T 2825/18 () of 17.1.2022

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2022:T282518.20220117
Date de la décision : 17 Janvier 2022
Numéro de l'affaire : T 2825/18
Numéro de la demande : 09786157.9
Classe de la CIB : B62K 21/26
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : POIGNÉE POUR GUIDON D'UN VÉHICULE À DEUX ROUES
Nom du demandeur : Badollet, Pascal
Nom de l'opposant : SQlab GmbH
Chambre : 3.2.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 116
European Patent Convention Art 84
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 15(1)
Mot-clé : Procédure orale - tenue par visioconférence
Revendications - clarté
Revendications - requête principale (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0003/14
G 0001/21
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours a été formé par l'opposante (requérante) contre la décision intermédiaire par laquelle la division d'opposition a conclu que, sur la base de la requête subsidiaire 1 (alors au dossier), le brevet en litige (ci-après le "brevet") satisfait aux exigences de la CBE.

II. La division d'opposition a décidé en particulier que l'objet de la revendication 1 figurant dans cette requête:

(1) ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (article 123(2) CBE),

(2) est claire (article 84 CBE) et

(3) implique une activité inventive (article 56 CBE).

III. La procédure orale devant la chambre a eu lieu le 17 janvier 2022 par visioconférence.

IV. La requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen. Elle a demandé également que les documents D16 (ou E21), D17, D18 et E22 à E31 et l'exemplaire de la tige SQ414 Small soient admis dans la procédure de recours.

Elle a demandé aussi l'audition de M. Hild. Les objections de la requérante à l'encontre de la visioconférence ont été maintenues.

L'intimée (titulaire du brevet) a demandé que le recours soit rejeté.

V. La revendication 1 de la requête principale (avec la numérotation des caractéristiques utilisée par la division d'opposition et les parties) s'énonce comme suit :

C1.1 Poignée (1) pour guidon (3) d'un véhicule à deux roues et notamment d'une bicyclette, comprenant

C1.2 un corps principal (2) de forme sensiblement cylindrique

C1.3 adaptable sur une portion du guidon (3)

C1.4 rectiligne et sensiblement perpendiculaire au cadre du véhicule, et

C1.5 une tige (4)

C1.6 solidaire du corps principal (2),

C1.7 l'angle entre la tige (4) et l'axe longitudinal du guidon (3) étant compris entre 30° et 60°,

caractérisée par le fait que

C1.8 la tige (4) comporte à son extrémité libre une butée (5)

C1.9 conformée de manière à retenir la main de l'utilisateur et offrir un appui ;

par le fait que

C1.10 la butée (5) est suffisamment large pour offrir en cas de freinage ou de forte déclivité un appui à l'espace inter-métacarpien (16) compris entre les premier et deuxième os métacarpiens (8) du pouce et de l'index respectivement ; et

par le fait que

C1.11 la butée (5) est suffisamment large pour empêcher la main et en particulier à l'espace entre le pouce et l'index de glisser le long de la tige (4).

Motifs de la décision

1. La procédure orale s'est tenue par visioconférence

La titulaire a demandé la tenue de la procédure orale par visioconférence au vu des conditions sanitaires.

La requérante s'est opposée à la tenue de la procédure orale par visioconférence considérant le cas complexe. En particulier, la nécessité d'une interprétation du français vers l'allemand ainsi que l'avis préliminaire de la chambre dans sa notification selon l'article 15(1) RPBA 2020 du 22 avril 2020 selon la requérante non conforme avec la CBE et la jurisprudence propre aux chambres de recours rendaient la tenue d'une procédure orale par visioconférence dans cette affaire inappropriée.

La requérante a ajouté que l'usage antérieur nécessitant selon elle la visualisation de l'exemplaire "SQL 414 Small" ainsi que l'audition de M. Hild rendait la procédure orale par visioconférence d'autant plus inadéquate.

La chambre a considéré qu'il était approprié de tenir la procédure orale sous la forme d'une visioconférence compte tenu:

- des développements actuels de la pandémie de coronavirus et des restrictions adoptées en Europe et dans les bâtiments de l'OEB, constituant un cas d'"état d'urgence général" au sens du dispositif de la Grande Chambre (G1/21);

- de la décision de la Grande Chambre de recours G1/21 donnant un pouvoir discrétionnaire à la Chambre de procéder à une procédure orale par visioconférence même si toutes les parties n'ont pas donné leur consentement dans de telles conditions;

- qu'une visioconférence a été requise par la titulaire (intimée) par lettre datée du 27 septembre 2021 et qu'une procédure orale avait déjà été prévue pour le 5 novembre 2020 et ensuite reportée; et

- que la complexité de l'affaire dans l'état actuel du dossier n'est pas de nature à empêcher une discussion par visioconférence, même avec la présence d'interprètes.

La Chambre a néanmoins ajouté que si pendant la procédure orale elle considérait l'audition de M. Hild ou la visualisation de l'exemplaire de la tige en question pertinentes, la Chambre rendrait une décision à cet effet ordonnant les mesures d'instruction selon la Règle 117 CBE. Dans ce cas, une nouvelle date de procédure orale serait fixée (Cette mesure n'a pas été nécessaire lors de la procédure orale).

2. Clarté de la revendication 1

Contrairement à l'opinion de la division d'opposition, la Chambre juge que l'ajout des caractéristiques C1.10 et C1.11 à la revendication 1 aboutit à une violation de l'article 84 CBE.

2.1 L'intimée a soutenu que la largeur de la butée était claire au vu des caractéristiques fonctionnelles C1.10 et C1.11.

2.1.1 Selon elle, la limitation de la largeur de la butée par sa forme et ses dimensions limiterait indument la portée de la revendication. De plus l'homme du métier saurait vérifier si la butée était suffisamment large pour offrir en cas de freinage ou de forte déclivité un appui à l'espace inter-métacarpien (16) compris entre les premier et deuxième os métacarpiens du pouce et de l'index respectivement (caractéristique C1.10) et si la butée était suffisamment large pour empêcher la main et en particulier à l'espace entre le pouce et l'index de glisser le long de la tige (4) (caractéristique C1.11).

2.1.2 Concernant le fait que la taille de la butée définie par les caractéristiques C1.10 et C1.11 pouvait varier selon la morphologie de la main de l'utilisateur, l'intimée a soutenu que l'homme du métier comprenait clairement que la poignée selon l'invention était destinée à un cycliste, enfant ou adulte, homme ou femme et qu'à ce titre les variations de taille de la butée étaient bien définies. L'homme du métier dans le domaine du vélo avait connaissance des différentes tailles de cadre, de casques, de gants, de guidon, de selle pour un engin à deux roues et n'avait aucun mal à envisager des tailles de butée acceptables et pratiquement utilisables. Il n'envisagera par exemple jamais une butée de 3 m de diamètre.

2.1.3 Quant aux conditions d'utilisation définies dans la caractéristique C1.10: "en cas de freinage ou de forte déclivité", l'homme du métier comprenait qu'il s'agissait de conditions d'utilisation dans lesquelles une force vers l'avant s'applique sur la main ce qui allait pousser la main vers la butée. L'intimée a avancé qu'indépendamment de la force de freinage ou de la déclivité de la pente la butée devait être suffisamment large pour retenir la main, offrir un appui à l'espace inter-métacarpien et empêcher cette zone de glisser le long de la tige. La butée devait ainsi procurer un appui qui n'est pas seulement partiel. Une collerette de quelques millimètres par exemple n'était pas suffisamment large pour procurer un appui à l'espace métacarpien entre le pouce et l'index selon l'intimée.

2.2 Selon la décision G3/14, la conformité de la revendication 1 aux exigences de l'article 84 CBE ne peut être examinée que si et uniquement si les caractéristiques ajoutées C1.10 et C1.11 à la revendication 1 aboutissent à une violation de l'article 84 CBE.

De plus, selon la jurisprudence de l'OEB, il convient d'admettre dans une revendication de brevet des caractéristiques fonctionnelles, c'est à dire des caractéristiques définissant un résultat technique,

i) s'il n'est pas possible d'exposer ces caractéristiques de manière plus précise, objectivement parlant, sans limiter pour autant l'enseignement de l'invention, et

ii) si elles constituent pour l'homme du métier un enseignement technique suffisamment clair, qu'il peut mettre en oeuvre en faisant un effort raisonnable de réflexion - par exemple en effectuant des essais de routine.

2.2.1 Dans la présente affaire, la largeur de la butée aurait pu être limitée de manière précise par ses dimensions divulguées dans la revendication 7 et au paragraphe [0016] du brevet, sans pour autant limiter indûment la portée de la revendication, puisqu'il s'agit d'une plage suffisamment large, 5-10 cm, couvrant tous types d'utilisateurs.

2.2.2 De plus la caractéristique C1.10 définit la largeur minimum de la butée par rapport à la morphologie de la main, "l'espace inter-métacarpien entre les premier et deuxième os métacarpiens du pouce et de l'index respectivement", et des conditions d'utilisation "en cas de freinage ou de forte déclivité". Ainsi la largeur de la butée variera selon l'utilisateur et les conditions d'utilisation.

La chambre tient à noter que contrairement aux affirmations de la requérante, "l'espace inter-métacarpien entre les premier et deuxième os métacarpiens du pouce et de l'index respectivement" est clairement défini et illustré sur les figures 3 et 5, par la référence 16, qui se situe entre l'os métacarpien du pouce et l'os métacarpien de l'index. De même, le terme "déclivité" dans les conditions d'utilisation "en cas de freinage ou de forte déclivité" se réfère sans ambiguïté à une descente, pendant laquelle la main est poussée vers la butée comme en cas de freinage.

Cependant, selon l'intimée l'homme du métier considère qu'une collerette de quelques millimètres ne constitue pas une butée suffisamment large pour offrir un appui à l'espace inter-métacarpien compris entre les premier et deuxième os métacarpiens en cas de freinage ou de forte déclivité. Cette affirmation soulève la question de savoir quelle est la largeur minimum de la butée pour qu'elle puisse offrir un appui à l'espace inter-métacarpien entre le pouce et l'index. La largeur minimum de la butée dépend de ce qui est considéré comme un "appui à l'espace inter-métacarpien (16)" qui selon l'intimée ne doit pas être seulement partiel, de l'utilisateur, en particulier de la morphologie de sa main et des conditions d'utilisation. Il en résulte que l'homme du métier ne sait pas objectivement s'il travaille sur des butées de largeur couvertes ou non par la revendication.

En effet le paragraphe [0016] du brevet indique que la largeur de la butée dépend de la morphologie de l'utilisateur et en particulier de la taille de l'empan de sa main. De plus l'utilisation en cas de "forte déclivité" est subjective et sera appréciée différemment selon l'utilisateur.

3. Pour conclure la seule requête dans la procédure de recours ne satisfait pas aux exigences de la présente convention.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

- La décision attaquée est annulée.

- Le brevet est révoqué.

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