T 3027/18 () of 16.12.2021

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2021:T302718.20211216
Date de la décision : 16 Décembre 2021
Numéro de l'affaire : T 3027/18
Numéro de la demande : 13742743.1
Classe de la CIB : C12C 7/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : PROCÉDÉ DE BRASSAGE CONTINU OU SEMI-CONTINU
Nom du demandeur : Meura S.A.
Nom de l'opposant : Heineken Supply Chain B.V.
ZIEMANN HOLVRIEKA GmbH
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 013(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 016(1)(e)
Mot-clé : Nouveauté
Modification des moyens invoqués
Renvoi à la première instance
Répartition des frais
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0101/87
T 1059/98
T 1273/11
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les recours formés par l'opposante 1 (ci-après la requérante 1) et l'opposante 2 (ci-après la requérante 2) concernent la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition formée contre le brevet européen No. 2 855 655.

II. Il est fait référence aux documents suivants dans la décision:

D1 |WO 2007/136254 A1 |

D8 |GB 1 247 531 |

D34 |DE 42 44 597 C1 |

D35 |Narziss, L., Back, W., "Die Bierbrauerei,Band 2: Die Technologie der Würzebereitung", 8. Auflage, Verlag Wiley-VCH, Weinheim, page 520, publié en 2009|

D36 |Krottenthaler, M: "Entwicklung innovativer Technologien zur Optimierung der Würze- und Bierqualität", Habilitationsschrift, TU München-Weihenstephan, page 147, publié le 26 février 2007|

D37 |Narziss, L., et al., Die Technologie der Würzebereitung, 7. Auflage, Enke Verlag Stuttgart, page 331, publié en 1992|

D38 |EP 1 264 876 A2 |

A039|Extrait de "Brauwelt", N°46/47, 2003, pages 1579-1584 |

A040|Extrait de "Brauwelt", N°1-2, 2007, pages 22-26 |

A041|Tableau de pression et évaporation de l'eau |

A042|Entrée Wikipédia sur "Entspannungsverdampfung" |

A043|Narziss, L., et al., Die Technologie der Würzebereitung, 7. Auflage, Enke Verlag Stuttgart, page 260, publié en 1992|

A044|Narziss, L., et al., Die Technologie der Würzebereitung, 7. Auflage, Enke Verlag Stuttgart, page 259, publié en 1992 |

III. La division d'opposition est arrivée entre autres à la conclusion que l'objet de la revendication 1 était nouveau vis-à-vis de D34.

IV. La requérante 1 a contesté dans son mémoire exposant les motifs du recours la décision de la division d'opposition en ce qui concerne la nouveauté et l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 vis à vis de D1.

V. La requérante 2 a également contesté la décision de la division d'opposition. Elle a soumis entre autres que l'objet de la revendication 1 manquait de nouveauté par rapport à D34 et n'impliquait pas d'activité inventive.

VI. La titulaire du brevet (ci-après l'intimée), dans sa réponse au mémoire de recours, a entre autres soumis des arguments sur la nouveauté et l'activité inventive de l'objet des revendications telles que délivrées.

VII. Dans un courrier supplémentaire, la requérante 2 a répliqué aux arguments de l'intimée.

VIII. Une notification de la Chambre de recours établie conformément à l'article 15(1) RPCR a été émise en préparation de la procédure orale.

IX. Dans une seconde lettre additionnelle, la requérante 2 a soumis des arguments supplémentaires contre l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 de la requête principale.

X. La requérante 1 a informé les parties et la chambre qu'elle ne participerait pas à la procédure orale.

XI. La procédure orale s'est tenue le 16 décembre 2021 en l'absence de la requérante 1 selon la règle 115(2) CBE et l'article 15(3) RPCR 2020.

XII. Les arguments suivants, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, ont été avancés par les requérantes 1 et 2.

Requête principale - nouveauté

- Le document D34 décrivait un procédé de brassage en continu.

- La combinaison des revendications 1 et 3 de D34 décrivait toutes les caractéristiques de la revendication 1 de la requête principale. L'hydrolyse de l'amidon en sucres fermentescibles était obtenue de manière inhérente au cours du brassage dans le réacteur après la préparation de la maische dans la première étape du procédé de la revendication 1 de D34.

- Comme le moût de bière se comportait comme l'eau, la valeur de pression 0.7 bar décrite au cours de l'étape de double évaporation flash pour le refroidissement du moût, avant l'étape de clarification, correspondait à une température de 90°C.

- Cette température de refroidissement effectué avant la clarification était la température de clarification et elle correspondait à la valeur limite supérieure du domaine de température de clarification requis par la revendication 1 de la requête principale.

- Contrairement aux soumissions de l'intimée, la clarification n'avait pas lieu entre les deux étapes d'évaporation flash, comme montré par la revendication 5 de D34. De plus, le document D8 (page 5, lignes 75-88) décrivait un mode de réalisation où la clarification avait lieu après une double étape d'évaporation flash, prouvant que la clarification était possible après cette double étape.

- L'objet de la revendication 1 de la requête principale était donc dépourvu de nouveauté.

Requête subsidiaire 1 - recevabilité

- Il ne pouvait être déduit de la réponse au mémoire de recours l'intention de l'intimée de déposer une requête subsidiaire dont les revendications étaient clairement définies.

- La requérante 2 ne pouvait pas se présenter à la procédure orale en ayant préparé des moyens complets sur toutes les possibilités de requêtes subsidiaires. De même, la requérante 2 ne pouvait pas préparer des soumissions à l'encontre de la requête subsidiaire 1 déposée au cours de la procédure orale sans que celle-ci ne soit reportée.

- L'intimée avait eu la possibilité de déposer une requête subsidiaire avec sa réponse au mémoire de recours. Le dépôt du document D34 ne représentait en aucun cas une circonstance exceptionnelle justifiant la présentation de la requête subsidiaire 1 (article 13(2) RPCR 2020).

Répartition des frais d'opposition et de recours

- La procédure d'opposition et de recours n'avait pas duré en longueur, comme l'acte d'opposition avait été déposé le 12 avril 2017.

- Les documents déposés au cours de la procédure de recours étaient en réponse à des arguments contredits par l'intimée et non acceptés par la division d'opposition.

- Aucun abus de procédure n'avait été démontré par l'intimée.

XIII. Les arguments suivants, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, ont été avancés par l'intimée.

Requête principale - nouveauté

- Le document D34 n'était pas destructeur de nouveauté pour l'objet de la revendication 1 de la requête principale.

- La clarification dans le procédé de D34 avait lieu entre les deux étapes d'évaporation flash.

- La température de clarification dans D34 correspondait à celle de la première évaporation flash qui était de 100°C.

- La seconde étape d'évaporation flash évoquée à la revendication 3 de D34 ne pouvait être envisagée qu'après clarification, comme décrit dans les revendications 9 et 10 de D8.

- La clarification à une pression inférieure à la pression atmosphérique était un non-sens technique, car une dépression entraînerait des coûts prohibitifs de construction de la cuve de séparation.

Requête subsidiaire 1 - recevabilité

- La requête subsidiaire 1 ne pouvait pas être considérée comme déposée tardivement, puisque l'intimée avait annoncé dans sa réponse au mémoire de recours son intention de déposer une requête subsidiaire.

- La requérante 2 et la chambre ne pouvaient pas être surprises par la requête subsidiaire déposée au cours de la procédure orale.

- De plus, le dépôt tardif du document D34 par la requérante 2 pendant la procédure d'opposition justifiait le dépôt de requête subsidiaire 1 devant la chambre de recours.

Renvoi de l'affaire

- L'affaire, sur la base de la requête subsidiaire 1, devait être renvoyée à la division d'opposition pour qu'elle décide de l'admission de cette requête.

Répartition des frais d'opposition et de recours

- La procédure d'opposition et de recours avait duré en longueur. La requérante 2 avait déposé "tardivement" de nombreux documents et de nouveaux arguments à plusieurs reprises ("goutte à goutte"), comme le document D36 qui était volumineux et non pertinent. Leur analyse représentait un volume de travail conséquent.

- Le dépôt de ces nombreux documents représentait un abus de procédure justifiant une répartition des frais d'opposition et de recours.

XIV. Les requêtes des parties, dans la mesure où elles sont pertinentes pour la présente décision, étaient les suivantes:

La requérante 1 requiert l'annulation de la décision de la division contestée et la révocation du brevet.

La requérante 2 requiert l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée requiert:

- le rejet du recours, impliquant le maintien du brevet tel que délivré, et

- une répartition des frais d'opposition et de recours induits par la production tardive de documents par la requérante 2.

Motifs de la décision

Requête principale: revendications 1 à 15 telle que délivrées

1. Nouveauté - Articles 100(a) et 54 CBE

1.1 La revendication 1 telle que délivrée est l'unique revendication indépendante et s'énonce ainsi:

"1.Procédé de brassage qui comporte au moins les étapes suivantes :

a) préparation d'une ou plusieurs maisches par empâtage de matières premières contenant de l'amidon, maltées ou non, préalablement broyées ou non,

b) brassage de la maische pour hydrolyser l'amidon en sucres fermentescibles ;

c) séparation de la drêche pour obtenir un moût;

d) traitement thermique du moût à une température comprise entre 95°C et 140°C

e) refroidissement du moût jusqu'à une température comprise entre 80°C et 90°C ;

f) clarification du moût à une température comprise entre 80°C et 90°C ;

g) refroidissement du moût clarifié pour le porter à la température de fermentation ;

les étapes d) à g) étant réalisées en continu".

1.2 La requérante 2 a estimé que l'objet revendiqué était dépourvu de nouveauté vis-à-vis du document D34.

1.3 Le document D34 (revendication 1) décrit un procédé de brassage en continu comprenant des étapes de préparation d'une maische par empâtage d'une matière première broyée comprenant de l'amidon ("zerkleinerte, stärkehaltige und gegebenenfalls gemälze Rohstoffe mit Wasser eingemaischt"), comme requis par l'étape a) de la revendication 1 telle que délivrée.

La revendication 1 de D34 décrit également la séparation de la drêche pour obtenir un moût ("der Treber aus der Maische in einem Dekanter kontinuierlich abgetrennt") et le traitement thermique du moût à une température comprise entre 105-140°C ("die feststofffreie, heiße Würze mit Hopfen oder Hopfenextrakt gemischt sowie kontinuierlich einem Durchflussreaktor zugeführt und auf eine Temperatur von 105 bis 140 °C erhitzt wird"). Ces deux étapes correspondent aux étapes c) et d) de la revendication 1 telle que délivrée.

La revendication 1 de D34 se réfère à une clarification du moût ("in einem Separator kontinuierlich von den Trubstoffen befreit"). Le refroidissement du moût clarifié pour le porter à la température de fermentation ("anschließend in einem Wärmeaustauscher auf die Vergärungstemperatur abgekühlt wird"), également divulgué dans la revendication 1 de D34, est une étape correspondant à l'étape g) de la revendication 1 telle que délivrée.

Ainsi, la revendication 1 de D34 décrit explicitement toutes les caractéristiques de la revendication 1 telle que délivrée, hormis:

- le brassage de la maische pour hydrolyser l'amidon en sucres fermentescibles (étape b) de la revendication 1 telle que délivrée), et

- la température à laquelle le moût est refroidi après le traitement thermique (étape e) de la revendication 1 telle que délivrée) et à laquelle le moût est clarifié (étape f) de la revendication 1 telle que délivrée).

Cela n'a pas été contesté par l'intimée.

La requérante 2 a soumis que l'hydrolyse de l'amidon en sucres fermentescibles était obtenue de manière inhérente au cours du brassage dans le réacteur après la préparation de la maische dans la première étape du procédé de la revendication 1 de D34 (étape a)).

Cette affirmation n'a également pas été contestée par l'intimée, et la chambre arrive à la même conclusion.

Le seul point de discorde entre les parties est d'établir si D34 divulgue la température requise par les étapes e) et f) de la revendication 1 telle que délivrée.

La revendication 3 de D34 décrit, après le traitement thermique du moût, une double étape de vaporisation flash effectuée à une pression de 1 bar pour la première étape et à une pression de 0,3 à 0.7 bar pour la seconde étape. Cette gamme de pression 0,3 à 0,7 bar divulguée dans la revendication 3 de D34 correspond à une plage de température entre 68 et 90°C. Comme le moût est ensuite clarifié, la température du moût suite à l'évaporation flash correspond à la température de clarification du moût. Ceci n'a pas été contesté par l'intimée au cours de la procédure orale.

Ainsi, la revendication 3 de D34 décrit une pression de clarification qui correspond à une température de clarification comprise entre 68 et 90°C. La limite supérieure de cette plage de température (90°C) correspond à la limite supérieure de la gamme de température de clarification requis par les étapes e) et f) de la revendication 1 telle que délivrée (80-90°C).

Par conséquent, la combinaison des caractéristiques des revendications 1 et 3 de D34 est destructeur de nouveauté pour l'objet de la revendication 1 telle que délivrée.

1.4 L'intimée a contesté cette analyse et a soumis que la clarification dans le procédé de D34 avait lieu entre les deux étapes d'évaporation flash et que la température de cette clarification était de 100°C, comme la pression de la première étape d'évaporation flash était 1 bar. La seconde étape d'évaporation flash évoquée à la revendication 3 de D34 ne pouvait être envisagée qu'après clarification, parce que la clarification régénérait des composés volatiles indésirables, comme décrit dans D8 (revendications 9 et 10). Il ressortait clairement qu'un apport de dioxyde de carbone était désirable dans la deuxième étape d'évaporation flash du procédé de D34 (colonne 4, lignes 53 à 58), pour extirper les odeurs et les faveurs avant la fermentation.

La chambre ne partage pas l'avis de l'intimée.

Tout d'abord, la revendication 5 de D34 se réfère à une étape du procédé de D34 au cours de laquelle le moût est conduit dans un container après l'étape de clarification selon l'étape d) de la revendication 1 de D34 ("die Würze nach Abtrennung der Trubstoffe gemäß Verfahrensstufe d) in einen Lagerbehalter geführt wird"). Cette étape d) de la revendication 1 de D34 comprend l'évaporation flash du moût et la clarification de celui-ci. Comme la revendication 5 de D34 est dépendante entre autres de la revendication 3, cela signifie que le moût est conduit dans le container après la clarification du moût (et non pas après une seconde étape d'évaporation flash), montrant que la clarification mentionnée à la revendication 5 de D34 ne peut avoir lieu entre les deux étapes d'évaporation flash. Pour cette seule raison, l'argument de l'intimée ne peut être retenu.

Même sans considérer la divulgation de la revendication 5 de D34, il ne peut pas être conclu que le passage de D34 (colonne 4, lignes 53 à 58) divulguant un apport de dioxyde de carbone pour extirper les odeurs et les saveurs avant la fermentation implique obligatoirement, si l'enseignement de D8 était considéré (D8 est une demande de brevet et ne représente pas les connaissances générales), une clarification entre les deux étapes d'évaporation flash, comme soumis par l'intimée. En effet, si, en faveur de l'intimée, l'enseignement de D8 était considéré, un procédé de brassage comprenant deux étapes d'évaporation flash, où la séparation de matière coagulée a lieu entre les deux étapes est bien décrit dans ce document (revendication 9). Cependant, D8 (revendication 10) décrit également une étape au cours de laquelle le moût subit un refroidissement et une expansion, puis est mis au contact d'un gaz comprimé. Le passage à la page 5, lignes 75-88 de D8 mentionne que le traitement avec le gaz comprimé, tel que le dioxyde de carbone, est réalisé avant la clarification du moût et avant le refroidissement du moût à la température de fermentation ("... the finished, hopped wort is ... expanded, ... and is then gassed using a compressed gas ... Subsequently, the hopped beer wort is supplied for filtering and cooling to fermentation temperature."). Ainsi, ce passage décrit que la clarification a lieu après la double évaporation flash du moût et le traitement avec le gaz comprimé. Ainsi, contrairement à l'avis de l'intimée, D8 ne divulgue pas uniquement une clarification ayant lieu entre les deux étapes d'évaporation flash, comme décrite dans la revendication 9 de D8, mais également une clarification du moût après ces deux étapes d'expansion (page 5, lignes 75-88). Par conséquent, D8 ne prouve pas que la clarification dans le procédé de D34 est obligatoirement réalisée entre les deux étapes d'évaporation flash, et montre que la clarification après deux étapes d'évaporation flash est techniquement réalisable.

1.5 De plus, l'intimée a soumis que c'était un non-sens technique d'effectuer la séparation des matières troubles à une pression inférieure à la pression atmosphérique. Une dépression entraînerait des coûts prohibitifs de construction de la cuve de séparation.

La chambre n'est pas convaincue par cet argument. Le fait que des surcoûts seraient entraînés par un mode de réalisation ne peut pas rendre ce mode de réalisation non-divulgué. Pour cette seule raison, l'argument de l'intimée ne peut être retenu.

1.6 Au vu de ce qui précède, la chambre conclut que l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau. Par conséquent, la requête principale n'est pas fondée.

Requête subsidiaire 1 - revendications 1-15 déposées au cours de la procédure orale devant la chambre

2. Recevabilité de la requête subsidiaire 1

2.1 La revendication 1 de la requête subsidiaire est une combinaison des revendications 1 et 6 de la requête principale. Ainsi l'étape f) de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de celle de la requête principale en ce que la clarification est effectuée "dans un décanteur statique".

2.2 La requête subsidiaire 1 a été déposée au cours de la procédure orale. Selon l'article 13(2) RPCR 2020 (qui s'applique dans le cas d'espèce, voir les articles 24 et 25 (1) RPCR 2020), cette requête n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes.

L'intimée a essentiellement argumenté que cette requête subsidiaire ne pouvait pas être considérée comme déposée tardivement, puisque l'intention de déposer une requête subsidiaire avait été annoncée dans la réponse au mémoire de recours, requête subsidiaire dont les revendications seraient basées en particulier sur la combinaison des revendications de la requête principale. La requérante 2 et la chambre ne pouvaient pas être surpris par la requête subsidiaire déposée au cours de la procédure orale, dont la revendication 1 correspondait à la combinaison des revendications 1 et 6 de la requête principale. De plus, le document D34 avait été déposé tardivement au cours de la procédure devant la division d'opposition et justifiait le dépôt de requête subsidiaire devant la chambre de recours.

La chambre ne partage pas cet avis. Tout d'abord, une intention de déposer une requête subsidiaire sur la base d'une combinaison de revendications ne représente pas une requête à prendre en considération par les parties et la chambre. De plus, l'intimée n'a pas indiqué quelles revendications de la requête principale devraient être combinées et il ne pouvait être déduit ni par la requérante 2 ni par la chambre quel pouvait être l'objet des revendications de la requête subsidiaire hypothétique. Il ne peut être attendu de la requérante 2 de se présenter à la procédure orale en ayant préparé des moyens complets sur toutes les possibilités de combinaison comprises par les revendications de la requête principale. De plus, il aurait été inconcevable pour la requérante 2 de préparer des soumissions à l'encontre de la requête subsidiaire 1 sans que la procédure orale ne soit reportée. La soumission de la requête subsidiaire 1 à ce stade de la procédure est donc contraire au principe d'économie de la procédure (Article 13(1) RPCR 2020).

Le document D34 a été déposé devant la division d'opposition et a été considéré par celle-ci dans sa décision. L'objection de nouveauté vis à vis de D34 a été à nouveau soulevée par la requérante 2 dans son mémoire exposant les motifs du recours. L'intimée avait donc la possibilité de déposer une requête subsidiaire au plus tard avec sa réponse au mémoire de recours. Ainsi, la présentation du document D34, même si celle-ci a été considérée tardive par la division d'opposition (point 5 de la décision), ne représente en aucun cas une circonstance exceptionnelle au sens de l'article 13(2) RPCR 2020 justifiant la présentation de la requête subsidiaire seulement au cours de la procédure orale devant la chambre.

2.3 Par conséquent, la chambre a décidé de ne pas admettre la requête subsidiaire 1 dans la procédure de recours (Article 13 RPCR 2020).

3. Renvoi de l'affaire

3.1 Au cours de la discussion sur la requête subsidiaire 1 orale, l'intimée a requis le renvoi de l'affaire à la division d'opposition sur la base de la requête subsidiaire 1, et que la division d'opposition décide de son admission.

3.2 Cependant, il n'existe de base légale ni dans l'article 111 CBE ni dans l'article 11 RPCR 2020 qui permette de renvoyer l'affaire à la division d'opposition pour qu'elle décide de l'admission d'une requête subsidiaire déposée au cours de la procédure orale devant la chambre. Selon l'article 13 RPCR 2020, la chambre devait décider de la recevabilité de la requête subsidiaire 1 déposée au cours de la procédure orale tel que requis par la requérante. La requête de l'intimée ne peut donc pas aboutir.

4. Répartition des frais

4.1 L'intimée a requis la répartition des frais d'opposition et de recours sur la base d'un abus de procédure.

4.2 L'intimée a argumenté que la procédure avait duré en longueur et que la requérante 2 avait déposé "tardivement" de nombreux documents et de nouveaux arguments à plusieurs reprises ("goutte à goutte"). L'analyse et la traduction de ces documents ainsi que la préparation des contre-arguments représentaient un volume de travail conséquent. Un exemple de cet abus de procédure était la soumission du document D36 complet avec le mémoire de recours, pour lequel une traduction par l'intimée avait été nécessaire.

4.3 La chambre ne peut accéder à cette requête pour les raisons suivantes.

L'article 104(1) CBE prévoit qu'en principe, chacune des parties à la procédure d'opposition supporte les frais qu'elle a exposés. Toutefois, la division d'opposition ou la chambre de recours peuvent, dans la mesure où l'équité l'exige, décider d'une répartition différente des frais occasionnés par une procédure orale ou une mesure d'instruction. En particulier dans le cadre d'une procédure de recours, l'article 16(1) RPCR prévoit aussi que, sous réserve de l'article 104(1) CBE, la chambre peut ordonner une répartition différente pour tout abus de procédure (article 16(1)(e) RPCR), entre autres. De plus, une répartition des frais occasionnés devant la division d'opposition ne peut pas être requise pour la première fois devant la chambre de recours (T 1059/98, raisons 2.2 et T 1273/11, raisons 7.2).

L'acte d'opposition de la requérante 2 a été déposé le 12 avril 2017. La division d'opposition a rendu sa décision le 4 octobre 2018. La chambre a, quant à elle rendu sa décision le 16 décembre 2021. Cela représente une durée d'environ de 4 ans et 8 mois pour rendre une décision finale par rapport à la formation de l'opposition. La requérante 2 n'a requis le report des procédures orales ni devant la division d'opposition, ni devant la chambre. Par conséquent, il ne peut pas être considéré que la requérante 2 a nui au déroulement efficace de la procédure ou a retardé son déroulement, comme soumis par l'intimée.

En ce qui concerne les documents qui ont été déposés après le délais pour former l'opposition et les arguments basés sur ce documents, la chambre note qu'au cours de la procédure devant la division d'opposition les documents D34 à D38 ont été déposées par la requérante 2 suite à la convocation à la procédure orale.

Le document D34 a été discuté ci-dessus (point 1). Les documents D35 à D38 décrivent des gammes de température appliquée au cours de procédés de clarification avec un whirlpool. Les documents D35 à D38 ont été soumis en réponse aux arguments de l'intimée repris par la division d'opposition dans l'annexe à la convocation à la procédure orale, qu'il n'y avait pas lieu de combiner une température de clarification comprise entre 80 et 90°C avec le procédé décrit dans D1 (5ème paragraphe la page 3 de l'annexe). La soumission des documents D35 à D38 est donc une réaction justifiée suite à l'opinion préliminaire de la division d'opposition. L'intimée n'a pas montré que l'étude des documents D34 à D38 avait nécessité un volume de travail conséquent pour elle et que leur dépôt avait porté préjudice au déroulement de la procédure orale devant la division d'opposition.

Au cours de la procédure de recours, la requérante 2 a soumis les documents D36 et A039 à A042.

Une partie du document D36 (page 147) avait été déposée par la requérante 2 devant la division d'opposition pour montrer une gamme de température de 80 à 100°C pour une clarification optimale dans un whirlpool. Au cours de la procédure orale, la date de publication du document et sa provenance ont été objectées (point 5 du procès verbal, page 18 de la décision, 2ème paragraphe) et le document n'a pas été admis dans la procédure par la division d'opposition pour ces raisons (page 18 de la décision, 2ème paragraphe). La requérante 2 a déposé le document complet, cité D36a, avec le mémoire de recours, en ne se référant qu'au passage discuté devant la division d'opposition (page 147). La soumission du document D36a avec le mémoire de recours est donc perçue comme une réaction à la décision de la division d'opposition. L'intimée n'a pas montré que de "nouveaux" arguments, dont l'étude avait nécessité un volume de travail conséquent, avaient été développés sur la base de ce document D36a.

A039 (page 1583, colonne de gauche, deuxième paragraphe) divulgue une pression de 0.65 bar et une température de 88°C pour une évaporation flash d'un moût de bière. Selon la requérante 2, le document a été produit pour montrer que le moût se comportait comme l'eau au cours d'une évaporation flash.

A040 est un article scientifique sur l'évaporation flash du moût de bière. Les passages de la colonne de droite de la page 22 et de la colonne de droite de la page 24, dernier paragraphe ont trait au comportement du moût de bière par rapport à l'évaporation flash.

A041 est un tableau de corrélation pression-température d'ébullition de l'eau.

A042 est un extrait Wikipédia sur l'évaporation flash. Il y est fait mention à un équilibre thermodynamique du liquide subissant l'évaporation flash.

Dans sa décision, la division d'opposition a raisonné qu'il était douteux que l'évaporation flash du moût dans le procédé de D34 était réalisé à l'équilibre et que le moût se comportait exactement comme l'eau (page 10, deuxième paragraphe). La soumission des documents A039-A042, qui sont des documents relativement brefs, des passages précis dans ces documents répond donc à ce doute émis par l'intimée pour la première fois au cours de la procédure orale devant la division d'opposition, et représente une réaction légitime à la décision de la division d'opposition. De plus, ces documents ne font que confirmer les arguments avancés par la requérante 2 au cours de la procédure devant la division d'opposition. L'intimée n'a pas montré que de "nouveaux" arguments, dont l'étude aurait nécessité un volume de travail conséquent, avaient été développés sur la base de ces documents.

4.4 L'intimée a également soumis que le cas présent s'apparentait à la décision T 101/87 et, pour cette raison, justifiait une répartition des frais.

La chambre ne partage pas cet avis.

La décision T 101/87 fait référence à des documents déposés par le requérant avec le mémoire de recours et sur la base desquels une nouvelle attaque de manque d'activité inventive avait été développée (raisons 3.2, 3.3 et 4). Les documents qui montraient un usage antérieur, n'ont pas été admis dans la procédure de recours (raisons 2) et la chambre a ordonné une répartition des frais de recours au bénéfice de l'intimée.

Dans le cas présent, comme établi ci-dessus, les documents D34 à D38 et A039 à A042 ont été soumis en réaction à des conclusions de la décision attaquée qui découlaient de la discussion de questions soulevées au cours de la procédure orale. De nouvelles attaques n'ont pas été développées sur la base de ces documents. Ainsi, la situation dans le cas présent diffère de celle de la décision T 101/87, où de nouvelles attaques avaient été soumises au cours du recours.

4.5 Au vu de ce qui précède, la chambre conclut qu'un abus de procédure au sens de l'article 16(1)(e) RPCR 2020 justifiant une répartition des frais de recours n'a pas été démontré par l'intimée.

5. Recevabilité des soumissions de la requérante 2

Les documents D36, A039, A040, A041, A042, A043 et A044, et le tableau au point 4.2 de la lettre du 22 juillet 2021 soumise par la requérante 2 n'ont pas été utilisés par la requérante 2 au cours de la procédure orale, ni par la chambre pour arriver aux conclusions ci-dessus. Il n'y avait pas lieu pour la chambre de décider sur leur recevabilité.

6. La requête principale ne satisfaisant pas aux exigences de l'article 54 CBE et la requête subsidiaire n'étant pas prise en considération par la chambre, il peut donc être fait droit aux recours des requérantes.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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