bien que les résultats dans la figure 4 ne permettent pas de distinguer les concentrations spécifiques de CO et de CO2, celles-ci avaient été estimées selon E2 par une simulation tenant compte des réactions de méthanisation et du "water gas-shift" et menant à une concentration en CO se situant dans la plage revendiquée. L'objet de la revendication 1 présentait donc un défaut de nouveauté par rapport à D9.
2.2.2 La chambre ne peut suivre cette argumentation, car les valeurs présentées dans la figure 4 de D9 concernent un exemple (voir par. [0043]) qui n'envisage pas l'addition de vapeur d'eau pour favoriser la réaction de "water gas-shift". Ainsi, comme établi par la titulaire, la simulation selon E2 ne reproduit pas l'exemple du paragraphe [0043] mais une combinaison du procédé décrit au paragraphe [0017] avec les résultats obtenus sous les conditions de cet exemple (c.a.d. la figure 4). Plus particulièrement, les simulations selon E2 ont été réalisées en ajustant les taux de réaction de décarboxylation et décarbonylation de manière à obtenir la somme de CO + CO2 divulguée dans la figure 4 (voir dernier paragraphe de la page 2 de E2) en supposant que les réactions de "water gas-shift" et de méthanisation ont également lieu (voir 1er par. de la page 2 de E2), mais sans spécifier la concentration de la vapeur d'eau. Cette hypothèse est manifestement fausse, car les données de la figure 4 ont été obtenues sans ajout de vapeur d'eau et sans recirculation d'hydrogène et d'autres gaz. En outre, la chambre note que la figure 4 ne divulgue pas la concentration des autres substances, de sorte qu'il n'est pas clair si les valeurs divulguées resteraient dans une fourchette similaire après que la phase gazeuse ait subi les étapes ultérieures de séparation et de purification. La chambre conclut donc que ni la figure 4 ni E2 ne peuvent être invoquées pour déduire la concentration de CO dans la fraction gazeuse produite dans le réacteur d'hydrotraitement, et encore moins la concentration de CO dans le flux de recirculation.
La chambre en conclut donc que D9 n'anticipe pas la revendication 1 en cause, à tout le moins parce qu'il n'y est pas divulgué un flux de recirculation contenant du CO dans une quantité de 0,5 à 3 % en volume.
2.3 Compte tenu de ce qui précède, la chambre conclut que l'objet de la revendication 1 en cause est nouveau.
3. Requête principale - Activité inventive
Par application de l'approche problème-solution, la chambre est parvenue à la conclusion que les exigences de l'article 56 CBE étaient satisfaites pour les raisons suivantes:
3.1 La requérante a fait valoir que l'un quelconque des documents D3, D7, D8, D9 ou D13 pouvait être considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention revendiquée. La chambre note toutefois qu'aucun de ces documents ne divulgue la recirculation vers le procédé d'hydrotraitement d'une fraction gazeuse de concentration en CO (et ce, avant et après un appoint en hydrogène frais) comprise entre 0,5 et 3% en volume. Concernant la sélection du point de départ le plus prometteur, celle-ci est basée de cet élément de différenciation.
3.1.1 Pour ce qui concerne D7, D8 et D13, ces documents divulguent certes la recirculation d'une fraction gazeuse pouvant inclure des oxydes de carbone, mais tous trois précisent que la présence de COx est indésirable et que leur concentration doit être maintenue à un faible niveau. Ces documents sont donc un point de départ peu prometteur pour l'évaluation de l'activité inventive, puisqu'il ne s'y retrouve aucune incitation à ajuster le procédé de sorte à obtenir une concentration d'au moins 0,5 % de CO dans le flux de recirculation.
3.1.2 Les documents D3 et D9 reconnaissent pour leur part l'effet préjudiciable pour le catalyseur d'une quantité excessive de CO en tentant toutefois d'en tirer profit en favorisant la réaction de "water gas-shift" pour réduire la consommation d'hydrogène, tout comme l'invention, et fournissent donc une incitation à maintenir une certaine quantité de CO dans le système, ce dernier réagissant avec l'eau par la réaction de "water gas-shift" pour produire de l'hydrogène.
On notera toutefois que dans le système selon D3, un second réacteur avec injection d'eau est disposé en aval du réacteur d'hydrotraitement pour favoriser la réaction de "water gas-shift", et donc la concentration de CO dans la ligne de recirculation y sera nécessairement très faible.
Le document D9, qui ne comporte pas un tel réacteur additionnel, est donc considéré comme représentant le point de départ le plus prometteur et donc l'état de la technique le plus proche.
3.2 Différences et problèmes résolus par rapport à D9
3.2.1 Bien qu'il ait été contesté par la titulaire que le document D9 divulgue directement et sans équivoque un flux recirculé comprenant au moins une certaine quantité de CO ainsi qu'un appoint d'hydrogène frais tel que défini dans la revendication 1, on supposera en faveur de la requérante, que l'objet de la revendication 1 diffère de D9 uniquement en ce que la concentration en volume de CO dans le flux recirculé vers le réacteur d'hydrotraitement (avant et après l'appoint en hydrogène frais) est comprise entre 0,5 à 3%.
3.2.2 La requérante a fait valoir que les exemples soumis par la titulaire ne démontraient aucun effet spécifique associé à la recirculation d'un flux contenant 0,5 à 3% en volume de CO et que cette gamme de concentrations reflétait simplement l'équilibre entre les effets préjudiciables sur l'activité catalytique de concentrations élevées de CO et les effets positifs sur la consommation d'hydrogène (en raison de la réaction "water gas-shift"), une situation déjà reconnue dans le document D9. Le seul problème résolu par l'invention était donc de trouver un équilibre entre la consommation d'hydrogène et l'activité catalytique.
3.2.3 La chambre se joint à la requérante sur le fait qu'il n'y ait pas de preuve d'une quelconque amélioration en termes de consommation d'hydrogène ou d'activité catalytique par rapport au document D9, car ce dernier propose également un procédé pour réduire la consommation d'hydrogène sans affecter négativement l'activité catalytique. Tel qu'indiqué dans l'avis préliminaire, la chambre considère toutefois que les exemples 1 à 3 du brevet, ainsi que les exemples 4 et 6 (déposés respectivement les 8 janvier et 12 octobre 2018) prouvent à tout le moins que l'invention ne fournit pas simplement une alternative arbitraire, mais plutôt une manière différente à celle selon D9 de maintenir une faible consommation d'hydrogène sans réduire l'activité catalytique.
3.2.4 Le problème résolu par l'invention est donc plutôt de fournir une alternative à ce procédé pour maintenir une faible consommation d'hydrogène sans réduire l'activité catalytique.
3.3 Non-évidence au regard de D9
3.3.1 La requérante a fait valoir que les avantages indiqués au paragraphe [0017] de D9 correspondaient à ceux sur lequel reposait l'invention (par. [0045] du brevet), D9 reconnaissant l'effet du CO sur l'équilibre entre l'activité catalytique et la consommation d'hydrogène, si bien que le choix de la plage de concentration allant de 0,5 à 3 % se réduisait à un simple ajustement des paramètres opérationnels, ce pour quoi l'homme du métier n'avait besoin d'aucun potentiel inventif. Selon la figure 4 du document D9, il était en outre clair que la fraction gazeuse issue du réacteur d'hydrotraitement comprenait du CO à une concentration inférieure à 3% et, au qu'au vu de l'enseignement de E2, il était très probable que cette concentration se situe dans la plage revendiquée, ce qui renforçait encore l'argument selon lequel l'homme du métier parviendrait de manière évidente à l'objet revendiqué.
3.3.2 La chambre ne peut suivre cette argumentaire car, comme souligné à juste titre par la titulaire, pour conclure que l'invention revendiquée ne satisfait pas aux exigences de l'article 56 CBE, il ne suffit pas de montrer que D9 est basé sur un effet technique similaire, mais lorsque le problème à résoudre est d'obtenir cet effet technique d'une manière alternative, il faut démontrer qu'il était évident pour l'homme du métier d'envisager la solution proposée en partant du contexte technique de D9.
Or, comme indiqué dans D9 (par. [0002]), l'idée principale de ce document est d'introduire un composé soufré dans la réaction de désoxygénation afin de promouvoir la décarboxylation et la décarbonylation au détriment des réactions d'hydrogénation et d'hydrodésoxygénation, de sorte à réduire la consommation d'hydrogène associée à cette dernière réaction. Les réactions de décarboxylation et décarbonylation augmentent en effet la concentration en CO et CO2 dans le réacteur d'hydrotraitement (ces oxydes étant produits lors de ces réactions), tout en évitant, d'une part, l'accumulation excessive de COx en introduisant de la vapeur d'eau pour réduire leur concentration en favorisant la réaction de "water gas-shift" (par. [0017]), et d'autre part, se passer d'une étape pour la séparation du CO2 (par. [0041]).
La chambre se joint toutefois à la titulaire sur le fait que l'invention et le document D9 sont tous deux basés sur l'équilibrage des effets opposés du CO dans le système, en essayant d'une part d'éviter les effets préjudiciables d'une quantité excessive de cette substance pour l'activité catalytique et d'autre part de bénéficier de la quantité supplémentaire d'hydrogène produite par la réaction de "water gas-shift", mais la différence essentielle réside dans le fait que D9 requiert l'ajout d'un composant soufré qui donne lieu à la formation de quantités plus élevées de CO et de CO2 dans le réacteur d'hydrotraitement, de sorte que l'ajout d'un excès de vapeur d'eau réduise la concentration de CO in situ avec formation connexe de CO2 et de H2, ce qui conduira à une concentration en CO plutôt faible dans la fraction gazeuse issue du réacteur d'hydrotraitement.
Dans ce contexte, la chambre ne voit pas ce qui pourrait inciter l'homme du métier à envisager un ajustement du procédé selon D9 pour faire recirculer une concentration plutôt élevée de CO d'au moins 0,5 % en volume vers le réacteur d'hydrotraitement, l'ajout du composé soufré devant déjà générer une concentration élevée d'oxydes de carbone dans le réacteur afin de favoriser la réaction de "water gas-shift". En outre, même s'il devait être conclu que des concentrations plus élevées de CO sont souhaitées ou nécessaires dans D9, on y parviendrait en ajustant la concentration en composé soufré, afin de favoriser les réactions de décarbonylation pour former plus de CO in situ.
Les considérations ci-dessus sont encore renforcées par le fait que, comme observé par la chambre au cours de la procédure orale, le document D9 indique (paragraphe [0041]) que l'hydrogène et le sulfure d'hydrogène doivent être recyclés dans la réaction de désoxygénation. En outre, il est envisagé de séparer le CO2, pour lequel D9 propose (par [0032]) soit un lavage à l'amine, la réaction avec du carbonate chaud ou l'absorption à pression alternée. Bien que la séparation mettant en oeuvre l'amine ou le carbonate n'élimineraient pas le CO du système, elles élimineraient toutefois le sulfure d'hydrogène de la fraction gazeuse, ce qui irait à l'encontre de l'obligation de recirculer cette substance dans le réacteur, si bien que la seule méthode restante pour ne pas éliminer H2S serait l'absorption à pression alternée (PSA), qui elle séparerait toutefois le CO2 et le CO. Il est donc manifeste de D9 que l'utilisation d'un système de purification qui sépare tous les oxydes de carbone y est préférée, ce qui est cohérent avec l'indication de la figure 1 et du paragraphe [0036] selon laquelle le courant d'oxydes de carbone 128 (c.a.d. le CO et le CO2) est retiré de la zone de récupération du produit.
Il suit de ce qui précède que le système selon D9 est non seulement conçu pour produire et consommer le CO in-situ dans le réacteur d'hydrotraitement, mais aussi pour purifier la fraction gazeuse résultante de manière à éliminer les oxydes de carbone sans séparer l'hydrogène sulfuré. Ainsi, lorsque le système de D9 est réalisé selon ses alternatives préférées, il est manifeste que la concentration du CO dans la fraction gazeuse recirculée vers le réacteur d'hydrotraitement y sera particulièrement faible.
La chambre en conclut que l'homme du métier partant de D9 ne considérerait pas la recirculation d'un gaz comprenant des quantités de CO d'au moins 0,5 % en volume comme alternative évidente pour maintenir une faible consommation d'hydrogène, car cela impliquerait de substituer l'idée principale de D9 (dans laquelle le CO est formé in-situ par introduction d'un composé soufré pour réduire la consommation d'hydrogène) à celle de l'invention (dans laquelle le CO nécessaire pour favoriser la réaction de "water gas-shift" est maintenu à une concentration appropriée dans le réacteur au moyen de la fraction de gaz recyclé). Or, il n'y a aucune incitation dans D9 ou les autres documents de l'art antérieur pour effectuer cette substitution.
L'objet de la revendication 1 est donc considéré comme ne découlant pas de manière évidente des documents de l'art antérieur connus de l'homme du métier, et implique donc une activité inventive par rapport à D9.
3.4 La chambre est parvenue à la même conclusion en partant des autres documents cités par là requérante pour les raisons qui suivent:
3.4.1 Document D3 comme point de départ
Il n'est pas contesté que la revendication 1 diffère de D3 à tout le moins en ce qu'une fraction gazeuse comprenant une quantité de 0,5 à 3 % en volume de CO est recirculée vers le réacteur d'hydrotraitement et en ce que le procédé comprend une étape d'hydroisomérisation.
La requérante a toutefois fait valoir que dans les exemples 1 et 2 de D3, les fractions de gaz présentaient des concentrations en CO légèrement inférieures à celles de l'invention, et qu'il était fait mention au paragraphe [0042]) de D3 d'une boucle de recirculation. Selon la requérante, la réduction de la consommation d'hydrogène par la réaction de "water gas-shift" étant plus élevée dans D3 (voir par. [0043]) que dans l'invention, le problème résolu par l'invention se résumerait donc à proposer une autre quantité de CO dans la boucle de recirculation. La gamme de 0,5 à 3% en volume de CO définie dans la revendication 1 n'était donc qu'une optimisation évidente du procédé selon D3, ou à tout le moins évidente de la figure 6 de D12, qui indique que de telles concentrations donneraient lieu à une activité catalytique acceptable.
La chambre n'est pas convaincue par ces arguments, car les exemples 1 et 2 sont réalisés sans recirculation (voir par. [0035]) et le CO mis en oeuvre provient de la fraction gazeuse de la matière première. Pour ce qui est de la référence à un recyclage au par. [0042], celle-ci ne concerne pas les exemples spécifiques, mais un enseignement général selon lequel de l'eau doit être injectée dans le système afin d'éviter l'accumulation de CO lorsqu'une boucle de recirculation est utilisée. Ceci est confirmé par le fait que, lorsque le système comprend une ligne de recirculation (voir figure), un réacteur de "water gas-shift" (réf. 14) avec injection d'eau (réf. 7) est disposé à la sortie du réacteur d'hydrotraitement afin d'éliminer le CO avant la ligne de recirculation (réf. 2). Il est donc évident, au vu de cette configuration, qu'il n'y avait aucun intérêt en partant de de D3 d'y envisager une ligne de recirculation dont la concentration en volume de CO aurait été comprise entre 0,5 à 3%.
3.5 Document D7 comme point de départ
La requérante a fait valoir que cet art antérieur divulguait explicitement la recirculation d'une quantité prédéterminée de CO (voir page 3, lignes 1-2, revendication 2), de sorte que la seule différence avec l'objet revendiqué était la sélection de la plage de 0,5 à 3 % en volume de CO. Selon l'enseignement de E1, une variation de routine des conditions de D7 conduirait à des concentrations de CO tombant dans la gamme définie.
La chambre n'est pas convaincue par cet argument, car D7 enseigne explicitement de configurer les paramètres opérationnels pour réduire la concentration d'oxydes de carbone (CO + CO2) dans le système à des concentrations inférieures à 1%, de préférence à 500 ppm ou encore plus préférablement à 100 ppm (revendications 2-3 et page 4, lignes 29-32). Il n'y a en outre aucune référence à la concentration spécifique de monoxyde de carbone, et l'indication que le CO peut être hautement toxique pour le catalyseur (page 3, lignes 25-27) indique à l'homme du métier que la teneur en cette substance doit être maintenue particulièrement faible. Les données de E1 ne sont pas plus pertinentes car, comme indiqué par la titulaire, la combinaison de paramètres opérationnels utilisés dans cette expérience ne peut être dérivée de D7, et rien n'indique dans E1 que la quantité totale de COx y est maintenue sous la valeur maximale de 1%, tel que proposé dans D7. La chambre considère donc que l'homme du métier partant de D7 tenterait de maintenir la concentration de COx et celle de CO aussi basse que possible et, ce faisant, n'anticiperait pas de manière évidente une concentration de CO comprise entre 0,5 et 3% en volume dans la boucle de recirculation.
3.6 Document D8 comme point de départ
La requérante a fait valoir que l'invention était évidente par rapport à ce document, car selon son paragraphe [0030] il n'était pas nécessaire d'inclure des étapes de purification, et qu'il était implicite que les conditions de l'exemple 2 de ce document donnaient lieu à une concentration en CO telle que celle obtenue dans l'exemple 6 déposé par le titulaire (soit 1,7% en volume de CO). Ceci découlerait en outre des connaissances générales de l'homme du métier ou de D6, car les avantages du CO pour favoriser la réaction de "water gas-shift" afin de réduire la consommation d'hydrogène sont connus de très longue date.
La chambre ne peut se joindre à cet argument car, comme indiqué ci-avant, indépendamment du fait que des étapes de purification y soient utilisées ou non, D8 ne divulgue ni explicitement ni implicitement un flux de recirculation avec une concentration de CO tombant dans la gamme revendiquée. En outre, même si l'on prenait en compte l'un quelconque des documents montrant les avantages de la réaction de "water gas-shift" (par exemple D6, D9 ou D3), aucun d'entre eux ne propose de contrôler la concentration de CO dans la ligne de recirculation pour favoriser la formation d'hydrogène dans un réacteur d'hydrotraitement. L'invention n'est donc pas évidente au regard de D8 pris isolément ou en combinaison avec l'un quelconque de ces documents.
3.7 Document D13 comme point de départ
La requérante a fait valoir D13 indiquait explicitement (paragraphe [0064]) qu'il n'était pas nécessaire de purifier le gaz recyclé en raison de la faible production de CO, CO2 et CH4 dans le procédé y décrit. Selon le tableau 3, et en supposant (sur la base du paragraphe [0052]) que la concentration d'hydrogène y soit de 90%, la concentration de CO y varierait de 0,7 à 2,6%, de sorte que l'homme du métier reproduisant le procédé décrit dans ce document se situerait automatiquement par une simple expérimentation de routine dans la fourchette revendiquée.
La chambre ne peut suivre ces arguments, car même s'il pouvait être admis que la concentration d'hydrogène y est effectivement de 90% (l'exemple est silencieux, et le document fait simplement référence à une concentration de plus de 90%), il faudrait également supposer que CO, CO2, CH4 et C3 sont les seuls produits de réaction dans la fraction gazeuse. Or, cette hypothèse n'est pas réaliste car il faudrait également tenir compte d'autres produits gazeux tels que l'eau, le sulfure d'hydrogène, l'ammoniac, etc. A titre d'illustration, la chambre note que la somme des concentrations de CO, CO2 et CH4 dans la fraction gazeuse provenant du réacteur d'hydrotraitement ne représentent respectivement que 15 % et 10 % de la fraction gazeuse sans hydrogène dans les exemples 1 et 2 de D3 (voir tableaux 2 et 3), alors que dans l'hypothèse retenue par la requérante, la somme de ces gaz représenterait environ 70% de la fraction gazeuse sans hydrogène. Il est donc manifeste que la concentration de CO dans D13 serait nettement inférieure à celle supposée par la requérante. Étant donné que ce document enseigne explicitement la volonté de faire fonctionner le procédé de manière à ce que la concentration d'oxydes de carbone reste faible (voir par. [0003]), la chambre conclut qu'il ne serait pas évident de modifier le procédé de manière à ce que la concentration de CO dans la ligne de recirculation atteigne des valeurs comprises entre 0,5 et 3 % en volume.
3.8 Il suit de ce qui précède que l'objet de la revendication 1 (et par conséquent celui des revendications qui en dépendent) de la requête principale ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique connu de l'homme du métier, et implique une activité inventive au sens de l'Article 56 CBE.
4. Étant donné qu'aucune des lignes d'argumentation présentées par la requérante ne porte préjudice au maintien de l'invention définie dans la requête principale, son recours ne peut aboutir.
5. Compte tenu de cette conclusion, il n'y a pas lieu de traiter les requêtes additionnelles des parties, à savoir la recevabilité des documents E1 et E2 (qui certes été pris en compte, mais ils n'affectent pas l'issue de la procédure) ou de l'exemple 7 fourni par la titulaire (et non pris en compte dans la présente décision), ou encore l'admissibilité et/ou la recevabilité des requêtes auxiliaires déposées par la titulaire.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.