T 2648/18 (Fiabilisation de données dans un calculateur/ALSTOM HOLDINGS) of 11.4.2024

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2024:T264818.20240411
Date de la décision : 11 Avril 2024
Numéro de l'affaire : T 2648/18
Numéro de la demande : 13172857.8
Classe de la CIB : B61L 21/04
G06F 11/07
G06F 21/64
G06F 21/55
B61L 19/06
G05B 9/03
B61L 27/00
G06F 11/16
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Calculateur, ensemble de communication comportant un tel calculateur, système de gestion ferroviaire comportant un tel ensemble, et procédé de fiabilisation de données dans un calculateur
Nom du demandeur : ALSTOM Holdings
Nom de l'opposant : Siemens Aktiengesellschaft
Chambre : 3.5.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 100(a)
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 54(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
Mot-clé : Activité inventive - requête principale (oui)
Activité inventive - modification non évidente
Nouveauté - requête principale (oui)
Faits produits tardivement - recevable (non)
Faits produits tardivement - avec les motifs du recours
Exergue :

-

Décisions citées :
T 1488/08
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les présents recours ont été formés par la titulaire du brevet et par l'opposante contre la décision inter­médiaire de la division d'opposi­tion de maintenir le brevet européen n° 2 677 454 sous forme modifiée sur la base de la requête subsidiaire 2 en date du 11 avril 2018.

II. Les documents suivants sont pertinent pour la présente décision :

E1 : DE 19532640 A1,

E2 : DE 10040866 A1

E3 : DE102007032805 A1

III. La requérante (titulaire) a demandé que le brevet soit maintenu tel que délivré (requête principale) et à titre subsidiaire sous forme modifiée conformément à l'une de requêtes subsidiaires 1 à 10 déposées avec le mémoire de recours. Toutes ces requêtes sont identiques à celles soumises en première instance, à l'exception des requêtes auxiliaires 1 et 3.

La titulaire a également demandé que certains arguments et faits avancés par l'opposante ne soient pas admis sur la base de l'article 12(2) RPCR 2007.

Dans ses soumissions par écrit, la titulaire a égale­ment présenté des arguments quant à la nouveauté et l'activité inventive.

IV. La requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision et la révocation du brevet dans sa totalité.

L'opposante a aussi demandé que la requête principale ainsi que les requêtes subsidiaires 1 et 3 soient rejetées sur la base de l'article 12(2) RPCR 2007 car elles seraient insuffisamment motivées, ainsi que sur la base de l'article 12(4) RPCR 2007 quant aux requêtes subsidiaires 1 et 3 car elles auraient été soumises tardivement.

L'opposante a demandé par ailleurs que les requêtes subsidiaires 5 à 10 ne soient pas reçues sur la base de l'article 12(2) RPCR 2007 car elles sont insuffisamment motivées. A titre subsidiaire il est demandé de renvoyer l'affaire à la division d'opposition car ces requêtes n'ont pas été discutées devant cette dernière.

Dans ses soumissions par écrit, l'opposante a présenté des objections de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE) eu égard à toutes les requêtes, d'insuffisance de clarté et de complétude de l'exposé de l'invention (Article 100(b) CBE) et de manque de support par la description (Article 84 CBE) eu égard à la requête subsidiaire 1.

V. Dans sa convocation à une procédure orale, la Chambre a émis son avis provisoire sur l'affaire, à savoir que la requête principale et les requêtes subsidiaires 2, 4, 5 à 10 seraient recevables et que les requêtes 1 et 3 ne seraient pas recevable sur la base de l'article 12(2)(4) RPCR.

La Chambre a également considéré que seule la question de l'activité inventive serait à discuter et ce unique-ment eu égard à E2 seul ou en combinaison avec E1 parce que les arguments de l'oppo­sante quant à l'activité inventive à la procédure en première instance se sont fondés exclusivement sur les documents E2 et E1. Dès lors, toute nouvelle objection et tout nouvel argument ne reposant pas sur ces bases constitue également une modification selon l'article 12(4) RPCR 2007.

La Chambre a souligné que lors de la procédure orale il agira d'abord d'établir comment interpréter la reven­di­cation 1 notamment eu égard à E2, qui représente l'état technique le plus proche.

VI. La procédure orale a été tenue le 11 avril 2024 sous forme de visioconférence.

A la fin de la procédure orale, le Président a annoncé la décision de la Chambre.

VII. La revendication 1 de la requête principale se lit comme suit. Elle est libellée selon la pratique de la division d'opposition, l'opposante et la titulaire :

(M1) Procédé de fiabilisation de données dans un

calculateur (6),

(M1.1) le calculateur (6) étant propre à

(M1.1.1) fournir une donnée de sortie (Ds) à partir d'une donnée d'entrée (De), et

(M1.1.2) comportant au moins deux modules (12A, 12B) de traitement de données, et

(M1.1.3) un organe de calcul (14) relié à chaque module de traitement (12A, 12B),

(M1.2) le procédé comprenant une étape (64) de calcul, par chaque module de traitement (12A, 12B), d'une donnée intermédiaire (DIA, DIB ) à partir de la donnée d'entrée (De),

(M1.2.1) ledit calcul consistant en l'application d'une fonction de calcul (sigma) à la donnée d'entrée (De), la fonction de calcul (sigma) étant identique pour tous les modules de traitement (12A, 12B),

le procédé étant caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes :

(M1.3) le calcul (74), par chaque module de traitement (12A, 12B), d'un code de sécurité intermédiaire (CSIA , CSIB ) à partir de la donnée intermédiaire (DIA, DIB ) correspondante,

(M1.4) la transmission (76) à l'organe de calcul (14), par chaque module de traitement (12A, 12B), du code de sécurité intermédiaire (CSIA , CSIB ) et de la donnée intermédiaire (DIA, DIB ),

(M1.5) le calcul (78), par l'organe de calcul (14), d'un code de sécurité (Cs ) à partir des codes de sécurité intermédiaires (CSIA , CSIB ),

(M1.6) la sélection (80), par l'organe de calcul (14), d'une donnée intermédiaire parmi les données intermédiaires (DIA, DIB ) reçues,

(M1.6.1) la donnée de sortie (Ds) du calculateur (6) comprenant la donnée intermédiaire sélection­née, et

(M1.7) la transmission (82) à destination d'un dispositif de réception (8), par l'organe de calcul (14), du code de sécurité (Cs ) et de la donnée de sortie (Ds).

Motifs de la décision

1. Le contexte de l'invention

1.1 La demande s'adresse à la fiabilité des données dans un ordinateur, en particulier, dans un système de gestion ferroviaire. La norme européenne de sécurité ferroviaire EN 50 128 exige que les équipements de sécurité des trains soient conçus de manière à ce que la probabilité de défaillance sur demande soit comprise entre 10**(-9) et 10**(-7), voir [0005]. La probabilité d'une données de sortie erronée et indétectable par un tel ordinateur doit être réduite au maximum.

1.2 L'invention propose, voir les figures 1 et 2 et [0002], un calculateur de sécurité (2) qui comprend au moins deux modules de traitement 12A et 12B, qui calculent chacun une donnée intermédiaire correspondante (DIA, DIB) à partir de la même valeur d'entrée reçue De. Les modules de traitement échangent leurs données inter­médiaires (DIA, DIB) et calculent chacun, à partir de la valeur reçue, un code de sécurité intermédiaire (CSIA, CSIB). Chaque module transmet ensuite (DIA, CSIA) et (DIB, CSIB) à l'organe de calcul (14).

1.3 La demande, [0005], explique qu'un calculateur de sécurité était connu dans l'art. Selon [0006], le problème d'un tel calculateur était la défaillance possible des moyens d'arbitrage.

1.4 L'invention vise à remédier à ce problème par un procédé spécifique et la provision d'un organe de calcul (14). L'organe de calcul (14) calcule un code de sécurité (CS) à partir des valeurs reçues (CSIA, CSIB) et sélectionne une valeur intermédiaire De à partir des valeurs reçues (DIA, DIB). Il transmet le code de sécurité (CS) et une valeur de sortie (Ds), qui comprend la donnée intermédiaire, à un organe de réception (8) qui vérifie la cohérence entre les valeurs (CS) et (Ds). L'organe de calcul (14) met en ½uvre une sorte de vote majoritaire, voir [0070] et [0071], selon que les valeurs (DIA, DIB) sont cohérentes ou non.

2. Requête principale - Article 12(2) et (4) RPCR 2007

2.1 La procédure de recours est basée selon l'article 12(1) RPCR 2020 sur la décision attaquée, les procès-verbaux de toute procédure orale devant l'instan­ce qui a rendu cette décision, l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours déposés conformément à l'article 108 CBE, ainsi que, lorsqu'il y a plusieurs parties en présence, sur toute réponse écrite de l'autre ou des autres parties, réponse qui devra être produite dans un délai de quatre mois à compter de la signification des motifs du recours.

2.2 La réponse de l'opposante du 28 mai 2019 au mémoire de recours du titulaire, ainsi que la réponse du titulaire du 1 avril 2019 et du 19 septembre 2019 au mémoire de recours de l'opposante font de droit selon l'article 12(1)c) RPCR 2007 partie de la procédure de recours.

2.3 Les moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours doivent porter sur les requêtes, les faits, les objections, les arguments et les preuves sur les-quels la décision attaquée est fondée, selon l'article 12(2) RPCR 2007. Selon l'article 12(4) RPCR 2007, la recevabilité de tout élément des moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours qui ne satisfait pas aux exigences prévues par l'article 12(2) RPCR 2007 est laissée à l'appréciation de la chambre.

2.4 La décision attaquée est fondée sur l'actuelle requête principale et les requêtes subsidiaires 2 et 4. Les requêtes subsidiaires 1 et 3 ont été déposées pour la première fois avec le mémoire de recours. Les requêtes subsidiaires 5 à 10 correspondent aux requêtes 5 à 10 présentes en première instance, mais elles n'ont pas été discutées pendant la procédure d'opposition.

2.5 D'autre part, le mémoire de recours de l'opposante reprend les arguments de l'acte d'opposition qui a présentée exclusivement des arguments quant à la nouveauté. L'argumentation de l'opposante quant à l'activité inventive pendant la procédure orale devant la division d'opposition s'est fondée en outre exclusivement sur les documents E2 et E1. Dès lors, toute nouvelle objection et tout nouvel argument ne reposant pas sur ces bases constitue également une modification selon l'article 12(4) RPCR.

2.6 Il est à noter que la décision T 1488/08 citée par l'oppo­sante, ne s'applique pas au cas présent car aucun autre motif de recours que ceux indiqués dans le mémoire de recours du titulaire n'a pas été introduit par ultérieurement par ce dernier.

2.7 La Chambre considère donc que la requête principale est recevable sur la base de l'article 12(2)(4) RPCR. Pour les objections à considérer voir ci-dessous.

3. Requête principale - Article 100 a) CBE

3.1 En ce qui concerne l'objection de nouveauté en vue de E1, E2 ou E3, la Chambre estime que cette objection de l'opposante n'est pas suffisamment motivée sur la base de l'article 12(2) RPCR, ainsi que l'a considéré la titulaire, car le mémoire de re­cours de l'opposante reproduissait seulement les arguments de son mémoire d'opposition sans indiquer en quoi la décision de la division d'opposition quant à la nouveauté serait erronée.

3.2 En ce qui concerne l'objection d'un manque d'activité inventive, la Chambre estime que seule la combinaison de E2 avec E1, ce que l'opposante avait argumenté en première instance, ou E2 seul, ce que la division d'opposition avait argumenté, sont à prendre en compte. L'objection basée sur une combinaison de E2 avec E3, argumentée par l'opposante pour la première fois dans son mémoire de recours, constitue un nouveau fait selon l'article 12(4) RPCR 2007 qui n'est pas recevable, ainsi que l'a considéré la titulaire.

3.3 La division d'opposition a partagé l'opinion du titu-laire selon laquelle la revendication 1 est nouvelle en vue de E2 car son objet se distingue de E2 par les caractéristi­ques M1.2 et M1.3.

3.4 La division d'opposition a ensuite estimé, en suivant l'argumentation de l'opposante, que l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive (Article 56 CBE) eu égard à E2 seul. La Chambre ne partage pas l'avis que la revendication 1 se distingue de E2 par les caractéristiques M1.2 et M1.3. Figure 6 de E2 illustre au moins deux modules de traitement de données, dénommés Replica 1, Replica 2 et Replica 3, qui peuvent prendre la forme d'un ordinateur, voir colonne 1, lignes 21 à 24, et qui peuvent exécuter des opérations, voir points 1 et 2 de la liste dans la paragraphe [0003]. Chaque Replica calcule un code de sécurité intermédiaire ("Sicherheitsanhang" SA) par sa DIL ("Data Integrity Layer") et une donnée intermédiaire ("Nachricht"), voir paragraphe [0019]. Cependant le DIL de chaque Replica représente une couche logique et pas un "autre module", comme la division d'opposition l'avait considéré, voir point 3.2.3 de la décision contestée. Chaque Replica transmet son code de sécurité inter­médiaire et sa donnée inter-­médiaire à deux mécanismes de voting, voir Figure 7 ("Voting Nachricht" et "Voting SA") et colonne 4, lignes 37 à 49, qui calculent le code de sécurité (M1.2) et sélectionnent (M1.3) la donnée intermédiaire parmi les données intermédiaires. Cependant, ces mécanismes de voting se trouvent au niveau du DIL, voir colonne 2, lignes 62 à 66.

3.5 L'objet de la revendication 1 se distingue de E2 donc par "un organe de calcul" relié à chaque module de traitement (caractéristique M1.1.3) qui est dédié à exécuter les opérations M1.5 et M1.6. La revendication 1 est donc nouvelle en vue de E2.

3.6 La Chambre juge que l'organe de calcul est un module appart des au moins deux modules de traitement, ce qui fiabilise le procédé et le rend plus sûre. Le problème technique objectif est donc comme rendre le procédé de E2 plus efficace et sûre. La personne du métier va considérer un tel problème dans E2, voir colonne 1, lignes 1 à 17, dont le contexte des applications de sécurité est tout à fait comparable à celui de l'inven-tion.

3.7 L'opposante a argumenté que la personne du métier en vue de ce problème prévoyait de délocaliser le mecha-nisme de "voting" du DIL ("Data Integrity Layer") de la Replica 1, voir Figure 6, au niveau du DL ("Device Layer") qui se trouve au niveau d'un seul canal de communication.

3.8 La Chambre n'est pas convaincue par cet argument car le rôle du DL dans l'architecture à couches de E2 est principalement pour la supervision de l'échange de données sur différents moyens de communication, voir colonne 2, ligne 66, à colonne 3, ligne 4. L'intégrité des données est gérée au niveau du DIL, voir paragraphe [0019]. Ça va à l'encontre de l'enseignement de E2 de mettre la fonctionnalité du voting au niveau du DL.

3.9 La Chambre est en accord avec la titulaire que la personne du métier choisira plutôt la Replica la plus stable parmi les Replicas disponibles dans E2 pour y installer les deux mécanismes de voting. Dans cet optique, les mécanismes de voting se trouvent toujours au niveau du DIL de l'une de Replicas, alors au niveau de l'un des modules de traitement, ce qui ne correspond pas à la structure revendiquée par un organe de calcul appart.

3.10 La Chambre juge donc que la personne du métier n'aura pas d'incitation de modifier E2 selon la manière qui a été revendi­quée.

3.11 L'objet de la revendication 1 de la requête principale est donc inventif en vue de E2 seul.

3.12 L'opposante a ensuite argumenté que la personne du métier va consulter E1 qui est du même domaine tech-nique, voir colonne 1, lignes 30 et suite, en ce qui concerne des applications critiques pour la sécurité. La personne du métier déduit de E1 l'enseigne­ment technique sur la mise à disposition d'un organe de calcul VGL sous forme d'une entité appart. Figure 1 montre des modules de traitement R1 et R2, colonne 1, lignes 59 et suite, dont le rôle est de faire des calcules identiques et de les envoyer vers un seul canal de sortie UK. En prenant l'enseignement de E1, la personne du métier va prévoir un organe de calcul appart sous forme d'un module appart qui réalise les mécanismes de voting.

3.13 La Chambre est en accord avec la titulaire, qui a argumenté que Figure 1 de E1 illustre deux modules VGL pour chaque module de traitement R1 et R2 et ne pas un seul organe de calcul comme il est revendiqué. Le rôle de chaque module VGL est d'empêcher la sortie des données lorsqu'il détecte des données inégales dans les deux modules de traitement R1 et R2. Il joue donc un rôle différent car il ne sélectionné pas de donnée intermédiaire et il ne calcule pas de code de sécurité comme l'organe de calcul revendiqué. Les deux modules de E1 jouent chacun le même rôle. E1 n'enseigne pas de centraliser les fonctions dans un seul module VGL.

3.14 L'objet de la revendication 1 de la requête principale est donc inventif en vue de E2 en combinaison avec E1.

3.15 Étant donné qu'aucune autre objection en vue de la requête principale n'est à considérer, la Chambre a conclu que le motif d'opposition en vertu de l'article 100 a) CBE en combinaison avec l'article 56 CBE ne s'oppose pas au maintien du brevet tel qu'il a été délivré.

3.16 La Chambre a donc fait droit à la requête principale de la titulaire. Les autres requêtes ne pouvaient donc plus être prises en considération.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. Le brevet est maintenu tel que délivré.

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