European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2021:T015819.20211013 | ||||||||
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Date de la décision : | 13 Octobre 2021 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0158/19 | ||||||||
Numéro de la demande : | 12728629.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | C22C 21/00 F28D 1/04 F28F 13/12 F28F 21/08 B32B 15/01 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | ENSEMBLE PLAQUÉ EN ALLIAGES D'ALUMINIUM POUR TUBE D'ECHANGEUR THERMIQUE A PLACAGE INTERNE PROTECTEUR ET A PERTURBATEUR BRASE | ||||||||
Nom du demandeur : | Constellium Neuf-Brisach | ||||||||
Nom de l'opposant : | Aleris Rolled Products Germany GmbH | ||||||||
Chambre : | 3.3.05 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Correction d'erreurs - (oui), Modification des moyens invoqués dans le cadre du recours Modification des moyens invoqués - pertinence de la modification pour résoudre les questions soulevées (oui), Modification après signification - circonstances exceptionnelles (oui), Revendications - clarté Revendications - requête principale (oui), Revendications - clarté après modification (oui), Modifications - extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée (non), Modifications - admises (oui), Activité inventive - requête principale (oui), |
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Exergue : |
Un recours formé par une partie à la procédure et aux prétentions de laquelle la décision attaquée n'avait pas fait droit est recevable malgré le fait qu'en même temps une autre société qui n'était pas partie à la procédure a formé conjointement le recours (motifs 1.4). |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Un recours a été formé contre la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet EP 2 710 162 B sur la base de la requête subsidiaire 2 d'alors.
II. Le titulaire du brevet est la société CONSTELLIUM NEUF-BRISACH.
III. Le recours a été formé par une mandataire du "groupement de mandataires n°642" au nom des deux sociétés suivantes (cf. le point 1. de l'acte de recours)
- C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER et
- CONSTELLIUM NEUF-BRISACH CENTER (caractères italiques ajoutés par la chambre).
IV. La mandataire a ensuite déposé un mémoire exposant les motifs du recours indiquant (cf. le premier paragraphe du mémoire) que le recours a été formé par les sociétés
- C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER et
- CONSTELLIUM NEUF-BRISACH (c'est-à-dire sans le mot CENTER)
V. Les documents suivants faisaient partie de ceux discutés au cours de la procédure d'opposition:
E1|US 2007/0051503 A1|
E2|WO 2010/060843 A1 |
VI. Dans deux notifications, la chambre a exprimé son avis préliminaire et non définitif suivant:
- L'arrangement de la revendication 1 est à interpréter de manière "fermée" par rapport à l'intérieur du canal, mais des couches et des objets supplémentaires sont permis vers l'extérieur.
- Entre autres, à cause de cette interprétation, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive au vu d'une combinaison de E1 avec E2.
- La revendication dépendante 12 des requêtes qui figurent actuellement au dossier comprend la caractéristique "réalisé à partir de tôles de brasage selon l'une des revendications 1 à 8", contrairement à la revendication 12 telle que délivrée qui indique "réalisé à partir d'un ensemble de tôles de brasage selon l'une des revendications 1 à 8" (caractères italiques ajoutés par la chambre).
Cela pose pour toutes les requêtes qui figurent en ce moment au dossier:
- un problème de clarté qui n'était pas présent dans la version telle que délivrée (article 84 CBE),
- voire un problème au titre de l'article 123(3) CBE.
VII. En réaction, la requérante a présenté une nouvelle requête principale ainsi que deux nouvelles requêtes subsidiaires par lettre du 22 septembre 2021.
VIII. La veille de la procédure orale au stade du recours, la mandataire a été informée du fait que les noms des sociétés figurant sur l'acte de recours n'étaient pas identiques au nom de la titulaire qui était partie à la procédure d'opposition et aux prétentions de laquelle la décision attaquée n'avait pas fait droit.
IX. La mandataire a ensuite indiqué que le mot "CENTER" dans l'acte de recours correspondait à une faute de frappe. À l'appui de son allégation, elle a présenté deux extraits kbis afin de prouver l'existence de la société CONSTELLIUM NEUF-BRISACH.
X. Le libellé de la revendication indépendante de la requête principale qui forme la base de la présente décision s'énonce comme suit:
"Ensemble de deux tôles de brasage caractérisé en ce que :
- la première tôle est constituée d'un alliage de la série AA3xxx plaqué sur une face d'un alliage de la série AAlxxx,
- la deuxième tôle est constituée d'un alliage d'aluminium de la série AA3xxx plaqué sur ses deux faces d'un alliage de la série AA4xxx.
- les deux tôles sont assemblées entre elles par brasage de façon à former un canal fermé, ou tube, à perturbateur interne, dans lequel circulent des gaz d'échappement, notamment de véhicule automobile, seuls ou associés à un autre fluide, typiquement de l'air,
- la face du canal exposée à ces gaz, ou à ce mélange, est la face revêtue de l'alliage 1xxx de la première tôle formant canal, la deuxième formant perturbateur interne,
- le canal est revêtu, sur sa face externe, d'une couche de placage en alliage de la série AA4xxx."
Les revendications 2 à 13 correspondent à des modes de réalisation préférés.
XI. Les arguments de la mandataire peuvent être résumés comme suit:
Le "groupement de mandataires n° 642", auquel appartient la mandataire, fait partie de la société C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER.
La mandataire représente la société CONSTELLIUM NEUF-BRISACH qui doit constituer la seule requérante. Le mot CENTER dans l'acte de recours est une faute de frappe. Seule cette société reste partie au recours tandis que la société C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER se retire du recours.
L'arrangement de la revendication 1 est à interpréter de manière "fermée", surtout vers l'intérieur du canal, c'est-à-dire vers la face exposée aux gaz.
En conséquence, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive par rapport à la combinaison de E1 avec E2.
XII. Les arguments de l'intimée peuvent être résumés comme suit:
Le cas est trop complexe pour être traité lors d'une visioconférence. La procédure orale doit se dérouler en présentiel ou en mode hybride.
Aucune des sociétés ayant formé le recours n'était partie à la procédure d'opposition. Le recours n'est donc pas recevable. Par ailleurs, les moyens invoqués par la mandataire lors de la procédure de recours n'étaient pas soumis pour le compte d'une partie à la procédure.
L'arrangement de la revendication 1 doit être interprétée de manière "ouverte" à cause du mot "constitué" et de la présence simultanée d'une couche supplémentaire.
Si l'on suit l'interprétation de la requérante, l'étendue de la protection de la revendication 1 de la requête principale serait élargie par rapport à la version telle que délivrée (article 123(3) CBE). En effet, tandis que la revendication 1 telle que délivrée ne permet pas, d'après la requérante, la présence de couches autres que AA3xxx et AA1xxx, la revendication 1 de la requête principale, au contraire, requiert la présence d'une couche de la série AA4xxx.
Puisque la modification de la revendication 1 est basée sur une caractéristique qui a été prise de la description et qui n'est pas claire, il n'est pas satisfait aux exigences de l'article 84 CBE.
Suite à l'interprétation ouverte de la revendication 1, l'objet de cette revendication n'implique pas d'activité inventive par rapport à une combinaison de E1 avec E2.
XIII. À la fin de la procédure orale, la mandataire a demandé au nom de la société CONSTELLIUM NEUF-BRISACH que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit maintenu selon la requête principale ou selon les requêtes subsidiaires 1 ou 2, toutes déposées par lettre en date du 22 septembre 2021.
L'opposante (intimée) a demandé que le recours soit rejeté.
Motifs de la décision
1. Identité de la requérante et recevabilité du recours
Selon l'article 107 CBE, seule une partie à la procédure aux prétentions de laquelle une décision de l'OEB n'a pas fait droit peut former un recours contre cette décision.
Pour les raisons suivantes, il est satisfait à ces conditions.
1.1 En ce qui concerne la deuxième société mentionnée dans l'acte de recours, à savoir CONSTELLIUM NEUF-BRISACH CENTER, l'avis de la mandataire selon lequel le mot CENTER est une faute de frappe et il s'agit en réalité de la titulaire du brevet, c'est-à-dire de CONSTELLIUM NEUF-BRISACH, est convaincant pour les raisons suivantes.
Le mémoire exposant les motifs de recours indique, correctement, CONSTELLIUM NEUF-BRISACH.
Les deux noms ne se distinguent que par le mot CENTER.
D'après la mandataire, la société CONSTELLIUM NEUF-BRISACH CENTER n'existe pas.
Il n'y a effectivement aucun indice concernant l'existence d'une telle société:
- Sur la page internet https://www.infogreffe.fr/, à la date de la procédure orale au stade du recours, il y a seulement une entrée pour CONSTELLIUM NEUF-BRISACH, tandis que CONSTELLIUM NEUF-BRISACH CENTER n'y figure pas.
- Les deux extraits kbis, c'est-à-dire des extraits d'immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés, présentés par la mandataire la veille de la procédure orale, prouvent l'existence de la société CONSTELLIUM NEUF-BRISACH.
- L'intimée n'a pas apporté de preuve concernant l'existence d'une société nommée CONSTELLIUM NEUF-BRISACH CENTER. La chambre n'en a pas trouvé non plus.
Par conséquent, l'indication de CONSTELLIUM NEUF-BRISACH CENTER dans l'acte de recours est une erreur manifeste qui a été corrigée lors de la procédure orale, c'est-à-dire sans délai après sa notification la veille. Cette correction est donc en accord avec la règle 139 CBE et les conditions préalables selon la décision G 1/12 (point 37 des motifs).
1.2 En ce qui concerne les moyens soumis par la mandataire tout au long de la procédure de recours, ils étaient bien au nom de CONSTELLIUM NEUF-BRISACH:
Le "Pouvoir général" en date du 26 mars 2015, déposé le 11 juin 2015, prouve que la société "Constellium Neuf Brisach" autorise
"Constellium - Propriété industrielle -
Groupement de mandataires N° 642
C-TEC - Constellium Technology Center"
à la représenter. A cet égard, la mandataire a indiqué que le groupement de mandataires n° 642 auquel elle appartient fait partie de la société C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER.
Cela en combinaison avec le fait que tous les moyens soumis par la mandataire portent l'en-tête "C-TEC Constellium Technology Center" et le complément "Representative group N° 642" à coté de la signature de la mandataire prouve que la mandataire agissait et agit au nom de la titulaire CONSTELLIUM NEUF-BRISACH.
Par ailleurs, la mandataire représentait déjà la titulaire dans sa réponse à l'acte d'opposition et lors de la procédure orale au stade de l'opposition, même si c'était sous son nom d'alors.
D'après la jurisprudence constante des chambres de recours, en l'absence d'indication laissant penser le contraire, tout mandataire agréé qui a été chargé d'agir pour le compte d'une partie lésée par une décision et qui forme ensuite un recours contre ladite décision doit être présumé comme agissant pour le compte de la même partie que celle qu'il a représentée en première instance, et non pas pour le compte d'une autre personne non admise à former recours (Jurisprudence des Chambres de recours, 9ème édition, 2019, V.A.2.4.1.b).
Dans le cas présent, il n'y a pas de telle "indication laissant penser le contraire" et la chambre conclut en conséquence également pour cette raison que la mandataire agit pour le compte de la société CONSTELLIUM NEUF-BRISACH.
1.3 La correction a donc pour effet d'introduire le vrai nom de la titulaire, comme prévu dès le début du recours. L'intention initiale ressort d'emblée de l'ensemble du dossier et du fait qu'il n'y a pas d'entité juridique nommée "CONSTELLIUM NEUF-BRISACH CENTER" à l'adresse indiquée. Il s'agit de la correction d'une indication inexacte et la requête en correction a été présentée sans délai pendant la procédure orale.
En conclusion, le mot CENTER dans le nom CONSTELLIUM NEUF-BRISACH CENTER figurant dans l'acte de recours est une erreur manifeste qui a été corrigée dans les plus brefs délais après sa notification.
Par conséquent, la correction en vertu de la règle 139 CBE a un effet rétroactif de sorte que le recours doit être traité comme ayant été formé par CONSTELLIUM NEUF-BRISACH.
Le recours a donc été formé au nom de la titulaire CONSTELLIUM NEUF-BRISACH qui était effectivement partie à la procédure, et aux prétentions de laquelle la décision attaquée n'avait pas fait droit.
1.4 Pour les raisons suivantes, le fait que le même recours avait également été expressément formé par C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER - c'est-à-dire la société dont font partie "le groupement de mandataires N° 642" et la mandataire - ne rend pas irrecevable le recours.
1.4.1 Il est d'abord noté que l'acte de recours et les motifs ne laissent aucune place à l'interprétation selon laquelle la première société voulait seulement agir comme représentante de la dernière. C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER était donc co-requérante avec la titulaire malgré le fait que C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER n'était ni partie à la procédure d'opposition ni une partie aux prétentions de laquelle la décision attaquée n'avait pas fait droit.
1.4.2 On peut déduire de la décision G 3/99 que dans le cas d'un recours formé conjointement, l'une des parties peut se retirer de la procédure sans que cela ait un effet sur la poursuite du recours à d'autres égards (point III du sommaire). Cela suppose que chaque partie soit traitée de manière indépendante en ce qui concerne son droit individuel au recours, même si les parties sont tenues d'agir conjointement dans la conduite de la procédure de recours.
En l'espèce, l'une des parties formant le recours était habilitée à le faire alors que l'autre ne l'était pas. Si des recours avaient été formés individuellement, un recours aurait été recevable, mais l'autre non.
Compte tenu du principe reconnu dans la jurisprudence des chambres de recours selon lequel un recours ne peut être partiellement irrecevable, le présent recours conjoint a été déposé de manière recevable et peut également être poursuivi de manière recevable au nom de la société CONSTELLIUM NEUF BRISACH.
1.4.3 Le dépôt du recours également au nom de C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER n'a donc aucune incidence sur la recevabilité du recours. Puisque la société C-TEC CONSTELLIUM TECHNOLOGY CENTER s'est retirée du recours (en accord avec la décision G 3/99), il est seulement nécessaire de se prononcer sur le recours formé et poursuivi de manière recevable par CONSTELLIUM NEUF BRISACH (article 107 CBE).
2. Format de la procédure orale
En raison de la pandémie de COVID-19, la procédure orale s'est déroulée, conformément à la requête de la requérante (lettre en date du 11 août 2021), sous forme de visioconférence.
L'intimée n'y a pas consenti mais le dispositif de la décision G 1/21 indique que son accord n'est pas indispensable (traduction selon la décision T 1197/18):
"Lors d'un état d'urgence général qui compromet la possibilité pour les parties de participer à une procédure orale en présentiel dans les locaux de l'OEB, la tenue d'une procédure orale devant les chambres de recours sous forme de visioconférence est compatible avec la CBE, même si toutes les parties à la procédure n'ont pas consenti à ce que la procédure orale se déroule sous forme de visioconférence".
Pour ces raisons, il n'a pas été fait droit à la requête d'alors de l'intimée visant à ce que la procédure orale se déroule en présentiel ou en mode hybride.
Par ailleurs, à l'issue de la procédure orale, l'intimée a déclaré que son droit d'être entendu a été respecté.
Requête principale
3. Recevabilité
La revendication 1 de la requête principale est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 qui fait l'objet de la décision contestée.
La requête principale est identique à la version précédente hormis:
- l'introduction de l'expression "d'un ensemble" dans la caractéristique "réalisé à partir d'un ensemble de tôles de brasage selon l'une des revendications 1 à 8" (caractères italiques ajoutés par la chambre) de la revendication dépendante 12, et
- la suppression d'un deuxième "sur" à la ligne 26 de la revendication dépendante 2.
D'après la requérante, la requête principale est une réaction aux objections au titre des articles 84 et 123(3) CBE soulevées pour la première fois dans la deuxième notification de la chambre, à savoir que la revendication dépendante 12 se réfère à des "tôles de brasage selon l'une des revendications 1 à 8" tandis que la revendication 1 porte sur un "[e]nsemble de tôles".
En effet, comme il s'agit de circonstances exceptionnelles que la requérante a justifiées avec des raisons convaincantes et comme la requête est admissible, la chambre, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, prend en considération la requête principale(articles 13(2) RPCR 2020).
4. Interprétation
Pour les raisons suivantes, la chambre arrive à une autre interprétation de la revendication 1 que la division d'opposition.
4.1 La revendication 1 de la requête principale comprend deux caractéristiques apparemment contradictoires:
(a) "la première tôle [formant le canal] est constituée d'un alliage de la série AA3xxx plaqué sur une face d'un alliage de la série AA1xxx" (caractères italiques ajoutés par la chambre), et
(b) "le canal est revêtu, sur sa face externe, d'une couche de placage en alliage de la série AA4xxx"
Généralement, l'expression "est constitué de" signifie qu'aucun autre élément ne peut être présent (Jurisprudence des Chambres de recours, 9**(ème) édition, 2019, II.A.6.2 qui se réfère à II.E.1.15, ou encore T 711/90, point 2 des motifs).
Par conséquent, la caractéristique (a) donne l'impression qu'elle exclut la présence de couches supplémentaires au niveau de la première tôle, tandis que la caractéristique (b) exige au contraire la présence d'une couche supplémentaire.
4.2 L'intimée est d'avis qu'à cause de cette apparente contradiction, l'arrangement de la revendication 1 de la requête principale ne doit pas être interprétée de manière fermée. La présence de couches autres que les couches de série AA4xxx (face externe du canal), de série AA3xxx et de série AA1xxx (face interne du canal, exposée au gaz) au niveau de la première tôle ne serait donc pas exclue.
La division d'opposition avait suivi cet argument.
4.3 Or, la chambre ne partage cet avis que partiellement:
Au vu de cette apparente contradiction entre la formulation fermée de l'arrangement de la première tôle et la présence d'une couche supplémentaire externe de série AA4xxx dans la revendication 1, la personne du métier essayerait de donner à l'ensemble des caractéristiques des deux revendication une signification qui a du sens au point de vue technique. Elle fait remarquer que la revendication 1 mentionne la composition des deux tôles et la formation d'un canal avec la couche AA1xxx à l'intérieur du canal exposée aux gaz, ainsi que les deux couches de série AA4xxx sur les deux côtés du perturbateur interne qui sont également exposés aux gaz.
La caractéristique (b) de la revendication 1, par contre, indique un canal assemblé et exige que celui-ci ait une couche de placage extérieure en alliage de série AA4xxx. D'après la revendication dépendante 6, cette couche peut en outre être munie d'objets comme des ailettes.
La revendication signifie donc que les compositions des deux tôles sont, en ce qui concerne les faces exposées aux gaz, limitées par les matériaux nommés dans la revendication 1, mais qu'il y a, malgré le mot "constituée", une couche supplémentaire, dite "de placage", d'un alliage de la série AA4xxx à l'extérieur du canal formé par la première tôle. Par ailleurs, cette couche de placage permet le brasage d'objets extérieurs.
La description ne contredit pas cette interprétation.
Les paragraphes [0039] et [0040] clarifient que la première tôle est constituée:
- soit d'une tôle d'âme de série AA3xxx et d'une couche de plaquage de série AA1xxx
- soit d'une tôle d'âme de série AA3xxx, plaquée d'une couche de série AA1xxx et, de l'autre côté, d'une couche de série AA4xxx.
Les paragraphes [0027] à [0031] et [0033] en combinaison avec la Figure 4 divulguent des modes de réalisation avec une première tôle potentiellement munie d'une couche de série AA1xxx et d'ailettes sur sa face extérieure.
Par ailleurs, ni le paragraphe [0047], ni la Figure 4, ni les exemples inventifs (configurations 3 et 4 du Tableau 1) ne divulguent une première tôle avec, du côté exposé au gaz, des couches autres que la tôle d'âme de série AA3xxx plaquée d'un alliage de série AA1xxx.
Il n'est divulgué nulle part que la présence d'une couche supplémentaire autre que la couche de placage en alliage de la série AA1xxx du côté exposé aux gaz est permise dans le cadre de l'invention. Au contraire, la "configuration 2" du Tableau 1 avec une couche supplémentaire de type 4045 du côté exposée au gaz n'est pas désignée comme exemple inventif.
5. L'arrangement de la revendication 1 est donc "fermé" par rapport à l'intérieur du canal formé par la première tôle, à savoir une tôle d'âme de série AA3xxx plaquée d'une couche de série AA1xxx. En revanche, l'extérieur laisse ouverte la possibilité d'objets supplémentaires en plus de la couche de série AA4xxx.
6. Modifications
6.1 Pour les raisons suivantes, les revendications ne vont pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (article 123(2) CBE):
- La revendication 1 est basée sur la revendication 1 et une partie de la revendication 6 telles que déposées.
Les passages de la description de la demande telle que déposée à la page 9, lignes 9 à 12, et à la page 10, lignes 15 à 18, montrent qu'il est possible d'introduire dans la revendication 1 la couche de la série AA4xxx de la caractéristique de la revendication 6 sans pour autant introduire la caractéristique "et muni, sur cette couche [de la série AA4xxx], d'ailettes, ou intercalaires, assemblées par brasage".
- L'introduction de l'expression "d'un ensemble" dans la caractéristique "réalisé à partir d'un ensemble de tôles de brasage selon l'une des revendications 1 à 8" (caractères italiques ajoutés par la chambre) dans la revendication dépendante 12 n'a pas été contestée.
Cette modification ne fait que clarifier la nature de la référence de la revendication 12 aux revendications 1 à 8 qui portent sur un ensemble de deux tôles.
- La suppression du deuxième "sur" dans la ligne 26 de la revendication 2 n'a pas été contestée et correspond à la correction d'une erreur manifeste (règle 139 CBE).
- Les revendications 3 à 11 et 13 sont identiques aux revendications respectives telles que déposées.
6.2 Selon l'intimée, si l'on suivait l'interprétation de la requérante, l'étendue de la protection de la revendication 1 de la requête principale serait élargie par rapport à la version telle que délivrée (article 123(3) CBE). D'après la requérante, la revendication 1 telle que délivrée ne permet pas la présence de couches autres que AA3xxx et AA1xxx, tandis que la revendication 1 de la requête principale, au contraire, requiert la présence d'une couche de la série AA4xxx.
Or, pour évaluer s'il est satisfait aux exigences de l'article 123(3) CBE, la personne du métier regarde la totalité des revendications telles que délivrées, et pas seulement la revendication 1 (cf. T 49/89, point 3.2.2 des motifs, par exemple). La personne du métier aurait déjà compris le caractère "semi-ouvert" de la première tôle en essayant de donner un sens technique aux revendications 1 et 6 telles que délivrées.
7. Clarté
De l'avis de l'intimée, la caractéristique "le canal est revêtu, sur sa face externe, d'une couche de placage en alliage de la série AA4xxx" dans la revendication 1 de la requête principale provient de la description et donne lieu à un problème de clarté. Comme cette caractéristique n'est pas présente dans la revendication 1 telle que délivrée, les exigences de l'article 84 CBE peuvent être discutées.
La chambre ne partage pas ce point de vue. En effet, l'apparente contradiction entre le mot "constituée" et la couche supplémentaire de la série AA4xxx était déjà présente dans les revendications de la version telle que délivrée, à savoir dans les revendications 1 et 6.
La modification n'introduit donc pas un nouveau problème de clarté. Pour cette raison, la conformité aux exigences de l'article 84 CBE à cet égard ne peut être examinée d'après la décision G 3/14 (point 81 des motifs).
8. Activité inventive
Suite à l'interprétation de la revendication 1, l'objet de cette revendication implique une activité inventive, contrairement à la conclusion de la division d'opposition.
8.1 L'invention concerne un ensemble de deux tôles de brasage.
8.2 De l'avis de l'intimée, le document E1 doit être considéré comme étant l'état de la technique le plus proche de l'objet de la revendication 1. La requérante n'a pas contesté ce choix.
E1 divulgue également un ensemble de deux tôles de brasage, à savoir une première tôle "flat tubes 16" et une deuxième tôle "turbulators 22", pour un échangeur thermique (paragraphes [0008], [0009], [0026] et [0030], Figures 2, 3 et 6).
D'après le paragraphe [0009], une tôle d'âme de type AA3003 est plaquée des deux côtés d'une couche de AA4045. Cet assemblage s'applique au canal et au perturbateur (paragraphes [0009] et [0030]).
Un objectif de E1 est de limiter la corrosion (paragraphe [0007]). D'après les paragraphes [0007] et [0008], une utilisation comme échangeur thermique pour des gaz d'échappement de véhicules automobiles est également envisagée.
Pour ces raisons, E1 est effectivement approprié comme choix de l'état de la technique le plus proche.
8.3 D'après le brevet contesté, le problème à résoudre est de mettre à disposition un ensemble de deux tôles qui résiste mieux à la corrosion (paragraphe [0007]).
8.4 Le brevet contesté propose de résoudre ce problème par l'ensemble de deux tôles de brasage selon la revendication 1 de la requête principale, caractérisé en une première tôle constituée d'un alliage de la série AA3xxx plaqué sur la face exposée aux gaz d'échappement d'un alliage de la série AA1xxx et, de l'autre côté, d'une couche de série AA4xxx.
L'intimée ne conteste pas que cette caractéristique représente une différence par rapport à E1.
8.5 Le tableau 4 du brevet contesté indique effectivement une meilleur résistance à la corrosion du tube pour les exemples 3 et 4 avec un arrangement selon l'invention.
Contrairement à sa position initiale dans sa réponse aux motifs, l'intimée conteste que le problème posé ait été résolu avec succès. Selon elle, les exemples du brevet en cause ne peuvent pas démontrer un effet, car les perturbateurs des exemples comparatifs 1 et 2 ne sont pas plaqués d'un alliage de la série AA4xxx (cf. le Tableau 1) contrairement à l'arrangement de E1. La corrosion observée au niveau du tube des exemples comparatifs du brevet contesté (cf. le Tableau 4) proviendrait des perturbateurs. Le problème à résoudre était donc seulement la mise à disposition d'un ensemble alternatif.
Or, au vu des résultats positifs du Tableau 4 du brevet contesté et sans preuve du contraire, cet argument de l'intimée n'est pas convaincant. Et comme la charge de la preuve dans ces circonstances incombe à l'intimée, il n'y a pas de raison de douter que le problème ait été résolu avec succès.
8.6 L'intimée est d'avis qu'une combinaison du document E1 avec le document E2 conduit à l'objet de la revendication 1 de la requête principale.
À la page 10, lignes 5 à 12, le document E2 divulgue qu'il est avantageux de rajouter une couche supplémentaire de AA1xxx, par exemple une couche de AA1050 ou de AA1100.
Nonobstant la question de savoir pour quelle raison l'ajout d'une telle couche supplémentaire est "avantageux" (le passage de E2 ne l'indique pas), un tel ajout d'une couche de la série AA1xxx à la première tôle de E1 ne conduit pas à l'objet de la revendication 1 de la requête principale.
En effet, celui-ci exclut sur la face interne de la première tôle la présence d'une couche intermédiaire de la série AA4xxx entre la tôle d'âme de série AA3xxx et la couche de placage de série AA1xxx (cf. le point 4. ci-dessus).
Or, une telle couche intermédiaire serait présente après l'ajout de la couche de placage de série AA1xxx si l'on suit l'enseignement de E2. Le résultat serait une première tôle comprenant, de l'extérieur vers l'intérieur, AA4xxx/AA3xxx (âme)/AA4xxx/AA1xxx/fluide. Cela n'a pas été contesté par l'intimée.
En effet, rien n'indique que la personne du métier remplacerait la couche de la série AA4xxx côté face interne de E1 par la couche de la série AA1xxx. Un tel remplacement irait même contre l'enseignement de E1 car cela ne produirait plus une bande brune "brown band" entre les couches des séries AA3xxx et AA4xxx (cf. les paragraphes [0008] et [0028]), ce qui n'a pas été contesté par l'intimée.
Même en combinant E1 avec E2, la personne du métier n'arrive donc pas à l'objet de la revendication 1, lequel implique donc une activité inventive (article 56 CBE).
Cela vaut aussi pour les revendications 2 à 13 qui dépendent directement ou indirectement de la revendication 1.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de maintenir le brevet tel que modifié sur la base des revendications de la requête principale et une description à adapter.